N° 381
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 juin 2001 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) sur une deuxième chambre européenne ,
Par M. Daniel HOEFFEL,
Sénateur.
(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; Nicolas About, Hubert Durand-Chastel, Emmanuel Hamel, secrétaires ; Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, José Balarello, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean Bizet, Maurice Blin, Xavier Darcos, Robert Del Picchia, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean-Paul Emin, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Daniel Hoeffel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Paul Masson, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Simon Sutour, Xavier de Villepin, Serge Vinçon, Henri Weber.
Union européenne. |
Mesdames, Messieurs,
Les déclarations récentes de Vaclav Havel, Tony Blair ou Gerhard Schröder en faveur d'un bicaméralisme européen ont placé le thème d'une deuxième chambre au centre du débat sur le devenir des institutions européennes. Encore n'évoque-t-on là que les déclarations de chefs d'Etat ou de gouvernement car les interventions et suggestions en faveur d'un Sénat européen se sont multipliées ces derniers mois, venant tantôt de parlementaires, tantôt de ministres, tantôt encore de commissaires européens.
En fait, l'idée d'introduire dans les institutions européennes un système bicaméral a été avancée avant même que l'on n'élabore le traité de Rome, et elle n'a guère quitté le débat institutionnel européen au cours de la dernière décennie. La constatation que, en dépit des compétences croissantes du Parlement européen, l'Union européenne continuait de souffrir d'un déficit de légitimité a en effet très vite conduit à s'interroger sur la rupture du lien organique et naturel entre les parlements nationaux et les institutions communautaires, qui a résulté de l'élection du Parlement européen au suffrage universel direct à partir de 1979. De plus, la multiplication des interventions de la Communauté dans les secteurs les plus divers et les modifications qui découleront de l'élargissement ont amené notamment les Etats membres de taille petite ou moyenne à prêter une attention grandissante à la place des Etats dans le triangle institutionnel. Enfin, pour beaucoup, une Fédération d'Etats nations implique l'existence de deux chambres : une chambre des peuples et une chambre des Etats.
Aussi n'est-il pas surprenant que les suggestions aient fleuri, portant tant sur la composition d'une deuxième chambre européenne que sur les missions qui lui seraient confiées.
I. LE DÉBAT SUR UNE DEUXIÈME CHAMBRE EUROPÉENNE
A. UN THÈME RÉCURRENT DU DÉBAT INSTITUTIONNEL
On pourrait croire que l'idée de doter l'Europe d'un système bicaméral est une idée nouvelle. Il suffit, pour s'en détromper, d'évoquer le « projet de traité de la Communauté politique européenne » adopté le 10 mars 1953 par l'assemblée de la CECA, transformée en assemblée ad hoc à la demande des ministres des affaires étrangères des six afin de mettre en oeuvre l'article 38 du projet de traité sur la Communauté européenne de Défense avant sa ratification, et présidée par Paul-Henri Spaak.
L'article 9 de ce projet, qui visait à instituer « une COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE de caractère supranational », en détaillait ainsi les institutions : le Parlement, le Conseil exécutif européen, le Conseil de ministres nationaux, la cour de Justice. Et l'article 11 prévoyait que le Parlement était composé de deux chambres : la chambre des Peuples, « formée de députés représentant les peuples unis dans la Communauté » et élus au suffrage universel direct ; le Sénat, « formé de sénateurs représentant le peuple de chaque Etat » et élus par les Parlements nationaux selon la procédure fixée par chaque Etat membre. On retrouvait ainsi, tant au niveau de l'exécutif que du législatif, un parallélisme de la représentation des intérêts européens (chambre des Peuples et Conseil exécutif européen) et nationaux (Sénat et Conseil de ministres nationaux).
L'échec de la Communauté européenne de Défense conduisit à l'abandon de ce projet et les institutions de la Communauté Economique Européenne, mise en place quelques années plus tard, ne retinrent qu'une assemblée unique, composée de parlementaires nationaux, et largement dépourvue de pouvoirs effectifs, qui allait prendre le nom de Parlement européen.
