Audition de M. Axel REICH,
Premier conseiller à l'ambassade
d'Allemagne à
Paris
(14 février 2001)
M.
Gérard Dériot, Président -
Monsieur Reich, je vous
remercie d'avoir accepté notre invitation. Nous apprécions votre
façon d'y répondre favorablement.
Nous sommes dans le cadre d'une commission d'enquête et nous faisons
prêter serment aux ressortissants du territoire français.
Toutefois, il est hors de question de vous demander de le faire car cet
entretien est tout à fait informel.
Nous vous demanderons un certain nombre d'avis sur ce qui a pu se passer avec
l'utilisation des farines animales dans l'alimentation des bovins et surtout
quelles sont les conséquences de la propagation de la maladie dite de la
vache folle, l'ESB. Il serait souhaitable que vous puissiez nous parler de ce
qui s'est passé en Allemagne, du moins selon vos connaissances.
Cet entretien sera placé dans le cadre des auditions de notre commission
d'enquête et nous vous remercions encore d'y participer.
Dans un premier temps, si vous le voulez bien, vous nous indiquerez ce que vous
savez et comment s'est passé ce problème dans votre pays.
Ensuite, nous vous poserons quelques questions.
M. Axel Reich
- Merci pour votre invitation. C'est un grand honneur pour
moi d'être ici devant vous et de vous informer, au titre de mes fonctions
de Premier conseiller attaché agricole à l'ambassade d'Allemagne,
sur les événements qui ont eu lieu en Allemagne et sur leur cadre
juridique.
Concernant la situation juridique, l'Allemagne est une
Fédération ; de ce fait, la protection des consommateurs et
la suppression des épidémies relèvent de ses
compétences au titre de la législation, des décrets et des
arrêtés.
Cela signifie que la Fédération édite les lois. Toutefois,
en Allemagne quand une autorité, à savoir un office, n'a pas
été installée par une loi, avec le consentement du
Bundesrat, l'exécution des lois et des décrets
édités par la Fédération relève de la
tâche des Länder.
Nous sommes ici dans la situation où la législation et les
décrets cadres sont établis par la Fédération et
leur application est la tâche des Länder.
Depuis 1939, une législation concernant l'équarrissage et la
production (à partir de l'équarrissage des graisses et des
farines animales) décrète ou ordonne que tous les déchets
traités dans des usines d'équarrissage doivent être
chauffés jusqu'à 133°, sous une pression de 3 bars et
pendant une durée de 20 minutes.
Une loi fédérale de 1975 a réitéré cette
application et l'a même complétée.
De ce fait, environ 15 % des produits traités proviennent d'animaux
trouvés morts, abattus d'urgence ou euthanasiés. Le reste, soit
85 %, provient de déchets d'abattoirs qui ne sont pas
utilisés pour la consommation humaine.
En Allemagne nous n'avons pas une telle habitude et les farines animales ne
sont jamais entrées officiellement dans la composition d'aliments pour
ruminants. Même avant les problèmes de l'ESB, aucune recette de
producteur d'aliments pour ruminants n'indiquait la présence de farines.
Nous n'avons pas eu de déclarations des éleveurs ou des acteurs
agricoles car il n'était pas dans leur habitude de procéder
ainsi.
Nous avons eu une exploitation assez forte de ces farines pour la nourriture
des porcs et des volailles.
Quand les premiers signes d'ESB ont été constatés en
Europe, avec l'interdiction des importations provenant de Grande-Bretagne, nous
avons eu une interdiction officielle (par décret) de l'utilisation des
farines animales pour des ruminants, presque en même temps que la
directive de l'Union Européenne en 1994.
Ensuite, nous avons eu des interdictions diverses concernant l'échange
des marchandises et des bêtes vivantes, mortes ou des déchets de
viandes provenant de Grande-Bretagne et de la Confédération
helvétique.
En 1997, une ordonnance a demandé l'abattage total de tous les bovins
provenant de Grande-Bretagne et de Suisse. Les animaux encore vivants provenant
de ces deux pays étaient condamnés.
