Audition de Mme Catherine GESLAIN-LANÉELLE,
Directeur
général de l'alimentation,
et de M. Rémi TOUSSAIN,
Directeur des politiques économique et internationale du
ministère de l'agriculture
(17 janvier
2001)
M.
Gérard Dériot, Président
- Mes chers collègues,
nous auditionnons Mme Catherine Geslain-Lanéelle, directeur
général de l'alimentation, et M. Rémi Toussain,
directeur des politiques économique et internationale du
ministère de l'agriculture.
Vous êtes accompagnés, madame et monsieur, de personnes que vous
voudrez bien me présenter dès maintenant.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je suis accompagnée de
Paul Merlin, sous-directeur à la sous direction de la santé et de
la protection animale, à la Direction générale de
l'alimentation, et de Bénédicte Herbinet, chef du bureau de la
pharmacie vétérinaire et de l'alimentation animale dans cette
même sous-direction, à la DGAL.
M. le Président
- Merci. Vous savez que vous êtes
auditionnés dans le cadre d'une commission d'enquête
parlementaire, une commission d'enquête du Sénat, et qu'à
ce titre, je me dois de vous rappeler les directives et de vous demander de
prêter serment.
Je demanderai à toutes les personnes de prêter serment afin que,
si elles ont à intervenir les unes et les autres au cours de notre
audition, elles sachent qu'elles le font également sous serment.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à Mme
Geslain-Lanéelle, M. Toussain, Mme Herbinet et M. Merlin.
M. le Président
- Je vous remercie. Dans un premier temps, si
vous le permettez, Mme Geslain-Lanéelle et M. Toussain, je vais vous
demander de nous expliquer assez brièvement la façon dont vous
voyez les choses, à votre niveau, par rapport à ce
problème des farines animales, à leur utilisation et à
leurs conséquences sur le plan de l'encéphalopathie spongiforme
bovine (ESB), qui s'est développée aujourd'hui, en particulier
dans notre pays.
Je vous passe tout d'abord la parole, madame.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Merci, monsieur le
Président. Je vous suggère de faire une intervention liminaire en
deux parties.
Dans une première partie, qui concerne la définition des farines
animales, Rémi Toussain, dont la direction a en charge ces aspects, se
propose de présenter les enjeux économiques et nutritionnels de
leur utilisation en alimentation animale.
Dans une deuxième partie, je pourrai vous présenter
l'évolution de la réglementation liée à
l'utilisation de ces farines animales depuis 1989 jusqu'à ce jour.
M. le Président
- Nous connaissons déjà la
réglementation. Par conséquent, si vous le voulez bien, il serait
bon que vous contractiez les choses au maximum. Vous pourriez être plus
concernée par le débat qui interviendra ensuite.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Très bien. Si vous ne
souhaitez pas d'intervention liminaire, je répondrai avec plaisir
à vos questions.
M. le Président
- Je dis cela par rapport à la
réglementation. En effet, nous la connaissons et nous supposons que
c'est celle que vous avez été chargée de faire respecter.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Absolument.
M. le Président
- Donc nous procéderons ainsi. Cela dit,
nous sommes tout à fait d'accord sur la première intervention
liminaire.
M. Rémi Toussain
- Comme le disait Catherine Geslain à
l'instant, je vais vous dire quelques mots sur ce que sont les farines
animales, leur intérêt nutritionnel et économique et les
possibilités de substitution. J'avais prévu également --je
le ferai si vous le souhaitez--de compléter cet exposé par les
possibilités de substitution sur le plan communautaire et les
démarches qui ont été entreprises à cet
égard, mais je ne sais pas si cela entre également dans le champ
de vos préoccupations.
Je commencerai par les farines animales.
Le mot recouvre une gamme assez large de fabrications, mais on peut dire que
tous ces produits ont comme point commun d'être issus de la cuisson des
coproduits des industries des viandes et que cela intègre les farines de
poisson.
Pour la commodité de mon exposé sur la partie économique,
je parlerai d'une manière générale de farines animales
lorsque cela englobera farines de viande et farines de poisson ou,
spécifiquement, de l'un ou l'autre terme lorsqu'il y aura lieu de s'y
référer.
Globalement, sur 6 millions de tonnes de coproduits des différentes
filières animales, les chiffres des farines sont les suivants.
Nous consommons en France, exclusivement dans l'alimentation du bétail,
environ 590 000 tonnes de farines et de graisses auxquelles il y a
lieu d'ajouter 60 000 tonnes destinées à l'exportation,
toujours pour l'alimentation du bétail, ce qui fait un total, en termes
de production, de 650 000 tonnes.
Il faut y ajouter 25 000 tonnes de graisses destinées aux entreprises
non alimentaires et 200 000 tonnes de farines qui sont utilisées dans
l'alimentation d'animaux domestiques (le pet food). Enfin, le service public de
l'équarrissage regroupe maintenant 175 000 tonnes de farines et de
graisses.
Autrement dit, on a chaque année, en France, un peu plus d'un million de
tonnes de production de farines et graisses animales et, avant les
interdictions auxquelles je ferai référence ensuite et qui sont
intervenues à la fin de l'année dernière, 850 000 tonnes
entraient dans le circuit de l'alimentation du bétail ou des animaux
domestiques, y compris dans la partie destinée à l'exportation.
J'en viens à l'intérêt nutritionnel et économique de
ces farines.
Je rappellerai très brièvement que les fabricants d'aliments du
bétail recherchent toutes sortes de matières premières
mais que l'on peut les répartir entre, d'une part, les matières
riches en énergie, qui sont, grossièrement, les
céréales et les produits dérivés et, d'autre part,
les matières riches en protéines, dont font partie les
oléagineux, les protéagineux et, naturellement les farines
animales.
L'équilibre alimentaire communautaire amène, de manière
assez originale par rapport au reste du monde, à faire un gros appel au
tourteaux d'oléagineux et, surtout, aux tourteaux de soja --j'y
reviendrai-- en termes d'importations.
L'utilisation des farines animales dans l'alimentation du bétail est
assez ancienne puisqu'elle remonte au siècle dernier. Sur le plan
nutritionnel, leur intérêt est leur richesse élevée
en protéines, sachant qu'elles sont bien équilibrées en
acides aminés essentiels, et elles sont en même temps une source
de phosphore et de calcium très digestibles, ce qui en constitue un
élément utile.
Les graisses animales, elles, constituent une source d'énergie
complémentaire des céréales.
Enfin, sur le plan économique, on observe sur la longue période
que le cours des farines animales est en corrélation très
étroite avec le prix des tourteaux de soja.
Quelle était la place des farines dans l'alimentation animale avant la
suspension du 14 novembre dernier ?
Les quantités de farines de viande et de poisson, c'est-à-dire
les farines animales, consommées par le bétail ont
représenté en France de l'ordre de 500 000 tonnes en
1999. A l'intérieur de cet ensemble, les farines de viande
elles-mêmes sont essentiellement produites et consommées en
France, la part des échanges étant très faible. En
revanche, pour ce qui est des farines de poisson, nous importons quasiment les
quatre cinquièmes de nos besoins.
Ces farines animales représentent environ 2 %, en moyenne et en
tonnage, de l'ensemble des matières premières qui sont
incorporées dans l'alimentation du bétail, les
céréales et produits dérivés représentant
environ 45 à 50 % et les tourteaux de soja de l'ordre de 20
à 25 %.
Cela étant, ce taux d'incorporation des farines animales est variable
selon les destinations. Pour faire simple et introduire les conséquences
de l'interdiction que je présenterai rapidement tout à l'heure,
je peux dire que, pour les volailles, il est assez élevé,
puisqu'il représente trois à 4 %, encore que ce chiffre
moyen masque une forte différenciation. Par exemple, les volailles sous
label n'en utilisent pas, voire très peu, alors que les poulets qui sont
destinés à l'exportation en incorporent de 7 à 10 %.
Pour les porcins, en revanche, l'incorporation est relativement faible :
de l'ordre de 1 à 1,5 %.
Au niveau communautaire, on retrouve en gros cette distribution, mais je ne
vais pas vous importuner avec des chiffres, sauf si cela vous paraît
utile.
Un deuxième élément est intéressant : la place
non pas en tonnage mais en bilan protéique. Sur le plan de la fourniture
en protéines dans l'alimentation animale, les farines animales
représentent 7 à 7,5 % de l'apport en protéines
total, les autres besoins étant couverts à hauteur de 55 %
par les tourteaux de soja, 12 % par les pois protéagineux et
6 % par les tourteaux de colza.
On retrouve, là encore, à peu près les mêmes
chiffres sur le plan communautaire. Je rappelle simplement, parce que ce sujet
n'est pas indifférent pour la suite, que le taux
d'auto-approvisionnement communautaire en matière de protéines
n'était que de 30 % à la fin de l'année
dernière, avant la suspension de l'utilisation des farines animales.
Pour mémoire, je vous signale que le déficit protéique de
l'Union européenne, c'est-à-dire le chiffre
complémentaire, était de 85 % en 1974,qu'il a
été amélioré en 1990,époque à
laquelle il n'était plus que de 63 %, à la suite des
politiques de soutien aux oléoprotéagineux, et qu'il est
redescendu à 70 % du fait, pour faire simple, d'une hausse de la
demande par le développement des productions hors-sol et, en revanche,
en raison de son encadrement, par une stabilité de la production
communautaire de ces matières.
Voulez-vous que je décrive très rapidement le secteur de
l'alimentation animale, d'une part, et le secteur de la production, d'autre
part ?
M. le Président
- Volontiers. C'est important.
M. Rémi Toussain
- Cela donne un cadrage.
La production française d'aliments du bétail, en 1999,s'est
élevée à moins de 23 millions de tonnes d'aliments et
ces chiffres ont pratiquement triplé en une vingtaine d'années.
La croissance a donc été très forte. Ce chiffre global se
répartit de la façon suivante :
- 9 à 10 millions de tonnes pour les volailles, qui est le premier poste,
- 7 millions de tonnes pour les porcins,
- 4 millions de tonnes pour les bovins.
Ce secteur représente environ 350 entreprises avec, depuis une
vingtaine d'années, une tendance constante à la concentration.
Sachez que 8 % des entreprises représentent aujourd'hui 50 %
de la production dans ce secteur, qui comprend 12 000 salariés
et 5 % du chiffre d'affaires total du secteur agro-alimentaire. Il fait
40 milliards de francs de chiffre d'affaires.
Ce secteur est caractérisé par une forte importance de la part
relative, d'une part, de la matière première et, d'autre part,
des frais de personnel.
