3. Des emplois mal répartis : les limites du modèle San Remo
Le modèle SAN REMO permet de définir les besoins théoriques en emploi - et en crédits de fonctionnement - entre établissements. Ces besoins théoriques sont comparés à la réalité du potentiel de l'établissement. Sur cette base, les moyens budgétaires supplémentaires obtenus en loi de finances sont affectés prioritairement aux établissements les plus mal dotés.
Le calcul du besoin enseignant
Un
coût horaire par étudiant (H/E) a été
déterminé pour une quarantaine de familles de formations, en
fonction notamment du volume de préparation des diplômes et de la
répartition de ce volume entre cours magistraux, travaux dirigés
et travaux pratiques.
En multipliant le nombre d'étudiants inscrits dans chaque famille de
formations par le H/E de référence, on obtient la charge
théorique d'enseignement qui est comparée au potentiel enseignant
dont dispose l'établissement.
Le ministère a précisé à votre rapporteur que,
«
si le modèle présente l'avantage incontestable
d'assurer une comparaison entre établissements selon les mêmes
critères et de servir de base à la répartition des moyens,
il n'en demeure pas moins, comme tout système normé, qu'il
génère des effets qui ne vont pas forcément dans le sens
d'une amélioration de la situation des établissements
réellement sous-dotés
».
C'est pourquoi des éléments d'ordre qualitatif sont pris en
compte : «
il s'agit notamment des priorités et des
engagements figurant dans les contrats d'établissement, qui expriment
les besoins des établissements, au regard des projets
pédagogiques qu'ils ont conçus
».
La Cour des comptes, sur ce point également, se montre relativement
sévère. Elle regrette notamment que cette méthode de
répartition des emplois «
se réduit à une
répartition des moyens entre établissements qui ne tient pas
compte des enjeux à l'échelle des régions et des bassins
de formation
». De surcroît, « les taux
d'encadrement pédagogique sont très
hétérogènes, entre catégories
d'établissement et au sein d'une même
catégorie ». Or, «
ces disparités doivent
être d'autant plus relevées que l'enseignement supérieur a
bénéficié, en une décennie, de créations
massives d'emplois budgétaires qui auraient dû permettre de les
réduire
».
La Cour des comptes adresse plusieurs critiques à SAN REMO :
- ce modèle est particulièrement complexe ;
- il a connu de très nombreuses évolutions, qui rendent
délicate toute tentative d'évaluation des effets à long
terme ;
- la fiabilité de ses résultats est sujette à
caution : d'une part, «
le calcul de la dotation
théorique des moyens d'enseignement dont l'établissement devrait
être dote
[...]
ne se fonde pas sur une projection de ses
effectifs à la rentrée suivante mais sur des effectifs
constatés deux années avant cette échéance.
Dès lors, la baisse des effectifs d'étudiants, constatée
depuis 1996, n'est pas prise en compte dans la réalité de son
impact sur les besoins d'enseignement. En revanche, le calcul du potentiel
supplémentaire d'emplois d'enseignants pour l'année universitaire
en préparation se trouve de fait surestimé
» ;
d'autre part, «
le recensement des étudiants pris en compte
n'est pas exempt d'incertitudes, toutes les inscriptions principales
étant dénombrées, y compris des inscriptions de pure
forme
» : ce phénomène «
vient
dans ce cas alourdir fictivement les effectifs d'étudiants et, de ce
fait, accroître artificiellement les besoins en
enseignants
» ;
- ses résultats sont appliqués de façon aléatoire
par le ministère, d'autant plus que «
les corrections qui
sont apportées par la répartition des emplois sont
limitées par le fait que seuls les moyens supplémentaires font
l'objet d'une répartition
», si bien qu'
«
aucun redéploiement d'emploi d'enseignants-chercheurs n'a
été opéré, depuis 1992, entre
établissements
» ; la Cour stigmatise ainsi
«
cette absence de volontarisme, liée aux fortes
réticences des établissements les plus dotés à se
voir retirer des emplois
[qui]
limite de fait la portée de cette
procédure
».
D'une manière générale, la gestion des emplois
souffrait donc, dans l'enseignement supérieur, d'une insuffisance
d'informations statistiques, du reste commune à l'ensemble du secteur
public
32(
*
)
. Cette situation
entraîne des conséquences d'autant plus graves sur la gestion
prévisionnelle des effectifs que ces personnels vont connaître au
cours des prochaines années de profondes évolutions
démographiques.