Rapport d'information n° 300 (2000-2001) de M. Jacques OUDIN , fait au nom de la délégation pour l'Union européenne, déposé le 3 mai 2001

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N° 300

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 mai 2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) sur la politique commune des transports,

Par M. Jacques OUDIN,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; Nicolas About, Hubert Durand-Chastel, Emmanuel Hamel, secrétaires ; Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, José Balarello, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean Bizet, Maurice Blin, Xavier Darcos, Robert Del Picchia, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean-Paul Emin, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Daniel Hoeffel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Paul Masson, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Simon Sutour, Xavier de Villepin, Serge Vinçon, Henri Weber.

Union européenne.

Mesdames, Messieurs,

Bien que constituant l'une des plus anciennes politiques prévues par les textes communautaires initiaux, la politique commune des transports n'a pris place que tardivement dans la construction européenne. Il a fallu que la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) constate en 1985 la carence des Etats membres dans ce domaine pour que ceux-ci se décident à agir.

Le premier Livre blanc de la Commission « sur le développement futur de la politique commune des transports » a été publié au mois de décembre 1992. Son introduction mesurait alors l'ampleur de la tâche à accomplir :

« La mise en oeuvre du traité sur l'Union européenne adopté à Maastricht redonnera une nouvelle impulsion à la politique commune des transports. L'amélioration de la sécurité des transports est pour la première fois explicitement rangée au nombre des objectifs à atteindre. Les dispositions relatives aux réseaux transeuropéens ainsi qu'à la cohésion économique et sociale procurent à la Communauté une base nouvelle sur laquelle s'appuyer pour contribuer à l'établissement et au développement des infrastructures de transport. Le nouveau titre consacré à l'industrie souligne l'importance capitale des conditions qui assureront la compétitivité des entreprises de la Communauté.

« Dans le même temps, le traité sur l'Union dispose expressément que conformément au principe de subsidiarité, la politique commune des transports doit consister en actions qui ne peuvent pas être réalisées de manière satisfaisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison de leur dimension ou effet, être mieux réalisées au niveau communautaire .

« L'année 1992 marque donc un véritable tournant dans l'évolution de la politique commune des transports qui, de politique axée essentiellement sur l'achèvement du marché intérieur par élimination des obstacles réglementaires artificiels à la libre prestation des services, s'est muée en une politique plus globale destinée à assurer, dans un marché intérieur réellement unique, le bon fonctionnement des systèmes de transport de la Communauté et à répondre aux défis que la politique des transports devra sans doute relever après 1992. »

Près de dix années plus tard, alors que la Commission s'apprête à publier un nouveau Livre blanc sur la politique commune des transports, la situation n'apparaît guère satisfaisante.

Les résultats de la politique communautaire de sécurité restent pour le moins en deçà des attentes, tant en matière routière que maritime. Les harmonisations fiscale et sociale piétinent. Le souci sans cesse affirmé de rééquilibrage entre les modes de transport reste un voeu pieux, face aux difficultés persistantes du chemin de fer et à la lenteur des progrès de l'intermodalité, tandis que le transport routier poursuit son irrésistible développement.

En ce qui concerne les infrastructures, l'espace européen des transports apparaît à la fois fragmenté et saturé. Les réseaux transeuropéens de transport, qui devaient remédier à cette situation, ne sont qu'une simple juxtaposition de schémas nationaux et peinent à trouver les financements nécessaires. Les propositions de tarification rationalisée et harmonisée des infrastructures restent au stade des études théoriques.

Certes, tout n'est pas négatif dans la politique commune des transports. Il est néanmoins évident qu'elle ne progresse pas au rythme des besoins de mobilité dans un espace européen en voie d'intégration économique. Les atermoiements des Etats membres, enfermés dans leur vision nationale des choses, sont de moins en moins soutenables et l'heure semble aujourd'hui venue d'une réelle prise de conscience de l'importance de la politique des transports pour l'Union européenne.

I. UNE POLITIQUE EN RETARD PAR RAPPORT AUX BESOINS

A. LA CROISSANCE DE LA DEMANDE DE TRANSPORT EN EUROPE

1. Des insuffisances statistiques révélatrices

Pour les transports, les sources d'information de la Commission sont principalement Eurostat et la Conférence Européenne des Ministres des Transports (CEMT). Des données sont également fournies par les Nations Unies, l'OCDE et certaines associations internationales.