Le deuxième secteur concerné par notre sujet est celui de
l'industrie des aliments pour les animaux familiers et domestiques, le pet
food, qui est également en progression constante et qui a encore
probablement devant lui des marges de progrès considérables si
l'on considère les évolutions respectives des parcs animaliers en
Europe et dans d'autres pays, notamment aux Etats-Unis.
C'est un secteur extrêmement concentré, avec des opérateurs
multinationaux, qui valorise 1 200 000 tonnes de produits agricoles et, comme
je le disais tout à l'heure, 200 000 tonnes de nos farines animales.
Voilà ce que je peux dire pour le cadrage général.
J'en viens à quelques mots sur les conséquences nutritionnelles
et économiques de la suspension décidée le 14 novembre
dernier, dont je rappelle qu'elle a concerné l'utilisation en
alimentation animale de toutes les farines animales et de certaine graisses
à l'exception des farines de poisson destinées aux poissons.
Je commencerai par les possibilités de substitution à ces
produits. Tous les experts semblent converger, mêmes si les chiffres
divergent, sur les effets suivants.
Tout d'abord, il sera nécessaire d'utiliser de façon accrue des
tourteaux de soja, de maïs, d'huile végétale et de graisse
oléagineuse et d'effectuer un apport en phosphates que, malheureusement,
on ne trouve pas dans des proportions aussi assimilables dans les produits de
substitution.
Parallèlement, on aura probablement une baisse des utilisations de
céréales et de pois.
Sur le volet purement protéique, deux équivalences sont possibles
--j'y reviendrai-- sur les actions à conduire au niveau national et
communautaire. Il s'agit de regarder, très grossièrement,
à quoi correspondrait, en augmentation de protéagineux ou
d'oléagineux, en France ou dans l'ensemble communautaire, la suppression
des protéines apportées par les farines animales en France ou
dans l'ensemble de la communauté
En France, on aurait, au choix, 250 000 hectares de pois, soit
60 % d'augmentation par rapport à la surface actuelle, ou 1
400 000 hectares de colza, soit 40 % de la surface actuelle.
Sur le plan européen, les chiffres équivalents sont 1,8 millions
d'hectares supplémentaires de pois (il s'agit là d'un triplement
de la superficie communautaire de pois actuellement cultivée, ce qui
montre que la France est le plus grand producteur communautaire de pois) ou,
à quantité équivalente, trois millions d'hectares de colza
ou, dans une moindre mesure, de tournesol, ce qui correspondrait à un
doublement de la superficie actuelle en Europe.
Voilà ce qui se passerait si on devait effectuer un remplacement
intégral par une augmentation de notre production indigène.
La même équivalence par importation de tourteaux de soja
représenterait, en gros, une hausse de 15 % des importations et je
vais vous donner également des chiffres arrondis pour la France et pour
Europe.
Il faudrait compter 500 000 à 600 000 tonnes pour la France, qui
s'ajouteraient aux 4,5 millions de tonnes que nous importons déjà
annuellement. Quant à l'Europe, on aurait trois à 4 millions de
tonnes sur les 28 à 30 millions de tonnes que l'Europe importe
annuellement.
Du même coup, notre déficit protéique, dont je rappelle
qu'il était remonté à 70 %, passerait, en gros,
à 75 %.
Au-delà de ces effets mécaniques et quantitatifs, quelques effets
sur le plan nutritionnel nécessiteraient une certaine adaptation des
ratios en matière de phosphore, mais je ne vais pas vous ennuyer avec
ces éléments. Simplement, il faut savoir que tout cela comporte
un aspect qualitatif.
Quelles sont les implications économiques pour les
opérateurs ? Il est probable qu'il y aura un effet haussier, comme
tous les experts le disent (même s'ils se trompent forcément
puisqu'ils ont de grandes divergences sur la quantification de cet impact), sur
le cours des matières premières de substitution.
En France, tout de suite après l'annonce de la suspension, on a
observé une envolée des cours du tourteau de soja, qui est
passé de 140 ou 150 F du quintal à 180 F, mais il est
retombé, depuis, à 165 F environ. La fermeté du
dollar a également joué. En tout cas, il y aura un effet en ce
sens, ce qui peut être d'ailleurs l'un des éléments
positifs pour stimuler une production autonome indépendamment de toute
intervention en termes de soutien.
Voilà ce que je peux dire sur les effets généraux.
Cela aura aussi des effets spécifiques selon les secteurs.
Le secteur de la volaille, qui est très utilisateur de farines animales,
notamment les poulets de chair un peu basiques destinés à
l'exportation, qui sont très dépendants, pourrait voir ses prix
de revient mécaniquement augmenter de 4 à 5 %. Comme il
s'agit d'un marché à l'export extrêmement concurrentiel,
les difficultés économiques seront particulières sur ce
type de produit.
Pour la filière porcine, on estime l'augmentation de 0,5 à
1 %, sachant que, par ailleurs, compte tenu de la situation du
marché de la viande bovine, les difficultés économiques ne
seront pas considérables.
Quant au pet food, compte tenu de la valeur ajoutée de ce secteur, il
n'y aura pas d'effet économique.
Si vous le voulez bien, j'en viens à ma troisième et
dernière partie qui concerne les possibilités de substitution sur
le plan des protéines indigènes.
Je ne reprendrai pas les chiffres que j'ai indiqués tout à
l'heure. Si on veut éviter une augmentation du tourteau de soja, la
question est de savoir comment faire pour accroître notre production.
On peut évidemment imaginer quelques actions nationales --certaines sont
en place--, mais elles ne peuvent avoir qu'une portée limitée et,
juridiquement, s'agissant de soutien du marché, nous avons un cadre
communautaire et international évidemment très prégnant.
Je rappellerai très rapidement que le soutien aux productions
oléo-protéagineuses en Europe a été mis en place en
1966 sous la forme d'une aide variable en fonction des cours mondiaux et non
pas, comme pour les céréales, sous la forme d'un soutien par le
biais d'un prix d'intervention, parce qu'il avait été convenu au
Dillon Round, au niveau international, qu'il n'y aurait pas de droit de douane
à l'importation de ces produits particuliers en Europe. On ne pouvait
donc pas imaginer un dispositif d'intervention avec une absence de
préférence communautaire.
Cela étant, ce dispositif a formidablement bien fonctionné de
1966 à 1972 puisque, pour donner les chiffres
généraux, on est passé d'un demi million de tonnes de
production d'oléoprotéagineux en 1966 à un peu plus de 12
millions de tonnes de graines en 1992.
Cependant, cela n'a pas laissé --chacun s'en souvient-- les
Américains indifférents puisqu'ils voyaient leurs propres
débouchés diminuer. En 1988, ils ont déposé une
plainte devant le GATT, à l'époque, sur le fameux
« panel soja », qui a amené l'Union
européenne à revoir une première fois son dispositif en
1992-1993. Une nouvelle plainte a été déposée
à la suite de cette première modification par les Etats-Unis et
on peut imaginer que cette nouvelle plainte aurait pu aboutir si elle n'avait
pas été interrompue dans ses effets potentiels par l'accord de
Marrakech, le dernier accord de l'OMC, qui a repris un accord spécifique
passé d'abord entre l'Europe et les États-Unis, l'accord de Blair
House, et qui est important pour l'encadrement de notre production
d'oléagineux. Je vais rapidement en dire un mot.
Cet accord a consacré une limite économique à la
production d'oléagineux de 5 482 000 hectares après
élargissement. Il est intéressant de noter que c'est
calculé en hectares et non pas en production, ce qui laisse une
possibilité d'augmenter les rendements. Malgré tout, c'est une
première contrainte.
De même, l'obligation du gel de terres ne peut descendre en dessous de
10 %, contrairement à ce qu'il est possible de faire pour les
céréales, avec un dispositif de sanctions qui s'avère
rapidement dissuasif, lorsqu'il se répète, pour la production
communautaire.
Au-delà de cela, l'autre « échappatoire »,
qui était la possibilité de développer, sur jachère
ou même en dehors celle-ci, des productions non alimentaires à
usage de biocarburants et donc de développer des sous-produits des
tourteaux a été limité dans ce même accord repris
dans l'accord de Marrakech, de sorte qu'on ne peut pas dépasser un
million de tonnes d'équivalents de tourteaux de soja par an.
Voilà le cadre international et communautaire qui constitue une
première difficulté pour les oléagineux.
La deuxième difficulté, c'est l'Agenda 2000. Pour essayer
d'échapper à la contrainte de Blair House, la contrainte de
l'OMC, la Commission a proposé, moyennant quelques ajustements --et cela
a finalement été décidé par le Conseil--, d'aligner
progressivement, en trois ans, la dernière étape étant
pour 2002-2003, les aides spécifiques aux oléagineux sur les
aides aux céréales, espérant ainsi qu'en supprimant la
spécificité du soutien aux oléagineux, cette
opération rendrait caduc, ce qui est probable, l'accord de Blair House.
Cependant, si cette diminution des aides a juridiquement l'effet que je viens
d'indiquer, elle a malheureusement, sur le plan économique, des effets
que l'on peut craindre et qui ne sont pas contredits par la première
année d'expérimentation de l'opération Agenda 2000. En
effet, on a une réduction des superficies de l'ordre de 10 %,
dans la communauté comme en France, et je ne parle pas des tonnages
parce qu'il y a aussi une baisse climatique des rendements. Je pourrai vous
donner des chiffres détaillés si vous le souhaitez.
Par conséquent, cette deuxième disposition interne à la
communauté est un élément à prendre en compte.
Après avoir rappelé ce cadre, je mentionnerai les initiatives qui
ont pu être prises au niveau national et au niveau communautaire pour
essayer de remédier à cette situation.
Au niveau national, ces initiatives sont les suivantes :
- un ensemble de mesures en faveur du soja de qualité,
- des mesures agri-environnementales cofinancées par Bruxelles en faveur
du tournesol,
- la mise en place d'un programme de recherche et développement en
faveur des protéagineux (qui ne sont pas, eux, soumis à l'accord
de Blair House),
- l'augmentation des capacités du diester, avec un programme de l'ordre
de 450 millions de francs qui est significatif, même s'il est en soi
limité ;
Au niveau communautaire, la France a pris un certain nombre d'initiatives, dont
les plus récentes sont les suivantes :
- en juin 1999, un mémorandum français sur l'utilisation des
farines animales a mis l'accent sur la nécessité de trouver des
éléments de substitution ;
- au début de la présidence française, la
délégation française a remis une deuxième note sur
le soutien aux oléoprotéagineux ;
- les conseils de la fin de l'année, y compris le Conseil
européen, font nettement référence à la
nécessité, pour la Commission, de reconsidérer le sujet et
de faire, le cas échéant, des propositions
appropriées ;
Dans le cadre que je viens d'indiquer, les possibilités d'action au
niveau communautaire se heurtent également à la
problématique budgétaire puisque les ressources consacrées
au soutien de marché à cause de la maladie de la vache folle
risquent d'épuiser le budget. La première difficulté est
donc de nature budgétaire.
