B. LA QUESTION DU FONCTIONNEMENT DES « SATELLITES » DE LA MILDT
La MILDT travaille en collaboration avec des partenaires qui lui apportent des compétences spécifiques en matière de production d'informations et de connaissances dans le domaine des conduites addictives. Ces partenaires sont, pour l'essentiel, le Comité français d'éducation pour la santé (CFES), Drogues Info Service, l'OFDT, et Toxibase. Chaque partenaire est en partie financé par l'Etat mais la MILDT assure l'essentiel du financement des groupements d'intérêt public que sont l'OFDT et Drogues Info Service. La question se pose donc de savoir si la MILDT pratique une réelle évaluation des actions menées par ces nombreux « satellites » qui gravitent autour d'elle. En effet si la MILDT est le principal financeur de ces organismes, elle n'assure en aucun cas leur tutelle et ne se prononce pas sur l'opportunité des actions qu'ils mènent.
Par exemple, Toxibase est une association loi 1901 financée par la MILDT. Depuis 1986, Toxibase gère un réseau de neuf centres d'information et de documentation répartis sur toute la France, implantés dans des centres de soins, de prévention et d'insertion. Votre rapporteur spécial s'interroge sur l'effectivité du contrôle que la MILDT exerce sur ces centres d'information et notamment sur leur fonctionnement interne, sur leur gestion, sur le personnel employé, sur les ressources disponibles dans ces centres, enfin sur leur capacité à répondre aux attentes du public. Il s'interroge également sur l'articulation entre ces centres d'information gérés par Toxibase et les 21 centres d'information et de ressources sur les drogues et les dépendances créés par la MILDT dans les départements ou les régions.
De même quel réel contrôle la MILDT exerce-t-elle sur le fonctionnement de l'OFDT , groupement d'intérêt public qu'elle finance ?
L'OFDT dispose d'un collège scientifique indépendant qui décide des études à entreprendre, tandis que la MILDT, qui possède son propre conseil scientifique, composé d'experts différents de ceux qui siègent à l'OFDT, se contente de coordonner son propre programme de recherche (mis en oeuvre dans le cadre d'une convention pluriannuelle avec l'INSERM) avec celui décidé par l'OFDT. Votre rapporteur s'étonne de cette bizarrerie qui veut que la MILDT subventionne presque intégralement cet organisme sans avoir de véritable influence sur son fonctionnement ou sur ces décisions d'investissement puisque la MILDT n'a aucun représentant à l'OFDT.
Depuis 1996, l'OFDT finance chaque année un certain nombre d'études dont les sujets sont parfois redondants d'une année sur l'autre et dont l'utilité méthodologique n'est pas toujours évidente.
Par l'OFDT a financé en 1996 une étude intitulée « Estimation locale de la prévalence des toxicomanies ». En 1997, l'année suivante, l'OFDT finance à nouveau une étude menée par la même équipe intitulée « Estimations locales de la prévalence de l'usage d'opiacés en France ». On peut s'interroger sur l'utilité de telles études et surtout sur leur exploitation par l'OFDT. Il est également légitime de se demander pourquoi la MILDT n'exerce aucun droit de regard sur le choix et le financement de ces études.
Le 7 juillet 1999, soit un an après la publication du rapport particulier de la Cour des comptes, le Conseil économique et social a émis un avis, à nouveau très critique, sur la politique de lutte contre la toxicomanie menée par l'Etat. Dans cet avis, le CES préconisait notamment de renforcer le rôle de l'OFDT et soulignait, en particulier, que le dispositif d'enquêtes, d'études et de recherche, pour être efficace, doit être planifié sur plusieurs années et pérennisé. En outre, selon le CES, ces travaux doivent être menés en concertation avec les autres pays de l'Union européenne et répondre autant que possible à des standards communs. Il ne semble pas que la MILDT se soit engagée dans cette voie.
Enfin, le service d'accueil téléphonique Drogues Info Service présente également des insuffisances mises en évidence par la Cour des comptes dans son rapport de 1998 ainsi que par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) dans un rapport de 1998 très sévère à l'encontre de l'ensemble de la téléphonie sociale. Ces deux rapports soulignaient la difficulté d'accessibilité de ce service pour les appelants et le faible rapport des appels traités aux demandes d'appels. Ainsi en 1998, sur plus de 600.000 appels, seuls 161.000 avaient été effectivement traités et il avait été effectivement répondu à 45.000 personnes (il a pu y avoir plusieurs appels par personne et surtout une même personne peut s'entretenir avec des interlocuteurs différents, chaque interlocuteur étant considéré comme traitant un appel à part entière). La Cour des comptes soulignait d'ailleurs à juste titre que « cette situation engendre des coûts inutiles puisque les appels arrivant au standard du service mais non traités sont dûment facturés ».
Le nombre d'appels traités par le service dépend de plusieurs facteurs, dont le nombre d'appels reçus, la répartition des plannings d'activité et leur adéquation aux flux d'appels, l'organisation de l'acheminement des appels entre les différents pôles, la qualité de la prise d'appels et, plus globalement, la mobilisation des équipes et des personnes qui reçoivent les appels, la proportion d'appels périphériques et sans objet, les objectifs du service en matière d'accessibilité. Même si le service a, depuis 1998, procédé à des aménagements destinés à améliorer son accessibilité, le problème de l'efficacité de ce service d'accueil téléphonique et surtout celui de son évaluation par la MILDT reste entier.
En outre se pose la délicate question de l'élargissement des compétences de Drogues info service aux problèmes liés à la consommation d'alcool et de tabac, élargissement encore inconcevable l'année dernière pour les responsables de la MILDT auditionnés à ce sujet par votre rapporteur, en raison de l'existence d'autres services d'accueil téléphonique concurrents, alors même que les missions de la MILDT avaient été élargies en 1999 à l'ensemble des pratiques addictives.
A la fin de l'année 2001 6 ( * ) cependant, cet élargissement a été décidé. Le serveur d'accueil téléphonique se nomme désormais Drogues Alcool Tabac Info Service. Mais la subvention allouée par la MILDT à ce GIP n'en a pas pour autant été abondée en 2001 et le serveur téléphonique mis en place par la Caisse nationale d'assurance maladie pour répondre aux questions relatives à la dépendance tabagique continue d'exister. Se pose donc la question de l'articulation des actions menées par les organismes de sécurité sociale d'une part et celles menées par les organismes financés par la MILDT d'autre part dans le domaine de la prévention des comportements addictifs. La campagne menée à l'automne 2001 sur la consommation d'alcool en France, par la Caisse nationale d'assurance maladie et le CFES, illustre bien l'absence de coordination des actions. Plus globalement, votre rapporteur spécial s'interroge sur la rationalité de l'organisation du dispositif de lutte contre la drogue et la toxicomanie en France.
* 6 Le changement de nom et de numéro d'appel du service a été décidé par l'assemblée générale du GIP le 29 novembre 2000.