Audition de M. Jérôme GALLOT, Directeur général de
la concurrence,
de la consommation et de la répression des fraudes
(DGCCRF),
et de M. Daniel HULAUD, chef de bureau (produits d'origine
animale)
(31 janvier 2001)
M.
Gérard Dériot, Président
- Mes chers collègues,
merci d'avoir répondu à notre convocation et de participer
à cette audition. Je souhaite également la bienvenue à
M. Gallot, Directeur général de la DGCCRF, ainsi qu'à
M. Hulaud, Chef de bureau aux Produits d'origine animale dans votre
Administration.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Gallot
et Hulaud.
M. le Président
- Monsieur Gallot, dans un premier temps je vous
demande de nous donner vos impressions et les connaissances dont vous disposez
sur le problème qui nous intéresse. Ensuite nos collègues
poseront les questions qui leur semblent utiles.
M. Jérôme Gallot
- Le sujet qui nous intéresse
aujourd'hui, à savoir les farines animales, est évidemment au
centre de la problématique de l'ESB. Très tôt les
scientifiques ont estimé que les farines animales étaient le
vecteur de transmission le plus probable de la maladie. A ce jour, même
si d'autres voies de transmission sont évoquées, elles demeurent
la cause privilégiée de la maladie.
On constate d'ailleurs que l'ensemble du dispositif réglementaire, qui
s'est sensiblement renforcé au cours des dernières années,
est largement bâti autour de cette hypothèse.
La DGCCRF est l'une des administrations de contrôle qui intervient en
matière de sécurité alimentaire. A ce titre, elle a, bien
entendu, participé à l'élaboration du dispositif
réglementaire et concouru au respect de cette réglementation.
Je rappelle très brièvement que j'occupe depuis le 5 mars 1997
les responsabilités de Directeur général de cette
Direction qui emploie un peu plus de 4 000 personnes parmi lesquelles
environ 3 000 ou 3 100 sont dans les Directions départementales et
régionales, 340 à 350 sont dans les 8 laboratoires et le
complément est à l'Administration centrale.
Cette Administration s'occupe, certes, de sécurité alimentaire,
mais aussi de sécurité des produits industriels, des
problèmes de concentration, de contrôles des marchés
publics, de la concurrence, de la protection économique du consommateur
et a également d'autres missions comme l'urbanisme commercial. Je ne
citerai pas toutes ses missions car c'est une administration de
régulation et de contrôle qui a beaucoup d'aspects liés
à la loyauté et au bon fonctionnement des marchés.
Quel a été le rôle de la DGCCRF dans l'affaire qui nous
occupe ? Il a été celui que lui assigne le Code de la
Consommation, à savoir assurer la loyauté des transactions, en
l'occurrence le contrôle chez les fabricants d'aliments, la
vérification des formulations et de l'étiquetage et, plus
globalement, la protection des consommateurs puisque cette Direction
générale du ministère de l'Economie, des Finances et de
l'Industrie a une mission horizontale de protection des consommateurs dans le
cadre d'un rôle général de surveillance du marché.
Elle a exercé sa mission en coopération avec d'autres services de
contrôle tels que la Direction Générale de l'Alimentation
et la Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects. Je
dois préciser que cette coopération a été
considérablement renforcée ces derniers temps.
Les farines ont été très tôt au centre des
préoccupations des Pouvoirs publics français en matière
d'ESB. Je ne rappellerai pas les grandes dates, de 1989 à 1994, que tout
le monde connaît, mais je ferai quelques commentaires sur cet historique
quelque peu lointain.
Les premières mesures ont été prises en 1989 et il faut
attendre 1991 pour avoir un premier cas d'ESB en France.
Toutes les mesures ont été prises après consultation des
instances scientifiques, notamment le Conseil Supérieur d'Hygiène
Publique, la CEDAP, la CIAA, la Commission des toxiques, toutes commissions qui
sont maintenant regroupées dans l'AFSSA qui est l'instance
d'évaluation des risques. Il faut clairement dire qu'en France il y a eu
une anticipation par rapport aux mesures de protection prises en matière
communautaire.
Dès la mi-1992, cette Administration avait organisé des
réunions de travail très approfondies avec les scientifiques, les
mêmes que ceux que nous entendons aujourd'hui, à savoir M. le
Professeur Dormont et Mme le Professeur Brugère-Picoux, en associant
d'autres administrations sur la nécessité, ou pas, de prendre des
mesures réglementaires.
Concernant la première mesure d'interdiction des farines pour les
bovins, qui date de 1990, la première concrétisation dans le
contrôle consiste en une note de service entre la Direction
Générale de l'Alimentation et la DGCCRF datant du 6 novembre
1990. Cette note précise, et nous aurons l'occasion d'y revenir, le
champ d'intervention respectif des deux services ; elle a par ailleurs
été précisée et complétée en 1996 et
ensuite un peu plus récemment.
Globalement, il faut retenir que la Direction Générale de
l'Alimentation intervient chez les équarrisseurs et dans les
élevages et la DGCCRF le fait chez les fabricants d'aliments pour
animaux. En même temps, cette intervention chez les fabricants d'aliments
pour animaux n'est pas exclusive du fait que nous puissions remonter en amont,
notamment chez les équarrisseurs, pour le contrôle de l'origine
des matières premières utilisées. Plus
généralement, la DGCCRF agit au stade de la fabrication et de la
commercialisation pour assurer la loyauté des transactions et la
sécurité des consommateurs.
Les deux mots de « loyauté » et de «
sécurité » sont d'ailleurs ceux que l'on retrouvera le plus
fréquemment quand il s'agit d'expliciter le mode d'action de ma
Direction générale.
Les contrôles réalisés par ma Direction dans les
entreprises ont pour objet de déceler, à tous les stades de la
production et de la transformation, les pratiques interdites (c'est notamment
la répression des fraudes), de repérer les marchandises non
conformes et dangereuses et, par conséquent, de rechercher des
infractions éventuelles, d'évaluer le dispositif
d'autocontrôle mis en oeuvre par les entreprises pour s'assurer de la
bonne exécution de leur activité au regard des obligations
réglementaires qu'elles ont et d'essayer de remédier aux
anomalies détectées à l'occasion des contrôles.
Lors de leurs contrôles, les agents de ma Direction effectuent des
constatations directes, procèdent, si nécessaire, à des
prélèvements d'échantillons qui sont analysés dans
un laboratoire officiel, et réalisent un examen des différents
documents ayant trait à la fabrication, comme les factures ou les
formules de fabrication.
Je vous indiquerai quels contrôles nous avons réalisés,
comment nous les avons effectués et quels sont les résultats
obtenus. Je vous remets dès à présent les pièces
écrites sur les instructions et les bilans de ces contrôles. Vous
avez un document assez complet et je commenterai un certain nombre de ces
pièces. Je tenais à vous les remettre dès maintenant en
distinguant les notes de service et les résultats des contrôles
ainsi que des documents plus généraux, historiques, qui
expliquent tout ce qui a été fait par cette Administration depuis
une douzaine d'années sur ces sujets.
Pour vous donner quelques chiffres, les entreprises de fabrication d'aliments
pour animaux, dont j'ai dit que c'était le coeur de notre
compétence, ont été visitées et
contrôlées par les agents de la DGCCRF dans le cadre
général de ce que nous appelons le contrôle en entreprise.
Nous sommes passés d'un chiffre compris entre 200 et
400 contrôles par an, dans les années 1990 à 1995,
à un niveau situé entre 700 et 950 contrôles par an
depuis cette époque.