Pour les oléagineux, nous avons une marge au moins jusqu'à la
future renégociation, même si ce commentaire est un peu
théorique, c'est-à-dire une possibilité de remonter les
aides pour autant que, là aussi, on puisse faire marche arrière
par rapport à l'Agenda 2000 sans excéder les quelque 5 millions
d'hectares dont j'ai parlé.
Pour les protéagineux, les possibilités, sous réserve des
contraintes budgétaires, peuvent être théoriquement
mobilisées à beaucoup plus court terme. En effet, nous ne sommes
pas liés au cadre de Blair House et de l'OMC. Il reste un tout petit
risque que l'affaire ne soit pas tout à fait conforme aux règles
de l'OMC en raison d'une clause qui a été souscrite quant
à la non-augmentation des soutiens, mais je pense que ce risque est
voisin de zéro. En tout cas, j'estime qu'il mériterait
d'être couru.
Il reste, en théorie, la possibilité de relever les aides aux
fourrages déshydratés ainsi que les quantités
consacrées à ces productions.
Enfin --cela peut être à la fois un effort national et
communautaire--, l'amélioration de la teneur en protéines de nos
blés, y compris des blés fourragers, peut être un
élément constitutif d'un redressement de la situation.
Voilà, monsieur le Président, les quelques éléments
économiques que je voulais porter à votre connaissance.
M. le Président
- Merci. Voulez-vous nous faire un bref
exposé, madame, ou passe-t-on directement aux questions ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Vous m'avez indiqué qu'il
était inutile que je rappelle le détail de l'évolution de
la réglementation. Puisque vous m'en offrez l'occasion, j'appellerai
donc votre attention sur le fait que cette réglementation a
évolué depuis 1989 à la lumière des connaissances
scientifiques et qu'en particulier, il me paraissait important de rappeler une
série d'événements qui ont contribué à cette
évolution.
En effet, en ce qui concerne l'évolution de la réglementation, on
peut retenir trois principales étapes.
La première période se situe entre 1989 et 1993. En effet,
à la fin des années 80, l'ESB était une maladie
considérée comme exclusivement animale et donc non susceptible
d'être transmise à l'homme car les connaissances scientifiques,
à cette époque, n'étaient pas suffisantes : les
premiers éléments scientifiques qui ont montré que cette
maladie pouvait éventuellement être transmise à d'autres
animaux concernent le chat, au premier semestre de l'année 1990.
Par ailleurs, dans un premier temps, ce problème a été
spécifique au Royaume-Uni et à l'Irlande et c'est ce qui a
conduit les autorités françaises, à cette époque,
à prendre des mesures à l'égard de ces pays.
Les premiers éléments concernant le mode de transmission au
cheptel par l'intermédiaire des farines animales datent de cette
période. Il y avait des doutes à cette époque, ce qui a
conduit les autorités françaises, dès 1990, à
interdire l'utilisation de ces farines animales dans l'alimentation des bovins,
dans un premier temps, puis de l'ensemble des ruminants, dans un
deuxième temps, ce qui a été repris au niveau
communautaire.
Ensuite, au cours de la période de 1993 à 1996, des travaux
communautaires ont été réalisés, notamment sur les
conditions de traitement et le tri des déchets.
J'attire votre attention sur un élément particulier parce que
cela a conduit à modifier la situation pour les services de
contrôle : l'entrée en vigueur du marché unique et le
fait qu'il n'y avait plus de contrôle systématique à
l'entrée sur le territoire français des produits importés
des autres États-membres et, en particulier, des farines animales ou des
aliments destinés au bétail.
On peut donc considérer qu'à cette période, à
partir du 1er janvier 1993, les contrôles ont pu être
allégés par rapport à ces importations en provenance
d'autres pays de l'Union européenne.
La dernière période, qui est importante et que je ferai remonter
à 1996, a commencé par l'annonce par le gouvernement britannique
de la possible transmission de cette maladie à l'homme, qui a conduit
les autorités françaises puis, plus tard, les autorités
communautaires, d'une part, à gérer ce dossier et à
prendre des réglementations comme si cette maladie était
susceptible de se transmettre à l'homme, avec des décisions
très importantes portant notamment sur le retrait de ce que l'on appelle
"les matériels à risques spécifiés de la
chaîne alimentaire", aussi bien humaine qu'animale, c'est-à-dire
de tous les tissus susceptibles d'être contaminants et de transmettre la
maladie de l'ESB ; d'autre part, à mettre en oeuvre un certain
nombre de mesures relatives, au-delà du tri des matériels, au
traitement à appliquer à ces farines afin d'inactiver les
éventuels prions qui pourraient se trouver encore dans ces produits.
Voilà ce que je voulais rappeler très rapidement pour vous
montrer que la lecture de l'évolution réglementaire se fait aussi
à la lumière de l'évolution des connaissances
scientifiques.
La Direction générale de l'alimentation, qui est chargée
de veiller au contrôle de la qualité et de la
sécurité de l'alimentation, est chargée d'une partie des
contrôles de l'utilisation d'un certain nombre de déchets animaux
dans l'alimentation animale et partage cette compétence avec la
Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF) et, pour ce qui concerne aussi les
importations, avec la Direction générale des douanes et des
droits indirects (DGDDI).
Ces compétences ont d'ailleurs évolué au fil des ans. En
revanche, il y a toujours eu une coopération importante entre les
services de la Direction générale de l'alimentation,
c'est-à-dire les services vétérinaires
départementaux, et les services de la DGCCRF soit pour que nous menions
des actions conjointes, soit pour répartir nos moyens sur le terrain
afin d'éviter les doublons dans les contrôles qui sont faits aussi
bien dans les élevages que dans les équarrissages, les usines de
fabrication de farines animales ou dans les usines de fabrication d'aliments
pour le bétail.
Si vous le souhaitez, j'ai un certain nombre d'informations sur les
résultats qui ont été obtenus concernant ces
différents points au cours de l'année précédente,
pour ne prendre que cet exemple, et qui reprennent les constats que l'on a pu
faire tout au long de la filière.
Voilà ce que je voulais indiquer à titre liminaire avant que vous
nous posiez des questions.
M. le Président
- Je vous remercie, madame. Nous allons passer
à la partie questions. Je donne pour cela la parole à M. Bizet,
rapporteur de la commission, pour qu'il pose les premières questions.
M. Jean Bizet, rapporteur
- Merci, monsieur le Président. J'ai
une première série de quatre questions.
Première question : êtes-vous en possession des rapports
d'enquête de la Brigade nationale d'enquêtes
vétérinaires et, si oui, pouvez-vous les communiquer à
notre commission d'enquête ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- J'ai en effet des documents qui
me viennent de la Brigade d'enquête vétérinaire et
sanitaire, qui est un service de la Direction générale de
l'alimentation. J'ai également avec moi les rapports qui ont
été faits par cette brigade sur les enquêtes qui sont
réalisées à chaque fois que nous avons
détecté un cas d'ESB dans un troupeau. Dans ce cas, vous savez
que nous faisons ce qui s'appelle une enquête alimentaire,
c'est-à-dire que nous remontons le cours des trois années
précédentes et regardons tous les aliments et toutes les
pratiques d'élevage qui ont été mis en oeuvre dans cet
élevage pour voir si nous arrivons à identifier
précisément le fait qu'il a pu y avoir des farines animales ou
des aliments qui n'étaient pas destinés à ce troupeau.
J'ai donc un certain nombre d'éléments avec moi que, bien
évidemment, je peux vous communiquer.
M. le Rapporteur
- Sur ce point précis --et je parle sous
l'autorité du président et de mes collègues--, lors d'une
récente visite sur le terrain, notamment dans les Côtes d'Armor,
nous avons pu auditionner trois entreprises de fabrication d'aliments du
bétail et nous avons été assez surpris, compte tenu du
nombre d'animaux contaminés dans ce département, de constater
qu'aucun des trois principaux fabricants de ce département ne se dit
« responsable » et qu'aucun des animaux incriminés
n'aurait consommé d'aliments provenant de ces trois producteurs
d'aliments du bétail.
Avez-vous quelques informations à nous donner sur le département
des Côtes d'Armor, puisque c'est le premier département
français touché au regard du nombre d'animaux
contaminés ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- J'ai avec moi le rapport annuel
qui est fait par la Brigade pour les années 1997 et 1998. Pour
l'année 1998, ce rapport avait été rendu public,
c'est-à-dire qu'il avait été mis en ligne sur le site
Internet du ministère de l'agriculture et de la pêche. Le rapport
1999, que j'ai entre les mains, n'a pas été rendu public mais il
peut vous être remis. Cependant, je ne suis pas en mesure de vous
indiquer tout de suite s'il fait référence aux
éléments que vous évoquez en ce qui concerne les
Côtes d'Armor.
M. le Rapporteur
- La commission va les éplucher avec attention.
J'en viens à ma deuxième question : disposez-vous de
statistiques précises sur l'importation des farines animales non
seulement d'Angleterre mais également d'autres pays tiers comme la
Belgique, les Pays-Bas ou l'Irlande et, au-delà des farines, sur les
abats et les carcasses ?
Lors des précédentes auditions, nous avons également pu
noter que l'importation des abats, en 1994-1995, a subi une certaine inflation
et qu'en ce qui concerne précisément les carcasses, on sait que
la traçabilité proprement dite, notamment en matière de
restauration collective ou en foyer, laisserait à désirer.
Avez-vous des chiffres précis sur ces niveaux d'importation en farine,
abats et carcasses ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Pour ma part, je n'ai pas ce
type d'information puisqu'il s'agit d'une compétence de la Direction
générale des douanes et des droits indirects, qui est
chargée de ce travail de statistiques.
M. le Rapporteur
- Elles ne vous sont pas transmises ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- J'en ai connaissance, mais cela
ne relève pas de la compétence de ma direction
générale.
En revanche, pour répondre à votre question, puisque vous
souhaitez savoir si ces chiffres ont été portés à
notre connaissance et s'ils ont pu être éventuellement
utilisés, notamment dans le cadre d'une évaluation des risques
d'exposition de la population française ou de notre cheptel à la
maladie, je peux vous dire que ces données ont pu être
utilisées notamment par l'Agence française de
sécurité sanitaire des aliments lorsqu'elle a travaillé
sur la possible exposition de la population française à des
produits bovins importés en provenance du Royaume-Uni.
