b) Les importations « dérogatoires » de farines britanniques après 1989
La commission d'enquête a pu constater que l'embargo sur les produits britanniques n'a pas été systématique et a été progressivement et partiellement levé.
L'importation d'aliments pour chiens et chats élaborés à partir de produits bovins a aussi repris le 26 avril 1996, sous réserve que les bovins ne soient ni britanniques, ni abattus au Royaume-Uni et que les aliments proviennent d'établissements ayant souscrit l'engagement des fabricants pour le commerce vers la France.
Par ailleurs, à partir de mars 1989, les farines britanniques étaient soumises à une « prohibition relative » selon les termes mêmes de la direction générale des douanes. Certaines farines étaient interdites (farines de ruminants), tandis que d'autres étaient autorisées (farines de volailles ou destinées à l'alimentation d'animaux carnivores domestiques).
De 1989 à 1994, des dérogations vétérinaires ont été accordées pour l'introduction de farines de viandes britanniques en France à condition que celles-ci ne soient pas destinées à des usines fabriquant des aliments pour ruminants. D'après une note commune du 22 février 2000, de la DGDDI et de la DGCCRF, établissant un bilan de l'importation, de l'utilisation et des contrôles des produits bovins originaires du Royaume-Uni depuis 1985, datant du 22 février 2000, « des dérogations, en nombre limité, ont effectivement été accordées. ». Le chiffre exact de ces dérogations n'a cependant pas été précisé.
En outre, le rapport Villain précité, datant de septembre 1996, souligne que « le point crucial pour la période sous examen (1989-1993) est lié aux certificats vétérinaires dérogatoires : combien ont été délivrés ? les services vétérinaires se sont-ils assurés que les ateliers de fabrication permettaient bien de séparer farines de ruminants importées et farines de ruminants domestiques, aliments destinés aux bovins d'un côté et aliments destinés aux autres espèces de l'autre ».
Ce rapport ajoute que « s'il apparaît que certains certificats de dérogations ont été délivrés, le ministre de l'Agriculture a refusé de communiquer à la DGCCRF la liste exhaustive des dérogations accordées. ».
Au cours de ses auditions, la commission d'enquête a constaté que ces autorisations dérogatoires avaient été assez fréquentes, voire systématiques. Mme Marie-José Nicoli, présidente de l'UFC, a ainsi indiqué: « Il existait une possibilité de dérogation, pour les fabricants d'aliments, d'importer ces farines anglaises. Il leur suffisait d'établir une déclaration sur l'honneur pour obtenir une dérogation des services vétérinaires. Ce type de déclaration ne signifie pas grand-chose ».
M. Daniel Grémillet, président de la chambre d'agriculture des Vosges, chargé à l'APCA des établissements départementaux d'élevage, a indiqué à la commission que le directeur des services vétérinaires des Côtes d'Armor, lui avait assuré que « jamais une dérogation n'avait été refusée concernant les importations de farines anglaises ».
Dans le même sens, le Syndicat national des industriels de la nutrition animale (SNIA) a communiqué à la commission d'enquête une lettre de son Président, M. Bernard Desruelle, datée du 27 novembre 1989 qui précise : « Jusqu'à présent des dérogations pouvaient être obtenues par les entreprises sous condition de réserver cette matière première aux animaux autres que les ruminants. La DGAL estime qu'il est impossible de s'assurer que les farines importées ne sont pas utilisées pour l'alimentation des ruminants et étend l'interdiction d'utilisation à toute farine de viande en provenance de Grande-Bretagne et d'Irlande. Nous sommes en cours de négociation pour tenter d'obtenir que des farines de viandes importées puissent être néanmoins utilisées dans les aliments autres que ruminants. Si nous aboutissons, la DGAL réserverait ces farines à des usines (et non à des entreprises) pouvant justifier qu'elles n'effectuent aucune fabrication d'aliments pour ruminants ».
Un tel système de dérogations vétérinaires permettait donc de rendre licite l'introduction sur le territoire français de farines animales britanniques, à condition que celles-ci soient strictement réservées à l'alimentation des porcs et des volailles et qu'elles ne soient pas destinées à des usines fabriquant des aliments pour ruminants. Quand on connaît aujourd'hui l'ampleur, la fréquence et le caractère quasi inévitable des contaminations croisées, la commission est en droit de se demander si ces importations légales et dérogatoires de farines animales anglaises, impropres à la consommation des ruminants, n'ont pas été, elles aussi, une source potentielle de contamination des bovins.
Il convient également de rappeler qu'en juillet 1994, la Commission européenne a interdit les farines de ruminants originaires du Royaume-Uni, fabriquées avant cette date ainsi que celles produites jusqu'à la fin de l'année 94, lorsque ont été mises en oeuvre des normes de traitement. L'importation de farines de volailles britanniques restait cependant autorisée.
Il faut enfin souligner que l'importation de produits bovins d'Irlande du Nord restait autorisée sous certaines conditions depuis janvier 1998. Or, la nomenclature statistique ne distingue pas l'Irlande du Nord du reste du Royaume-Uni et des importations figurent donc sous cette origine, a priori illicite, alors que ces importations étaient licites.