Depuis 1991, nous avons appliqué le système
d'épidémio-surveillance pour l'ESB. Entre 1991 et 1999 nous avons
examiné presque 11 994 cerveaux bovins dont plus de 3 700
spécialement pour le problème de l'ESB. En dehors de cette
surveillance, un test à grande échelle a été
mené en Westphalie avec le test Prionics puisque 5 000 bêtes
ont été examinées ; les tests étaient
négatifs.
Durant l'année 2000, nous avons examiné (avant le premier cas
d'ESB en Allemagne, détecté le 26 novembre de l'année
dernière) environ 6 600 animaux trouvés morts et environ 500
animaux abattus d'urgence ou euthanasiés.
Le système d'épidémio-surveillance est basé sur
l'action des vétérinaires officiels dans le canton, ou du CRES
qui est légèrement plus grand qu'un canton. Nous disposons de
trois ou quatre vétérinaires par CRES ; par ailleurs, si le
canton comporte un abattoir, nous disposons de spécialistes pour
celui-ci.
Après la détection des premiers cas d'ESB en Allemagne, nous
avons édicté, par loi ou par décret, une gamme de mesures
qui sont sensiblement les mêmes qu'en France. Nous avons interdit,
dès le 2 décembre dernier, l'utilisation des farines dans la
nourriture des animaux destinés à l'alimentation humaine. De
même les farines de poissons ne sont autorisées que pour les
poissons.
Nous avons également interdit la vente des carcasses des bovins de plus
que 30 mois qui n'étaient pas testés par les tests Prionics
ou Biorad qui sont les deux tests utilisés en Allemagne.
A partir du 27 janvier dernier, nous avons ordonné les tests sur des
animaux à partir de 24 mois car nous avons trouvé 28 cas d'ESB
sur des animaux de moins de 30 mois, à savoir nés en 1998.
C'est la situation actuelle. Nous avons testé plus de 60 000
bêtes de plus de 30 mois durant le mois de décembre dernier.
Pour le mois de janvier, à la date du 15 nous avions testé
plus de 47 000 bovins.
M. le Président -
Jusqu'à présent, combien de cas
d'ESB sont-ils recensés ?
M. Axel Reich
- 28.
M. le Président -
Depuis le début des tests ?
M. Axel Reich
- Non, avant le début des tests
systématiques. Les tests ont débuté le 2 décembre
et le premier cas a été confirmé le 26 novembre.
Les bêtes maintenant constatées sont partiellement des bêtes
malades, détectées dans le cadre de cette surveillance.
Concernant les tests à l'abattoir, nous avons trouvé 12 cas et
les autres concernent des bêtes trouvées mortes, abattues
d'urgence ou euthanasiées.
M. Jean Bizet, Rapporteur
- J'ai noté qu'il s'agit d'une loi
réactualisée en 1975, précisant les conditions de
fabrication des farines animales, tant au niveau de la température, de
la pression que de la durée de chauffage.
Vous dites qu'en Allemagne les farines animales étaient uniquement
utilisées pour les carnivores ou les omnivores, à savoir les
porcs ou les volailles.
M. Axel Reich
- Nous n'avons pas eu l'habitude d'utiliser des
mélanges pour ruminants contenant des farines animales. Je ne peux pas
dire que cela n'a jamais existé car il existe toujours un pourcentage de
personnes n'appliquant pas les normes ou les règles. Cette pratique
n'était pas interdite mais elle ne faisait pas partie des habitudes.
Nous n'avons pas connaissance de producteurs d'aliments capables d'indiquer que
les produits contenaient un certain pourcentage de farines.
M. le Rapporteur
- C'est très troublant pour nous,
Français, car vous indiquez que ce n'était pas la « mode
» en Allemagne. Nous aimerions savoir quelle est l'explication des
scientifiques allemands sur l'origine de l'ESB en Allemagne puisque de plus
vous fabriquiez « correctement » ces farines. Avez-vous
importé des farines anglaises ?
M. Axel Reich
- Pas seulement anglaises car des importations assez
fortes provenaient de toute la communauté : de la France, plus que
de l'Angleterre, des Pays-Bas ...
