(2) Une nomenclature européenne tarifaire trop confuse pour identifier la nature des farines
La nomenclature combinée tarifaire européenne à 8 chiffres (NC8), qui désigne le produit sur ces déclarations, reprend le plus souvent les produits par grande famille et ne donne pas toute la précision voulue sur les marchandises échangées. La notion de farines animales carnées, de viande et d'os, correspond ainsi à deux codes particuliers : - le code 02 10 90 90 comprend les « farines en poudre comestibles de viande ou d'abats ». Ces farines peuvent être indifféremment issues des espèces bovines, porcines, ovines... ; - le code 23 01 10 00 comprend les « farines, poudres et agglomérés sous forme de pellets de viandes ou d'abats ». Cette position tarifaire relève du chapitre 23 de la nomenclature européenne consacré aux résidus et déchets des industries alimentaires et aliments préparés pour animaux. C'est la position la plus spécifique pour les farines animales, sans qu'elle permette d'identifier s'il s'agit de viande bovine, ovine, caprine ou de volaille, y compris les plumes. Compte tenu de cette nomenclature douanière communautaire, il n'est pas possible de distinguer par les seules statistiques la composition des farines importées. Seuls les contrôles en entreprises, sur la base des factures et le cas échéant de demandes de renseignement aux Etats exportateurs ont permis de préciser la nature de ces farines. En outre, la nomenclature douanière ne précise pas en général la destination ou l'utilisation des produits dans ses libellés. Dans le cas des farines animales, il revient donc aux services vétérinaires et aux services de la DGCCRF de s'assurer, par leurs pouvoirs propres, de l'usage de ces produits. Toutefois, dans le cadre de la crise de l'ESB, l'administration des douanes a procédé à des vérifications statistiques pour les introductions ou l'utilisation de ces farines. |
Selon les informations fournies à la commission d'enquête par M. Alain Cadiou, la France a demandé à plusieurs reprises une extension à dix chiffres de la nomenclature tarifaire pour distinguer la nature de farines : cette requête n'a jamais été acceptée par la Commission européenne.
Par ailleurs, le code géographique du Royaume-Uni (006) ne distingue pas la Grande-Bretagne de l'Irlande du Nord, alors que les mesures d'embargo sont distinctes dans chacun de ces pays.
(3) Les campagnes de vérification des DEB par les services douaniers
Les déclarations d'échange de biens mensuelles, basées sur les déclarations des opérateurs, sont, évidemment, plus susceptibles d'erreurs que les déclarations en douane, qui étaient autrefois établies systématiquement par des professionnels du dédouanement. M. Yves Galland, ancien ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur, faisait expressément référence à ce problème dans une note datée du 23 juillet 1996 lorsqu'il déclarait que « des erreurs matérielles ont été commises dans l'établissement des déclarations en douane ».
Tout au long de la crise de l'ESB, les services douaniers ont procédé à plusieurs campagnes de vérification des DEB.
Dans le prolongement des contrôles sur les importations de farines animales et de bovins vivants de janvier 1993 à mars 1996, qui avaient permis de contrôler 98 % des tonnages, des contrôles de DEB sont régulièrement effectués sur l'ensemble des produits couverts par l'embargo.
Les déclarations d'échanges de biens sont déposées depuis 1993 par les entreprises dont le volume d'échanges intra-communautaires est supérieur à un seuil fixé par chaque Etat membre. Sur le fondement de l'article 467 du code des douanes, les agents des douanes peuvent contrôler ces déclarations et exiger la communication des documents nécessaires à leur établissement.
Depuis 1993, le nombre de contrôles s'est multiplié, passant de 4.000 en 1994 à 52.428 en 1999. Le nombre d'infractions a augmenté de manière corrélative, passant de 3.710 en 1996 à 13.529 en 1999. Les statistiques des sanctions ne sont pas disponibles pour les années 1993 à 1995. En tout état de cause, l'objectif des contrôles était essentiellement statistique et visait à établir la sincérité des données du commerce extérieur.
