(2) L'autisme de certains Etats membres
Le ministre de l'Agriculture et de la Pêche, M. Jean Glavany, a porté un réquisitoire sévère à l'encontre de l'attitude de ces pays devant la commission d'enquête : « Nous avons continué à connaître (à partir de 1996) des difficultés tout simplement parce que, jusqu'à l'automne dernier, certains pays, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie, l'Autriche et même le Danemark jusqu'à l'année dernière (il a viré six mois avant les autres), considérant qu'il n'y avait pas d'ESB chez eux, au nom d'une certaine forme -je ne sais pas comment le dire- d'aveuglement, d'autisme ou de surdité, estimaient qu'il n'y avait donc pas de prion. Ces pays disaient : « circulez, il n'y a rien à voir, vous nous embêtez avec tout ce que vous nous proposez ! » , alors que, d'évidence, ils ne pouvaient pas ne pas en avoir, tout simplement parce qu'on leur disait quotidiennement, hebdomadairement ou mensuellement, à chaque fois qu'on les rencontrait à Bruxelles : « vous ne pouvez pas ne pas en avoir puisque vous avez importé des farines animales anglaises entre 1985 et 1995, comme nous, dans cette période où elles étaient condamnées et dangereuses » . Simplement, ils ne voulaient pas regarder les choses en face et ils s'opposaient donc à toute mesure européenne de restriction ou de sécurisation de la fabrication des farines animales ».
Ce réquisitoire est suivi d'une condamnation sans appel par le ministre : « D'où cette attitude qui est finalement parmi les plus choquantes et sur laquelle je pense que les historiens, et peut-être même les juristes ou les juges, devront s'interroger un jour : certains pays ont continué à mettre non seulement des matériaux à risques spécifiés mais des cadavres d'animaux dans les farines animales pour nourrir leur bétail jusqu'à il y a encore quelques mois ! Devant nos protestations, nous étions face à des murs d'obstination et de refus de toute évolution sur le sujet. Pour moi, c'est un problème central. Il aura fallu que se produise cette espèce de miracle et cette concordance des temps étonnante, au moment de la crise de l'ESB, en novembre et décembre derniers, entre deux Conseils de l'Agriculture, dont l'un s'était très mal passé, avec une crise larvée, et le suivant s'était mieux passé. Ce miracle, c'étaient les cas d'ESB qui s'étaient déclarés en Allemagne et en Espagne, bousculant tout sur leur passage et permettant, au mois de décembre, que toutes les propositions soient adoptées, non seulement l'interdiction des farines animales, l'allongement et l'harmonisation de la liste des matériaux à risques spécifiés, mais aussi la mise en place des tests systématiques.
« Il aura fallu des années, de 1996 à fin 2000, pour que cette évidence que représentait le danger des MRS dans l'alimentation animale et dans les farines qui continuaient à être distribuées aux porcs et aux volailles soit enfin admise par les pays qui gardaient ce pouvoir de blocage et nous empêchaient d'harmoniser le dispositif sur le plan européen ».