Dans un deuxième temps, nous réalisons, surtout depuis 1997, des
contrôles ciblés avec des comptes-rendus précis, dont vous
disposez, et méthodiques sur les aliments pour animaux ; pour cela,
nous procédons à des prélèvements dans les
entreprises et ils sont ensuite analysés par les laboratoires
grâce à une méthode de détection de la
présence de farines dans les aliments pour animaux. Je reviendrai plus
tard sur ce sujet. Depuis 1999, des contrôles du chauffage des farines
sont venus s'y ajouter.
Pour résumer : contrôles en entreprise, contrôles
généraux, contrôles ciblés sur la détection
de traces (ou la présence) de farines dans les aliments pour animaux
à partir de 1997, en second lieu, et en troisième lieu
contrôles, à partir de 1999, du chauffage des farines. Je vous
donnerai certains chiffres précis sur les éléments 2 et 3
de ces contrôles.
Je voudrais préalablement intervenir sur les importations car ce sujet a
beaucoup intéressé M. le Professeur Mattei. J'ai quelques
scrupules à affirmer que tout a été dit, d'autant que mon
collègue des Douanes vous en parlera plus tard. Je suis très
clair sur ce sujet et je n'ai pas l'habitude de fuir mes
responsabilités, mais vous devez savoir que mon Administration n'a pas
la compétence pour contrôler les importations ; c'est le
travail de la Direction Générale des Douanes et des Droits
Indirects. Le passage au « Grand marché » a perturbé
les statistiques douanières en raison même de l'allégement
des procédures imposées aux opérateurs.
Toutefois, mon Administration a pu apporter -d'où
l'ambiguïté- son concours à la Direction
Générale des Douanes et Droits Indirects pour préciser
certains flux d'importation de farines en provenance du Royaume-Uni entre les
années 1993 et 1996.
La DGCCRF (dont ce n'était pas le nom à l'époque) a
procédé depuis 1970, en les approfondissant depuis 1988, à
certains contrôles qualitatifs des produits d'alimentation animale
débarqués dans différents ports de l'Ouest de la France. A
cette occasion, nous avons commencé à rechercher les aflatoxines
dans les tourteaux d'arachide et nous avons vérifié la
qualité des matières premières importées. Nos
contrôleurs ont relevé, bateau après bateau, toutes les
données se rapportant aux produits, aux quantités, aux origines,
aux opérateurs et aux affréteurs.
Nous avons pu, grâce à la connaissance de ces opérations de
déchargement de matières premières importées,
apporter une aide à nos collègues de la Direction
Générale des Douanes et des Droits Indirects quand il fallait
connaître, en 1996, l'origine et la nature de certaines farines.
Ainsi, nous avons pu conforter, aider à redresser et modifier certaines
données et statistiques douanières. J'insiste sur le fait que la
DGCCRF n'a pas de données propres qui pourraient être
opposées à celles des Douanes.
Une synthèse des travaux avait été rendue publique en 1995
par le ministre délégué aux Finances et au Commerce
Extérieur sur les importations de farines en provenance du Royaume-Uni,
d'Irlande et de l'ensemble des pays de l'Union Européenne. Je n'ai,
aujourd'hui, aucun élément nouveau à ajouter.
Mon collègue, Directeur général des Douanes, vous donnera
plus tard les derniers chiffres qui ont été calés sur les
tonnages importés, mais je n'ai pas, par rapport à ce que je
viens de vous indiquer, de statistiques ou de documents différents.
La France a largement anticipé sur l'Union Européenne et sur
nombre de ses partenaires pour sécuriser sa chaîne alimentaire. Il
y a eu une restriction croissante en matière de farines et je ne
reviendrai pas sur la réglementation.
Je souhaite toutefois vous indiquer que certains problèmes ont
été rencontrés. En 1992, ma Direction
générale avait obtenu, à la suite d'un arbitrage
interministériel, la prise d'un arrêté interdisant
l'utilisation des farines de viande et d'os dans la fabrication des
matières fertilisantes. En effet, à l'époque nous
étions déjà préoccupés par
l'éventualité d'une contamination par le sol car des
études relataient l'existence de champs à tremblante. Les
contrôles menés par la DGCCRF avaient « fait du bruit »
à l'époque mais cet arrêté a été
annulé par le Conseil d'Etat en 1994 pour manque de motivations.
La prise du texte est de 1992 mais le temps judiciaire est différent. En
1994 cet arrêté a été annulé par le Conseil
d'Etat pour manque de motivations et des procès-verbaux
réalisés ont donc été annulés. Je dis cela
comme étant une erreur de parcours et il en existe éventuellement
d'autres.
Dans ma typologie, ce que nous avons fait depuis 1997 sera le second point. Il
s'agit des prélèvements effectués sur les farines et le
contrôle de l'existence, ou de la trace de farines dans les aliments pour
animaux. Il me semble en effet que c'est l'un des coeurs du sujet.
La DGCCRF a mis au point, dans le courant du premier semestre 1997, une
méthode d'analyse permettant la détection et la quantification
des farines dans les aliments. Je crois pouvoir vous dire que c'est un tournant
dans la réalité et dans l'efficacité des contrôles
puisque nous sommes passés d'un contrôle général en
entreprise à un contrôle spécifique orienté vers des
prélèvements nous permettant de détecter des traces de
farines.
A partir de ce moment-là, nous avons pu combiner le contrôle
documentaire et le contrôle analytique qui est plus efficace que le seul
contrôle documentaire. Nous avons immédiatement (les documents que
je vous ai remis en font état) lancé un programme de
contrôles sur cette base ; c'est ce que nous appelons la tâche
programmée 84 qui, depuis, a été précisément
reconduite trimestre d'activité par trimestre d'activité.
Je souhaite faire, sur ce sujet, un bref commentaire par rapport à une
polémique récente, du 25 octobre dernier, concernant un
prétendu seuil de tolérance dans la présence des farines.
En effet, le 25 octobre, un journal du matin a mis en cause mon Administration
sur une tolérance concernant les traces de farines. Or, les farines
animales sont interdites depuis 1990 pour les bovins et depuis 1994 pour
l'ensemble des ruminants, et un service de contrôle n'a pas la
possibilité de revenir sur une réglementation.
Par ailleurs, il est vrai que nous avons fixé une limite à partir
de laquelle une procédure est envoyée devant les tribunaux. Cette
limite est égale à 0,3 % de traces de farines dans
l'alimentation animale ce qui, techniquement, correspond à 0,1 % de
fragments d'os.
Cette limite existe parce que cette méthode d'analyse mise en oeuvre en
Europe pour la première fois par mes services, comporte, comme toute
autre méthode, une marge d'approximation et d'erreur et nous avons
constaté que l'analyse est fiable à 0,1 %.
S'agissant du cadre d'une procédure pénale, nous devons
démontrer au juge l'intention frauduleuse ou la négligence
coupable. A partir de 0,1 % nous avons estimé pouvoir convaincre le
juge et montrer que, même s'il n'existe que des traces, celles-ci sont
suffisantes pour démontrer la négligence coupable ou l'intention
frauduleuse. Dans le cas contraire, nous n'arrivons à rien devant les
tribunaux ; certains des bilans de contrôles qui sont en votre
possession indiquent que nous avons déjà rencontré des
difficultés pour obtenir des condamnations même quand des traces
de farines supérieures au niveau de 0,1 % ont été
relevées.