Une des tâches principales d'Eurostat est d'obtenir des Etats membres des données harmonisées, afin de pouvoir procéder à leur agrégation et à des comparaisons.

Le livret de référence publié par la Direction Générale (DG) Transport et Energie, intitulé « Le transport dans l'Union européenne en chiffres », contient notamment les séries suivantes : les tonnes/km et les passagers/km par mode de transport, par pays et par année ; les activités des ports maritimes et des aéroports ; les infrastructures ; le nombre de véhicules, par mode de transport et par type de véhicules, l'emploi.

De l'aveu même des services de la Direction Générale Transport et Energie, certaines données sont manquantes, comme celles sur les véhicules routiers de marchandises par catégorie (nombre et tonne/km, matrice d'origine-destination par zone), sur le partage du transport aérien entre lignes régulières et charters, ou sur la ventilation régionale de toutes les données.

Pour sa part, votre rapporteur estime regrettable le recours trop systématique à la notion de tonnes/km, qui ne lui paraît pas une unité toujours très pertinente. En effet, il s'agit d'une unité physique, alors que les raisonnements en matière de politique des transports devraient s'appuyer d'abord sur des unités économiques et financières. Les deux tableaux ci-après illustrent les biais qui peuvent être introduits par le choix de telle unité de préférence à telle autre.

Le premier tableau est exprimé en tonnes. Il fait apparaître une prédominance du trafic extracommunautaire, 1713 tonnes, sur le trafic intracommunautaire, 1006 tonnes, et, au sein du premier, une domination du transport maritime, qui en assure 70,8 %. Pour le trafic intracommunautaire, c'est la route qui est dominante, avec une part de 40,9 %, contre 30,7 % à la mer.

Le second tableau, exprimé en valeur, fait apparaître des résultats sensiblement différents. Le trafic intracommunautaire, 1.181 milliards d'euros, surclasse le trafic extracommunautaire, 1.443 milliards d'euros. Et, au sein de ce dernier, la domination du transport maritime est moins flagrante, puisqu'il ne représente plus que 41,4 % du total, 22,6 % étant assuré par la route et 24,1 % par l'air. En revanche, la domination du transport routier dans le trafic intracommunautaire se trouve accentuée, puisque sa part atteint 57,8 % du total.

2. L'importance économique du secteur des transports

Les dépenses annuelles en transport des ménages, du commerce et des administrations publiques s'élèvent à 1.000 milliards d'euros, soit 15 % du PIB (le total est inférieur à la somme des trois composantes, car les catégories se chevauchent : les ménages, par exemple, dépensent plus de 100 milliards d'euros en taxes sur les carburants chaque année, qui constituent une part importante du budget public des transports). Il faut y ajouter des coûts externes, estimés à 2 % du PIB, ou 4 % en incluant les coûts induits par les embouteillages.

Le chiffre d'affaires générés par les prestations de transport dépasse les 500 milliards d'euros (8% du PIB), dont la moitié en valeur ajoutée.

D'après les résultats des enquêtes sur la consommation des ménages, 12,5 % environ des revenus des particuliers (soit 520 milliards d'euros) sont dépensés en transport dans l'Union européenne. Ce chiffre passe à 14 % (soit 600 milliards d'euros) en y ajoutant les locations de voiture, les frais de transport des voyages au forfait, les taxes sur les véhicules et les péages. Ces dépenses se répartissent entre 90 % de transports privés (voiture dans plus de 95 % des cas) et 10 % de prestations commerciales.

Avec un montant de l'ordre de 600 milliards d'euros, les dépenses de transport représentent 14 % des dépenses des ménages en 1996, alors qu'elles n'en représentaient que 10 % dans les années 1960. Quand leurs revenus augmentent, les particuliers ont tendance à dépenser plus en transport, notamment en achetant une voiture ou des voyages à destination lointaine. Ceci explique pourquoi le transport représente moins de 10 % des dépenses des ménages en Grèce, mais plus de 15 % au Danemark et au Luxembourg.

L'interaction entre le coût du transport, la mobilité des personnes et l'aménagement du territoire induit qu'une baisse des coûts dans le transport génère, à long terme, plus de mobilité que d'épargne. Elle se traduit également par un phénomène de « motorisation » croissante des sociétés européennes.

Entre 1970 et 1998, le nombre d'automobiles pour 1000 habitants dans l'Union européenne est passé de 184 à 451. Cette dernière année, ce taux variait de 254 en Grèce, à 572 au Luxembourg.

