VI. LA FRANCE EN ASIE CENTRALE : DES ATOUTS INDÉNIABLES QU'IL RESTE À MIEUX METTRE EN VALEUR

Votre délégation n'a pu qu'être frappée au cours de sa mission par le contraste entre les atouts indéniables dont bénéficiait notre pays dans la région et la faiblesse de sa présence politique et économique.

A. UN PARTENARIAT INACHEVÉ

1. Des relations politiques qui doivent gagner en substance

Si les relations bilatérales ont connu au lendemain des indépendances un élan indéniable , elles manquent aujourd'hui de densité.

La France s'était signalée par la rapidité de la reconnaissance diplomatique des différents Etats de la région. Le président kazakh, M. Nazarbaev, s'est rendu à Paris dès 1992 et le président ouzbek, M. Karimov en 1993.

Le président Mitterrand a été l'un des premiers chefs d'Etat à se rendre en Asie centrale (au Kazakhstan en septembre 1993 et en Ouzbékistan en avril 1994).

Par ailleurs, les fondements juridiques d'un dialogue politique régulier et d'une coopération approfondie ont été posés : signature d'un traité de paix, d'entente et de coopération avec le Kazakhstan en septembre 1992, d'un traité d'amitié et de coopération avec l'Ouzbékistan en octobre 1993.

Il existe de part et d'autre une volonté d'approfondir les relations bilatérales, marquées en effet par une réelle convergence de vue en particulier sur les questions liées à la situation internationale et aux risques d'instabilité que présente l'Afghanistan. La France a ainsi été présentée par nos interlocuteurs au Kazakhstan et en Ouzbékistan comme un « partenaire stratégique ». Le président de notre délégation était d'ailleurs porteur d'un message du président Chirac aux chefs d'Etat des deux pays qui rappelle le souci de notre pays de renforcer encore ces liens.

Cependant, si depuis quelques années les échanges se sont poursuivis avec la visite des personnalités d'Asie centrale en France, ils n'ont pas été marqués par une véritable réciprocité. Depuis 1996, le nombre de visites de ministres français s'est limité à deux en Ouzbékistan (M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie, en 1999, M. Alain Richard, ministre de la défense en 2000) et à une au Kazakhstan (M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur en 2000).

Les plus hauts représentants des deux pays nous ont manifesté leurs espoirs qu'une visite présidentielle française puisse rapidement se concrétiser.

Notre présence diplomatique dans la région pourrait être étoffée. Ainsi nous n'avons de représentation ni au Tadjikistan ni au Kirghizistan où sont accrédités respectivement nos ambassadeurs à Moscou et à Almaty. Il faut bien reconnaître cependant que la charge de travail de nos diplomates ne leur permet pas toujours de surmonter l'éloignement et de suivre la situation de deux pays dont l'évolution importe pourtant beaucoup à la stabilité de la région. Le principe d'une ambassade itinérante , déjà utilisé dans certains pays, pourrait s'avérer à la fois utile et économe sur le plan logistique. Notons que les Allemands disposent d'ambassades dans l'ensemble des républiques et que le Royaume-Uni se dispose à ouvrir une représentation au Kirghizistan.

2. Le renforcement souhaitable de la coopération

Un plus grand nombre de visites ministérielles permettrait sans doute de conforter une coopération bilatérale qui malgré des moyens modestes ouvre des perspectives souvent prometteuses.

. La coopération avec l'Ouzbékistan

La coopération avec l'Ouzbékistan est surtout marquée par le développement récent des relations militaires et les atouts indéniables que possède la France dans le domaine culturel.

La coopération militaire s'appuie sur un accord de coopération en matière de défense signé en décembre 1999 et un arrangement administratif en matière d'armement conclu en juillet 2000 à l'occasion de la visite de M. Alain Richard à Tachkent. Le premier de ces accords a institué une commission mixte de coopération militaire franco-ouzbèke (qui s'est réunie pour la première fois à Tachkent en avril 2000), le second, une commission mixte d'armement dont la première réunion s'est tenue à Paris en janvier 2001.