Jusqu'à présent, sur 15 affaires transmises à la justice,
concernant des cas à partir ou au-delà de 0,1 % de fragments
d'os, 7 ont été jugées, 5 ont été
classées, une a fait l'objet d'une relaxe et une seule condamnation a
été prononcée.
Vous constatez que cette polémique est particulièrement
déplacée et malveillante. Nous avons pris, en guise de marge
d'erreur, le seuil de 0,1 %, mais cela ne sécurise pas totalement
par rapport au devenir ou au bon aboutissement des procédures
judiciaires.
Le mot de « tolérance » est spécialement malveillant
car il donne l'impression qu'en deçà de ce seuil l'Administration
ne fait rien. Il est évident que l'Administration agit en
deçà de ce seuil et je reviendrai sur ce sujet pour prendre
quelque hauteur sur la différence entre les procédures de fraude
et de lutte contre la fraude, et les problèmes de sécurité
alimentaire.
Au titre de la fraude, nous envoyons à la justice au-dessus de
0,1 % mais au-dessous de 0,1 %, même si nous ne transmettons
pas au Parquet, nous agissons au titre de la Police administrative et des
pouvoirs que nous avons à ce titre. Dans ce cas, nous revenons dans les
entreprises et nous mettons tout en oeuvre pour les obliger à modifier
leurs process, afin que les sources de contamination soient recherchées,
et qu'elles adoptent des mesures correctrices.
Je suis heureux de pouvoir m'exprimer pour la première fois sur ce sujet
pour préciser que cela ne signifie pas que l'Administration accepte des
traces jusqu'à 0,1 % ; cela veut dire qu'elle agit au titre
des pouvoirs de Police administrative qui sont les siens. Il faut d'ailleurs
augmenter ses pouvoirs et j'ai fait des propositions au Gouvernement à
ce sujet.
Il est donc erroné de prétendre que nous avons admis un seuil de
tolérance. Il est également erroné de comprendre ce seuil
comme une abstention de l'Administration ou pire encore, car on voit bien le
glissement progressif vers le plaisir, vers ce qui pourrait être
assimilé à une sorte d'accommodement ou de « concubinage
» entre l'Administration et les entreprises.
J'ajoute, Monsieur le Président, que depuis 1997 nous sommes
restés fermes sur ce seuil de 0,1 % alors que le Comité
Scientifique Directeur de Bruxelles a retenu, en 1998, un seuil
supérieur puisqu'il a été placé à
0,15 %.
Dans ma typologie, le troisième point (touchant les méthodes
d'analyse) concerne le contrôle du traitement thermique des farines. En
1999, le laboratoire de Rennes a adopté une méthode encore non
officielle pour vérifier que la farine avait bien été
traitée à 133°C avec une pression de 3 bars pendant 20
minutes. Cette méthode assez technique est fondée sur la
dégradation d'une protéine de porc.
Des contrôles ont été réalisés et ils ont
donné lieu, en cas d'anomalie, à une information et à une
coopération avec les Services Vétérinaires qui
interviennent généralement avec mes services chez
l'équarrisseur fabriquant la farine. Pour l'année 2000, 83
prélèvements ont été effectués par la
DGCCRF, sur cette problématique du chauffage des farines, dans 18
entreprises agréées pour pratiquer le traitement thermique. Dans
18 cas, le traitement appliqué avait été insuffisant et
ces résultats ont conduit à 3 procédures contentieuses
ainsi qu'au retrait de l'agrément d'une entreprise.
Je terminerai par une interrogation. L'interdiction récente et
générale des farines a-t-elle été le
révélateur de l'échec de la sécurisation, que nous
poursuivons depuis un certain nombre d'années, et de l'échec des
contrôles ? C'est un point de vue qui a été parfois
développé, notamment par des scientifiques éminents tels
que M. le Professeur Pascal et d'autres.
Vous me permettrez de défendre le point de vue inverse. Je ne crois pas
que l'interdiction des farines, datant de la fin octobre et du début
novembre, soit un aveu ou un constat d'échec. Il est tout à fait
évident que les farines fabriquées en l'an 2000
présentaient un degré de sécurité beaucoup plus
élevé que les farines des années précédentes
grâce au retrait des MRS, des cadavres, pour lesquels nous avons
été en France quelque peu en avance, et aux traitements
thermiques dont je viens de parler ; l'un s'ajoute à l'autre et la
sécurisation provient de l'addition de toutes ces mesures.
A priori, les conditions d'une sécurité maximum (je ne dirai pas
totale) étaient réunies, même si nous n'étions pas
à l'abri de défaillances ou de fraudes. J'ai récemment
donné des statistiques montrant que des anomalies ou des fraudes ont
existé.
La mise en oeuvre du traitement thermique ne s'est pas faite sans
difficultés. Nous avons constaté, à l'analyse des farines,
des défauts de traitement dus à des dérèglements
d'appareils de mesure, à une insuffisante maîtrise des
procédures ou au fait que les températures n'étaient pas
suffisantes au coeur du lot. Par une action conjointe avec les Services
Vétérinaires, nous avons fait prendre des mesures correctrices et
notamment un retrait d'agrément.
Dans ce contexte il n'est pas déraisonnable d'affirmer que nous pensions
que les farines avaient atteint un niveau de sécurité
élevé. Les risques liés à une éventuelle
présence intempestive de farines dans les aliments pour bovins, par une
contamination croisée, devenaient plus un problème de fraude
qu'un problème de sécurité alimentaire stricto sensu.
On ne peut jamais dire que la fraude est éradiquée à
100 %. Il existait, même dans une période récente, des
risques de contamination croisée notamment lors du transport et du
stockage des farines. Une contamination chez les éleveurs n'était
pas impossible notamment chez ceux qui élèvent également
des volailles ou peuvent être tentés de donner de l'aliment pour
volailles aux bovins.
L'important est que la sécurité alimentaire a été
mise au premier plan des priorités d'action de ce service. En 1997 j'ai
fixé, avec l'accord des ministres, trois priorités d'action pour
ma Direction générale : le contrôle des marchés
publics, le contrôle de la concurrence et la sécurité
alimentaire. Les bilans des contrôles qui vous ont été
remis illustrent que cette priorité a été traduite dans
les faits.
Les statistiques des contrôles sont importantes sur les farines mais il
existe d'autres statistiques, plus générales, sur l'origine et la
traçabilité des viandes. Je n'en ai pas parlé car ce n'est
pas le coeur du sujet de votre commission mais je peux vous proposer des bilans
sur les contrôles puisqu'en matière d'origine et de
traçabilité des viandes nous avons effectué 63 000
contrôles. Je vous ai remis un document synthétique sur ce sujet.
J'insiste fortement sur la distinction entre la problématique de la
fraude et celle de la sécurité alimentaire. La fraude
nécessite, pour que les services de contrôle puissent
établir les fraudes, la confidentialité, le secret et la
discrétion, alors que la sécurité alimentaire exige la
transparence, la communication et l'information du public. Il existe un
défi pour mon Administration entre la préoccupation de la fraude
et celle de la sécurité alimentaire. Les deux
préoccupations peuvent être réunifiées par les
mesures de Police administrative. Nous ne pouvons pas nous contenter
d'être des auxiliaires par rapport à la Police judiciaire et par
rapport aux procédures pénales ; nous devons pouvoir
développer des procédures de Police administrative pour agir
très rapidement dans l'intérêt du consommateur.