M. le Rapporteur
- ... Auriez-vous la possibilité de nous faire
parvenir des documents d'importation indiquant précisément les
tonnages ?
M. Axel Reich
- Oui. Eurostat publie ce genre de renseignements et je
vous les ferai parvenir.
M. le Rapporteur
- Les farines n'étant utilisées que pour
les porcs et les volailles, compte tenu des volumes d'abattage, j'ai toutefois
des difficultés à comprendre pourquoi vous étiez
contraints d'en importer. Même si ce n'était pas la « mode
» dans les documents agricoles ou scientifiques, vous aviez sans doute
également d'autres utilisations.
M. Axel Reich
- Un producteur d'aliments pour les volailles ou les
cochons était situé presque à côté d'un
équarrisseur qui produisait les farines. Toutefois, il avait
importé des farines car l'importateur proposait des prix
inférieurs à ceux du producteur local.
M. le Rapporteur
- Vous exportiez donc une très grande partie de
votre production et vous avez importé parce que les cours étaient
intéressants.
M. Axel Reich
- Je le suppose.
M. le Rapporteur
- Vous avez importé des farines mais celles qui
ont été fabriquées en Allemagne ont été
exportées.
M. Axel Reich
- Nous avions des échanges forts entre des pays
membres de l'Union Européenne, tant en importations qu'en exportations.
M. le Rapporteur
- Pourrions-nous avoir une copie de ces documents
d'importations et d'exportations ?
M. Axel Reich
- Oui, je vous les fournirai.
M. le Rapporteur
- Les mesures mises en place plus récemment sont
encore plus restrictives que celles édictées par la Commission
européenne concernant les graisses animales. Avez-vous des arguments
scientifiques sur ce point pour étayer votre position plus dure ?
M. Axel Reich
- Une publication d'une institution de recherche, la
Bundes Forshung Anstalt für Virus Krankheiten der Tiere, indiquait que des
prions auraient été détectés dans les graisses.
C'était une erreur car cette information était fausse.
Jusqu'à maintenant nous n'avons pas la preuve, d'après mes
connaissances et celle de mes collègues au ministère de
l'Agriculture, que les graisses ont été contaminées avec
des prions. Toutefois, dans certains cas on soupçonne qu'un
mélange inconnu, avec des farines à un pourcentage infime, aurait
pu causer cette contamination. Les lacto-remplaceurs contiennent toujours des
graisses animales et celles-ci n'étaient peut-être pas aussi
propres que souhaitable.
Rien n'est prouvé et les raisons de ces soupçons reposent sur le
fait que des éleveurs affirment n'avoir jamais acheté autre chose
que des lacto-remplaceurs et que l'autre alimentation était faite
à base de produits de la ferme.
M. le Rapporteur
- C'est une suspicion.
M. Axel Reich
- Oui.
M. le Rapporteur
- Vous dites que vous utilisez deux tests sur
l'ensemble du territoire allemand, le Biorad et le Prionics. Avez-vous des
commentaires à faire sur l'un ou l'autre en fonction de leur
sensibilité ou leur fiabilité ?
M. Axel Reich
- Le ministère a parfois indiqué que le kit
d'un test n'était pas aussi bien fabriqué que l'autre, mais je ne
sais pas s'il s'agit du Biorad ou du Prionics.
Ce sont des informations lues mais non officielles de la part du
ministère. J'ai questionné un collègue
vétérinaire au ministère qui ne peut pas le confirmer. Il
s'agit peut-être d'un problème individuel de fabrication d'un
test, mais cela ne remet pas en cause le principe du test.
M. le Rapporteur
- Nous avons assisté à des mouvements
politiques en Allemagne concernant le « limogeage » du ministre de
l'Agriculture qui a été remplacé par quelqu'un d'une
sensibilité totalement différente.
Prévoyez-vous d'autres mouvements politiques de ce type en Allemagne et
qu'entendez-vous par l'« agriculture écologique » que certains
veulent mettre en place ?
M. Axel Reich
- Sur la première question, je ne suis que
fonctionnaire et je ne peux pas répondre.