Le secteur du transport dans l'Union européenne regroupe au total près de 760.000 entreprises, essentiellement dans le transport routier de marchandises (439.000 entreprises) et de passagers (185.000).

Le secteur des transports dans l'Union européenne emploie au total 5,733 millions de personnes. Les trois modes principalement employeurs sont le transport routier de marchandises (1,7 million d'emplois), le rail (1 million d'emplois) et le transport routier de passagers (940.000 emplois).

3. Un dynamisme de la demande différencié selon les modes

Le transport est une demande dérivée, en tant que moyen pour exercer d'autres activités. A ce titre, il est entraîné par des forces externes au secteur des transports lui-même.

Globalement, le principal moteur de son évolution est la progression du PIB. Au cours de la période 1970-1995, le PIB de l'Union européenne a progressé en moyenne de 2,5 % par an à prix constants. Au cours de la même période, les passagers/km ont augmenté de 2,9 % par an et les tonnes/km de marchandises ont augmenté en moyenne de 2,7 % par an.

Ceci signifie que les besoins de transport de l'économie ont augmenté : l'élasticité de la demande de transport par rapport au PIB a été supérieure à 1 au cours des dernières décennies.

Pour autant, le dynamisme de la demande de transport est différencié selon les modes, qui ne progressent pas tous au même rythme, comme le montre le tableau ci-après pour le transport de marchandises.

Les deux modes de transport les plus dynamiques sont la route, qui progresse de 35 % sur la période 1990-1998, et la mer, qui progresse de 27 % sur la même période. De son côté, le rail enregistre une diminution de son trafic de marchandises, de 6 % sur la période.

Ce dynamisme variable des différents modes de transport se retrouve dans le tableau ci-dessous, qui retrace leurs taux de croissance annuels pour chacune des trois dernières décennies.

Le même phénomène de croissance des différents modes à des rythmes variables se retrouve pour le transport de passagers.

Les deux modes de transport les plus dynamiques sont l'avion, qui progresse de 53 % sur la période 1990-1998, et l'automobile, qui progresse de 17 % sur la même période. Toutefois, en masse, l'automobile apparaît très dominante puisqu'en 1998 elle a transporté 3,776 milliards de passagers/km, tandis que l'avion n'a transporté que 241 millions de passagers/km.

A la différence du transport de marchandises, le rail gagne du trafic en ce qui concerne le transport de passagers, mais au rythme assez modeste de 6 % sur la période 1990-1998.

Le tableau ci-dessous retrace, pour le transport de passagers, les taux de croissance annuels des différents modes de transport au cours des trois dernières décennies.

4. Une modification de la répartition entre modes de transport

Le dynamisme variable de la croissance des différents modes se traduit par une évolution de la répartition modale. Ceci est particulièrement net pour le transport de marchandises, comme le montre le tableau ci-dessous.

Alors que la route et la mer représentaient, respectivement, 31 % et 35,2 % du total en 1970, elles en représentent, en 1998, 43,7 % et 40,7 %. Dans le même temps, la part du rail diminuait de 21,1 % à 8,4 %.

Le graphique ci-après permet de mieux visualiser la domination de la route et du rail dans le transport de marchandises, en 1998.

La répartition modale n'est pas identique dans tous les Etats membres de l'Union européenne. Le tableau ci-dessous retrace, par pays, la répartition du transport de marchandises entre les différents modes de transport terrestre.

On constate des différences notables. Alors que la moyenne communautaire est de 14,1 % pour le rail, certains Etats membres y recourent dans une proportion bien plus importante, comme la Suède (36,9 %), l'Autriche (36,9 %) ou la Finlande (26,9 %). De même, alors que la moyenne communautaire est de 7,1 % pour le fluvial, les Pays-Bas y recourent dans une proportion de 42 %, l'Allemagne de 15,7 % et la Belgique de 15,1 %.

La répartition modale évolue également sensiblement pour le transport de passagers, comme le montre le tableau ci-dessous.

L'automobile accroît sa prédominance, en passant de 73,6 % en 1970 à 79,1 % en 1998. Tout en restant à un niveau bien plus modeste, le transport aérien fait plus que doubler sa part sur la même période, en passant de 1,5 % en 1970 à 3,8 % en 1998, tandis que le rail diminue de 10 % à 6,1 %.