Les contrôles réalisés en matière de farines animales obéissaient à une autre logique puisque les violations de l'embargo décidé en 1989 étaient passibles de poursuites pénales. Pour la période 1993 à 1996, 2.379 DEB ont ainsi été contrôlées, correspondant à 98 % des tonnages de farines introduits, et 506 opérations ont nécessité une correction pour un montant de 30.300 tonnes. Ces erreurs et ces corrections portaient principalement sur l'origine et la nomenclature et, dans une moindre mesure, sur la provenance. Par ailleurs, quelques absences de déclarations ont été relevées et ainsi, environ 13.060 tonnes de farines, principalement irlandaises ont été ajoutées au montant des importations des années 1994 et 1995.
Les erreurs relevées par les douanes françaises ont conduit à majorer initialement les statistiques relatives aux importations du Royaume-Uni :
- des produits déclarés bovins se sont révélés être des produits ovins ;
- pour certains aliments composés destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, il n'a pas été toujours possible de déterminer précisément la composition et les procédures de fabrication pouvant faire intervenir plusieurs entreprises intermédiaires pour la constitution du produit fini ;
- des erreurs sur la date des déclarations ont par ailleurs été relevées.
Le contrôle des DEB a permis d'avoir une vue plus précise des flux réels des introductions de farines animales.
Avant les contrôles, les introductions déclarées de farine animale en provenance des pays de la Communauté depuis 1993 représentaient un total de 153.900 tonnes. Elles concernaient 132 entreprises et 2.601 opérations. Parmi les contrôles effectués plusieurs n'ont pas permis d'aboutir à des informations certaines : quelques entreprises n'existaient plus, les documents produits ne permettaient pas une authentification des marchandises, des sondages ont dû être effectués du fait du nombre des factures.
Les corrections des introductions originaires du Royaume-Uni (14.171 tonnes) ont concerné 83 opérations pour 10.541 tonnes. Elles ont surtout porté sur le premier trimestre de 1996, au cours duquel les introductions se réduisent de 5.138 tonnes à 173 tonnes.
Au total, les contrôles effectués sur la période 1993-1996 ont permis d'apporter des réponses sur trois points :
- les statistiques d'introduction de farines animales s'élèvent, après contrôle, pour la période janvier 1993 - mars 1996 à 163.000 tonnes ;
- les contrôles opérés sur cette période n'ont pas permis d'affirmer que des farines britanniques auraient été introduites par le canal d'autres pays de l'Union européenne puisqu'ils n'ont pas mis en évidence de fausse déclaration d'origine pour les farines en provenance des pays autres que le Royaume-Uni ;
- les contrôles ont confirmé la réalité de l'introduction en France d'une certaine quantité de farines animales britanniques depuis 1993. Ces introductions s'établissent à 3.630 tonnes contre 14.171 annoncées initialement. Deux entreprises (Breiz'al et André Glon SA) sont à l'origine de 80 % des corrections comme l'indique une annexe du rapport Villain.
Une deuxième série de contrôles a été réalisée sur les déclarations d'échanges de biens portant sur ces introductions afin de déterminer si, parmi ces 3.630 tonnes, figuraient ou non des produits faisant l'objet d'une mesure d'interdiction pour la période du 1er janvier 1993 au 21 mars 1996. Cette enquête a mis en évidence que :
- 1.262 tonnes sont apparemment irrégulières : les documents requis (autorisations des services vétérinaires et engagement de l'importateur sur la destination finale du produit) n'ont pas été présentés aux services des douanes ;
- 2.170 tonnes sont régulières : l'enquête a certes confirmé l'introduction de farines animales mais s'agissant de farines de canard, poulet, lapin, thon, elles n'étaient pas soumises aux mesures de prohibition applicables aux seules farines provenant de ruminants.
Enfin, une troisième et dernière série de vérifications statistiques, réalisée en 1998, a permis d'établir les résultats définitifs suivants : 1.715 tonnes de farines britanniques (farines d'abats de volaille non soumises à l'embargo) ont été importées de janvier 1993 à mars 1996 dont :
- 1.597 tonnes de farines de volaille ;
- 65 tonnes de farines destinées à l'alimentation des chiens et chats ;
- 53 tonnes dont l'origine n'a pu être déterminée suite à la faillite de l'entreprise concernée.