Concernant la seconde question, une déclaration gouvernementale a
été faite par la nouvelle ministre de la Protection des
consommateurs, de l'Alimentation et de l'Agriculture. Il faut une meilleure
harmonie des acteurs concernés, à savoir les consommateurs, les
négociants, les transformateurs, les éleveurs et les
agriculteurs. L'intention est d'arriver à une harmonie plus
complète. La politique sera menée en ayant comme objectif majeur
l'intérêt du consommateur et non pas celui de l'agriculteur.
Concernant l'agriculture écologique ou biologique, d'après les
déclarations de la ministre, nous avons l'intention d'inciter la
production biologique (qui représente environ 2 % de l'agriculture
en Allemagne) pour atteindre 20 % dans les 10 prochaines années.
M. le Rapporteur
- Ce serait une multiplication par 10.
M. Axel Reich
- Oui, c'est la déclaration officielle.
M. le Rapporteur
- Ne craignez-vous pas que l'Allemagne perde des parts
de marché au niveau international ? La production de produits
« biologiques » est sympathique, mais il s'agit peut-être d'une
mode ou d'une réaction brutale à une production trop
productiviste.
M. Axel Reich
- En tant que représentant de mon Gouvernement, je
ne pense pas que la production biologique soit une mode. Nous pensons que
l'intérêt de la population est d'acheter des produits issus d'une
agriculture durable et respectant l'environnement : fertilisation des
sols, traitement des animaux de rente, etc. Nous sommes convaincus que le
consommateur est, dans certains secteurs, prêt à payer plus cher
que pour des produits ordinaires.
M. le Rapporteur
- En France, nous avons la même réflexion
et la même interrogation. Entre la production biologique et la production
de produits d'une agriculture plus intensive, les socioprofessionnels essaient
de développer une troisième voie, à savoir l'agriculture
raisonnée.
L'agriculture écologique, telle que veulent la développer les
autorités allemandes, s'apparente davantage à l'agriculture
biologique qu'à l'agriculture raisonnée.
M. Axel Reich
- Les 20 % mentionnés concernent l'agriculture
biologique dans le sens européen. Cela n'évite pas ou
n'empêche pas les acteurs politiques et les agriculteurs de la faire
progresser sur les 4/5 de notre part de l'agriculture. L'agriculture de
précision, ou votre agriculture phare, est en développement avec
la formation des agriculteurs.
L'agriculture ne s'oriente pas seulement vers l'intention de protéger le
sol, qui est la base de toute agriculture. En effet, une agriculture de
précision est, à la longue, meilleur marché que celle qui
a été exercée durant ces 10 ou 15 dernières
années.
Nous ne voyons pas d'opposition dans la logique. La ministre est convaincue que
nous aurions un marché pour les 20 % de production. Cela ne
signifie rien pour la perfection de l'agriculture qui n'est pas biologique ou
écologique au sens européen.
M. le Rapporteur
- Au niveau de l'Union Européenne, vos
ressortissants qui siégeront (la ministre de l'Agriculture et vos
parlementaires) mettront tout en oeuvre pour porter l'accent sur une
réforme de la Politique Agricole Commune plus orientée vers les
produits biologiques que les produits dits conventionnels.
M. Axel Reich
- Concernant le développement de la Politique
Agricole Commune, la ministre indique qu'elle veut utiliser (comme cela a
déjà commencé en France) les possibilités de faire
progresser une agriculture plus respectueuse de l'environnement que
l'agriculture actuelle grâce à la modulation et à
l'application de l'éco-conditionnalité autorisée dans le
cadre de la Politique Agricole Commune.
Nous entendons également atteindre un développement dans le
bien-être des animaux de rente, pas seulement dans l'exploitation mais
aussi pendant le transport. La ministre a indiqué qu'elle aimerait avoir
une plus large marge de manoeuvre pour les Etats membres au sein de la
Politique Agricole Commune.
M. le Rapporteur
- C'est le souhait d'une forme de renationalisation de
la Politique Agricole Commune.
M. Axel Reich
- Je ne peux pas utiliser ce mot car il n'a pas
été prononcé par la ministre.