Les progrès de la Communauté dans les années soixante-dix amenèrent à revaloriser la place de cette assemblée et à lui confier des pouvoirs budgétaires qu'elle sut utiliser au mieux pour s'affirmer au sein du triangle institutionnel. Ce fut alors que l'on décida de faire élire ses membres au suffrage universel direct. Les partisans de la construction européenne saluèrent unanimement ce pas décisif dans la voie de la démocratisation des institutions européennes ; ils ne prirent pas conscience que l'on rompait ainsi le lien organique entre le Parlement européen et les parlements nationaux, au risque de tenir le premier éloigné des réalités concrètes nationales et des préoccupations quotidiennes du citoyen, d'isoler les seconds de la construction de l'Europe et des aspects européens de beaucoup de questions législatives débattues au niveau national, et de créer un fossé entre parlementaires européens et parlementaires nationaux.
1. Les premières suggestions
Il n'est donc pas surprenant que ce fut dix ans après la première élection du Parlement européen au suffrage universel direct, soit en 1989, que les premières réflexions sur un Sénat européen apparurent. Et ce n'est pas non plus un hasard si les premiers à intervenir en ce sens furent deux présidents d'assemblées nationales - Charles-Ferdinand Nothomb, président de la Chambre des représentants de Belgique, et Alain Poher, président du Sénat français - qui furent tous deux membres du Parlement européen (et même, pour Alain Poher, son président) et qui comptèrent parmi les hommes politiques les plus favorables à la cause européenne. L'un comme l'autre plaçaient d'ailleurs clairement leurs initiatives sous le patronage des pères fondateurs.
C'est ainsi que Charles-Ferdinand Nothomb, lors de son intervention à la Conférence des présidents de parlements de la Communauté européenne de Madrid en mai 1989 (Conférence qui devait donner naissance à la COSAC sur proposition de Laurent Fabius, alors président de l'Assemblée nationale), commençait par rappeler les dispositions du projet de traité de la Communauté politique européenne avant de déclarer :
« Les mesures de coopération entre les Parlements nationaux et le Parlement européen préconisées par M. Fabius préfigurent d'une certaine façon une représentation au niveau européen des intérêts nationaux de la même façon que dans certains Etats fédéraux les intérêts fédérés s'expriment via le bicaméralisme.
Pour donner à moyen terme les compétences législatives au Parlement fédéral européen, il faudrait y instaurer le bicaméralisme. »
De même, Alain Poher, au moment même où se réunissait pour la première fois la COSAC, en novembre 1989, ne manquait pas de se recommander de Robert Schuman en ces termes :
« Je vous citerai encore celui que l'on a pris l'habitude d'appeler «le père de l'Europe». Robert Schuman, dans sa conception de l'Europe unie, a toujours défendu le rôle et la mission des parlements nationaux. Et je crois me situer pleinement dans sa filiation en affirmant que l'Europe ne fera pas de progrès démocratiques contre les parlements nationaux.
Au-delà des initiatives que nous venons d'évoquer, et qu'il faut multiplier, il me paraîtrait important que les parlements nationaux apprennent à parler d'une seule voix auprès des institutions européennes. Préparer l'avenir, c'est donc, peut-être, envisager, à côté du Parlement européen, une seconde assemblée composée de représentants des parlements des Etats membres. »
A peu près au même moment, de l'autre côté de la Manche, la même constatation d'un conflit d'intérêts entre le Parlement européen et les parlements nationaux et du sentiment de frustration qui en résulte pour ces derniers amène Michael Heseltine, ancien ministre conservateur de la Défense, à préconiser, au sein du Parlement européen, la création d'une deuxième chambre, le Sénat, composée de membres des parlements nationaux et dotée des mêmes pouvoirs que l'actuel Parlement européen. Dans son étude, intitulée « Le déficit démocratique », il souligne que « nombreux sont ceux qui, au Parlement européen, s'opposent à l'idée d'un Sénat européen composé de parlementaires nationaux » par crainte que l'intrusion de défenseurs des intérêts de tel ou tel pays au coeur de la Communauté n'affaiblisse le processus d'intégration européenne. Mais, pour lui, c'est au contraire la mise à l'écart des parlementaires nationaux qui cause leurs réticences et leur opposition :
« L'éloignement des parlementaires nationaux, la frustration compréhensible que suscitent les structures existantes, et l'incapacité à influer sur les événements qui donne à ces députés le sentiment de perdre peu à peu tout contrôle, expliquent les réactions hostiles. Si l'on estime qu'une coopération plus étroite est indispensable en Europe, plus les hommes politiques nationaux seront impliqués, plus ils seront obligés de tenir compte des réalités et de prendre part aux discussions, et plus ils participeront à la vie de l'Europe. C'est important. Pour que les institutions européennes fonctionnent et donnent toute leur mesure, elles doivent être crédibles aux yeux du public et de ceux qui le représentent. »
Tandis que les négociations du traité qui allait être conclu à Maastricht se poursuivaient, le débat sur une deuxième chambre prenait une nouvelle ampleur en France. C'est ainsi que, en mai 1990, Jacques Chirac, alors président du RPR, se prononçait en faveur de « la constitution d'une deuxième chambre à Strasbourg, c'est-à-dire une assemblée formée des représentants des parlements nationaux, avec un droit de décision, selon des modalités à préciser, dans tous les domaines qui toucheraient au nouvel accord » , soit l'union monétaire, la défense européenne et la politique étrangère commune. Et, en juin 1990, le président François Mitterrand, interrogé sur la nécessité d'une deuxième chambre au sein du Parlement européen, se déclarait « a priori favorable dans la mesure où il s'agit d'associer davantage les parlements nationaux à la construction commune » .
