(2) Les tests de dépistage proposés : la supériorité du test Biorad
Trois tests sont proposés :
- le test Biorad, développé par le Commissariat à l'énergie atomique et commercialisé par une société américaine ;
- le test Prionics, développé par la société suisse du même nom ;
- le test irlandais de la société Enfer Technology.
En juillet 1999, une évaluation réalisée par la Commission européenne avait conclu que le test Biorad était le plus sensible, suivi du test Prionics, et du test Enfer.
La commission tient à souligner les limites de cette évaluation qui ne permet pas de conclure que ces tests sont suffisamment sensibles pour détecter toute dose de prion susceptible d'être contaminante pour l'homme, dès lors que celle-ci demeure inconnue. Elle a toutefois permis de mesurer l'efficacité relative des différents tests, en fournissant une échelle de sensibilité, comme M. Dormont l'a rappelé lors de son audition : « L'étude pilotée en aveugle par l'Union européenne a montré que les trois tests détectent 100 % des animaux malades. L'étude n'a en effet porté que sur les animaux malades. En prélevant le cerveau des animaux malades et en le diluant, il est possible d'avoir une idée de la quantité de protéine détectable. Le test Enfer est cinq à six fois, voire dix fois plus sensible que le test Prionics. De son côté, le test Biorad est trente fois plus sensible que le test Prionics. »
Jean-Philippe Deslys, responsable du groupe de recherche sur les prions au C.E.A., a, pour sa part, attiré l'attention de la commission sur la nécessité de distinguer entre la portée du dépistage en termes épidémiologiques et son effet du point de vue de la sécurité alimentaire, l'important étant la capacité du test à repérer les animaux présentant un danger pour l'homme. Or, jusqu'à récemment, la seule certitude concernant ces trois tests était leur capacité à déceler la protéine prion pathologique dans le cerveau d'un bovin en phase finale d'ESB.
Pour la mise en oeuvre du dépistage systématique à l'abattoir, le ministère de l'agriculture a autorisé indifféremment le recours au test Biorad et au test Prionics. Ce dernier a été massivement retenu, parce qu'il avait déjà été choisi pour réaliser le programme pilote de dépistage de l'ESB sur les bovins à risque, au contraire de Biorad, qui n'avait été utilisé qu'en laboratoire. Aujourd'hui, une vingtaine de laboratoires agréés utilisent le test Biorad.
Le protocole d'analyse de Prionics a été analysé par le directeur du laboratoire départemental d'analyse de la Manche à une délégation de la commission d'enquête en déplacement dans ce département. L'encadré ci-après retrace les explications fournies.
Le protocole d'analyse du test Prionics Le tissu nerveux prélevé et broyé est dégradé par une enzyme particulière, la protéinase K, qui fragmente le prion normal et dégrade le prion pathologique. Ce dernier est isolé des fragments de prion normal au moyen d'un champ électrique. Ensuite a lieu la réaction immunologique, qui consiste à combiner le prion pathologique à l'anticorps breveté par Prionics -l'anticorps 6H4- . Celui-ci, couplé à l'enzyme phosphatase alcaline émet, après addition d'un réactif chimio-luminescent, de la lumière qui est mesurée par un film radiographique. |
La commission tient à rappeler que le choix du test Prionics a suscité une polémique, l'utilisation du test le moins sensible semblant avoir été recommandée. Certains scientifiques plaident toutefois pour le test le plus sensible, ainsi que l'a indiqué Mme Jeanne Brugère-Picoux lors de son audition : « Je pense néanmoins que nous avons intérêt à utiliser le test le plus sensible. Il faut en effet savoir que nous n'avons pas la preuve que le test Prionics est capable de détecter l'infection six mois avant l'apparition des premiers symptômes. Prionics avance cela comme simple argument commercial. »
Outre une meilleure sensibilité, le test Biorad serait également plus rapide, puisqu'il donnerait des résultats sous un délai de six heures contre en moyenne neuf heures pour le test Prionics.
Enfin, le test Biorad est actuellement le seul dont la capacité à repérer tout animal comportant une infectiosité susceptible de contaminer l'homme a été démontrée par l'équipe du CEA, et retracée dans une étude parue en janvier dernier dans la revue « Nature » . M. Jean-Philippe Deslys, co-créateur du test Biorad, a indiqué à la commission que cette démonstration a consisté à prouver que le test Biorad était aussi fiable que le test « souris », fondé sur l'injection d'un morceau de tissu dans le cerveau d'une souris, lequel est actuellement le test le plus sûr pour détecter une dose infectieuse pour l'homme.
La commission a cru déceler, à ce sujet, une contradiction entre les propos de M. Dominique Dormont, rappelant que des tests « négatifs » ne veulent « rien dire » et ceux de M. Jean-Philippe Deslys, qui apparaît beaucoup plus affirmatif sur le test développé par le CEA.
En revanche, l'application du test Biorad n'offrirait pas encore toutes les garanties en termes de « robustesse », qui est la capacité à fournir un résultat non ambigu dans des conditions courantes : une étude comparative des deux tests, Prionics et Biorad, a été lancée début janvier par l'AFSSA.
Sans être évidemment en mesure d'arbitrer des querelles de scientifiques, la commission ne peut que souhaiter l'utilisation du test de dépistage le plus sensible et appeler de ses voeux une harmonisation des moyens de détection au niveau communautaire.