Nous avons la possibilité de faire de la modulation. Cela a
été appliqué en France, en Grande-Bretagne et au Portugal,
mais 12 pays ne l'appliquent pas. Peut-être existe-t-il d'autres domaines
où l'on pourrait pratiquer de la même manière ? Par
exemple, en France on trouve une prime supplémentaire pour les vaches
allaitantes. Cette mesure se rencontre aussi au sein de la Politique Agricole
Commune.
M. le Rapporteur
- Nous avons pu lire dans la presse, durant ces
derniers mois, que vous utilisiez des abats, notamment de la cervelle, en
Allemagne pour fabriquer certaines charcuteries. Est-ce une pratique courante
concernant toutes les charcuteries ou simplement une frange de votre
production, et ces productions sont-elles maintenant normalisées ?
M. Axel Reich
- Des productions locales très limitées
utilisaient les cervelles de porcs pour la fabrication de certaines
charcuteries.
M. le Rapporteur
- Uniquement du porc ?
M. Axel Reich
- A ma connaissance, oui. En effet, lors de l'abattage
d'un porc, la carcasse est partagée en deux depuis le museau
jusqu'à l'arrière-train, ce qui n'est pas une habitude d'abattage
pour les bovins. Ce sont des productions régionales, très
limitées, uniquement réalisées avec de la cervelle de
porc.
M. Georges Gruillot
- Vous nous avez indiqué que l'Allemagne
avait décidé d'abaisser l'âge des tests (à 30 mois
en Europe et en France) à 24 mois en raison de 2 cas, sur 28,
d'animaux jeunes morts d'ESB.
M. Axel Reich
- Il ne sont pas morts de l'ESB mais elle a
été diagnostiquée à l'abattoir.
M. Georges Gruillot
- A notre connaissance, nous n'avons pas de cas
similaires en France et je ne pense pas que de tels cas aient été
constatés en Angleterre.
M. Axel Reich
- 81 cas similaires ont été relevés
en Angleterre parmi les 180 000 cas d'ESB.
M. Georges Gruillot
- L'Allemagne a-t-elle tiré des
conclusions ?
M. Axel Reich
- Je peux vous donner les dates de naissance des
animaux : l'un était né le 14 septembre 1998 et l'autre le
17 août 1998. Ces deux cas ont été constatés le 15
janvier et le 27 janvier 2001 alors que les bêtes étaient
âgées de 29 mois.
M. Georges Gruillot
- Vous n'avez tiré aucune autre conclusion
quant au mode de contamination ?
M. Axel Reich
- Je n'ai pas connaissance d'une autre réflexion
sur un mode de contamination différent.
En Angleterre, il est connu, Monsieur le sénateur, que le risque de
transmission de la mère au veau est faible. Ici, nous n'avons pas
constaté cela et je n'ai pas d'informations sur les modes de
contamination. Concernant toutes les voies de contamination, il existe beaucoup
d'incertitudes et le mode de propagation concerne la nourriture.
M. Georges Gruillot
- Vous indiquez que vous avez fait réaliser
47 000 tests d'abattoir sur des animaux de plus de 30 mois depuis le 15
décembre.
M. Axel Reich
- 67 000 tests ont été effectués
en décembre et 47 000 tests ont été pratiqués
durant la première quinzaine de janvier.
M. Georges Gruillot
- Cela représente plus de 110 000 tests
sur des animaux de plus de 30 mois menés à l'abattoir.
Les viandes exportées (notamment les viandes bovines exportées en
France) proviennent-elles d'animaux testés ?
A notre connaissance, nous importons actuellement de la viande allemande
provenant d'animaux non testés à l'abattoir. Cela provoque une
réaction du commerce de la viande en France puisque ici les animaux de
plus de 30 mois doivent être soumis à un test à l'abattoir.
M. Axel Reich
- J'ai indiqué que depuis le 2 décembre il
est obligatoire de tester tous les bovins de plus de 30 mois ; par
ailleurs, depuis le 27 janvier il est obligatoire de tester tous les bovins de
24 mois et plus.
M. Georges Gruillot
- La viande arrivant en France est-elle
testée ?