L'Ouzbékistan considère notre pays comme un « partenaire stratégique » et a sollicité la France en matière de formation et d'équipement. Notre coopération s'est traduite sur le plan institutionnel par un plan de formation d'officiers ouzbeks en France. La France, comme l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, a récemment attribué une aide matérielle (effets d'habillement) aux armées ouzbèkes. A terme rapproché le principal projet appuyé par la France concerne la modernisation des hélicoptères ouzbeks MI-24.

Le ministre de la défense, M. Goulamov, a insisté auprès de notre dfélégation sur l'intérêt accordé par la partie ouzbèke à la formation des officiers en particulier ceux chargés de l'encadrement des troupes de montagne (il a cité ainsi la nécessité d'une expérience approfondie dans le domaine de la cartographie). La coopération franco-ouzbèke pourrait aussi servir d'appui à la signature de contrats principalement dans le domaine aéronautique.

Par ailleurs, il convient de souligner la volonté de resserrer les liens en matière de police avec la création cette année à Tachkent d'un poste d'attaché de police à vocation régionale.

La politique linguistique et culturelle dispose d'atouts indéniables au premier rang desquels le nombre d'Ouzbeks -quelque 400 000 - qui apprennent notre langue et la présence de 4 000 enseignants de français. Il s'agit là d'un héritage de la période soviétique que les autorités entendent préserver. L'Alliance française est présente à Tachkent et Samarcande. En outre, notre action culturelle bénéficie du rayonnement de l'Institut français d'études sur l'Asie centrale (créé à Tachkent en 1993 avec une vocation régionale). Il constitue un pôle de recherche et illustre l'intérêt de notre pays pour la culture et la civilisation de l'Asie centrale.

Il convient de regretter dans ce contexte pourtant favorable la modestie des moyens de notre coopération. La baisse de l'enveloppe en 2000 (réduite à 1,2 million de francs) a ainsi conduit à la suppression de trois des quatre postes affectés jusqu'à lors à la coopération culturelle et scientifique.

Les questions institutionnelles ouvrent également un champ propice à la coopération : la constitution ouzbèke est fortement inspirée du texte fondateur de la Vème République. Par ailleurs, le président de l'Olii Majlis a longuement insisté devant votre délégation sur l'intérêt qu'attachait le Parlement ouzbek au développement de la coopération entre nos deux assemblées, en particulier dans la perspective de la création d'une seconde chambre -en principe d'ici la fin de la législature.

. La coopération avec le Kazakhstan

Compte tenu des besoins considérables suscités par l'indépendance et les mouvements de départs des Russes, l'axe prioritaire de la coopération française au Kazakhstan porte sur la formation . En la matière, les domaines concernés présentent une grande variété : administration, justice, économie... L'étendue des besoins, d'une part, la modestie de l'enveloppe budgétaire, d'autre part, contraignent à une grande sélectivité des projets . Parmi ces derniers, la création d'un centre franco-kazakh du pétrole retient plus particulièrement l'attention : il touche en effet un secteur crucial pour l'économie du Kazakhstan, secteur dont le développement entraînera un besoin d'encadrement croissant ; ce domaine pourrait constituer un relais d'influence sur le moyen terme pour notre pays qui dispose en la matière d'un solide savoir-faire ; l'apport de capitaux privés peut permettre, sur un tel projet, de compenser la modicité des ressources publiques.

Notre langue avait également bénéficié au Kazakhstan de la politique d'enseignement soviétique : 25 % des élèves apprenaient alors le français. Quelque 100 000 Kazakhs s'initieraient aujourd'hui à notre langue.

Le renforcement de l'enseignement du français se heurte, malgré la rédaction et l'édition, en coopération avec les autorités locales, de manuels de français pour toutes les classes de l'enseignement secondaire, à un manque évident de moyens humains (un attaché linguistique, trois lecteurs, un coopérant du service national (CSN) pour un pays grand comme cinq fois la France...).

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