C. UNE FAUSSE PISTE POUR EXPLIQUER LES CAS NAIF : L'HYPOTHÈSE DES FRAUDES À L'IMPORTATION

L'hypothèse d'importations frauduleuses de farines de viandes et d'os a été très tôt avancée.

1. L'importation frauduleuse des farines anglaises : une piste non vérifiable

L'hypothèse d'une contamination des bovins français du fait d'importations frauduleuses de farines britanniques, après le 13 août 1989, date de leur interdiction sur le territoire national, est suggérée de manière récurrente par le gouvernement et est reprise par certaines organisations agricoles et par les media. Cette piste ne semble pourtant pas résister à l'épreuve des faits et des chiffres.

La commission d'enquête n'a ainsi pas été en mesure de prouver ou de confirmer l'existence d'un trafic illicite de farines de viande et d'os britanniques. A cet égard, les explications qui ont été fournies à la commission par la Direction générale des douanes l'ont conduite à estimer qu'il ne s'agirait là que d'un phénomène parfaitement marginal. En revanche, l'importation « légale » de farines contaminées, qu'elles soient britanniques, ou d'origine « européenne » est susceptible d'avoir joué un rôle important dans la contamination du cheptel bovin français.

a) Un faisceau d'indices trompeurs

La piste des importations frauduleuses de farines britanniques est évoquée de longue date, et de manière continue, sans avoir jamais été véritablement démontrée.

(1) Une piste évoquée de longue date

Le rapport « Mattei », publié au mois de janvier 1997 évoque déjà cette possibilité :  « des farines ont-elles été importées irrégulièrement ? » mais souligne qu'il est « manifestement impossible, malgré -ou à cause- de l'existence de multiples statistiques, de savoir si des farines de viande ont été importées ou non frauduleusement ». 54 ( * )

Selon le rapport Mattei, la confusion provient à l'époque de l'existence de sources statistiques divergentes qui pourraient laisser à penser qu'un possible trafic illicite de farines britanniques s'est développé après leur interdiction.

Dans le même sens, un article du « Monde », publié le 13 juin 1996 et intitulé « Vache folle : la Grande-Bretagne a exporté massivement des farines animales contaminées. La France en a été l'acheteur principal », révélait que le Royaume-Uni avait largement exporté des produits qu'il interdisait sur son territoire et montrait qu'en 1991 la France avait importé de ce pays environ 15.000 tonnes de « viande et farines bovines » , cette notion demeurant particulièrement floue à l'époque.

Or ces chiffres apparaissent aujourd'hui sujets à caution : l'hétérogénéité des séries statistiques fournies à la mission d'information de l'Assemblée nationale par ses différents interlocuteurs, notamment M. Yves Galland, ancien ministre délégué aux Finances et au Commerce extérieur, M. Pierre-Mathieu Duhamel, ancien directeur général des Douanes, M. Philippe Guérin, ancien directeur général de l'Alimentation et M. Yves Montécot, président du Syndicat national des industriels de la nutrition animale, a sans doute contribué à alimenter les soupçons des députés et à accréditer l'hypothèse d'importations frauduleuses.

Plusieurs éléments de confusion peuvent ainsi être relevés :

- l'origine des farines : M. Pierre-Mathieu Duhamel, à la suite d'une erreur de transcription, fait état, lors de son audition par la mission le 4 septembre 1996, de quelque 154.000 tonnes de « farines animales d'origine britannique » importées en France entre janvier 1993 et mars 1996 alors qu'il s'agissait en fait de la totalité des importations en provenance des pays de l'Union européenne ;

- les déclarations en douane : certaines farines de viandes auraient été baptisées britanniques alors qu'elles étaient en fait d'origine irlandaise. Des erreurs matérielles commises dans l'établissement des déclarations en douane auraient conduit à déclarer britanniques des farines irlandaises, du fait notamment de l'intervention de négociants anglais dans la vente de farines irlandaises.

Si le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale a eu le mérite de « soulever certains lièvres » et d'identifier les véritables carences des contrôles douaniers français, liées notamment à l'entrée en vigueur du marché unique européen à partir du 1 er janvier 1993, il a contribué à accréditer « la thèse des importations frauduleuses massives de farines britanniques ».

* 54 Rapport d'information de la mission d'information commune sur l'ensemble des problèmes posés par le développement de l'encéphalopathie spongiforme bovine, n° 3291 (Xème législature), janvier 1997, Tome I, p. 92 à 99.

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