M. Jean Bizet, rapporteur
- La première question que l'on peut se
poser concerne le rapport que l'on a coutume d'appeler le Rapport Claude
Villain de l'Inspection Générales des Finances. Ce rapport
rédigé fin septembre 1996 révèle que les services
de la DGCCRF, sollicités en juillet 1990 pour l'interdiction de l'emploi
de farines, n'avaient pas été informés de l'avis aux
importateurs publié en août 1989.
Confirmez-vous cette information et quelles sont les conséquences sur la
protection et l'information aux consommateurs ?
Ce même rapport révèle qu'une réelle collaboration
entre la DGCCRF et la Direction Générale des Douanes et des
Droits Indirects a été établie seulement au printemps 1996
afin d'échanger les renseignements existants (les listes des bateaux et
les documents irlandais) pour faciliter le contrôle des
déclarations d'échanges de biens et, inversement, la notification
de ces déclarations d'échanges de biens suspectes à la
DGCCRF.
Comment expliquez-vous cette absence de coordination jusqu'en 1996 et quelles
en ont été les conséquences sur les fraudes à
l'importation des farines britanniques ?
Par ailleurs, y a-t-il lieu de s'inquiéter de la composition des
bouillons en cubes, des fonds de sauce et de certains plats
cuisinés ? Si oui, pourquoi les industries agro-alimentaires
ont-elles pu utiliser des graisses animales issues de la pression des farines
ou des abats à risques importés de Grande-Bretagne ?
Concernant l'incorporation de farines dans les engrais pour améliorer
les sols, vous dites qu'un arrêté de 1992 a été
cassé par décision du Conseil d'Etat en 1994 au motif
d'insuffisance de motivations. Pouvez-vous nous dire qui a saisi le Conseil
d'Etat pour prendre une telle décision ?
M. Jérôme Gallot
- Je vous ai précisé que les
contrôles, non pas à l'importation, mais sur les matières
premières déchargées dans les ports, n'étaient pas
le coeur de compétence et d'intervention de la DGCCRF. Cette mission est
réalisée de longue date à partir d'une
problématique qui n'était pas celle de l'ESB mais elle a
été remobilisée sur l'ESB. Ce n'est pas l'essentiel de
l'activité de mon service, même si cette mission a
été fort utile et a produit des résultats.
Je vous ai remis des résultats de contrôles liés à
cette intervention dans les matières premières importées.
Je crois donc que la relation entre la DGCCRF et la Direction
Générale des Douanes et des Droits Indirects a été
établie de manière convenable à partir de 1996 ; le
Rapport Villain le dit. Cela ne signifie pas qu'il n'existait pas de relations
mais elles étaient moins importantes. Depuis, ces relations ont
été formalisées.
Nous avons, en février 1998, signé un protocole d'accord entre la
Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects et la
DGCCRF. Il ne concerne pas la problématique des ports et de
l'importation, car ce n'est pas l'essentiel des activités de ma
Direction, mais plutôt les échanges d'informations lors de fraudes
ou de mouvements de marchandises anormaux. Quand les douaniers interceptent un
certain nombre de cargaisons ils ont besoin des Services
Vétérinaires, ou de mes services, pour contrôler sur le
territoire français la réalité du contenu de la
cargaison ; de ce fait, nous procédons à des
prélèvements.
C'est explicité dans le protocole d'accord de février 1998 et
nous avons procédé à environ 450 échanges
d'informations (appelées fiches d'analyse transmises entre les deux
Directions) depuis février 1998.
Je ne polémiquerai pas sur le passé, et ce que M. Claude Villain
affirme est peut-être vrai. Je peux dire que nous avons tiré les
leçons du Rapport Villain sur le fait que la coopération entre
les deux Directions du ministère des Finances chargées des
problèmes de sécurité n'était pas suffisante ;
elle a été renforcée à partir du début de
l'année 1998.
M. le Rapporteur
- Pourrions-nous être destinataires du Rapport
Villain et de ce document formalisant une meilleure coordination entre la
DGCCRF et la DGDDI ?
M. Jérôme Gallot
- Je vous remets dès maintenant le
Rapport Villain et je dispose certainement de l'autre document.
J'insiste sur le fait qu'entre les Douanes et la DGCCRF il existe un protocole
d'accord sur l'ESB datant de février 1998. Fin mars 2000 nous avons
examiné la totalité des relations de contrôle entre la
DGCCRF et les Douanes. Il existe un protocole de coopération, plus large
que le seul protocole de 1998 sur l'ESB qui doit faire l'objet d'un bilan
annuel. Nous ferons à ce titre un bilan complet pour l'anniversaire de
ce protocole.
Je vous remets le protocole de coopération d'ensemble, du 8 mars 2000,
mais il existe un protocole spécifique ESB en annexe.
M. le Rapporteur
- C'est une dérive ou un mal français et
nous notons avec beaucoup d'intérêt cette formalisation dès
1998.
M. Jérôme Gallot
- Vous m'avez posé le
problème de la relation avec les Services Vétérinaires
dans le cadre du Rapport Villain.
M. le Rapporteur
- Non, mais vous pouvez nous donner vos informations.
M. Jérôme Gallot
- Il a existé, le cas
échéant dans le passé, des difficultés ou des
crispations. Il s'agit de deux ministères différents et il ne
faut pas oublier l'histoire. En effet, l'ancien service de la répression
des fraudes venait du ministère de l'Agriculture et a formé en
1981/1982 la Direction de la Consommation et de la Répression des
Fraudes ; l'ensemble a ensuite fusionné en 1984/1985/1986 pour
former la DGCCRF.
Des relations ont été très importantes au niveau central.
Certaines notes de service, dont vous disposez, sont co-signées par les
deux Directeurs généraux. J'ai parlé de celle de 1990 mais
il en existe d'autres.
En matière de coopération je crois qu'il faut allier plusieurs
ingrédients. Le premier est la volonté personnelle des Directeurs
généraux de travailler très étroitement ensemble.
Cette volonté existe au sein de la Direction Générale de
l'Alimentation, avec le Directeur général de la Santé et
celui des Douanes. Les Directeurs généraux font preuve d'une
forte volonté personnelle de travailler en
complémentarité.
Cela ne suffit pas car il faut aller en permanence dans les services
déconcentrés, prendre son « bâton de pèlerin
» et se rendre dans les Directions départementales.
Personnellement, en 47 mois j'ai fait 98 déplacements sur le terrain et
j'ai visité 80 départements. Je pose régulièrement
la question aux responsables départementaux et aux agents sur le
terrain : concernant les relations avec les Parquets, avec le
Préfet, les Douanes et les Services Vétérinaires, quelles
sont les actions entreprises, existe-t-il une complémentarité et
une coordination pour qu'un commerçant ne soit pas contrôlé
un jour par les Services Vétérinaires et deux jours plus tard par
la DGCCRF ?
Il existe une volonté au sommet mais également un essai de
mobilisation fort pour apprendre à nos agents des Services
Vétérinaires et ceux de la DGCCRF à travailler ensemble.
Cela ne peut pas se faire rapidement mais des progrès significatifs ont
été enregistrés.
Il y a quelques années, plusieurs mois étaient nécessaires
pour trouver un accord sur l'interprétation de textes alors
qu'aujourd'hui ce délai est passé à 15 jours ou
3 semaines.
Concernant l'interdiction générale des farines, fin
octobre/début novembre, M. Hulaud, ici présent, a
négocié en une dizaine de jours, au maximum, avec ses homologues
de la Direction Générale de l'Alimentation. Ce n'est pas facile.