Les statistiques ne relèvent pas de la compétence de ma direction
générale. En revanche, lorsqu'on procède à des
évaluations du risque, on peut avoir à prendre connaissance de
données statistiques et à les prendre en compte, bien
évidemment.
Je peux indiquer aussi que, s'agissant des matériels à risques
spécifiés, sur lesquels la France a été l'un des
premiers pays, dans l'Union européenne, à adopter une liste
à la suite de l'annonce par le gouvernement britannique de cette
possible transmission à l'homme, toutes les mesures que nous avons
prises s'appliquaient à la fois à notre propre production
nationale et aux importations. Cela veut dire que nous n'avons pas
importé du Royaume-Uni ou d'autres pays de l'Union européenne,
depuis 1996, des produits qui auraient été exclus de la
chaîne alimentaire en France. Je pense en particulier à la
cervelle, à la moelle épinière et à d'autres
matériels à risques spécifiés. A chaque fois, nous
avons pris une réglementation qui s'appliquait à notre production
nationale ainsi qu'aux produits importés en provenance d'autres pays de
l'Union européenne.
M. le Rapporteur
- J'en viens à ma troisième
question : pourquoi les farines animales n'ont-elles pas été
interdites plus tôt compte tenu des risques de contamination
croisée qui, eux, avaient été mis en lumière assez
tôt ? Pourquoi a-t-on remis en vigueur les trois critères de
fabrication des farine (la température, la pression et la durée)
alors que, précisément, elles ont été à
nouveau obligatoires en 1996 --je le dis de mémoire-- que l'interdiction
des farines animales sur l'alimentation bovine datait de 1990 et que l'on a su
assez rapidement que, compte tenu du mode de fabrication des farines pour les
différentes filières, il y avait des contaminations
croisées assez faciles ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- D'une part, pour ce qui concerne
ce que vous appelez les contaminations croisées, il existe toujours des
risques. Il reste que, lors des contrôles que nous réalisons et
des enquêtes qui ont pu être faites par la Brigade, on peut mettre
en évidence certaines contaminations qui peuvent avoir lieu soit au
moment du transport, soit, le cas échéant, chez l'éleveur,
lorsque celui-ci dispose à la fois d'un atelier bovin et d'uns atelier
porcin, pour ne prendre que cet exemple.
En tout cas, les données qui résultent des contrôles que
nous avons effectués ne révèlent pas de contaminations
croisées massives. Il a pu exister ce type de difficulté et nous
avons pu parfois le mettre en évidence, mais cela n'a pas
représenté, à ma connaissance, des volumes
considérables.
L'autre partie de ma réponse concerne le traitement qui devait
être appliqué à ces farines animales et qui visait à
inactiver, une fois que l'on avait procédé au tri (puisqu'il
convient d'abord de trier et d'éviter que n'entrent dans la chaîne
alimentaire, y compris pour les animaux, des matériels à risques
spécifiés ou toute autre matière contaminante), et
à traiter ces farines. Cela s'est fait, en France --vous avez raison de
le dire--, sur la base d'une décision nationale puis d'une
décision communautaire. Par conséquent, il y avait là un
double verrou.
En fait, ce verrou était triple avec
- le tri des déchets, en évitant de faire entrer dans la
chaîne alimentaire, y compris animale, des matériels susceptibles
d'être contaminants,
- la question du traitement visant à inactiver les éventuels
tissus qui auraient pu encore contenir du prion,
- le contrôle de destination qui est lié à l'interdiction
de l'utilisation de ces farines dans l'alimentation des animaux.
Sur la contamination croisée, comme je vous l'ai dit, à ma
connaissance, il n'y avait pas de mise en évidence de contaminations
massives, sachant que, par ailleurs, d'autres précautions ont
été prises : le tri et le traitement.
M. le Rapporteur
- Je me permets de vous interrompre. Entre 1990 et
1996, il s'est écoulé six ans pour retirer, dans un premier
temps, les matériaux à risques spécifiés,
effectivement, mais aussi pour remettre en vigueur les 133 degrés,
les trois bars et les 20 minutes. Ce qui nous soucie, c'est qu'il a fallu
six années pour réagir, entre 1990 et 1996.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Les connaissances que nous
avions sur les procédés d'inactivation du prion et le fait que
ces farines animales étaient bien à l'origine de la contamination
des cheptels ne sont pas celles que nous avons aujourd'hui. Comme je l'ai
indiqué en préambule, à la fin des années 80 et au
début des années 90, nous avions des connaissances bien modestes
par rapport à celles que nous avons aujourd'hui, qui sont encore des
connaissances modestes par rapport à celles que nous aurons probablement
demain.
Il est clair que, dès 1990, nous avons interdit l'utilisation de ces
farines chez les bovins. Cela a été une mesure importante qui,
précisément, visait à éviter la transmission
possible de la maladie aux bovins, qui ne s'est jamais manifestée dans
les autres espèces, les porcs ou les volailles.
En 1994, nous avons étendu cela --et ce fut aussi une décision
communautaire-- à l'ensemble des ruminants et ce n'est qu'en 1996,
lorsque l'ampleur du problème est devenue beaucoup plus importante et
qu'il y a eu ces annonces du gouvernement britannique, que nous avons eu des
recommandations du Comité Dormont. Elles consistaient à instaurer
différents verrous de sécurité pour renforcer notre
dispositif de protection à la fois de la santé des animaux mais
aussi, et surtout, de la protection du consommateur, avec des mesures visant au
tri, au traitement et au contrôle de la destination.
Voilà la manière dont la réglementation a
évolué sur ce sujet.
M. le Président
- Vous nous avez dit tout à l'heure que
vous aviez les rapports de la Brigade d'enquête vétérinaire
sur 1998 et non pas ceux de 1999 ni de 2000. Cela nous étonne
beaucoup, parce que c'est quand même un sujet extrêmement
important. Si vous n'avez pas le résultat des enquêtes de la
Brigade nationale, cela me paraît curieux.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Cela dépend des
résultats dont on parle. S'il s'agit des enquêtes
épidémiologiques, ce que j'ai appelé les enquêtes
alimentaires faites par la Brigade, j'ai le rapport jusqu'en 1999 mais je n'ai
pas les éléments pour 2000. Je précise que ce sont
des enquêtes très lourdes.
M. le Président
- Vous avez donc ceux de 1999 et vous pourrez
nous les communiquer.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Absolument. Je m'y suis
engagée et cela ne me pose aucun problème.
En revanche, nous avons des résultats de contrôles
effectués par nos services déconcentrés aux
différentes étapes de la filière, c'est-à-dire de
l'éleveur jusqu'au fabricant de farines animales pour détecter
d'éventuelles non-conformités liées soit à des
contaminations croisées, soit à des insuffisances dans le
traitement de ces farines animales.
M. le Président
- Donc vous nous les fournirez tout à
l'heure.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Oui. Si vous n'y voyez pas
d'inconvénient, j'anonymiserai ces éléments. Lorsque des
constats de non-conformité ont été faits, j'en ferai une
présentation statistique et donc anonyme.
M. le Président
- Vous savez que la commission d'enquête a
droit à tous les renseignements et qu'elle a besoin des noms. Il ne faut
rien anonymiser. Nous vous les demandons tels quels. C'est dans notre mission
et c'est notre rôle. Sinon, comment voulez-vous que nous
procédions ? Nous ne pouvons pas faire un rapport évanescent.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Ce que je vous donne n'est pas
évanescent mais extrêmement précis.
M. le Président
- Donc vous laisserez les noms.
M. le Rapporteur
- J'ai une dernière question : comment
imaginez-vous rendre plus transparente, à la fois pour les
éleveurs et les consommateurs, l'alimentation animale ? Je me doute
que vous avez, au niveau de la DGAL, une idée bien précise sur la
question et je voudrais donc connaître la position du ministère
sur ce point.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Nous avons déjà
conduit un certain nombre d'actions au cours des dernières années
et nous avons beaucoup travaillé avec ce secteur en lien avec la maladie
de la vache folle, mais aussi sur d'autres dossiers, pour augmenter la
transparence et améliorer les pratiques professionnelles.
Je n'ai pas évoqué ce point puisque vous n'avez pas
souhaité que je détaille la réglementation, mais nous
avons élaboré un certain nombre de guides en étroite
concertation entre mes services et les professionnels sur l'utilisation des
matières premières en alimentation animale et sur la
manière d'éviter les contaminations croisées en
identifiant les postes dans lesquels il y avait des risques et donc en veillant
à faire des recommandations aux professionnels dans ce sens.
Par ailleurs, comme vous le savez, des travaux communautaires ont
été faits sur l'étiquetage et ils visent à
compléter les mentions d'étiquetage afin de permettre aux
éleveurs d'avoir une meilleure connaissance des matières qui ont
été utilisées pour la fabrication des aliments qu'ils
donnent à leurs animaux. Une position commune a récemment
été adoptée sur ce sujet et elle va permettre de franchir
une nouvelle étape dans l'amélioration de la transparence de
cette filière.
M. le Rapporteur
- C'est tout ce qui concerne ce qu'on appelle le livre
blanc au niveau communautaire, si ma mémoire est bonne. La position du
ministère français est-elle bien claire, justement, sur ce qu'on
appelle la liste positive ? En effet, la Commission préconise
plutôt la liste positive alors qu'au niveau du Conseil, on n'a pas tout
à fait la même approche. Le ministère français
est-il pour la liste positive ? Cela m'apparaîtrait beaucoup plus
sain et beaucoup plus transparent en la matière.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Vous faites
référence à une liste positive de matières
premières que l'industrie serait autorisée à incorporer
dans l'alimentation animale ?
M. le Rapporteur
- Il s'agit d'une liste exhaustive de matières
premières, sans autres ingrédients, alors que, de mémoire,
le Conseil était plutôt favorable à une liste
négative en disant : "il est interdit d'utiliser telle ou telle
chose". Il me semble que, tous les jours, cette liste négative peut
être mis en défaut alors qu'une liste positive est plus
coercitive, certes, mais beaucoup plus claire.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- La position que la France a
défendue jusque là a consisté à dire que, sans
rejeter fondamentalement l'idée d'une liste positive, ce n'était
pas forcément la panacée et la solution à tous les
problèmes. Certaines difficultés que nous avons
rencontrées et qui sont liées à des contaminations dans
l'alimentation animale montrent que, parfois, ces difficultés n'auraient
pas du tout trouvé de réponse dans une liste positive puisque,
par exemple, certains additifs qui nous ont posé des problèmes
étaient autorisés. Ce n'est donc pas une réponse absolue.