Dans le cadre de la Conférence intergouvernementale qui devait élaborer le traité de Maastricht, la France ne devait cependant proposer à ses partenaires que la mise en place d'un Congrès, composé de délégués des parlements nationaux et du Parlement européen, qui aurait eu vocation à exprimer un avis sur les grandes orientations de l'Union et sur ses décisions essentielles dans le domaine de la politique étrangère et de la sécurité. C'est la même idée qui présida à la réunion des « Assises » à Rome, en novembre 1990, et l'on sait que les parlementaires nationaux ne furent guère satisfaits de cette expérience. C'est également cette idée qui donna naissance à la déclaration n° 14 annexée au traité de Maastricht qui invitait « le Parlement européen et les parlements nationaux à se réunir en tant que de besoin en formation de Conférence des parlements (ou Assises) ». La Conférence des parlements prévue par cette déclaration ne s'est jamais réunie, beaucoup de parlementaires nationaux n'étant guère tentés de renouveler l'expérience de novembre 1990.
2. Des réflexions plus précises
C'est au lendemain du traité de Maastricht que le thème d'une seconde chambre européenne donna lieu à des travaux plus approfondis au sein du Sénat. D'abord, en novembre 1992, avec le rapport présenté par Michel Poniatowski à la délégation du Sénat pour l'Union européenne sur le principe de subsidiarité. Ce rapport proposait en effet « d'instituer une Conférence des parlements nationaux dont une des fonctions essentielles serait de garantir l'application du principe de subsidiarité » , assurant ainsi une protection contre les déviations centralisatrices de la construction européenne et permettant de mieux associer les parlements nationaux à la vie de la Communauté. Michel Poniatowski proposait en outre que cette Conférence des parlements nationaux nomme une « Chambre de subsidiarité » chargée de censurer, avant leur entrée en vigueur, les décisions communautaires contraires au principe de subsidiarité.
On peut trouver une réflexion parallèle, d'origine britannique à nouveau, dans le livre que publia en 1994 Sir Leon Brittan, vice-président de la Commission européenne, sous le titre « L'Europe qu'il nous faut ». Il y préconisait la création d'un « Comité des parlements » , formé de représentants des parlements de chaque pays membre, chargé de veiller au respect du principe de subsidiarité, d'examiner la base juridique des actes communautaires, et de se pencher attentivement sur les textes relatifs au droit d'asile et à la politique d'immigration.
Une nouvelle étape dans la réflexion du Sénat se manifesta au début de 1995 avec le rapport présenté par Yves Guéna devant la délégation pour l'Union européenne à propos de la réforme des institutions prévue pour 1996. Notant que les décisions prises dans le cadre intergouvernemental des deuxième et troisième piliers de l'Union font l'objet d'un contrôle insuffisant de la part des parlements nationaux qui sont appelés à les ratifier, Yves Guéna se prononçait « en faveur de la création d'un Sénat européen représentant les parlements nationaux et chargé d'exercer un contrôle sur les deuxième et troisième piliers de l'Union et, plus largement, sur les diverses formes de coopération intergouvernementale » .