Chacun porte des responsabilités, des compétences et des points
de vue qui ne sont pas exactement les mêmes. Toutefois, j'ai la faiblesse
de considérer que cette diversité des opinions dans l'appareil
d'Etat est une source d'enrichissement et non pas de redondance.
Je pense qu'entre les Services Vétérinaires et nous il existe les
dominantes amont et aval. Les Services Vétérinaires sont en
amont, à l'abattoir où leur présence est
institutionnalisée et permanente, et pour exercer leur métier ils
se projettent plus en aval. Nous sommes en aval, au contact du
consommateur ; nous procédons d'abord, et avant tout, à des
contrôles au niveau de la distribution et, pour bien exercer ce
métier de l'information loyale du consommateur, nous sommes
obligés de remonter plus en amont car la traçabilité,
à savoir le contrôle de l'origine, nous impose de le faire.
Je disais que sur les farines nous avions avant une responsabilité
historique sur les fabricants d'aliments. J'ai aussi indiqué que nous
allions chez les équarrisseurs, même si ceux-ci relèvent
plus de la responsabilité des Services Vétérinaires, afin
de contrôler les matières premières. Les notes de service
d'il y a 4 ou 5 ans indiquent ce partage des rôles et des
responsabilités.
Je crois pouvoir vous dire que la coopération s'est intensifiée
et qu'elle donne aujourd'hui de meilleurs résultats parce qu'il existe
une volonté claire, au sommet, d'en vérifier les conditions
d'application. Certains pôles de compétences sont mis en oeuvre
par les préfets au plan local et je demande à mes Directeurs d'y
participer avec mobilisation, loyalisme et efficacité, tout en
respectant les compétences juridiques des uns et des autres. En effet,
nous aurions des problèmes d'efficacité juridique si nous
abandonnions une partie de nos compétences.
Par une programmation conjointe et une planification des sorties, nous
demandons à nos services déconcentrés de rendre compte de
leurs actions. Il est parfois difficile d'avoir des comptes-rendus car les
enquêteurs sont mobilisés au plan local par des sorties dans les
entreprises. Aujourd'hui, nous avons plus de comptes-rendus qu'auparavant. Je
ne peux pas dire que tout est parfait mais, indiscutablement, la situation est
meilleure aujourd'hui.
M. le Rapporteur
- L'année 1998 a marqué un tournant.
M. Jérôme Gallot
- Tout cela compose un processus continu.
Concernant les engrais, je laisse la parole à M. Hulaud car je ne sais
pas qui a fait le recours par rapport à la décision de justice
dont nous avons parlé.
M. Daniel Hulaud
- Un recours a été fait concernant le
texte visant à imposer une homologation à toutes les
matières fertilisantes qui renfermaient des farines de viande.
Cette homologation permettait d'interdire, par ce biais, un certain nombre de
produits qui pouvaient présenter un risque, de par leur épandage,
lors de la consommation de l'herbe par les animaux. Certains professionnels
considéraient que ce n'était pas approprié et que cela
allait au-delà des mesures de sécurité visant à
protéger de la santé des animaux et la santé humaine. De
ce fait, le Conseil d'Etat, considérant que les motivations
étaient insuffisantes, a annulé ce texte.
Aujourd'hui, un autre texte est présenté à la signature
des ministres et nous espérons que dans les prochains jours nous aurons
à nouveau un texte interdisant l'incorporation des farines dans les
engrais. Nous travaillons à ce projet. C'était une mesure
à laquelle nous tenions car il nous avait semblé, à
l'époque, qu'il s'agissait d'une bonne application du principe de
précautions.
M. le Rapporteur
- C'était un problème d'homologation et
cela relève plus d'une harmonisation au niveau européen. Je pense
donc qu'aucun organisme n'a fait pression.
M. Daniel Hulaud
- Cette affaire date de 1992 à 1994 et je n'ai
pas le détail de la procédure ayant conduit à cette
annulation ; nous pourrons toutefois vous fournir des informations.
Les procès-verbaux dressés pour l'application de cet
arrêté ont, je pense, conduit à une telle levée de
boucliers et à la saisine du Conseil d'Etat avec un recours en
annulation.
M. Jérôme Gallot
- Une question concernait les plats
cuisinés et les fonds de sauce. Nous contrôlons la totalité
des entreprises qui utilisent des éléments bovins ou des
éléments liés aux viandes d'une manière
générale. Il n'existe pas de différence entre les morceaux
de viande entiers et ceux que l'on retrouve à faible dose dans les fonds
de sauce ou certaines productions. Cela fait partie des missions habituelles de
la DGCCRF et nous contrôlons ce type d'aliments chez l'ensemble des
fabricants.
M. Daniel Hulaud
- Pour la sécurité de ces bouillons et
fonds de sauce, mais aussi de l'ensemble des plats cuisinés, il ne faut
pas oublier les mesures prises dès le début de l'année
1990 concernant l'interdiction d'importer des abats à risques en
provenance du Royaume-Uni. Certaines garanties ont été
apportées du fait de l'adoption de cet avis aux importateurs.
M. le Rapporteur
- Nous disposons de chiffres qui peuvent
désormais être croisés. Je vous rappelle qu'entre 1978 et
1987 la France a importé 3 185 tonnes d'abats et entre 1988 et 1996, sur
une période de 9 ans, 47 890 tonnes ont été
importées. Ceci est malgré tout choquant. Sur ce point
précis, avez-vous des informations à nous livrer ?
M. Daniel Hulaud
- Je n'ai pas d'informations précises. Sur la
période ayant précédé 1990 nous ne pouvons pas dire
grand-chose puisque les Anglais nous avaient précédés de
quelques mois. Nous avons cru bon de prendre un avis aux importateurs car nous
avions trouvé, notamment à Rungis, quelques abats qui avaient
franchi les frontières.
M. le Rapporteur
- Il s'agit de 47 000 tonnes ; ce ne sont pas que
« quelques abats ».
M. Daniel Hulaud
- Des produits étaient rentrés sur le
territoire français et nous avons pris cet avis aux importateurs.
Il existe plusieurs catégories d'abats et les abats à risques
étaient interdits à partir de 1990. Or, sans être
spécialiste des statistiques douanières, je peux dire qu'il est
fort probable que l'on ne fasse pas de différence entre le foie de veau,
qui reste autorisé, et pouvait être importé jusqu'à
la date de décision d'embargo de 1996. Il faudrait analyser ces chiffres
dans le détail pour savoir s'il ne s'agit pas uniquement de ces produits
autorisés ; c'est d'ailleurs ce que j'espère car, dans le
cas contraire, ce serait tout à fait anormal.
M. Paul Blanc
- Dans le droit fil de la question concernant les fonds de
sauce, etc., il me semble que le retrait des abats à risques a
été décidé en juillet 1992 pour les petits pots
pour bébés. Pourquoi cette même mesure n'a-t-elle pas
été appliquée pour les plats cuisinés ?
M. Jérôme Gallot
- Sur ce point M. Hulaud, qui était
présent à l'époque des événements, pourra
compléter l'information.
Obtenir une interdiction pour les petits pots pour bébés a
été un combat. Plusieurs semaines, voire des mois, de travail, de
conviction et de persuasion de l'ensemble du paysage interministériel
ont été nécessaires. A l'époque, cela a
été considéré comme un succès et comme une
mesure très positive de protection des consommateurs les plus fragiles,
à savoir les enfants. Cette mesure très importante a
été difficile à obtenir.
