LES SEIZE
PROPOSITIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
Crédits des Services généraux du Premier ministre (SGPM)
1. Prévoir la prise en charge du loyer et des frais de téléphone de la MILDT par le budget des SGPM afin de rendre plus clair le partage des financements entre SGPM et Santé
Fonds de concours saisies des douanes
2. Mieux informer les responsables des greffes et des services des domaines sur l'existence du fonds de concours
3. Mettre au point une procédure administrative et comptable d'identification des biens et sommes concernés par le fonds de concours
4. Mettre fin au conflit juridique entre saisies pénales et saisies douanières en matière de lutte contre les stupéfiants
Dépenses de personnel
5. Clarifier la position du délégué au sein de l'organigramme de la MILDT
6. Opérer les transferts d'emplois budgétaires prévus pour mettre fin aux mises à disposition systématiques
Dépenses d'intervention propres à la MILDT
7. Améliorer l'évaluation du pilotage des projets locaux
8. Améliorer la connaissance de tous les flux de financement des conventions départementales d'objectifs
9. Permettre aux chefs de projets départementaux de gérer les crédits destinés aux centres d'information et de ressources
10. Permettre une plus grande implication de la MILDT dans le contrôle et l'évaluation des actions menées par les partenaires qu'elle subventionne directement (OFDT, DATIS, Toxibase, CFES)
Crédits interministériels
11. Achever de mettre fin au financement d'actions récurrentes ou de dépenses de fonctionnement
12. Établir un modèle uniformisé de fiche de prise en considération des projets à financer
13. Établir un modèle uniformisé de compte-rendu d'utilisation des crédits, indiquant notamment les délais de consommation de ceux-ci
Dépenses d'intervention propres à la MILDT
14. Rendre plus transparente la procédure d'attribution des subventions aux associations
Articulation des organismes
15. Assurer une meilleure articulation des actions de prévention de la MILDT d'une part et des organismes de sécurité sociale d'autre part
16. Organiser une plus grande articulation entre les actions menées par les différents partenaires de la MILDT (associations et groupements d'intérêt public)
EXAMEN EN COMMISSION
La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Roland du Luart, sur la mission de contrôle qu'il a effectuée sur la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie .
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué qu'il avait mené cette mission avant de céder son rapport spécial sur les crédits des services généraux du Premier ministre et a salué son successeur M. François Marc.
Il a expliqué qu'à l'invitation du président Alain Lambert, qui incite chaque année à mettre l'accent sur la mission de contrôle de l'exécutif, il avait mené un contrôle budgétaire des crédits de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT) qui a donné lieu à six auditions et deux déplacements au siège de la MILDT.
Il a précisé, en introduction, que son contrôle n'avait pas porté sur le débat relatif à la dépénalisation des drogues dites « douces » et qu'il s'était évertué à rester dans son rôle de rapporteur de crédits afin d'en apprécier l'utilisation et la gestion.
Il a rappelé que la MILDT avait été créée en 1996 sous l'autorité du Premier ministre avec pour mission de coordonner l'action publique en matière de lutte contre la drogue, bénéficiant de crédits du budget de la santé et des SGPM.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a ensuite exposé l'histoire mouvementée de la lutte contre la drogue en France : depuis 1982, cinq structures différentes en charge de cette politique, avec à leur tête douze dirigeants, se sont succédé pour appliquer sept programmes. Il a estimé qu'en moins de vingt ans cette instabilité avait nui à la cohérence de cette politique.
Il a rappelé qu'un rapport particulier de la Cour des comptes de 1998 avait sérieusement critiqué le dispositif français de lutte contre la drogue et que la lecture de ce rapport l'avait incité à s'enquérir des suites données aux préconisations de la Cour, et des dysfonctionnements qui pouvaient encore demeurer.
Il a ensuite développé ses principales constatations. Tout d'abord, il a insisté sur les dysfonctionnements du fonds de concours créé en 1993 afin de recueillir les produits de la cession des biens confisqués aux trafiquants de stupéfiants : en échange de la création de ce fonds, les crédits de la MILDT ont été amputés de 30 millions de francs alors que ce fonds ne lui aura jamais rapporté plus de 500.000 francs par an en raison de dysfonctionnements administratifs et juridiques variés.