C'est cette conception qui sera défendue par les représentants du Sénat lors de la COSAC qui se réunit au Palais du Luxembourg en février 1995. René Monory, président du Sénat, juge alors indispensable de mettre en place, « à côté du Conseil, un contrôle parlementaire véritable » , et il ajoute :
« Une deuxième chambre, composée des représentants des Parlements nationaux, compétente exclusivement pour ces questions, permettrait d'y associer les représentants élus des Etats et de progresser ainsi plus rapidement. Cette seconde assemblée ne compliquerait en rien le processus de décision puisque, dans un premier temps, elle n'aurait pas de relations avec le Parlement européen. Elle garantirait seulement l'association indispensable des Parlements nationaux aux avancées de l'Europe en confortant les audaces dont nos gouvernements devront faire preuve désormais. »
Yves Guéna reprend avec vigueur les propositions du rapport qu'il a élaboré un mois plus tôt :
« Le Gouvernement français considère que les deuxième et troisième piliers n'ont pas à être soumis aux Parlements individuellement. Nous proposons, quant à nous, que soit créée auprès du Conseil des ministres une autre Assemblée qui pourrait s'appeler Sénat des nations, et qui aurait un rôle consultatif pour tout ce qui concerne les deuxième et troisième piliers. Entendons-nous bien : nous ne voulons pas créer en Europe un système à deux Assemblées, où tout ce qui passerait devant la première devrait également passer devant la seconde ; une telle conception nous amènerait à un blocage des institutions. Or, nous voulons au contraire que les deuxième et troisième piliers aient toute leur efficacité, moyennant un contrôle démocratique de caractère consultatif. »
Et Jacques Genton, président de la délégation du Sénat, plaide vigoureusement dans le même sens :
« Lorsque l'Allemagne et la France ont proposé de créer le Conseil européen, l'accueil a été extrêmement réservé. L'objection était la même : on allait créer un échelon de plus, qui allait compliquer l'architecture européenne. Maintenant, chacun admet que le Conseil européen est indispensable, et bien des problèmes n'ont pu être résolus que dans ce cadre.
Dans des domaines comme la sécurité extérieure, la défense commune, la police et la justice. Pourrons-nous avancer vraiment sans trouver une formule pour mieux associer les Parlements nationaux, qui restent considérés, dans beaucoup de nos pays, comme les dépositaires de la légitimité démocratique ? C'est une question qu'on ne peut écarter d'un revers de main.
L'Européen de longue date et d'ancienne expérience que je crois être peut témoigner que c'est ainsi que Jean Monnet et Robert Schuman voyaient les choses. A leurs yeux, pour passer à l'union politique de l'Europe, il fallait faire participer les Parlements nationaux par le biais d'un Sénat. Je vais peut-être surprendre, mais c'est ce qu'avait prévu le premier projet de constitution politique de l'Europe, élaboré en 1953, qu'ils avaient approuvé et auquel on peut se reporter. »
La COSAC de Paris devait cependant montrer l'isolement de la France à ce sujet. Aucun autre parlement de l'Union ne vint en effet lui apporter son soutien pour promouvoir une deuxième chambre européenne. De ce fait, la réflexion se poursuivit essentiellement dans le domaine du contrôle de l'application du principe de subsidiarité, le Gouvernement français ayant proposé, dans le cadre de la Conférence intergouvernementale, la création d'un « Haut Conseil parlementaire » composé de délégués des parlements nationaux et chargé de donner au Conseil de l'Union des avis sur l'application du principe de subsidiarité et sur les matières touchant aux libertés publiques et aux droits fondamentaux des citoyens. Le traité d'Amsterdam ne devait cependant traduire qu'une avancée très limitée avec le protocole relatif aux parlements nationaux dont une partie traite de la COSAC.
3. La généralisation du débat
Au cours des deux dernières années, le débat sur une deuxième chambre européenne a pris une toute nouvelle dimension. S'intégrant dans la réflexion générale sur la refonte des institutions pour une Union rassemblant 25 à 30 Etats de tailles et d'histoires différentes, il a fait intervenir les plus hauts responsables. C'est d'abord Vaclav Havel, président de la République tchèque, qui, devant le Sénat français, déclare en mars 1999 que :
« A côté du Parlement européen actuel dont la structure reflète la taille des pays membres, il faudrait instaurer un deuxième organe plus petit, sans suffrage direct dans lequel chaque parlement membre déléguerait, par exemple deux députés. Dans cette deuxième chambre, le vote des Etats membres de petite taille aurait le même poids que celui des grands. »
C'est ensuite Joschka Fischer, ministre allemand des affaires étrangères, dans un discours sur la finalité de l'intégration européenne prononcé à Berlin en mai 2000 :
« Un parlement européen devra donc toujours représenter deux éléments : une Europe des Etats-nations et une Europe des citoyens. Or cela ne pourra se faire que si ce parlement européen rassemble les différentes élites politiques nationales et ensuite les différentes opinions publiques nationales.