5. Une croissance persistante à moyen terme

L'un des facteurs principaux de la croissance du transport de passagers est la motorisation des sociétés européennes . Le parc automobile de la Communauté est passé de 62,5 millions de voitures en 1970 à 169 millions en 1998, soit environ une multiplication par trois en trente ans. Il continue d'augmenter de plus de 3 millions de voitures chaque année. Dans ce contexte, la mobilité des personnes est passée de 17 km/jour en 1970 à près de 35 km/jour en 1998.

L'augmentation du parc automobile et la croissance de la mobilité routière qui en résulte ont été facilitées par le développement considérable du réseau autoroutier au cours de la même période, alors que l'on assistait parallèlement à une contraction du réseau ferré. Cependant, à partir du milieu des années 1980, on assiste au développement du réseau ferré à grande vitesse en Europe. En 2000, ce sont plus de 2.700 km de lignes qui ont été ouvertes, et d'ici 2006, ce sont près de 4.400 km de lignes nouvelles ou aménagées pour la grande vitesse qui seront mis en service.

Parallèlement à la domination de la route et à la montée en puissance du rail à grande vitesse, les vingt dernières années ont été caractérisées par le développement spectaculaire du transport aérien, qui rejoint désormais le rail en passagers/km, mais qui doit faire face à des problèmes de congestion des couloirs aériens et des aéroports.

La croissance du transport de marchandises est liée aux mutations de l'économie et du système de production dans l'Union européenne au cours des vingt dernières années. L'Europe est passée d'une « économie de stock » à une « économie de flux », qui a permis une baisse radicale des coûts de stockage, et partant des coûts de production, par le biais d'un transfert physique des marchandises vers les moyens de transport. C'est le concept de « stock roulant ».

Parallèlement, on a assisté à un processus de délocalisation de l'industrie et au déclin de l'industrie lourde intégrée, grosse consommatrice de transport de pondéreux pour lequel le rail et les voies navigables sont parfaitement adaptées, au profit d'une industrie légère plus dispersée sur le territoire et basée sur la sous-traitance et le « juste à temps ». Cette nouvelle structure de production est plus favorable au système de transport réputé le plus flexible et dont le rayon d'action couvre l'ensemble du territoire, la route.

Dans ses projections, la Communauté s'est fixé comme objectif un taux de croissance économique d'au moins 3 % par an pour la décennie 2000-2010. Sur cette base, le consensus majoritaire entre les différentes études dont dispose la DG Transport et Energie arrive à la conclusion qu'au cours des dix prochaines années, le trafic devrait augmenter de 38 % pour le transport de marchandises et de 19 % pour celui de voyageurs, par rapport à la situation actuelle. Dans cette perspective, l'évolution du trafic de marchandises par route devrait s'établir à près de 50 %, alors que le trafic automobile augmenterait de 16 %.

La stagnation et le vieillissement de la population de l'Union européenne, la saturation automobile dans les pays les plus riches ainsi que celle des infrastructures urbaines, feront que la croissance de la demande de transport de passagers restera aux alentours de 1,5 % par an.

Pour les marchandises, le passage à une économie de services dématérialisée devrait assouplir le lien avec la croissance du PIB à l'avenir. Il est néanmoins probable qu'au cours des dix prochaines années la croissance économique et l'intégration croissante des économies européennes exigeront un volume toujours croissant d'activités de transport. Par conséquent, il est prévisible qu'une croissance économique de 3 % par an augmentera la demande de transport de marchandises d'un taux comparable, de 2,7 % par an.

B. LA DIFFICILE NAISSANCE DE LA POLITIQUE COMMUNE DES TRANSPORTS

1. Une politique demeurée longtemps en sommeil

Initialement, les fondateurs de la Communauté économique européenne avaient manifesté leur intérêt pour les transports. Le traité de Rome signé le 25 mars 1957 prévoit, à son article 3, d'instaurer une politique commune des transports, seul secteur expressément mentionné avec l'agriculture.

Le titre V du traité CE est presque entièrement consacré aux transports. Dans sa rédaction initiale, l'article 75, paragraphe 1 (devenu article 71 depuis le traité d'Amsterdam) fait obligation aux institutions de la Communauté d'instaurer une politique commune des transports et stipule :

« Compte tenu des aspects spéciaux des transports, le Conseil statuant à l'unanimité jusqu'à la fin de la deuxième étape et à la majorité qualifiée par la suite, établit sur proposition de la Commission et après consultation du Conseil économique et social et de l'Assemblée :

« a) des règles communes applicables aux transports internationaux exécutés au départ et à destination du territoire des Etats membres ou traversant le territoire de plusieurs Etats membres ;

« b) les conditions de l'admission des transporteurs non résidents aux transports nationaux dans un Etat membre ;

« c) toute autre disposition utile. »

Les articles 76 à 80 (désormais 72 à 76) portent sur la suppression des discriminations et sur l'interdiction des mesures de protection.