M. Daniel Hulaud
- Cette affaire était importante pour nous
puisque nous assurions, concernant la DGCCRF, la tutelle d'une commission
chargée des produits diététiques et des produits de
l'enfance.
Nous avons assuré cette tutelle jusqu'à la création de
l'AFSSA. Sachant tout ce qui était dit sur la maladie de la vache folle
et sur l'ESB, nous avons demandé, lors d'une des réunions de
cette commission, à un spécialiste des encéphalopathies
spongiformes de nous expliquer la situation.
Les travaux étaient conduits par M. Jean Navarro, Professeur de
pédiatrie à l'Hôpital des Enfants Malades. A la suite de
l'exposé fait par M. Deslys la décision a été prise
de rendre un avis visant à interdire, pour les produits relevant de la
compétence de cette commission, l'utilisation des abats à risques.
Les professionnels ont indiqué que c'était inutile puisque des
mesures avaient été prises. Cependant, les mesures prises au
niveau national ne visaient certainement pas les produits importés. Nous
avons donc pris l'arrêté et, dans l'avis émis par la CEDAP,
nous avons été conduits à saisir le Conseil
Supérieur d'Hygiène Publique de France puisque l'alimentation, en
général, ne relevait pas de la compétence de cette
commission. Le Conseil Supérieur Public d'hygiène de France a
rendu un avis plus tempéré que celui de la CEDAP et n'a pas
conduit les Pouvoirs Publics à prendre une telle mesure.
Toutefois, cet arrêté concernant les petits pots pour
bébés a fait l'objet de très vives critiques par la
Commission de Bruxelles et nous avons été contraints de nous en
expliquer à Bruxelles. J'y suis personnellement allé et je peux
vous dire qu'il nous a été rappelé à plusieurs
reprises qu'il s'agissait d'une mesure visant à protéger le
marché national, à entraver les échanges et que ce
n'était nullement une mesure de santé publique.
Nous avons, parmi les documents en notre possession, des pièces
attestant de cela et nous pourrons vous les fournir.
Nous avons pris des arrêtés de renouvellement mais ce n'est qu'aux
environs de 1996 qu'il a été possible de concrétiser par
un décret, et rendre pérenne, cette mesure qui n'était
valable qu'un an.
M. Paul Blanc
- Monsieur Gallot, vous parlez d'un combat ; vous
avez donc livré un combat contre Bruxelles.
M. Jérôme Gallot
- En quelque sorte.
M. Paul Blanc
- Vous avez parlé de la collaboration
étroite entre les différents services, notamment la DSV.
Concernant un cas pratique, êtes-vous informé de ce qui s'est
passé dans les Hautes-Alpes où la DSV des Hautes-Alpes a saisi le
Parquet de Gap à la suite de découvertes d'importantes
quantités d'aliments pour bovins contenant des farines animales
importées d'Italie ?
M. Jérôme Gallot
- Oui. L'origine du problème est
une fraude détectée par les Services vétérinaires.
Il y a eu ensuite un échange d'informations entre les services
concernés, la Préfecture, les Services Vétérinaires
et la Direction départementale. Mes services, avec les Services
Vétérinaires, sont ensuite retournés dans
différentes entreprises qui avaient pu être clientes de ce
fournisseur. Il s'agit d'une coopération importante entre les deux
services de contrôle, même si l'origine, à savoir le fait
générateur, est une découverte faite par les Services
vétérinaires.
Un autre aspect du dossier concerne l'information des autorités
étrangères faite par mon Administration centrale par une lettre
datée du 5 janvier.
Le sujet que vous évoquez illustre ce que je disais sur la fraude et la
sécurité alimentaire. Pour parvenir à élucider le
problème il a été nécessaire, pendant
3 semaines ou un mois, de rester dans une forme de discrétion. Nous
pensions (et nous le pensons toujours) que ce n'était plus un
véritable problème de sécurité alimentaire, des
mesures ayant été prises depuis 7 ou 8 ans, et que nous devions
traiter cette affaire ainsi.
Au cas par cas, nous sommes toujours confrontés à cette
problématique : faut-il, ou pas, médiatiser rapidement de
telles découvertes ? Si nous le faisons, nous nuisons à
l'efficacité de la lutte contre la fraude.
M. Paul Blanc
- Je voulais préciser cette collaboration par un
cas concret.
Vous parliez du contrôle de ces bateaux transportant des farines
animales. Quels sont les importateurs : des professionnels de
l'alimentation animale, des courtiers ou d'autres personnes ?
M. Daniel Hulaud
- Les importateurs peuvent être, dans certains
cas, des courtiers, mais ce sont aussi de gros fabricants d'aliments pour
animaux qui importent directement.
M. Paul Blanc
- Quand il s'agit de courtiers, n'est-il pas plus
difficile de remonter la filière et trouver la
traçabilité ?
M. Daniel Hulaud
- Nous avons plus de difficultés quand il s'agit
de courtiers car ce ne sont pas toujours des importations directes. Il a
été constaté que des marchandises pouvaient arriver par la
Belgique ou les Pays-Bas, notamment lors des contrôles
réalisés sur cette période de 1993 à 1996.
M. le Président
- Avez-vous des listes de courtiers et
d'établissements contrôlés ?
M. Daniel Hulaud
- Oui. La coopération avec les Douanes
intervient quand nous demandons à ses services quels sont les
importateurs pour certains types de produits. Ensuite, à partir de ces
listes, nous allons voir ceux qui nous intéressent.
M. le Président
- Je vous demande de bien vouloir nous fournir
les documents concernant les importateurs ou les courtiers
contrôlés.
M. Jérôme Gallot
- Oui. Vous avez déjà le
résultat de contrôles qui ont été menés dans
les années 1993 mais nous pourrons vous donner des résultats plus
complets.
M. Paul Blanc
- En ce moment les compléments alimentaires et les
lacto-remplaceurs sont au centre du débat. En assurez-vous le
contrôle et, si oui, comment ?
M. Daniel Hulaud
- Les lacto-remplaceurs ou les autres aliments sont
tous contrôlés. Je rappelle à cet égard le combat
que nous avons livré à une certaine époque concernant les
anabolisants ; cela a beaucoup occupé nos services durant les
années 1991 et 1992. Il est vrai que ces substances étaient
essentiellement présentes dans les lacto-remplaceurs puisqu'il
s'agissait d'aliments pour veaux que nous contrôlions au même titre
que les autres.
La seule problématique est que les ingrédients ne sont pas
nécessairement les mêmes. Nous ne trouvons pas la même
quantité de farines puisque les lacto-remplaceurs contiennent
très peu de protéines. Nos recherches sont donc orientées
différemment. Aujourd'hui, la problématique des graisses se pose
davantage. Je rappelle qu'un arrêté récent interdit
certains types de graisses à risques dans les aliments pour animaux.
M. Paul Blanc
- Actuellement, on parle beaucoup de l'utilisation de la
gélatine bovine pour les bonbons. Quel est votre sentiment sur le
sujet ?
M. Jérôme Gallot
- Ce sujet fait l'objet de contrôles
par nos services depuis fort longtemps, à savoir depuis pratiquement le
début des années 1990.
M. Daniel Hulaud
- La gélatine est un produit qui pourrait
éventuellement poser des problèmes. Au début de la crise,
avec M. Gallot nous avons fait visiter une fabrique de gélatine à
des scientifiques pour savoir s'il existait des problèmes concernant
cette fabrication. Aujourd'hui, les scientifiques s'interrogent toujours
puisqu'à Bruxelles il a récemment été question des
colonnes vertébrales. Il n'est pas impossible que des mesures soient
prises sur les matières premières mises en oeuvre pour
sécuriser davantage les produits.