Nous avons plutôt plaidé pour un dispositif qui visait à
une bonne surveillance des opérateurs avec la mise en place d'un
agrément systématique des opérateurs et des
contrôles réguliers afin de s'assurer des matières
premières qui sont utilisées, sachant que, par ailleurs --vous
avez raison de le dire--, il est important qu'à chaque fois que nous
avons connaissance du fait que telle ou telle matière première
est susceptible de présenter un risque pour la santé des animaux
et pour la santé humaine, on puisse interdire l'utilisation de ces
matières premières dans l'alimentation des animaux. C'est ce que
nous avons fait au fil des ans.
M. le Président
- Très bien. Je donne la parole à
M. Blanc.
M. Paul Blanc
- Monsieur le Président, je souhaite poser quelques
questions qui complètent ce qui vient d'être dit.
La première concerne ce que l'on appelle la traçabilité.
Pour chaque cas d'ESB qui a été répertorié, le
ministère est-il capable, aujourd'hui, de déterminer quels
étaient le ou les fournisseurs de l'éleveur ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- C'est ce que j'indiquais tout
à l'heure sur les enquêtes alimentaires.
M. Paul Blanc
- Allez-vous jusqu'à voir cela pour chaque
cas ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Chaque cas
détecté, dans le cadre de ce que nous appelons notre
système d'épidémio-surveillance, fait l'objet d'une
enquête alimentaire beaucoup plus large avec un certain nombre de
vérifications au cours des trois années. Ces enquêtes sont
systématiques et, bien évidemment, nous arrivons à
identifier, au cours des années précédentes, les
opérateurs de l'alimentation animale qui ont pu livrer des aliments
à cette exploitation.
Cela dit, pour aller plus loin dans la réponse à votre question,
nous n'arrivons pas systématiquement à mettre en relation directe
le fait qu'il soit apparu un cas d'ESB avec la consommation d'un aliment pour
animaux. Ce sont des enquêtes extrêmement compliquées mais
nous arrivons parfois à déceler que des aliments qui
n'étaient pas destinés aux bovins ont pu leur être
donnés, ce qui ne veut pas forcément dire que les aliments en
question étaient contaminants, comme je l'ai indiqué tout
à l'heure.
M. Paul Blanc
- Je parle des fournisseurs.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Nous les identifions lorsque
nous retrouvons les documents, mais l'obligation est très
récente, pour l'éleveur, de conserver suffisamment longtemps un
certain nombre de documents pour que nous puissions identifier l'ensemble des
fournisseurs d'aliments pour animaux.
Maintenant, les éleveurs doivent conserver ces documents pendant une
période de cinq ans, ce qui va faciliter notre travail.
M. Paul Blanc
- En poussant l'enquête plus loin, êtes-vous
arrivée à déterminer, pour ces aliments qui ont
été donnés et qui auraient pu être contaminants,
quel était l'impact des farines en provenance d'Angleterre ?
Peut-on aller jusque là ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Il faudrait que je
vérifie cela à nouveau dans les rapports antérieurs
à l'année 1997 (en effet, n'ayant pris mes responsabilités
qu'au mois d'août de l'année dernière, je n'ai pas pris
connaissance --vous m'en excuserez-- des rapports antérieurs à
l'année 1997), sur une période qui aurait pu concerner des cas
liés à des importations de farines britanniques. Je ne peux donc
pas répondre aujourd'hui à cette question.
M. le Président
- Mais vous pourrez nous faire parvenir une
réponse.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je vous ferai parvenir une
réponse sur ce point particulier, bien évidemment.
M. Georges Gruillot
- Votre enquête, en fait, ne remonte
qu'à trois ans.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Il existait des rapports annuels
de la Brigade. Je veux simplement dire que les rapports que j'ai avec moi et
ceux dont j'ai pris connaissance sont postérieurs à 1997.
M. Georges Gruillot
- A combien d'annéeS remonte l'enquête
sur l'alimentation des étables où il y a eu des cas d'ESB ?
Vous avez parlé de trois ans tout à l'heure.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Les enquêtes que nous
menons à chaque fois que nous détectons un cas d'ESB nous
permettent de remonter aussi loin que nous le souhaitons et, en particulier,
jusqu'à la date de naissance de l'animal. Pour des enquêtes que
nous avons réalisées en 1995, cela peut être des animaux
qui sont nés en 1990, voire avant, puisque les animaux sont en
moyenne âgés de cinq ans.
Les rapports que j'ai, moi, ne datent que de 1997, mais cela ne signifie pas
qu'il n'y a pas eu des recherches auparavant sur des animaux nés bien
antérieurement.
M. Georges Gruillot
- Pour le cas que l'on a trouvé hier matin,
vous pourrez remonter éventuellement à 1994 ou 1995 ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Oui, bien sûr.
M. Georges Gruillot
- Quand on le peut, en fait.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Absolument. Lorsque nous
disposons encore des documents et quand nous les retrouvons, nous les prenons
bien évidemment en compte. Nous ne nous interdisons pas de remonter
aussi loin que possible.
M. Paul Blanc
- Une note de service de la DGAL du
11 septembre 1998 a prescrit des contrôles
vétérinaires systématiques dans les unités de
fabrication des aliments composés en vue de la recherche de
contaminations croisées. Avez-vous le bilan de ces contrôles et,
à la limite, ne pensez-vous pas qu'on aurait pu le prévoir plus
tôt, puisque l'interdiction des farines pour les bovins date de juillet
1990 ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je n'ai pas à ma
disposition les résultats de cette enquête.
M. le Président
- Si vous voulez que votre collaboratrice
s'exprime, elle peut le faire, bien sûr, puisque je lui ai fait
prêter serment. Je comprends bien que vous ne pouvez pas avoir tout en
tête. Il est donc tout à fait logique et normal que votre
collaboratrice, si elle le souhaite, s'exprime directement.
Mme Bénédicte Herbinet
- En ce qui concerne les
contrôles effectués chez les fabricants d'aliments
composés, une note de service conjointe entre la DGAL et la DGCCRF, qui
avait été faite en 1996 à la suite d'une note
précédente de 1990, prévoyait que ce contrôle
relevait principalement des compétences de la DGCCRF. Par
conséquent, les actions que nous avons faites nous-mêmes venaient
en plus pour aider les DSV, qui se posaient des questions par rapport à
ces problèmes de contamination et qui nous avaient sollicités
pour savoir quelle conduite ils pouvaient tenir s'ils cherchaient à
évaluer les possibilités de contamination des aliments pour
ruminants par des farines animales, notamment chez les fabricants.
Il est clair que, puisque leur mission principale était plutôt de
contrôler la mise en place des nouvelles règles en termes de
déchets et de traitement des produits animaux, ils se sont rendus en
priorité chez les équarrisseurs et je ne pense pas que l'on
puisse considérer que tous les départements ont eu les moyens de
faire une visite systématique. Ceux qui ont pu le faire nous ont fait
remonter les éventuels problèmes qu'ils ont pu constater.
Nous avons donc récupéré des informations plutôt
d'ordre qualitatif que quantitatif.
M. Paul Blanc
- En clair, si j'ai bien compris, une note du
11 septembre 1998 a prescrit un certain nombre de contrôles
mais elle n'a pas pu être appliquée dans tous les
départements du fait d'une insuffisance de moyens.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Non pas du fait d'une
insuffisance de moyens mais parce que les DSV ont mobilisé l'essentiel
de leurs moyens sur ce qui relevait de leurs compétences
premières et que cette action était en fait une action
complémentaire de celle de la DGCCRF et visait à répondre
à des sollicitations de certains départements.
Il est possible que certains départements aient apporté des
réponses à cette sollicitation, mais on peut dire que,
probablement, tous les départements n'ont pas répondu à
cette sollicitation.
M. Paul Blanc
- Il semble qu'il y ait effectivement beaucoup de notes de
service et de circulaires. Pourriez-vous communiquer à la commission
l'ensemble des notes de service ou circulaires éditées depuis
1988 à votre initiative concernant l'ESB ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Vous voulez l'ensemble des notes
de service entre 1988 et 2000 ?
M. Paul Blanc
- Oui.
M. le Président
- On vous laisse le temps de les réunir.
Nous savons bien que vous ne les avez pas sous le bras ni sous le coude. Vous
comprendrez que, pour notre commission d'enquête, qui travaille jusqu'au
mois de mai, il se pose des questions importantes et primordiales telles que
celle qui vient d'être posée. En effet, c'est justement à
partir du calendrier que nous essayons de comprendre comment les choses se sont
passées et pourquoi elles se sont passées ainsi.
Cela n'accuse personne, et surtout pas vous, puisque vous n'étiez pas en
poste.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Ce n'est pas du tout le
problème.
M. le Président
- En revanche, toutes ces notes qui ont pu
être diffusées au fur et à mesure de l'évolution
sont très importantes. Comme vous le disiez tout à l'heure, il
est vrai qu'il est plus facile de juger aujourd'hui avec les connaissances que
l'on a par rapport à des décisions qui étaient à
prendre dix ou quinze ans auparavant. Nous comprenons parfaitement que ce n'est
pas du tout la même chose, mais il s'agit justement de voir
l'évolution. C'est ce que vous demande notre collègue Blanc et
c'est extrêmement important.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Vous souhaitez donc avoir
l'ensemble des notes de service relatives à tout ce qui a trait aux
farines animales entre 1988 et aujourd'hui ?
M. Paul Blanc
- C'est bien cela.
M. Jean-François Humbert
- Avec l'autorisation de notre
collègue Blanc, je souhaiterais compléter la demande par la
production, depuis 1990 jusqu'en 1999, des fameux rapports dont vous nous avez
dit être en possession en dehors de l'année 2000, ce qui est somme
toute logique, puisque nos sommes au début de l'année 2001.
Avez-vous, dans vos services --et je pense que la réponse sera
positive--, l'ensemble des rapports annuels auxquels nous avons fait allusion
à plusieurs reprises et qui pourraient être un complément
d'information très important pour la commission d'enquête ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Tout à fait. J'ai le
sentiment de m'être déjà engagée à les
transmettre.
M. Jean-François Humbert
- On ne comprend pas toujours la
première fois. Donc pardonnez-nous de vous poser plusieurs fois les
mêmes questions.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je vous en prie.
M. Paul Blanc
- Je poursuis mes questions. Votre direction avait-elle
envisagé, parmi les mesures à prendre, l'interdiction totale des
farines avant le 25 octobre 2000 ?