La règle de l'unanimité en matière de transport posée par l'article 75 révèle les réticences des Etats membres, s'agissant d'un domaine de souveraineté, à s'engager véritablement dans une politique commune. Elle explique que la lutte opposant les tenants de la libéralisation à ceux de l'harmonisation ait pu pendant longtemps bloquer toute initiative de la part des instances communautaires pour mettre en place une politique commune des transports, dont le contenu n'est par ailleurs pas précisé par le traité de Rome et qui exclut les transports aériens et maritimes.

Au cours des années 1960 et 1970, la route, qui connaît alors un vif essor, retient toute l'attention de la Communauté. L'objectif est d'organiser le marché européen du transport de marchandises dans un esprit libéral.

La Commission présente en 1961 un mémorandum qui souligne la nécessité d'une double harmonisation, de la concurrence entre les Etats et de la concurrence entre les modes de transport, posant en préalable la transparence des prix. Mais le Conseil n'adopte pas les principes de ce document, jugé trop ambitieux.

Le programme d'action adopté en 1962 repose sur cinq principes : l'égalité de traitement des modes et des entreprises ; la responsabilité financière de ces dernières et leur liberté d'action ; le libre choix du mode et de l'entreprise par les usagers ; la coordination des investissements d'infrastructures par les pouvoirs publics.

L'élargissement de la Communauté en 1973 est l'occasion d'une relance de la politique européenne des transports, à travers de timides avancées. Dans deux communications de 1973 et 1977, la Commission dresse un tableau alarmant de l'état des infrastructures de transport et préconise des mesures pour mettre en place des structures d'entreprises saines, diminuer les coûts, garantir le progrès social et augmenter la sécurité.

Dans son Mémorandum de 1983, intitulé « Progrès sur la voie d'une politique commune des transports », la Commission rappelle vainement ses grands principes : libre circulation des services de transport ; harmonisation des conditions de concurrence entre les modes et à l'intérieur de chacun d'eux ; création d'un marché commun des transports fondé sur l'offre et la demande ; adoption de mesures prenant en compte les autres politiques communautaires.

2. Un réveil brutal avec l'arrêt de la CJCE de 1985

Lassé de ces atermoiements, le Parlement européen finit par saisir la Cour de justice des Communauté européenne d'une action contre le Conseil européen pour carence dans l'application du traité de Rome. En théorie, au terme de la période transitoire qui s'est achevée le 1 er janvier 1970, le cabotage aurait dû exister pour tous les modes. Le cabotage intérieur consiste en un transport de marchandises chargées par une entreprise de transport pour compte d'autrui sur le territoire d'un Etat étranger membre de l'Union européenne pour déchargement à un autre point du territoire de ce même Etat étranger.

L'arrêt rendu par la Cour de justice, le 22 mai 1985, condamne le Conseil et décide que « le transport international de marchandises et de personnes doit être ouvert à toutes les entreprises de la Communauté et ne doit pas faire l'objet de discrimination en raison de la nationalité ou du lieu d'établissement du transporteur ».

En conséquence, le Conseil sort de sa torpeur et décide la même année le libre accès au marché du transport routier de marchandises, par l'introduction progressive du cabotage routier.

L'Acte unique européen adopté en 1986 et entré en vigueur le 1 er juillet 1987 réaffirme le rôle essentiel du marché commun des transports et substitue à la règle de l'unanimité celle de la majorité qualifiée « aux dispositions portant sur l'application du régime des transports et dont l'application serait susceptible d'affecter gravement le niveau de vie et l'emploi dans certaines régions ainsi que l'exploitation des équipements de transport, compte tenu de la nécessité d'une adaptation au développement économique résultant de l'établissement du marché unique ».

3. La consécration des réseaux transeuropéens de transport par le traité de Maastricht

Le traité de Maastricht signé en 1992 dote l'Union européenne des moyens d'une véritable politique commune des transports. Son titre XII (devenu le titre XV depuis le traité d'Amsterdam) intitulé « Réseaux transeuropéens », en crée les instruments programmatiques et financiers.