M. Jean-François Humbert
- Monsieur le Directeur
général, vous avez évoqué un protocole d'accord
entre la Direction des Douanes et votre Direction en février 1998.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le contenu. J'ai en effet le sentiment que,
dans un certain nombre de cas, quand la Direction des Douanes n'avait rien
à reprocher, votre Direction, ou vos services régionaux ou
départementaux, se considéraient comme étant
exonérés d'aller plus loin. Je précise que c'est une
interprétation personnelle que vous pouvez contester.
Il me semble que nous aurions besoin de savoir quels sont les contrôles
opérés par votre Direction auprès des industriels de
l'alimentation animale depuis 1990, à savoir depuis l'interdiction de
l'utilisation des farines animales dans les aliments pour bovins.
A partir du moment où des contrôles ont eu lieu, qui était
à l'origine de ces contrôles, s'agissait-il d'une décision
nationale prise par arrêté ou par instructions internes à
votre Direction ou encore de décisions prises sur le plan
régional ou départemental ?
Concernant les petits pots pour bébés, vous avez dit, Monsieur le
Directeur général, que des semaines ou des mois de bataille
interministérielle avaient été nécessaires. Qui a
mené cette bataille, contre qui et quels ont été les
résultats ?
M. Jérôme Gallot
- En 1996, la DGCCRF a communiqué
aux Douanes des informations concernant les importations de farines ; cela
a contribué à la correction des statistiques douanières
qui avaient été établies à partir de données
incomplètes puisqu'il s'agissait de déclarations
d'échanges de biens qui n'étaient pas complètement
remplies.
Il s'agit d'une coopération au moment des travaux de la Commission
Mattei sur ce sujet.
Le 27 février 1998, après quelques semaines d'échanges,
nous avons signé ce protocole de coopération pour renforcer la
coordination et la coopération entre les deux services dans le but
d'éviter l'écoulement frauduleux de marchandises bovines
interdites.
Depuis la signature de ce protocole, 440 fiches ont été
transmises aux Directions Départementales de la Concurrence, de la
Consommation et de la Répression des Fraudes par les services des
Douanes. Quelques dizaines ont été établies lors de la
crise de la dioxine en 1999 et 376 concernaient des informations propres
à l'ESB. A partir de ces 376 liaisons des Douanes vers la DGCCRF, des
échanges ont eu lieu. De même, quelques dizaines de transmissions
autonomes ont été effectuées de la DGCCRF vers les Douanes.
Ensuite, nous avons effectué des contrôles conjoints. Il
s'agissait de contrôles routiers, puisque seule la Douane a le pouvoir
d'arrêter les cargaisons, et l'appréciation du contenu qualitatif
des marchandises nécessitait l'intervention des Services
Vétérinaires ou de mes services. De même, des
contrôles portuaires et aéroportuaires ont été
effectués ainsi que des actions en commun près des
frontières.
Je pourrai vous donner des bilans. Quelques dizaines de tonnes de viande en
provenance d'Espagne circulaient sans documents d'accompagnement, des
déchets contenant de la moelle épinière ou des cervelles
de bovins provenaient d'Allemagne, etc. Ce protocole a apporté quelque
chose dans la coopération des deux services sur le terrain.
M. Jean-François Humbert
- A partir de ce protocole, avec les
effets que vous venez de résumer de manière synthétique
(et je vous en remercie), les deux services dépendant plus ou moins du
même ministère, il doit exister une répartition des
rôles. Vous étiez d'accord pour que la DGCCRF intervienne dans tel
secteur et les Douanes dans tel autre. Quelle était la liaison entre les
deux services d'un même ministère, et des écrits
pourraient-ils nous être transmis à ce sujet ?
Nous sommes conscients qu'une audition très rapide ne vous permet pas de
nous donner l'ensemble des informations. Toutefois, il existe peut-être
des documents écrits que nous aurions intérêt à lire
et qu'il vous serait possible de nous transmettre.
M. Jérôme Gallot
- Je vous transmettrai le bilan de cette
coopération.
Je précise qu'il n'existe pas de véritable chevauchement de
compétences entre la Douane et la DGCCRF. Toutefois, il en existe entre
les Services Vétérinaires et la DGCCRF, ce qui nécessite
des notes de service au cas par cas sur l'ensemble de ces contrôles
d'aliments ou de viandes bovines ; c'est d'ailleurs ce que nous faisons.
Il existe une complémentarité d'action avec les Douanes. Le Code
des Douanes donne des pouvoirs beaucoup plus étendus que le Code de la
Consommation ; il permet notamment d'intervenir la nuit, ce qui n'est pas
autorisé par le Code de la Consommation.
En 1994, au sein du ministère des Finances un rapport administratif
connu sous le nom de Rapport Lefranc avait établi une sorte de ligne de
partage entre les Douanes et la DGCCRF sur divers sujets tels que la
coopération en matière industrielle, la contrefaçon,
l'économie souterraine, etc. Il avait été convenu,
à cette époque, que les Douanes s'interdisaient d'utiliser le
Code de la Consommation.
Le précédent Directeur général des Douanes et
moi-même avons convenu que cette ligne de partage n'était plus
actuelle. De ce fait, il fallait que les Douanes puissent utiliser les pouvoirs
tirés du Code de la Consommation car la sécurité
alimentaire ne se « tronçonne » pas en compétence
administrative ; elle est globale et il faut regrouper les forces. Dans un
certain nombre de crises récentes, les Douanes ont utilisé
très concrètement les pouvoirs tirés du Code de la
Consommation.
Toutefois, la zone de compétences communes est moins importante que
celle existant entre la DGCCRF et les Services Vétérinaires.
Là aussi des progrès non négligeables ont
été réalisés en matière de relations entre
les deux services.
M. Jean-François Humbert
- Avez-vous le sentiment que la
collaboration entre les Services Vétérinaires et vos propres
services est sans faille ou, au contraire, les relations, durant certaines
périodes, n'ont-elles pas permis une grande efficacité ?
Pardonnez-moi pour ce substantif à connotation péjorative.
M. Jérôme Gallot
- Je confirme que la coopération a
fait, durant des périodes récentes, des progrès
très importants.
M. Jean-François Humbert
- Cela signifie qu'entre 1990 et
aujourd'hui cela n'a pas toujours été le cas.
M. Jérôme Gallot
- J'essaie de parler des sujets et de la
période que je connais. A ce titre, il me semble que nous progressons
dans cette coopération.
M. Jean-François Humbert
- Nous vous en remercions.
M. Jérôme Gallot
- La deuxième question concernait
les instructions. En réalité, les réglementations sur ces
sujets résultent de décrets ou d'arrêtés. Ces
réglementations sont fondées sur des articles du Code Rural ou du
Code de la Consommation ou des deux en même temps.
Ipso facto, cela nous donne une habilitation pour contrôler. Toutefois,
le décret, ou l'arrêté en tant que tel, ne donne pas un
monitoring suffisant pour les services de contrôle et tout texte
important est suivi d'une note de service. Des exemples, même
relativement anciens, montrent que nous établissons, ou essayons
d'établir, ces notes de service conjointement entre les Services
Vétérinaires et la DGCCRF.