C'est faisable, à mes yeux, à condition que ce parlement européen dispose de deux chambres, dont une serait composée de députés élus appartenant en même temps aux parlements nationaux. C'est là le moyen d'éviter tout antagonisme entre les parlements nationaux et le parlement européen, entre Etat-nation et Europe. En ce qui concerne l'autre chambre, il faudra choisir entre un modèle de sénat réunissant des sénateurs des Etats membres qui seront élus au suffrage direct et une chambre des Etats comparable à notre Bundesrat. Aux Etats-Unis, tous les Etats élisent deux sénateurs alors qu'au Bundesrat le nombre de voix varie. »
C'est encore Tony Blair, premier ministre britannique, dans un discours prononcé à Varsovie en octobre 2000 :
« Je crois que le moment est venu de mieux associer les représentants des parlements nationaux à ces questions, en dotant le Parlement européen d'une seconde chambre dont la mission première serait d'examiner l'action de l'Union au regard de cette Déclaration de principes. Elle ne se mêlerait pas de la négociation législative au quotidien, qui relève de la première chambre actuelle. Mais il lui reviendrait de contribuer à l'application des principes acceptés par tous, afin que nous fassions ce qu'il faut au niveau européen, mais aussi que nous déléguions des pouvoirs vers le bas. Alors qu'une Constitution formelle appellerait logiquement un examen judiciaire dans le cadre d'une Cour constitutionnelle européenne, il s'agirait là d'un examen politique, au sein d'une instance d'hommes et de femmes politiques élus. Le processus serait dynamique et non statique, et permettrait de modifier la mise en pratique des principes sans recourir chaque fois à des révisions juridiques compliquées. Il me semble aussi que cette deuxième chambre pourrait se développer jusqu'à assurer un contrôle démocratique, au niveau européen, de la politique étrangère et de sécurité commune. »
Dans une autre perspective, c'est Gerhard Schröder, chancelier d'Allemagne, qui, le 30 avril 2001, demande « la transformation du Conseil des ministres en une chambre européenne des Etats à côté du Parlement européen » .
Enfin, c'est Lionel Jospin qui, souhaitant que « les parlements nationaux soient mieux associés à la construction européenne », propose, le 28 mai 2001, de confier à une conférence permanente des parlements ou « congrès » un vrai rôle politique. « Réuni en sessions périodiques » , ce congrès « contrôlerait le respect de la subsidiarité par les instances communautaires et débattrait chaque année de l'état de l'Union ».
Si les propositions divergent en ce qui concerne le mode de désignation ou la structure d'une deuxième chambre, la nécessité d'un bicamérisme au niveau de l'Union européenne apparaît alors comme souhaitable et donc nécessaire. C'est en particulier le cas en ce qui concerne les prises de position françaises et allemandes, pourtant divergentes sur la conception institutionnelle de l'Union européenne. Ce constat devrait être de nature à permettre d'envisager avec confiance la consolidation d'un tel projet car la deuxième chambre européenne est devenue un thème de discussion dans l'ensemble de l'Union. Elle a fait l'objet d'échanges nombreux au Portugal depuis deux ans. Elle a été l'objet de débats parlementaires au cours des derniers mois en Autriche, aux Pays-Bas ou en Suède. Et des responsables politiques, tel Alain Juppé, des parlementaires européens, tel Daniel Cohn-Bendit, ou des commissaires européens, tel Christopher Patten, s'y s'ont ralliés.
Et le 31 mai dernier, le nouveau président de la chambre des députés italienne, Pier Ferdinando Casini, dans le premier discours qu'il prononçait après avoir été élu président, déclarait que, selon lui, « le temps était mûr de créer en Europe une seconde chambre formée de représentants des parlements nationaux. Une chambre dans laquelle les volontés politiques des pays seraient liées plus solidement et concourraient plus directement à la maison commune européenne qui reste l'ambition la plus haute et l'investissement le plus visionnaire de politique étrangère de notre pays depuis De Gasperi ».
Le débat est donc aujourd'hui général. Et la constance du Sénat en cette matière - puisque, depuis dix ans, ses trois présidents successifs, Alain Poher, René Monory et Christian Poncelet, ont tous trois oeuvré en faveur d'une deuxième chambre européenne - s'en trouve récompensée.