M. le Président
- Tu veux dire avant le 14 novembre 2000 ?
M. Paul Blanc
- Je le demande avant le 25 octobre 2000 car c'est plus
pointu. Est-ce que c'était dans les tuyaux ? Est-ce que vous y
pensiez ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Il est difficile de vous
répondre. Je peux vous dire que, pour ma part, j'y avais songé
mais que je ne suis là que depuis le mois d'août 2000. Je peux
indiquer aussi qu'il me semble, pour avoir eu l'occasion de tomber dessus, que
quelques notes de réflexion internes à l'administration avaient
pu envisager en effet cette solution.
M. le Président
- Ce sont ces notes qui nous intéressent
aussi.
M. Paul Blanc
- Je voudrais compléter. Ce que vous dites
là me paraît très important. Comme le dit le
président, lorsque ces mesures ont été envisagées,
n'y a--t-il pas eu quelques pressions de la part des industriels qui, eux, n'en
voyaient pas la nécessité ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Pas à ma connaissance. Je
tiens à vous rappeler aussi qu'en 1999, le ministre de l'agriculture a
transmis à la Commission européenne un mémorandum sur
cette question dans laquelle il recommandait l'interdiction des farines
animales.
M. Paul Blanc
- Si je ne me trompe pas, le ministre avait
également parlé d'une éventuelle catastrophe
écologique si l'on supprimait totalement ces farines.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Il l'avait fait parce que,
à l'époque, c'était l'appréciation que l'on avait.
Après avoir travaillé sur cette question et approfondi la
réflexion, certaines difficultés qui paraissaient insurmontables
ont pu être levées. C'est une mesure qui n'était pas simple
à mettre en oeuvre. La preuve en est qu'il a fallu mobiliser des moyens
importants, comme vous le savez.
La Mission interministérielle pour l'élimination des farines est
mobilisée et les conditions de stockage ne sont pas simples. Comme vous
le savez, beaucoup de nos concitoyens ne souhaitent pas les avoir au
proximité de chez eux.
M. le Président
- Nous allons voir le préfet Proust
après vous.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Il pourra donc vous exposer tout
cela. Tous ces éléments devaient être pris en compte dans
la réflexion que les pouvoirs publics conduisaient sur ce sujet de
l'interdiction des farines animales, sachant que, sur le plan sanitaire,
beaucoup de mesures avaient déjà été prises pour en
assurer un usage très restreint sur le tri, les traitements, etc.
Il ne s'agissait donc pas, a priori, de matériels ou de produits
hautement dangereux.
M. Paul Blanc
- Ma dernière question s'adresse plutôt
à M Toussain, qui nous a parlé de farines de poisson :
est-ce que, dans les farines de poisson, on peut utiliser de la viande et des
os de bovins ?
M. Rémi Toussain
- Je vous communiquerai la réponse par
écrit car je ne le sais pas.
M. le Président
- Je passe donc la parole à M. Humbert.
M. Jean-François Humbert
- Pour me faire pardonner, madame,
d'avoir osé poser la même question pour la deuxième fois,
je vous en poserai une autre. Quels sont les types de rapports, en dehors de
ceux que nous avons évoqués deux fois, qui sont en possession de
vos services et, si d'autres rapports existent, êtes-vous en mesure et
avez-vous la volonté de les communiquer, pour ceux qui existeraient
depuis au moins 1990 ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- La réponse est oui, mais
vous faites allusion à des rapports qui font état de quel type de
données et d'informations ?
M. Jean-François Humbert
- Je parle de rapports qui pourraient
par exemple parler de la maladie de la vache folle et du lien entre cette
maladie et les farines animales, d'un ensemble de rapports qui pourrait
être en votre possession sur le sujet qui nous préoccupe. Sur le
reste, bien évidemment, nous n'avons pas l'intention de savoir tout ce
qui se passe chez vous. Ce n'est pas l'objet de cette commission
d'enquête.
Vos services ont-ils entre les mains d'autres rapports que le rapport annuel
que vous avez évoqué ? C'est une question tout à fait
naïve. Il n'y a pas d'arrière-pensée de ma part ;
j'essaie de savoir, tout simplement.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- La difficulté, c'est que
vous comprendrez qu'entre 1988 et 2000, on a une masse de documents très
importante qui ont concerné ces sujets. A ma connaissance, il n'y a pas
eu de rapports spécifiques sur ce sujet.
Dans la salle
. - Ce sont les notes de service.
M. Jean-François Humbert
- Au-delà des notes de service et
de ce fameux rapport annuel, une autre partie de votre administration
produit-elle chaque année un rapport sur cette inquiétante
question et non pas sur tous les sujets, bien évidemment ? Notre
souci, comme le président vous l'a rappelé, est d'essayer de
comprendre. Plus nous aurons d'éléments émanant de ceux
qui suivent cela au quotidien depuis 1990, vous et d'autres, plus nous serons
à même d'essayer de comprendre.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je peux vous transmettre en
effet la totalité des notes de services qui ont été faites
sur les farines animales ainsi que tous les rapports de la Brigade qui
contiennent des enquêtes alimentaires. Je peux aussi, si vous le
souhaitez, vous transmettre une note de synthèse qui rappelle la
manière dont les pouvoirs publics ont procédé...
M. le Président
- Nous aimerions autant les notes de service,
c'est-à-dire les notes directes, plutôt qu'une note de
synthèse que vous feriez, non pas par suspicion, bien au contraire, mais
pour mieux comprendre comment les choses se sont passées. En effet,
quand on visite un certain nombre de fabricants d'aliments du bétail,
ils disent pour la plupart que, bien avant la décision de 1990 visant
à interdire les farines animales pour l'alimentation des bovins, ils
avaient supprimé l'addition de farines animales dans ces aliments.
A partir du moment où des professionnels disent --et on a tout lieu de
les croire-- qu'ils ont d'eux-mêmes supprimé certains produits
alors que la réglementation ne les incitait pas à le faire,
comment se fait-il que la décision officielle ait été
prise beaucoup plus tard ? Cela veut dire que tout le monde était
au courant ou que tout le monde savait quelque chose dans les années
1987, 1988 ou 1989 alors que la décision n'a été prise
qu'en 1990.
Il doit donc bien y avoir des notes de service qui parlent de cela puisque nous
l'avons entendu sur le terrain. Vous comprenez pourquoi nous aurions besoin de
comprendre, sachant que nous ne pouvons le faire que par ce qui s'est
passé à travers des organismes et des services tels que le
vôtre.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Il y a un malentendu sur ce
qu'on entend par « notes de service ». Je pensais à
des ordres de service, c'est-à-dire à des instructions
envoyées à nos services déconcentrés alors que vous
faites référence, vous, à des documents qui, par exemple,
ont permis l'élaboration de la décision relative soit à
l'importation, soit à l'interdiction des farines.
Je peux en effet retrouver ces documents. Ce sont des notes internes à
l'administration ou des comptes-rendus de réunions que je peux vous
transmettre, y compris l'avis qui avait été formulé par la
Commission interministérielle et interprofessionnelle de l'alimentation
animale, qui avait recommandé aux pouvoirs publics d'interdire
l'utilisation des farines dans l'alimentation des ruminants et qui a
débouché sur l'arrêté de 1990.
Je peux vous transmettre tous ces éléments, bien sûr.
M. le Président
- On peut supposer aussi qu'il peut y avoir des
lettres ou des notes d'un DSV de tel département qui, lui aussi,
écrivait pour faire remonter ce qu'il observait sur le terrain. C'est
cela qui nous intéresse.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je vous rappelle que le premier
cas de vache folle, en France, date de 1991.
M. le Président
- Le premier cas officiel, en effet, mais il a pu
y avoir des observations. Je suppose que des DSV départementaux ont pu
avoir des observations qu'ils ont fait remonter au niveau du service que vous
dirigez. C'est cela que nous avons besoin de savoir.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je n'en ai pas connaissance.
M. le Président
- Vous nous avez dit que vous n'étiez
là que depuis le mois d'août 2000.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- C'est vrai, mais on a
déjà porté à ma connaissance un certain nombre
d'éléments puisque, sur cette question des farines animales, vous
n'ignorez pas que des instructions judiciaires sont en cours. J'ai donc
été amenée à répondre, notamment au juge
d'Epinal, sur cette question et j'ai pris connaissance d'un certain nombre de
documents. Je peux donc vous transmettre les documents auxquels j'ai fait
référence.
M. le Président
- Je passe la parole à Michel Souplet.
M. Michel Souplet
- Ma question sera d'un ordre tout à fait
différent et elle s'adresse plutôt à M. Toussain. Nous
avons écouté tout à l'heure avec beaucoup
d'intérêt les chiffres qu'il nous a proposés. Je me mets
à la place des éleveurs qui sont inquiets et
découragés. J'ai déjà dit il y a quelques mois
qu'il y aura probablement plus de morts par suicide chez les éleveurs
dans un an qu'il n'y aura eu de victimes de la vache folle. C'est malheureux
mais ce n'est pas notre fait.
Aujourd'hui, nous aimerions avoir plus d'éléments sur les
productions de substitution. Si j'ai bien compris votre exposé de tout
à l'heure, monsieur Toussain, il faudrait que l'on puisse, en France,
faire 250 000 hectares de pois protéagineux en plus ou bien du colza
dans des conditions plus importantes en surface. Or, compte tenu des surfaces
mises en jachère actuellement, il ne devrait pas être trop
difficile de faire 240 000 hectares de plus.
Quant aux oléagineux, on est coincé par les accords de Blair
House. Cependant, les accords de Blair House étant liés à
des surfaces, est-on capable, sur le plan de la recherche, de sortir
très rapidement des variétés nouvelles en
oléagineux qui ne seraient plus des oléagineux à vocation
alimentaire directe pour l'homme mais qui pourraient servir dans les apports de
farines de complément ? Ce serait vraiment intéressant parce
qu'on ne peut pas jouer sur les surfaces mais sur les rendements.
En revanche, pour les protéagineux, sachant que nous ne sommes pas
liés par les surfaces, il ne me paraît pas impossible de produire
240 000 hectares. Malheureusement, les prix actuels des pois
protéagineux n'encouragent pas les agriculteurs à en produire.
Peut-on envisager des mesures qui permettent de faire très vite 250 000
hectares de production en plus ?
M. Rémi Toussain
- Sur le plan purement quantitatif et
mécanique, vous avez tout à fait raison concernant le pois. Il y
a eu une désaffection à l'égard de cette production en
raison de la diminution des soutiens communautaires, mais aussi pour un certain
nombre d'autres raisons.