L'avantage est double car cela montre à nos troupes qu'il existe, au
sommet, une volonté d'entente. Par ailleurs, cela facilite l'application
concrète sur le terrain en évitant aux entreprises et aux
professionnels d'essayer de se faufiler entre des interprétations
divergentes des textes. Le symbole et l'efficacité commandent que cette
pratique soit systématisée et elle l'est aujourd'hui.
M. Jean-François Humbert
- Je me félicite que vous ayez
été nommé au poste qui est le vôtre aujourd'hui.
Depuis 1990 jusqu'à une période récente on peut sans doute
considérer (il vous appartient de confirmer ou non mes propos) que cette
coordination était peut-être insuffisante et qu'il n'existait pas
une conscience suffisante de la gravité du problème.
M. Jérôme Gallot
- Des notes de service étaient
communes.
M. Jean-François Humbert
- Pouvez-vous nous les communiquer ?
M. Jérôme Gallot
- Elles figurent dans le dossier.
Des notes de service communes datent de 11 ans. Les services de contrôle
sur le terrain sont extrêmement sensibilisés à cette
nécessité de travailler ensemble. Je ne peux pas indiquer que
nous sommes passés d'un moment difficile à un moment plus facile
car tout nécessite une attention constante et des relances. Aujourd'hui,
des pôles de coopération et de sécurité alimentaire
existent sur le terrain.
Les critiques qui ont pu être émises me paraissent devoir
être, aujourd'hui, atténuées sur cette
problématique. Je n'ai pas dit que tout se déroulait parfaitement
bien dans tous les départements car dans quelques-uns cette
coopération ne semble pas suffisante. Je l'avais d'ailleurs
indiqué devant la Commission d'enquête parlementaire sur la
sécurité alimentaire à l'Assemblée Nationale.
M. Daniel Hulaud
- Je ne dirai pas qu'il s'agissait d'une «
bataille interministérielle ». Un avis a été rendu
par la CEDAP le 9 juillet 1992 et l'arrêté est daté du 31
juillet 1992. J'estime donc que cet arrêté a été
pris très rapidement.
Toutefois, par la suite, lors du renouvellement de cet arrêté et
afin de pérenniser cette disposition par voie de décret, nous
nous sommes heurtés non pas à des difficultés au niveau
interne mais davantage à des difficultés vis-à-vis de
Bruxelles qui nous a adressé un avis circonstancié. C'est ce qui
nous a créé beaucoup de problèmes.
M. Michel Souplet
- J'ai écouté avec beaucoup d'attention
et d'intérêt ce que vous venez de nous dire. Je suis convaincu
que, concernant la France, tout ce qu'il était possible de faire l'a
été, même si cela n'a peut-être pas été
aussi rapide que nécessaire.
En conclusion de ma réflexion, j'estime que la France a eu raison mais
qu'elle a eu tort d'avoir raison trop tôt. Le fait qu'elle ait raison
trop tôt et qu'elle en parle haut et fort, pour que les autres pays
agissent de la même manière, a conduit à une campagne de
médiatisation exagérée du phénomène. C'est
mon point de vue.
Vous disiez qu'une médiatisation excessive était très
gênante pour les études que vous conduisiez. Je le comprends bien
car beaucoup de sujets doivent être traités dans la
confidentialité.
J'ai examiné l'évolution de ce phénomène depuis
qu'il est bien connu. La consommation de viande de boeuf a chuté en 15
jours de 80 %. Elle est progressivement remontée pour être
quasiment au niveau normal, chez les bouchers, depuis environ 15 jours.
Ces résultats sont issus d'une enquête conduite auprès des
grossistes et des bouchers. Cette consommation chute à nouveau depuis
les décisions prises à Bruxelles (qui étaient probablement
exagérées) et depuis le dernier Conseil des ministres de
l'Agriculture.
Pensez-vous, Monsieur le Directeur général, qu'il existe une
distorsion entre l'importance du phénomène et la catastrophe
économique qui en résulte ?
Il est vrai que des personnes sont atteintes et ne guériront pas. Nous
avons trois cas en France (nous les connaissons depuis longtemps) et nous en
rencontrerons d'autres. Pour l'instant, personne n'en parle. Par comparaison,
des personnes fument chaque jour et il est indiqué partout qu'il est
dangereux de fumer, mais les débits de boissons et les tabacs ne sont
pas fermés pour cette raison.
En tant que citoyen libre et parent, ou grand-parent, d'élève, je
suis choqué que les cantines soient fermées. Si j'ai envie que
mes enfants mangent de la viande à la cantine, il ne peuvent plus le
faire. Je dis que nous sommes peut-être allés trop loin.
Je voulais connaître votre point de vue sur cette médiatisation
exagérée. En effet, depuis le début de notre enquête
nous avons rencontré 25 ou 30 autres personnalités
françaises ou internationales compétentes dans le domaine qui
nous occupe et aucune ne nous a dit qu'elle ne mangeait plus de viande bovine.
Certaines personnes ont même indiqué qu'elles continuent à
manger des abats sauf s'ils proviennent de Grande-Bretagne. Il existe donc une
disproportion énorme entre le risque et la médiatisation.
M. Jérôme Gallot
- Il est vrai que la relance
médiatique du problème, ayant conduit aux chutes de consommation
dont vous faites état, est intimement liée à l'affaire
SOVIBA concernant une fraude dans les départements de l'Eure et du
Calvados il y a deux mois. Cet événement s'est produit à
un moment où, je l'ai dit, les farines avaient atteint un niveau de
sécurisation qui n'était pas obtenu ou connu dans le
passé. Il s'agit là d'une sorte de paradoxe dont il faut
toutefois tenir compte. Les mesures prises par les autorités publiques
s'efforcent de contribuer au retour à la confiance.
Ensuite, on peut se demander si chaque nouvelle mesure prise doit
générer la confiance ou l'inquiétude et vous semblez
indiquer que cela crée une nouvelle inquiétude. C'est un dosage
particulièrement complexe et les autorités ont eu raison de
prendre des mesures, qui sont certes de la précaution extrême, au
mois de novembre.
Ma Direction générale avait, au mois de juin 1999, exprimé
sa position favorable sur l'interdiction totale des farines. Ces mesures de
précautions extrêmes sont sans doute le prix à payer pour
retrouver une certaine confiance. Il faut savoir que ce prix sera
également important pour la collectivité, notamment en termes de
finances publiques.
C'est un sujet difficile qui laissera dans les filières des traces
très importantes. Dans le même temps, les associations de
consommateurs, les Françaises et les Français, que nous
rencontrons sont, me semblent-il, de plus en plus exigeantes en matière
de sécurité. Il nous appartient de faire en sorte que le dosage
des mesures prises crée de la confiance et de la sécurité
et n'apporte pas l'inquiétude dont vous parlez.
Vous me dites (ce sont effectivement des chiffres que j'avais entendus) que le
rythme de consommation retrouve un niveau un peu plus satisfaisant ; cela
démontre que ce dosage ne se déroule pas dans de mauvaises
conditions. Il faudra peut-être en tirer des conclusions sur une
période plus longue.
M. le Président
- Je vous ai communiqué un certain nombre
de questions, que nous n'avons pas eu le temps de vous poser, pour lesquelles
nous vous demanderons de bien vouloir nous répondre par écrit et
de nous fournir les documents appropriés. Nos services suivront avec
vous cette opération.
Nous vous remercions pour les informations que vous avez apportées et
nous remercions également M. Hulaud d'avoir témoigné sur
certains points.