M. Axel Reich
- Les bovins de plus de 30 mois qui ont été
abattus à partir du 2 décembre ont été
testés car, sans cela, ils ne pourraient pas disposer de l'estampille du
vétérinaire. Les bovins abattus depuis le 27 janvier sont
testés s'ils ont plus de 24 mois.
M. Georges Gruillot
- Selon le commerce de la viande en France, cela
pourrait concerner des animaux abattus plus tôt et stockés.
M. Axel Reich
- Il ne serait pas possible de tester un animal abattu le
15 novembre et vendu le 5 décembre.
M. Georges Gruillot
- Cela peut être en congélation.
M. Axel Reich
- Monsieur le sénateur, je vous prie de m'excuser
mais je ne peux pas faire de suppositions sur les possibilités
d'exportation de l'Allemagne. Je peux seulement vous rappeler quelles sont les
obligations de tests depuis le 2 décembre 2000 et le 27 janvier 2001.
Vous savez que l'ESB ne s'est pas arrêtée en Allemagne ; on
trouve des cas partout.
M. Georges Gruillot
- Vous avez décidé d'abattre tous les
animaux vivants sur le territoire allemand et importés de
Grande-Bretagne ou de Suisse. Combien d'animaux cela concerne-t-il ?
M. Axel Reich
- Je ne peux pas vous le dire.
M. Georges Gruillot
- Le problème de la Suisse est très
important car vous avez une frontière commune avec ce pays. Or, dans ce
pays on rencontre beaucoup de cas d'ESB depuis longtemps. Je pense donc que
l'Allemagne a été particulièrement vigilante par rapport
à son voisin suisse.
M. Axel Reich
- Oui, mais je ne peux pas vous dire combien d'animaux ont
été abattus.
M. Georges Gruillot
- Concernant le problème des farines
animales, en France nous avons établi, depuis 1996, une
séparation entre les matières à hauts risques et les
matières à bas risques pour les problèmes
d'équarrissage et la fabrication des farines. Il semble que cette
distinction en deux catégories n'ait pas été faite chez
vous.
M. Axel Reich
- Ce n'était pas pratiqué jusqu'au 1er
octobre de l'année dernière.
M. Georges Gruillot
- Des Groupes allemands sont propriétaires
d'usines d'équarrissage en France. Pensez-vous que ces Groupes
français aient pu importer des farines animales venant
d'Allemagne ? Dans l'affirmative, je vous demande de m'indiquer quel
pourrait être le tonnage et les usines concernées chez nous en
France.
M. Axel Reich
- Je peux vous fournir, comme je l'ai indiqué
à Monsieur le rapporteur, les statistiques des échanges pour
lesquels il existe deux nomenclatures. Je peux vous remettre les statistiques
Eurostat concernant les farines animales et les graisses intra-communautaires.
Ce ne sont que des statistiques et nous n'avons aucun renseignement par
entreprise.
M. Gérard César
- Où en êtes-vous en
Allemagne sur la recherche en matière de détection de cette
maladie et quels sont vos progrès éventuels ?
M. Axel Reich
- Il existe un programme de recherche
accélérée sur lequel nous voulons déposer des
fonds. Je ne peux pas vous indiquer quel en sera le budget mais nous donnons
plus de moyens qu'auparavant aux chercheurs concernant les maladies
spongiformes transmissibles.
Les chercheurs constituent une famille internationale et ils se connaissent
entre eux. Concernant l'intention du Gouvernement allemand, je ne peux pas vous
donner de chiffres aujourd'hui mais je pourrai les fournir plus tard sur le
sujet de l'accélération et l'intensification de la recherche.
M. Gérard César
- Pensez-vous qu'il existe une
coordination entre tous les chercheurs allemands et les autres chercheurs
européens ?
M. Axel Reich
- Nous avons deux voies d'échanges, à savoir
les symposiums de chercheurs (et leurs publications) et les discussions
à l'échelle européenne. N'étant pas expert, je ne
pourrais pas vous indiquer s'il existe assez d'échanges. Je n'ai jamais
entendu dire que les chercheurs ne communiquaient pas entre eux car ils
échangent des informations dans des symposiums.