La principale solution va dans le sens d'un meilleur soutien communautaire, et
on peut imaginer par ailleurs --mais c'est une spéculation-- que la
substitution par des matières végétales va
renchérir le coût des matières végétales,
comme cela a été déjà observé, et que le
marché lui-même soit aussi un élément de soutien
supplémentaire. Il faut la combinaison des deux.
Cela ne se heurte pas, s'agissant du pois, à des manques de superficie
ni à l'obstacle de Blair House. J'ai dit qu'il y avait une petite
hésitation sur la possibilité de revenir à un soutien plus
élevé parce qu'il a été également convenu
à l'OMC --ce sont les fameuses « boîtes
bleues »-- que l'on ne pouvait pas augmenter les soutiens pour un
produit. Cela dit, sans entrer trop avant sur ce sujet que nous avons bien
étudié, l'affaire est tellement floue que l'on doit pouvoir
passer outre cette difficulté.
Il reste donc deux obstacles à surmonter qui vont de pair : une
proposition de la Commission mettant elle-même en avant les
difficultés budgétaires communautaires pour ne pas le faire tout
de suite.
C'est la raison pour laquelle, comme je l'ai rappelé tout à
l'heure peut-être trop rapidement, la délégation
française insiste énormément sur l'urgence de ce point, et
je précise que, dans les conclusions du Conseil, ce n'est pas par hasard
qu'il est fait mention de ces éléments. Nous continuerons
à le faire.
J'ajoute, toujours pour le pois, que, dès à présent, au
niveau national, un soutien à la recherche de 25 MF va être mis en
oeuvre dès cette année pour améliorer ses qualités
diététiques. Il comporte en effet un certain nombre d'obstacles
nutritionnels et de problèmes de résistance aux maladies que l'on
va essayer de lever par un programme triennal de recherche spécifique,
en complément de ce qu'il faut obtenir à Bruxelles et/ou du fait
du marché.
Voilà ce que je peux dire pour le pois.
Pour ce qui est des oléagineux, on retrouve bien sûr les
contraintes budgétaires que j'ai indiquées, mais on est surtout
devant la difficulté que tant que perdure l'accord de Blair House, qui
est lui-même lié à l'accord de l'OMC, ce qui en fait une
affaire lourde, soit on en sort par une évolution de la
réglementation -c'était l'idée de la Commission-- vers
l'aide unique (mais on voit les effets pénalisant qu'elle aurait sur les
surfaces), soit on recrée une aide spécifique,
c'est-à-dire qu'en réalité, on revient sur l'Agenda 2000
afin de remonter les aides, auquel cas on retombe complètement dans
Blair House, c'est-à-dire dans les contraintes de surfaces.
Effectivement, il serait alors possible de jouer sur l'amélioration des
rendements et de saturer pleinement la production destinée à
l'éthanol, ce qui a comme effet induit la production de tourteaux. Bref,
dans ce cadre, il s'agirait d'essayer d'exploiter pleinement, ce qui donne un
peu de marge, même si on ne le ferait pas autant que les chiffres que
j'ai indiqués tout à l'heure.
Je n'oublie pas non plus les fourrages déshydratés qui peuvent
être également un élément de complément.
Voilà ce que je peux vous répondre, monsieur le Sénateur.
M. Gérard Miquel
- Ma question sera très courte. Elle
concerne le système de contrôle que nous avons en France. Je sais
qu'il est parmi l'un des meilleurs au niveau européen, mais ne
pourrions-nous pas l'améliorer en lui donnant plus d'efficacité
et en regroupant ou en faisant collaborer plus étroitement les services
vétérinaires, la DCCRF et les Directions départementales
de l'action sanitaire et sociale ?
Nos commerçants, nos boulangers et nos bouchers sont
contrôlés par ces trois services et, dans la même semaine,
ils peuvent voir arriver trois contrôleurs des services de l'Etat. Je
trouve qu'il y a là une perte d'efficacité et que, probablement,
nous aurions intérêt à réorganiser tout cela pour
être plus performants.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Sur ces questions de farines
animales, comme je l'ai indiqué à plusieurs reprises, la
Direction générale de l'alimentation et la Direction
générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes sont en effet compétentes, ainsi que leurs
services extérieurs.
Comme je vous l'ai indiqué aussi, nous collaborons et des plans d'action
conjoints sont mis en oeuvre précisément pour éviter ces
doublons. En effet, les moyens de l'Etat ne nous permettent pas de visiter deux
fois le même établissement pour les mêmes sujets. Nos
actions sont donc complémentaires et, comme vous le verrez dans les
notes de service que je vous transmettrai, certains de ces documents sont des
notes de service conjointes de la DGAL et de la DGCCRF et il y a une
répartition précise des tâches des contrôleurs,
certains étant affectés à des tâches liées
plutôt au contrôle documentaire et d'autres plutôt au
contrôle physique. C'est la première réponse que je ferai
sur ce point spécifique des farines animales.
D'une manière plus générale, en matière de
sécurité des aliments, les services de l'Etat coordonnent leur
action de différentes manières. Nous avons tout d'abord des plans
de surveillance et de contrôle que nous coordonnons et sur lesquels nous
nous mettons d'accord. Nous avons des réunions régulières
et, chaque année, nous adoptons des programmes de contrôle et de
surveillance coordonnés. Nous venons, par exemple, de valider ensemble
les programmes concernant l'année 2001.
Au niveau déconcentré, nous avons aussi des pôles de
sécurité des aliments qui sont mis en place sous
l'autorité des préfets et qui voient collaborer le directeur des
services vétérinaires, le DDCCRF et le DDASS de telle sorte que
l'action des services sur le terrain soit aussi concertée que nous le
souhaitons.
Voilà la réponse que je peux vous faire. Nous sommes en
collaboration et il y a suffisamment de travail pour tout le monde.
M. François Marc
- Bien entendu, madame, j'ai bien compris vos
arguments lorsque vous dites que c'est en fonction des informations
scientifiques disponibles que l'administration a pris ses dispositions. Quand
on peut comparer ce qui a été fait en France et dans les autres
pays européens, on a le sentiment que nous n'étions pas à
la traîne par rapport aux dispositions à prendre. La plupart des
entreprises nous disent d'ailleurs qu'elles ont appliqué la
réglementation, si bien que nous pouvons avoir un petit sentiment de
frustration --je rejoins ce qu'a dit notre rapporteur tout à l'heure--
quand nous entendons les entreprises.
Pour autant, une entreprise nous a dit la semaine dernière :
« dès 1989, nous avons eu des doutes. Nous avons
importé deux bateaux de farines irlandaises et, du fait des doutes et
interrogations que nous avions, nous avons cessé immédiatement
toutes ces importations, et nous n'avons pas pratiqué, depuis, ce genre
d'approvisionnement, même si cela nous a coûté plus
cher ».
A mon sens, c'est l'élément important. D'autres ont
continué à importer et ont pu, de ce fait,
bénéficier de marchandises à bas prix et mettre en oeuvre
des politiques agressives en matière de tarifs, ce qui explique que nous
ayons aujourd'hui un certain nombre d'éleveurs qui ont fait du
« zapping » pendant les dernières années du
fait des guerres des prix en matière d'aliments du bétail.
Si j'ai bien compris, certaines bêtes qui ont été
testées positives avaient même eu des aliments venant de plusieurs
fournisseurs.
Ma question est donc la suivante : disposez-vous d'informations
précises sur les politiques agressives de prix des entreprises durant
les années passées en ce qui concerne les aliments du
bétail ? Il est clair qu'à cet égard, il y a une
suspicion à l'égard de ceux qui auraient eu ces politiques
agressives de prix. Ceux qui ont été honnêtes n'ont pas
changé leurs prix alors que l'on peut imaginer que les autres,
même s'ils étaient en accord avec la réglementation, n'ont
pas suivi tous les principes de précaution nécessaires.
En ce qui concerne les éleveurs, pouvez-vous nous confirmer que, sur un
certain nombre de cas positifs, des éleveurs avaient plusieurs
fournisseurs d'aliments concernés dans l'enquête qui a
été menée ? Avez-vous des informations sur ces points
précis et sur la stratégie de prix des entreprises ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Sur la politique de prix, nous
avons eu connaissance (c'est en tout cas ce que reflètent les quelques
documents que je mettrai en votre possession), au moment où les
décisions ont été prises, du fait que le prix des farines
importées du Royaume-Uni avait considérablement baissé,
après quoi, de manière plus générale, le prix de
ces farines animales a connu une évolution. Nous en avons eu
connaissance, effectivement, mais, s'agissant du prix des farines animales en
France, ce n'était pas un élément à prendre
nécessairement en compte dans le cadre d'une politique sanitaire.
Il s'agissait de faire une évaluation du risque et de prendre en compte
les données scientifiques qui permettaient de savoir s'il y avait ou non
un risque à utiliser ces farines et donc, ensuite, s'il fallait les
interdire ou non.
C'est ce qui a été fait en France relativement tôt,
même si on peut toujours en discuter, sur la base d'un avis qui a
été rendu, si j'ai bonne mémoire, en juin 1990, sachant
que l'arrêté date de juillet 1990. Voilà
l'élément que je peux porter à votre connaissance en vous
apportant les pièces que j'ai eues moi-même à disposition
sur cette question.
J'en profite, si vous le permettez, monsieur le Président, pour dire que
je n'ai pas répondu à la totalité de M. Bizet tout
à l'heure concernant le traitement. Il a en effet indiqué que la
France avait attendu 1996 pour mettre en place un traitement efficace des
farines et je voudrais donc apporter un complément d'information sur ce
point.
Un traitement visant à inactiver un certain nombre d'agents dans
l'alimentation des animaux avait été déjà
imposé par un arrêté en 1991. Il ne concernait pas
forcément le prion parce qu'on ne connaissait pas les traitements
permettant l'inactivation de cet agent non conventionnel. Cet
arrêté a été complété, dès
1994, pour prendre en compte, précisément, cette question du
risque lié à l'ESB.
Ensuite, nous avons été amenés à nous mettre en
conformité avec la réglementation communautaire, sachant que,
comme vous le savez, dès 1996, la France a beaucoup plaidé au
niveau européen pour que, certes, on travaille sur cette question du
traitement, et donc que l'on renforce les exigences sur le traitement, mais que
l'on prenne aussi en compte cette exigence qui nous avait été
recommandée par le Comité Dormont et qui concernait le tri
sélectif des matières premières entrant dans l'information.
Le traitement est une bonne chose, mais il n'est pas suffisant. Il fallait
aussi écarter de la chaîne alimentaire un certain nombre de tissus
susceptibles d'être contaminants.