S'agissant des dépenses de fonctionnement de la MILDT, le rapporteur spécial s'est réjoui que la fonction de président de la mission soit désormais occupée de façon pérenne et à plein temps, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Il a insisté sur la dyarchie à la tête de la MILDT, la présidente étant secondée par un délégué également nommé à plein temps. Il a relevé que les incompatibilités d'humeur et d'opinions politiques divergentes entre la présidente et le délégué s'étaient traduites par une mise à l'écart du délégué, coûteuse en termes financiers -il est rémunéré à plein temps- et d'efficacité pour la MILDT. Il a estimé par ailleurs que les mises à disposition systématiques de personnels par d'autres ministères à la MILDT n'étaient pas satisfaisantes et souhaité que des emplois budgétaires soient transférés à la mission rapidement.
Quant aux dépenses d'intervention, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a exposé les faiblesses de la MILDT en matière de contrôle et d'évaluation de ses actions déconcentrées au niveau départemental et des actions mises en oeuvre par les organismes qu'elle subventionne. Il a dit sa surprise d'avoir appris que la MILDT finançait par exemple l'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et « drogue info service », organisme national d'accueil téléphonique, sans exercer de contrôle direct sur ces groupements ni pouvoir se prononcer sur l'opportunité de leurs actions ou de la qualité de leurs prestations auprès du public. Il a dénoncé la persistance d'incohérences dans la mise en oeuvre de la politique de lutte contre la drogue en France malgré les efforts de rationalisation entrepris depuis trois ans. Il s'est étonné de l'absence d'articulation entre les actions menées par les organismes et la sécurité sociale et les organismes financés par la MILDT ou encore entre les actions menées à l'échelle nationale par la MILDT et celles menées localement par les chefs de projets départementaux. Il a relevé, par exemple, l'existence de deux numéros verts pour informer le public sur les méfaits de la drogue, l'un financé par la MILDT, l'autre par l'assurance maladie.
Enfin, s'agissant des crédits interministériels répartis par la MILDT aux différents ministères afin, théoriquement, de financer des actions innovantes, il a eu le regret de constater que les recommandations de la Cour des comptes n'avaient été qu'imparfaitement suivies d'effet puisqu'en 2001 la moitié des crédits finançait encore des mesures récurrentes ou le fonctionnement courant des ministères. Il a cité l'exemple du financement sur crédits interministériels des cotisations annuelles obligatoires de la France auprès d'organismes internationaux et s'est interrogé sur le caractère innovant et non récurrent de cette action.
M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a ensuite énuméré plusieurs propositions :
- s'agissant du fonds de concours : mieux informer les responsables des greffes et des services des domaines sur l'existence du fonds de concours ; mettre au point une procédure administrative et comptable d'identification des biens et sommes concernés par le fonds de concours ; mettre fin au conflit juridique entre saisies pénales et saisies douanières en matière de lutte contre les stupéfiants ;
- s'agissant des dépenses de fonctionnement : clarifier la position du poste de délégué ; poursuivre le mouvement de transferts d'emplois budgétaires à la MILDT ; régler la question de ses locaux.
- s'agissant des crédits interministériels : achever de mettre fin au financement d'actions récurrentes ou de dépenses de fonctionnement ; établir un modèle uniformisé de fiche de prise en considération des projets à financer ; établir un modèle uniformisé de compte-rendu d'utilisation des crédits, indiquant notamment les délais de consommation de ceux-ci ;
- s'agissant des crédits délégués par la MILDT au plan local : améliorer la connaissance de la MILDT sur les autres financements des conventions départementales d'objectifs ; permettre aux chefs de projets départementaux de gérer les crédits destinés aux centres d'information et de ressources.
En conclusion, il a estimé qu'il existait un décalage trop important entre les faits et les discours, entre ce à quoi servent les 300 millions de francs dont dispose la MILDT et la courbe des victimes du fléau de la drogue. Il a considéré que la lutte contre la drogue et les drames dont elle est à l'origine n'a pas nécessairement besoin de plus d'argent mais qu'elle a certainement besoin de davantage de bon sens, de pragmatisme, d'imagination, de beaucoup moins de réflexes administratifs et de propos idéologiques qui ne résolvent pas la détresse des victimes.