M. le Président -
En Allemagne il a été
décidé d'abattre tout le troupeau quand un cas d'ESB est
découvert. N'est-il pas difficile de faire appliquer cet abattage
systématique ?
Il me semble qu'en Bavière certains, les éleveurs et certains
écologistes, étaient contre cet abattage systématique.
Où en est-on sur ce sujet ?
M. Axel Reich
- Nous avons eu une discussion très profonde sur
cette question. La raison en est qu'en Suisse il existe des expériences
assez bonnes avec l'abattage des cohortes et des descendantes.
La décision prise en Allemagne consiste à abattre tout le
troupeau car nous n'avons pas assez d'informations sur les voies de
transmission. Avec plus de renseignements la décision serait sans doute
différente.
Concernant les 28 cas d'ESB constatés, nous avons fait abattre tout le
troupeau sauf un veau dans le Schleswig-Holstein qui a été mis
à l'écart dans un lieu où il n'aurait pas de contact avec
d'autres bovins. C'était peut-être une décision très
sentimentale qui a été encadrée de précautions
évitant toute contamination ou tout contact direct avec d'autres bovins.
La question d'abattre tout un troupeau a profondément ému
beaucoup de personnes en Allemagne, ainsi que des politiciens.
M. le Président -
Par ailleurs, comment se déroule
l'application des mesures sanitaires dans le contexte fédéral
propre à l'Allemagne ? Vous avez indiqué qu'il en existait
au niveau des Länder mais aussi au niveau Fédéral.
M. Axel Reich
- Les lois et les décrets de loi sont
édictés par la Fédération. Pour qu'ils soient
appliqués dans les Länder il faut le consentement du Bundesrat.
La seule possibilité d'agir sans le consentement du Bundesrat serait de
produire un décret d'urgence, tel celui qui ordonne les tests pour les
bovins de plus de 24 mois. Toutefois, ces décrets d'urgence n'ont qu'une
vie éphémère de 6 mois durant lesquels il faut recueillir
le consentement du Bundesrat. C'est la législation.
L'application de tout ce qui concerne la sécurité sanitaire
relève des services des Länder. Nous n'avons presque pas de
policiers fédéraux, de juges fédéraux, de
professeurs ou d'instituteurs fédéraux. Les Länder sont
à la base et il existe une coordination sous la présidence du
secrétaire d'Etat du ministère fédéral : on y
coordonne les mesures et les chefs des services vétérinaires des
Länder s'informent entre eux sur la manière de procéder.
M. le Président -
Par ailleurs, où en est le marché
de la viande en Allemagne, la consommation, etc. ?
M. Axel Reich
- La consommation est à 43 % de ce qu'elle
était avant le 26 novembre. Le marché est si bas que
l'intervention a commencé ; cela signifie que le prix est
60
%
au-dessous des prix directeurs.
Par exemple, dans un buffet de petit déjeuner à l'hôtel,
chaque charcuterie porte une mention indiquant qu'elle ne comporte pas de
viande bovine. Si de la viande bovine était utilisée, ce serait
spécialement mentionné. La réaction est extrêmement
brutale.
M. le Rapporteur
- Existe-t-il en Allemagne un cas humain supposé
de MCJ ?
M. Axel Reich
- Non. Officiellement nous n'avons pas
détecté de cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob.
M. le Rapporteur
- En Allemagne les chercheurs pensent-ils à la
mise au point prochaine d'un test ante mortem ?
M. Axel Reich
- L'entreprise Boehringer-Ingelheim a annoncé
qu'elle a obtenu un brevet sur un test ante mortem qui sera prêt en
août. Il semblerait que ce laboratoire ait fait « marche
arrière » car il n'indique plus de date pour la
disponibilité de ce test.
M. le Président -
Quelle est la date d'interdiction d'utilisation
des farines animales en Allemagne ?
M. Axel Reich
- Mars 1994.
M. le Président -
Nous vous remercions infiniment d'avoir
accepté de participer à cet entretien. Merci pour tous les
renseignements que vous nous avez communiqués et pour la manière
très conviviale dans laquelle s'est déroulé cet entretien.