L'article 154, qui dépasse le seul domaine des transports, dispose que « en vue de contribuer à la réalisation des objectifs visés aux articles 14 (marché intérieur) et 158 (cohésion économique et sociale) et de permettre aux citoyens de l'Union européenne, aux opérateurs économiques, ainsi qu'aux collectivités régionales et locales, de bénéficier pleinement des avantages découlant de la mise en place d'un espace sans frontières intérieures, la Communauté contribue à l'établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l'énergie.

« Dans le cadre d'un système de marchés ouverts et concurrentiels, l'action de la Communauté vise à favoriser l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l'accès à ces réseaux. Elle tient compte en particulier de la nécessité de relier les régions insulaires, enclavées et périphériques aux régions centrales de la Communauté. »

Un Livre blanc sur le développement futur de la politique commune des transports est adopté au mois de décembre 1992 par la Commission, qui définit six axes d'action : achèvement du marché intérieur ; promotion de l'intermodalité ; développement du réseau transeuropéen ; protection de l'environnement ; renforcement de la sécurité ; harmonisation sociale.

En décembre 1993, le Livre blanc sur une stratégie à moyen terme en faveur de la croissance, de la compétitivité, et de l'emploi se donne pour objectif la relance de l'activité économique par une politique de grands travaux, qui annonce les réseaux transeuropéens de transport (RTE-T).

En 1995, la Commission adopte un programme d'action 1995-2000 relatif à la politique commune des transports, assorti d'une communication intitulée « Mobilité durable : perspectives pour l'avenir ».

La décision 1692/96/CE du 23 juillet 1996 relative aux RTE arrête « les grandes orientations, les objectifs, l'étendue du réseau, les grandes lignes d'action, les priorités, les conditions d'extension aux pays tiers, les obligations vis-à-vis de l'environnement et les caractéristiques des dix catégories de projets : réseaux routier, ferroviaire, des voies navigables et les ports de navigation intérieure, les ports maritimes, les aéroports, le réseau de transport combiné, les réseaux de gestion et d'information du trafic aérien et maritime et le réseau de positionnement et de navigation ».

II. UNE POLITIQUE ESSENTIELLEMENT RÉGLEMENTAIRE

A. UNE PRIORITÉ DONNÉE À LA LIBÉRALISATION

La libéralisation est un phénomène ancien dans le transport maritime, le droit des mers reposant sur le principe de la liberté de navigation. En revanche, les Etats ont toujours exercé un contrôle exclusif sur les transports terrestres, ainsi que, par analogie, sur l'espace aérien au-dessus de leur territoire.

1. Une libéralisation précoce pour le transport fluvial

Le transport fluvial, en dépit d'une part de trafic marginale dans la plupart des Etats membres, peut se prévaloir d'un rôle de précurseur. En effet, les choix opérés pour bâtir une politique commune des transports s'inspirent des principes dégagés par la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin (CCNR), créée en 1815 lors du Congrès de Vienne.

Conférence diplomatique permanente de plénipotentiaires de gouvernement, la CCNR est la plus ancienne « autorité supranationale » dotée de tribunaux. Depuis sa création, elle a exercé ses compétences pour libéraliser le transport fluvial par étapes : traité de Mayence de 1831 ; traité de Londres qui instaure la liberté de navigation pour les eaux intermédiaires entre l'Escaut et le Rhin, faisant renaître le port d'Anvers.

Toujours en vigueur, la convention de Mannheim de 1868 proclame quatre libertés : la liberté de navigation sur les eaux intermédiaires du delta ; la liberté de navigation pour les marchandises comme pour les personnes ; la liberté de transit pour les marchandises ; la liberté de traitement pour tous les pavillons. Elle instaure l'égalité de traitement entre les nationaux.

En dépit de ces quatre libertés affirmées depuis longtemps sur le Rhin, qui assure les deux tiers des trafics européens par voies d'eaux intérieures, la compétitivité du transport fluvial en Europe souffrait de réglementations nationales diverses, de l'hétérogénéité des réseaux et de l'atomisation de la profession. La Communauté a donc mis en oeuvre une politique de libéralisation, qui présente la particularité de s'accompagner d'une action de restructuration du marché de la navigation intérieure.