M. Jacques Oudin, vice-président, a ensuite donné la parole à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui a souhaité féliciter M. Roland du Luart, rapporteur spécial, pour ce rapport particulièrement bienvenu dans le contexte actuel de recrudescence de la production et de la consommation illégales de stupéfiants. Il a également estimé que ces phénomènes étaient le résultat d'une chaîne mondiale dont les effets pervers étaient ressentis jusque dans les communes et les établissements scolaires. A propos de la MILDT, M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est inquiété d'une tendance à substituer, sur le terrain, une approche idéologique au simple bon sens et à considérer l'usage des drogues douces comme en dehors de son champ d'intervention.
En réponse à M. Philippe Marini, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a rappelé qu'au cours de ses auditions et déplacements, il avait pu constater que la MILDT privilégiait désormais davantage la lutte contre la consommation de tabac et d'alcool alors même que les phénomènes actuels de polyconsommation (consommation simultanée d'alcool et de drogues illicites) touchaient particulièrement les jeunes dans les milieux festifs et avaient de graves conséquences en termes d'accidents de la circulation. Il a par ailleurs ajouté que l'action de la MILDT était beaucoup plus centrée sur des actions de prévention et d'information que sur des actions répressives. Enfin, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a souhaité rendre hommage au travail entrepris depuis 1998 par Mme Nicole Maestracci à la présidence de la MILDT, dont il a reconnu les qualités d'organisation. Il a cependant émis de réelles réserves quant à la capacité d'évaluation des actions déconcentrées de la MILDT au niveau départemental ainsi qu'au discours permissif actuel à l'égard des drogues douces.
M. François Trucy a interrogé le rapporteur spécial sur deux points : d'abord sur la réalité de la coordination des services de l'Etat s'agissant de la lutte contre la drogue, ensuite sur les données statistiques aujourd'hui disponibles en matière de consommation de drogues.
M. Maurice Blin est intervenu pour rappeler que si le tabac et l'alcool étaient deux produits licites et par conséquent « visibles », il n'en était pas de même pour les drogues dites illicites d'où la difficulté pour la MILDT d'agir sur cette consommation. En outre, il a souligné à quel point aujourd'hui la consommation de drogues en occident, notamment chez les jeunes, était devenu un phénomène culturel et était facilitée par la mondialisation.
M. François Marc a souhaité interroger le rapporteur sur les difficultés institutionnelles liées à la dyarchie constatée par lui à la tête de la MIDLT.
Enfin, M. Jacques Oudin, vice-président, a constaté que depuis la publication du rapport de la Cour des comptes en 1998, les avancées en matière de politique de lutte contre la drogue n'étaient pas très positives. Il a également exprimé le souhait que, dans le cadre de l'application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, des critères d'efficacité d'action des organismes publics soient définis.
En réponse à ses interventions, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a tout d'abord rappelé qu'en 2001 un jeune sur quatre en France a été touché par la drogue. Il a également précisé que les actions de la MILDT consistaient principalement dans des actions de prévention et d'information et non dans des actions de répression.
S'agissant des différents circuits de la drogue, il a insisté sur la nécessité de privilégier la lutte contre les trafics. Ainsi, il a précisé que la production de cocaïne en Amérique du sud était de l'ordre de 700 tonnes par an, dont 400 tonnes étaient destinées à la consommation des États-Unis et 300 tonnes à la consommation de l'Europe.
Il s'est également inquiété de la problématique de la dépénalisation qui entraînera sans nul doute une escalade, la consommation de drogues douces pouvant mener ensuite à celle de drogues dures. En outre, l'apparition de nouvelles drogues de synthèse, parallèlement à la montée en puissance de la consommation d'ecstasy, constitue également un sujet de préoccupation.
S'agissant de la question de la dyarchie à la tête de la MILDT, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a précisé que le bon fonctionnement de l'organisme était préservé dans la mesure où le délégué général de la MILDT en avait, de fait, été totalement écarté.
Enfin, à propos du budget de la MILDT, qui s'élève à près de 300 millions de francs, il a souhaité insister sur la question du fonds de concours qui, ne rapportant dans les faits que 500.000 francs, avait conduit à amputer le budget de la MILDT de quelque 30 millions de francs.