Pour répondre à votre deuxième question, dans la mesure
où je vais vous transmettre les rapports complets, je suppose qu'il a pu
y avoir, pour certains cas, plusieurs fournisseurs d'aliments. C'est possible.
M. le Rapporteur
- La question de notre collègue Marc est
très claire et il nous faudra malgré tout des noms, si je puis
dire. Il est vrai que le raccourci intellectuel est très simple à
faire. A partir du moment où un opérateur fait du dumping sur un
produit, on voit bien d'où cela peut venir. Par conséquent,
à mon avis, le rôle de cette commission d'enquête est de
souligner un certain nombre de noms d'opérateurs.
Je souhaiterais revenir sur un point. Il y a quelque temps, nous avons
auditionné le professeur Gérard Pascal, président du
Comité scientifique directeur européen, qui nous a avoué
que ce n'est qu'en 1992 qu'a été interdite l'incorporation de
certains abats dans la fabrication de pots pour bébés, notamment
de cervelle. Avez-vous eu vous-même, au niveau de la DGAL, quelques notes
d'information sur ce point précis ? Je vous le demande parce que, a
posteriori, on trouve qu'une information de ce type est fondamentale compte
tenu du risque pour les générations qui vont suivre. Avez-vous eu
des notes de service ou d'information sur ce point ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je ne pourrai pas vous faire une
réponse très complète sur ce point.
M. le Rapporteur
- Il s'agit du mois d'août 1992. C'est
très précis.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je dirai simplement qu'au
début des années 90,on n'avait pas les connaissances que l'on a
aujourd'hui et qu'en effet, s'agissant de l'incorporation de certains tissus et
organes, notamment la cervelle, dans l'alimentation humaine, on n'avait pas les
doutes que l'on a aujourd'hui sur la possibilité de transmission de la
maladie à l'homme.
M. le Rapporteur
- Je le comprends bien, mais vous avez certainement
dû avoir des notes émanant de ce Comité scientifique
directeur ou d'autres sources vous informant de cette suppression à
partir de 1992. La commission pourrait-elle obtenir ces notes ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je ferai une recherche. En
effet, si le Comité scientifique directeur de l'époque nous a
transmis des éléments sur ce sujet, nous avons dû les
garder. Je ferai donc une recherche et si je retrouve ces avis, je vous les
transmettrai pour que vous puissiez établir la chronologie de ces faits.
M. Jean-Marc Pastor
- Dans le prolongement de la question de mon
collègue Bizet, auriez-vous également des notes par rapport au
comportement de la France qui, depuis une dizaine d'années, au niveau
européen, a tenté d'y voir plus clair dans ce
problème ? Il faudrait que nous puissions avoir, dans les deux
sens, un certain nombre d'échanges qui permettent aux uns et aux autres
de clarifier l'évolution de cette interrogation. Cela existe-t-il et
sous quelle forme peut-on le retrouver ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Vous avez raison de souligner
que les travaux d'harmonisation communautaire ont été difficiles
sur cette question. Les décisions communautaires importantes datent de
la moitié des années 90 et, pour ne citer qu'un exemple,
l'adoption d'une liste communautaire de matériels à risques
spécifiés date de l'année dernière et n'est
entrée en vigueur dans la plupart des Etats-membres qu'au mois d'octobre
2000 alors que notre première liste, en France, date de 1996.
En effet, il a été difficile de progresser sur ces questions au
niveau communautaire, certains pays considérant que ce risque ne les
concernait absolument pas. La France, à cet égard, a fait preuve
d'une attitude beaucoup plus précautionneuse, si je puis dire.
M. le Président
- Je vais vous poser une dernière
question. Les autorités françaises ont étendu
l'interdiction des farines animales anglaises aux farines irlandaises
dès le 15 décembre 1989. Pour quelle raison a-t-on
levé cette interdiction à partir du 17 mars 1993 et
quelle a été l'évolution des importations en provenance de
l'Irlande à partir de cette date ? Avez-vous connaissance de cas
où les farines irlandaises se sont avérées, après
enquête, être finalement des farines anglaises ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je pense qu'il serait plus utile
de poser la deuxième partie de votre question à la Direction
générale des douanes et des droits indirects, car je vais avoir
des difficultés pour y répondre.
En revanche, pour la première partie de votre question concernant la
levée des mesures au début de l'année 1993 pour la
République d'Irlande, je considère, compte tenu des
éléments que j'ai eus à ma connaissance, que c'est
probablement l'évolution du contexte européen qui a amené
la France à prendre cette décision. Comme je vous l'ai
indiqué, il s'agissait du marché unique et les décisions
communautaires qui commençaient à être prises concernaient
exclusivement le Royaume-Uni et non pas la République d'Irlande. C'est
probablement ce contexte qui a conduit les autorités françaises
à lever la mesure d'interdiction concernant l'Irlande.
M. le Président
- En fait, qui a pris cette
décision ? Si vous ne le savez pas, ce que je comprends très
bien, vous chercherez la réponse et vous nous la donnerez. C'est
important.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je vérifierai. Je ne peux
pas répondre à cette question aujourd'hui mais je vous apporterai
la réponse par écrit.
M. le Président
- M. Humbert a encore une question à vous
poser.
M. Jean-François Humbert
- J'ai lu dans Le Monde hier ou
avant-hier un article, avec un tableau à l'appui, qui fait part de
statistiques françaises comparées à des statistiques
belges en matière d'importation, et j'ai lu avec stupéfaction que
le delta est minime puisqu'il porte sur 22 millions de tonnes entre les
statistiques belges et les statistiques françaises. Vous allez me dire
qu'il faut poser la question à la Direction des douanes, mais
pensez-vous que ce genre de chose soit possible et, selon vous, derrière
ce type de chiffre, y a-t-il la
« révélation » de quelques fraudes, en
matière de transit, de ces farines interdites ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Je n'ai pas connaissance
d'éléments qui me permettraient de répondre
précisément à votre question. C'est une question, comme
vous l'avez très justement dit, qu'il faut poser à la DGDDI.
M. Jean-François Humbert
- A propos de la DGDDI, les mesures
d'interdiction qui ont été prises n'ont de valeur que si elles
sont suivies d'effet et si des contrôles sont effectués. Avez-vous
eu des réunions communes pour faire un point, régulier ou non,
avec les services des Douanes et, si ces réunions ont eu lieu, ont-elles
fait l'objet de comptes-rendus et de rapports ? S'ils existent, ces
rapports seraient-ils disponibles ?
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Vous parlez de la période
antérieure à la réalisation du marché unique, au
moment où les services vétérinaires et les Douanes
faisaient des contrôles systématiques à l'importation de
ces farines ?
M. Jean-François Humbert
- Je pense aussi qu'il y a
peut-être eu --je n'affirme rien-- des importations frauduleuses et que,
bien que cela ne concerne pas le service de la Direction générale
de l'alimentation mais celui des Douanes, vous avez peut-être
été appelés à en parler entre vous pour vous tenir
informés de ces difficultés.
Il ne s'agirait pas que, d'un côté, des services du
ministère de l'agriculture fassent des efforts considérables pour
essayer de faire prendre les bonnes mesures et que, d'un autre
côté, du fait d'un cloisonnement d'un autre service important de
l'Etat, celui qui est chargé de veiller au respect des interdictions sur
le terrain, un manque d'information entre vous conduise à la
négation des décisions prises. Vous avez sans doute eu des
réunions de travail avec les Douanes et ces réunions ont dû
faire au minimum l'objet de comptes-rendus. S'ils existent, je souhaiterais
qu'ils puissent être transmis à la commission.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Si vous m'y autorisez, monsieur
le Président, je propose que ma collaboratrice réponde à
cette question.
Mme Bénédicte Herbinet
- Pour un certain nombre de mesures
que nous avons prises, il s'agissait d'arrêtés cosignés par
le secrétariat d'Etat au budget dans lesquels la DGDDI était
étroitement associée, et des réunions ont pu avoir lieu
sur les projets d'arrêtés qui étaient proposés, en
général, soit par la DGAL, soit par la DGCCRF, pour discuter de
leur contenu et de leur champ d'application par rapport à des produits
venant d'autres Etats-membres ou de pays tiers.
Pour l'arrêté du 14 novembre dernier, par exemple, nous avons eu
une réunion dans le cadre du SGCI pour discuter de son champ
d'application et, par la suite, la DGDDI nous a envoyé un bilan
établi de façon hebdomadaire sur les contrôles qui avaient
suscité des observations concernant des farines animales ou des aliments
pour animaux qui pouvaient être concernés par cet
arrêté.
Voilà un exemple concret des échanges que nous avons pu avoir
dans le cadre de ces mesures.
M. le Président
- Il y a donc eu des comptes-rendus. Nous sommes
toujours dans la même démarche : nous souhaiterions les avoir
au fil des années.
M. Jean-François Humbert
- Le marché unique ne peut en
aucun cas lever l'interdiction qui était décrétée
par ailleurs. Il ne s'agit pas seulement de la période
précédant le marché unique ou sa mise en oeuvre en
1993 ; il s'agit de l'ensemble de la période jusqu'à
l'interdiction définitive du 14 novembre dernier.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Sachez quand même que les
contrôles ne sont pas systématiques à l'importation depuis
la mise en oeuvre du marché unique. Je tenais simplement à le
souligner.
M. Jean-François Humbert
- Ils ont quand même coincé
le soigneur d'une certaine équipe à la frontière belge.
Peut-être la Douane a-t-elle donc aussi, en matière de farines,
quelques informations à nous donner et qu'elle a évoquées
avec vous.
M. le Rapporteur
- C'est tout à fait vrai, mais entre 1993 et
1996, pour reprendre simplement cette période dont le journal Le Monde
fait état, la France déclare importer beaucoup plus de farines
animales que la Belgique ne déclare en exporter et le delta est
effectivement de 30 000 tonnes. C'est assez curieux, au-delà de la
notion de libre circulation qui date de 1993. Nous voudrions donc comprendre.
Mme Catherine Geslain-Lanéelle
- Nous vous donnerons tous les
éléments que nous possédons sur ce point.
M. le Président
- Nous avons fait le tour de la question pour ce
qui vous concerne et nous vous remercions, mesdames et messieurs. Nous
attendons donc les documents que nous vous avons demandés, du moins tous
ceux que vous pourrez retrouver, et nous vous demandons absolument de nous les
faire parvenir. Merci de votre participation à cette commission.
On me dit que si on pouvait les avoir dans le mois qui vient, disons pour
le 15 février, ce serait une bonne chose parce que nous en
avons besoin pour la rédaction du rapport. Merci.