CHAPITRE DEUX
L'OPACITÉ DES
PROCÉDURES DE RECRUTEMENT
Si les
universitaires et les chercheurs sont des fonctionnaires de l'Etat,
leur
statut comporte d'importantes spécificités dont certaines
apparaissent comme dérogatoires au droit commun de la fonction publique.
Tel est le cas notamment en matière de recrutement. Certes, le principe
de recrutement par concours est maintenu mais il s'apparente, par ses
modalités, à une cooptation et repose sur le choix des pairs.
Le
Petit Robert
définit la cooptation comme la
« nomination d'un membre nouveau dans une assemblée, par
les membres qui en font déjà partie
», mais
rappelle aussi que le terme a longtemps signifié
«
admission par exception, par privilège
».
Cette exception est logique.
La compétence d'un futur
universitaire ou d'un futur chercheur ne peut être
appréciée que par des spécialistes de haut niveau de la
même discipline. Il ne s'agit pas là d'un privilège, mais
d'une nécessité reconnue universellement. Le mode de
contrôle de la compétence d'un candidat s'effectue en effet dans
tous les cas de figure à travers ses titres et travaux, même si
d'autres formes d'appréciation de ses qualités, sur
épreuves écrites ou orales, sont organisées.
De même, le grade de docteur constitue une exigence internationale pour
candidater à un premier emploi permanent dans l'université et la
réforme du Doctorat d'Etat menée à la fin des
années 1980 a eu pour objectif d'aligner la thèse
française sur un standard international. En aucun cas, votre rapporteur
ne saurait remettre en cause ces principes, qui fondent la liberté
académique dont jouissent universitaires et chercheurs et
l'indépendance des professeurs d'université, principe fondamental
reconnu par les lois de la République, comme l'a affirmé le
Conseil constitutionnel en 1984
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*
)
.
Le privilège est ailleurs :
alors que dans la plupart des
pays, l'intégration définitive dans le corps professoral
(l'obtention de la
tenure
) exige le franchissement de plusieurs
étapes intermédiaires (« post-doc »,
assistant professor
,
associate professor
...),
l'universitaire
ou le chercheur français sont comme tous les autres fonctionnaires
titulaires à vie dès leur première nomination. Toute
erreur de recrutement est de ce fait définitive.
De plus, la durée de préparation d'une candidature à un
emploi de chercheur ou d'enseignant chercheur est fort longue puisqu'elle
correspond au minimum à un niveau bac + 11ans, compte tenu d'une
préparation de la thèse en 4 à 5 ans et à un
âge proche de la trentaine et suppose donc un coût initial de
formation élevé, partagé entre l'Etat et le candidat.
Ces deux considérations expliquent l'intérêt que votre
rapporteur porte à l'évaluation des procédures de
recrutement.
Or, c'est un fait que le recrutement des enseignants-chercheurs
et des chercheurs se déroule dans des conditions qui manquent
indéniablement de transparence, et qui, de ce fait, sont propices au
découragement de nombre de candidats, à l'expression d'un malaise
manifeste et à la propagation de préjugés négatifs,
voire de rumeurs, sur l'objectivité des instances de recrutement.
Les plus indulgents s'accordent en tout cas à dénoncer
l'illisibilité et l'instabilité chronique d'un système de
recrutement qui, de toute façon, ne peut correctement fonctionner que
s'il repose sur un « vivier » de candidats potentiels de
qualité.