2. La qualification par une instance nationale
Le
CNU
, instance nationale composée exclusivement
d'enseignants-chercheurs, élus à hauteur des deux tiers et
nommés par le ministre pour le dernier tiers,
est chargé
de
qualifier au vu de leurs titres et travaux les candidats
aux
fonctions de maîtres de conférences ou de professeurs.
Ces
candidats doivent préalablement remplir certaines conditions de
diplôme tel le doctorat pour les maîtres de conférences ou
l'habilitation à diriger des recherches pour les professeurs, ou
d'ancienneté selon le type de concours.
L'inscription sur une
liste de qualification est valable quatre ans.
Il convient pourtant de constater que cette instance nationale n'a pas
d'existence d'ensemble :
en fait le CNU n'existe pas, seules ses
sections ont une existence réelle.
Cette situation, si elle garantit
la qualité scientifique des choix, ne permet pas d'harmoniser les
politiques de recrutement qui demeurent propres à chaque section ;
elle contribue à entretenir les spécificités, voire les
querelles disciplinaires. Tout au plus, les sections se réunissent par
groupes lorsqu'elles font part au ministère des résultats de leur
travaux (c'est ainsi que les sections de sciences économiques et de
sciences de gestion constituent le second groupe du CNU).
Par ailleurs, le CNU a certainement été affaibli par les
incessants changements de sa composition, de son mode d'élection et
même de son appellation
38(
*
)
: les gouvernements de droite
privilégiant l'élection au scrutin majoritaire et le vote pour
des personnalités, les gouvernements de gauche, l'élection au
scrutin proportionnel et le vote pour des listes ; même la
désignation par tirage au sort fut pratiquée en 1982 !
Quelle composition pour les sections du CNU ?
Les
universitaires ayant répondu à l'enquête sont assez
critiques sur la composition actuelle des sections du Conseil national pour les
universités, puisque, si 55 % d'entre eux s'en disent satisfaits, il
convient de noter la part importante des mécontents, car, dans ce type
de question, les « sans réponse » (près de 12
% pour cette question) peuvent être considérés comme ne
s'étant pas prononcés favorablement.
Le taux de non-réponse est également important s'agissant de
propositions visant à améliorer la composition des sections du
CNU, aux alentours de 20 % en moyenne. Il convient d'y voir, avant tout, selon
votre rapporteur, une relative méconnaissance par les
enseignants-chercheurs des modalités d'organisation du système
universitaire. 37 % des sondés, mais 52 % des professeurs,
souhaiteraient qu'il y ait davantage d'universitaires étrangers au sein
des sections du CNU. Généralement, ils sont plutôt
favorables au
statu quo
- 43 % souhaiteraient autant de membres
élus, et un peu plus de 37 % autant de membres nommés -, ce qui
peut paraître paradoxal par rapport au mécontentement qu'ils ont
exprimé sur la composition actuelle de ces sections, même si on
peut constater qu'ils sont hostiles à la diminution du nombre de membres
élus (moins de 9 % y sont favorables) et à l'augmentation du
nombre de membres nommés (à peine 8 % y sont favorables). En tout
état de cause, aucune « solution » ne semble
s'imposer avec évidence sur ce point, ni aucun consensus se dessiner.
Certains s'interrogent sur la possibilité d'instituer une
présidence et un bureau pour le CNU, qui permettraient de coiffer
l'ensemble des sections, mais aussi de donner plus de visibilité et de
poids au CNU. Celui-ci deviendrait ainsi plus facilement un interlocuteur
identifié du ministère pour les grandes orientations de la
politique de recrutement et de l'emploi scientifique. Votre rapporteur n'y est
guère favorable car l'interlocuteur privilégié du
ministère doit rester la conférence des présidents
d'université et son premier vice-président. En revanche, le
ministère aurait tout intérêt à consulter plus
fréquemment l'ensemble des présidents de section qui ont une
vision très claire des problèmes et de l'état de leur
discipline.
La qualification n'est ni un examen, ni un concours, ni même une liste
d'aptitude (même si est établie une liste de qualification).
C'est, comme le dit très justement un internaute cité
ci-après
un filtre
. Parmi tous les candidats potentiels qui
possèdent les titres universitaires et remplissent les conditions
fixés par les textes en vigueur,
seuls les qualifiés par le
CNU auront le droit de se présenter à un concours local de
recrutement
au vu d'un examen global de leurs titres et travaux. Cette
solution n'est pas dépourvue d'ambiguïté : beaucoup de
docteurs ne comprennent pas qu'une thèse soutenue
summa cum laude
ne leur donne pas automatiquement le droit de se présenter à
un concours local de recrutement de maîtres de conférences ;
et beaucoup de qualifiés ne comprennent pas que cette reconnaissance ne
leur confère pas automatiquement le droit à un poste.
De plus, chaque section du CNU a sa propre politique de qualification
,
de telle sorte que les critères sont extrêmement variables d'une
section à l'autre. Si ce phénomène est largement
inévitable, et d'ailleurs non condamnable en soi du fait de
problématiques différentes en fonction des sections,
l'absence
de transparence sur les exigences requises
est, elle, très
critiquable, puisque les candidats se trouvent devant une situation qu'ils ne
connaissent pas et qui peut changer à tout moment sans raison apparente.
Or, il arrive que des sections du CNU entretiennent cette instabilité
des règles
, par exemple, en refusant de publier les critères
de qualification des candidats qu'elles privilégient.
Beaucoup
d'entre elles, qui plus est, ne communiquent pas aux candidats les raisons pour
lesquelles elles ne les ont pas qualifiés.
Deux
messages d'internautes : des interrogations sur les critères
de qualification par les sections du CNU
1)
«
La qualification par le CNU a théoriquement un rôle
de filtre : elle est censée écarter les candidats
médiocres des concours locaux, évitant ainsi le recrutement
d'éléments trop mauvais au niveau local à la suite
d'ententes entre personnes.
Soit. Il est tout de même dommage que le fait d'avoir soutenu une
thèse ne soit pas suffisant pour prouver ses qualifications. L'existence
même de cette procédure semble montrer qu'on ne peut pas faire
confiance à l'institution universitaire pour délivrer un
diplôme (la thèse) qui ait un sens réel... Ou alors qu'on
ne peut pas faire confiance aux commissions de spécialistes pour
effectuer un recrutement sain ? Il est tout de même dommage que, pour
effectuer ce tri, un groupe d'enseignants-chercheurs passent un bon mois
à temps plein ou presque à lire les dossiers de
qualification...
».
2) «
ATER dans une université, j'ai soutenu, l'année
dernière, ma thèse qui a obtenu la mention la plus
élevée et qui a été primée. De plus, elle
est référencée dans nombreux ouvrages. J'ai publié
un certain nombre d'articles, et largement satisfait à mes obligations
universitaires. Je suis, par ailleurs, membre actif d'un conseil de
laboratoire. Cependant, je n'ai pas été qualifié par le
CNU, pour des raisons qui me sont inconnues dans la mesure où les
rapporteurs n'ont pas rédigé leur rapport.
[...] »
De plus, les présidents de sections du CNU (et également ceux des
sections du comité national du CNRS) ont été
quasi-unanimes pour indiquer à votre rapporteur que le niveau des
candidats à la qualification était généralement
très bon et avait même tendance à s'améliorer.
D'où le dilemme: faut-il ajuster, et dans quelle proportion, le
nombre de qualifiés au nombre de postes vacants ? Faut-il au
contraire qualifier en fonction d'un niveau jugé souhaitable, sans tenir
compte des perspectives réelles d'emploi ?