2. Des décisions trop tardives
La mauvaise appréciation initiale de la réalité des risques encourus, à la source du retard dans la communication, s'est également traduite par quelques délais dans la mise en place du dispositif de crise.
a) Une mise en place laborieuse
Votre rapporteur a déjà exposé que le département de la Somme n'était pas doté d'un service d'annonce des crues.
M. Michel Sappin, directeur de la défense et de la sécurité civiles au ministère de l'Intérieur a, pour sa part, précisé que son service n'avait pas reçu de bulletin régional d'alerte météorologique (BRAM), destiné à annoncer un phénomène météorologique d'une certaine violence (pluie torrentielle, par exemple).
On observera cependant que, faute de système d'annonce des crues dans le département, les BRAM sont, en principe, transmis au centre interrégional de coordination de la sécurité civile (CIRCOSC) compétent.
Or, la zone de défense de Lille, dont relève la Somme, ne dispose toujours pas de CIRCOSC.
M. Michel Sappin, a indiqué à la commission d'enquête que le centre opérationnel d'incendie et de secours (CODIS) de la zone de défense jouait un rôle similaire à celui du CIRCOSC, lorsque ce dernier faisait défaut, « sans en avoir l'ensemble des moyens et des prérogatives », puisqu'il était dépourvu d'état-major et d'officiers .
Il a aussi reconnu que « dans l'affaire de la Somme, l'échelon zonal avait été particulièrement absent ».
M. Michel Sappin, a souligné également que l'attention de sa direction avait été plus soutenue « à partir du 20 mars lorsque nous avons préparé les premières évacuations, puis surtout le 23 mars, lorsque nous avons appris que le SDIS et le préfet de la Somme commençaient les évacuations dans plusieurs communes du département ».
Jusqu'au 23 mars en effet, les débordements, encore localisés, donnent lieu à des interventions ponctuelles des sapeurs-pompiers (20 heures par jour pour l'ensemble du département).
M. Claude Lefrou enregistre la mise en place d'un dispositif de crise à partir du 23 mars avec des évacuations dans trois communes et la constatation d'une montée des eaux dans 45 communes.
C'est en effet le 23 mars que M. Georges Asnar, directeur du service interministériel régional des affaires de défense et de protection civile (SIRACED - PC) décide d'activer une cellule de veille dans son service, qui basculera en cellule préfectorale de crise le 3 avril au moment où le phénomène des inondations se généralise.
Le préfet sollicite officieusement le 30 mars une intervention de l'armée, qui sera effective le 3 avril, lendemain de sa demande formelle.
Le dispositif de gendarmerie est renforcé à partir du 4 avril et plusieurs sections des unités militaires de sécurité civile interviennent à partir du 9 avril. Une mission d'appui de sécurité civile (MASC) comportant des spécialistes du risque inondation, est diligentée le 10 avril.
La cellule interministérielle animée par le sous-préfet Jean-Yves Moracchini n'a été mise en place que le 27 avril. Le Général Gaubert, chef d'état-major de la zone de défense de Lille, a indiqué à une délégation de la commission d'enquête avoir formellement proposé la création de cette cellule dès le 21 avril, ajoutant que sa suggestion aurait probablement été formulée huit jours plus tôt, s'il n'avait eu à gérer, à ce moment, la crise de Vimy 67 ( * ) . Le Général Gaubert estime donc que la cellule interministérielle aurait dû être créée dès le 13 avril, et non le 27 .
* 67 Un rapport d'expertise a révélé que des stocks d'obus chimiques datant de la première guerre mondiale, et entreposés à Vimy (Pas-de-Calais) étaient dans un « état de dégradation extrême » et constaté le « danger d'une explosion imminente ». Cette situation a entraîné l'évacuation de 12.500 personnes pendant les opérations de transfert de ces munitions.