Les contrôles des DEB sur la période du 1er janvier 1993 au 21 mars 1996 ont donc confirmé la réalité de l'introduction de certaines quantités de farines animales britanniques. Ils n'ont pas permis de mettre à jour de détournement de trafic des farines britanniques par le canal d'autres Etats membres.
Depuis 1996, 450 contrôles ciblés ont été ordonnés sur les entreprises les plus susceptibles d'introduire des farines britanniques. Les erreurs relevées concernaient le pays d'origine ou le code de nomenclature. Celles-ci ont donné lieu à des DEB de correction. Au total, pour cette période, les corrections n'ont pas fondamentalement remis en cause les résultats statistiques, l'ordre de grandeur des échanges ayant été maintenu.
Après vérification, aucune infraction aux embargos n'a pu être mise à jour dans le cadre de ces contrôles entre 1996 et 2000.
La commission tient à rappeler que des campagnes de vérification communes ont été menées par la DGCCRF et la DGDDI pour réaliser des études de flux afin de recenser les stocks de farines. Ces opérations de vérification se sont achevées fin janvier 1999, sans qu'aucune fraude n'ait été décelée.
La règle retenue en matière d'établissement des statistiques peut également expliquer certains écarts.
Les statistiques françaises indiquent en effet l'origine des produits, tandis que les statistiques communautaires consolidées indiquent la provenance , ce qui peut induire des différences, notamment en cas de commerce triangulaire.
Par exemple, une viande danoise introduite en Allemagne pour être transformée avant d'être introduite en France, est reprise en origine danoise dans les statistiques françaises mais en origine allemande dans les statistiques communautaires.
Les services douaniers contrôlent l'ensemble des opérateurs du commerce extérieur qui remplissent les DEB. S'agissant des courtiers, en matière de statistiques il peut s'agir de courtiers français qui ont importé des produits étrangers, ce qui a pu provoquer des écarts de statistiques entre les DEB remplies par les opérateurs sur la base des factures et les importations réelles en fonction de l'origine. Ce problème s'est notamment présenté s'agissant de farines irlandaises vendues par des courtiers britanniques : ces farines apparaissent comme britanniques dans certaines statistiques et dans les DEB remplies par les importateurs français, alors qu'il s'agissait en fait de farines irlandaises. Des courtiers britanniques qui ne pouvaient plus vendre les farines de leur pays ont décidé de vendre des farines irlandaises, et de ce fait, ont continué à approvisionner leurs clients français avec des farines d'autres pays.
Enfin, les statistiques ne rendent compte qu'imparfaitement des évolutions de la réglementation relative à l'embargo sur les produis britanniques.
Si l'introduction de farines de viande était interdite depuis 1989, des autorisations vétérinaires ont pu être accordées par les services du ministère de l'Agriculture et de la Pêche, pour leur introduction en France à condition qu'elles ne soient pas destinées à des usines fabriquant des aliments pour ruminants. Jusqu'en 1993 et l'ouverture du marché unique, ces autorisations devaient se trouver à l'appui de la déclaration en douane.
En juillet 1994, la Commission européenne a interdit les farines de ruminants originaires du Royaume-Uni fabriquées avant cette date ainsi que celles produites jusqu'à la fin de l'année, au moment où ont été mises en place les nouvelles normes de traitement. L'importation de farines de volaille, ou de celles destinées à l'alimentation des animaux familiers reste autorisée. Force est de constater que la nomenclature ne distingue pas les farines destinées à l'alimentation des ruminants (interdites d'importation depuis 1989) ou des non-ruminants, ni les différents types de farines.
Nombre de contrôles DEB et
d'infractions
à l'article 467 du code des douanes
Années |
Contrôle |
Infractions |
Montant total des
|
1996 |
33 |
15 |
29 700 F |
1997 |
9 |
4 |
23 900 F |
1998 |
313 |
38 |
32 200 F |
1999 |
18 |
3 |
2 500 F |
2000 |
77 |
10 |
7 200 F |
Source : DGDDI (les erreurs relevées concernaient le pays d'origine ou le code de nomenclature).