Le règlement 1101/89/CEE du 27 avril 1989 met en place une politique de réduction des surcapacités des flottes, par le « déchirage » des vieilles cales, qui doit garantir à terme la compétitivité du transport fluvial grâce à la restructuration des entreprises concernées. Selon la règle « du vieux pour du neuf », le propriétaire d'un bateau nouvellement mis en service doit, soit déchirer un tonnage de cale équivalent, soit verser une contribution spéciale affectée au financement du déchirage. Reconduite à plusieurs reprises, cette règle est prolongée jusqu'en 2003 par le règlement 718/99/CE du 29 mars 1999, mais assortie d'une dégressivité jusqu'au niveau zéro. A partir de 2004, elle serait érigée en mécanisme de veille, qui pourrait être réactivé en cas de perturbation du marché.

Les réglementations internes des Etats membres sont remises en question. La directive 96/75/CE du 19 novembre 1996 supprime progressivement les systèmes de « tour de rôle » afin d'aboutir à une libéralisation complète du marché le 1 er janvier 2000. Les contrats doivent désormais être librement conclus entre les parties concernées et les prix librement négociés, le cas échéant, au sein de bourses d'affrètement.

L'Union européenne suscite par ailleurs une coopération entre les organismes portuaires, avec la création à Bruxelles de la Fédération européenne des ports intérieurs, le 20 avril 1994.

2. Une libéralisation organisée pour le transport routier

Dans les années 1960, les Etats membres voulaient garder leurs prérogatives en matière de transport routier car ce secteur apparaissait stratégique, au lendemain de la guerre. Pour protéger leurs chemins de fer, ils encadraient le transport routier, le contingentaient et en fixaient la tarification.

A partir de cette situation réglementée, la libéralisation du transport routier a été l'une des préoccupations majeures de la politique européenne des transports, et s'est effectuée progressivement.

Le règlement 3572/90 et la directive 96/26 du 29 avril 1996 harmonisent les dispositions d'accès à la profession. Le principe de libre accès est admis depuis le 1 er janvier 1993. L'accès à la profession est soumis à des critères qualitatifs qui remplacent le critère quantitatif que constituait le contingentement communautaire. Les entreprises doivent seulement prouver qu'elles sont qualifiées par rapport à trois critères : honorabilité, capacité financière et capacité professionnelle du transporteur. L'équivalence des diplômes est reconnue.

Parallèlement, la Communauté a libéralisé les transports internationaux . Le règlement 4058/89/CEE libéralise les prix des transports de marchandises, libéralisation effective depuis le 1 er janvier 1990. La liberté totale de prestation de services est effective depuis le 1 er janvier 1993. Le règlement 881/92/CEE du 26 mars 1992 remplace l'ancien système basé sur des autorisations bilatérales et des quotas. L'autorisation communautaire d'effectuer des services de transports internationaux est délivrée, pour une période renouvelable de cinq ans, par l'Etat membre dans lequel le transporteur est établi.

Une clause de sauvegarde est toutefois prévue par le règlement 3916/90/CEE du 21 décembre 1990 en cas de crise du marché du transport routier dans l'un des Etats membres. La Commission peut alors prendre toute mesure visant à empêcher toute nouvelle affectation de la capacité de transport offerte sur le marché affecté, en fixant des limites à l'accroissement de l'activité des transporteurs existants et des restrictions pour l'accès au marché de nouveaux transporteurs.

En ce qui concerne le cabotage routier , jusqu'alors régi par des autorisations contingentées, le règlement 3118/93/CE du 25 octobre 1993 a accru le nombre des autorisations de 60 % au 1 er janvier 1994, puis de 30 % par an jusqu'au 1 er juillet 1998, date de la libéralisation totale . Cette évolution n'a été acquise qu'après de longues discussions, certains Etats membres faisant valoir l'insuffisante harmonisation des conditions d'exercice de la profession.

La libéralisation du transport de voyageurs reste très partielle, le règlement 2454/92/CEE libéralisant les services occasionnels et les services de navette avec hébergement.

3. Une libéralisation subie pour le transport aérien

La libéralisation du transport aérien en Europe s'est faite sous la pression du mouvement de déréglementation parti des Etats-Unis.

Initialement, le transport aérien était très encadré. La Convention de Chicago du 7 décembre 1944 établit la souveraineté complète et exclusive de chaque Etat sur l'espace atmosphérique au-dessus de son territoire. Elle définit six libertés de l'air, deux dites « techniques » et quatre dites « commerciales ». Les lignes régulières sont exclues du bénéfice des libertés commerciales, qui doit être négocié dans le cadre d'accords bilatéraux.

Dans un arrêt du 30 avril 1986, la Cour de justice des Communautés européennes, tout en confirmant l'incompatibilité des règles françaises d'homologation des tarifs aériens des agences de voyage avec le droit de la concurrence, constatait l'absence de dispositions communautaires spécifiques au transport aérien.

En conséquence, la Communauté a adopté le règlement 3976/87/CEE du 14 décembre 1987 concernant l'exemption des règles de concurrence pour certaines catégories d'accords et de pratiques concertées dans le domaine des transports aériens. Complémentaires, la directive n° 87/601 précisait les tarifs des services aériens réguliers entre les Etats membres et la directive 87/602/CEE répartissait la capacité de sièges entre les transporteurs aériens sur les services aériens réguliers entre les Etats membres.

A partir du mois d'août 1992, les Etats-Unis ont multiplié les accords dits « open sky » avec certains Etats membres : Pays-Bas en 1992, Allemagne en 1994, Belgique, Luxembourg et Autriche en 1995. Ces accords prévoient le libre accès à toutes les lignes, des capacités et des fréquences illimitées, l'autorisation d'opérer sans restriction en tout point de chacun des Etats signataires. Ils prévoient également la flexibilité tarifaire, le rapatriement sans restriction des revenus produits, la possibilité de conclure des accords commerciaux relatifs aux opérations aériennes, à l'exploitation et à l'accès aux systèmes automatisés de réservation.

L'Union européenne s'est adaptée à la nouvelle donne. Le règlement 2408/92/CEE du 23 juillet 1992 définit l'accès des transporteurs aériens aux liaisons intracommunautaires et la libéralisation des droits de trafic. Toutefois, un Etat membre peut imposer une obligation de service public à des services aériens réguliers vers un aéroport régional sur une liaison qui est considérée comme vitale pour le développement économique de la région. A compter du 1 er janvier 1993, les droits de cabotage sont ouverts aux services consécutifs d'un service international, en prolongement ou en préliminaire à un vol, et peuvent être limités à 50 % de la capacité mise en oeuvre. Le cabotage est généralisé au 1 er avril 1997.

Le règlement 2409/92/CEE du 23 juillet 1992 libéralise les tarifs aériens , en interdisant aux Etats membres de désapprouver un tarif aérien qui présente un rapport raisonnable avec l'ensemble des coûts supportés par le transporteur. Les compagnies fixent librement leurs prix depuis le 1 er janvier 1993, mais les Etats membres veulent empêcher une guerre des prix identique à celle qui s'est produite aux Etats-Unis à la suite de la dérégulation.

4. Une libéralisation difficile pour le transport ferroviaire

La « revitalisation » des chemins de fer est l'un des axes majeurs de la politique commune des transports. Organisé dans les Etats membres sous la forme d'entreprises publiques monopolistiques, le transport ferroviaire est en déclin relatif par rapport aux autres modes, comme le montrent les chiffres du premier chapitre. Pour inverser cette tendance, la Communauté a misé sur une réforme de structure des entreprises nationales, et sur l'introduction d'opérateurs privés.

La directive 91/440/CEE du 29 juillet 1991 repose sur quatre principes essentiels : l'indépendance de gestion des entreprises ferroviaires qui doivent viser l'équilibre financier ; la séparation de l'activité de transport et de la gestion des infrastructures, financée par une redevance d'exploitation ; l'assainissement financier, par la réduction de l'endettement des entreprises ferroviaires ; l'accès à l'infrastructure ferroviaire au bénéfice des regroupements internationaux d'entreprises et des compagnies exploitant des services de transport combiné.

Le bilan de la mise en oeuvre de cette première directive reste relativement décevant. L'autonomie de gestion des entreprises ferroviaires a certes progressé dans les Etats membres, mais comporte encore des restrictions. Les obligations de service public, qui viennent restreindre la liberté commerciale des entreprises, ne sont ni précisément définies, ni négociées. La séparation entre activité de transport et gestion d'infrastructure est le plus souvent demeurée théorique, certains Etats membres maintenant même des compagnies intégrées. Le plus souvent, l'assainissement financier s'est réduit à une opération de cantonnement de la dette héritée du passé, sans qu'une véritable capacité de remboursement apparaisse.

L'ouverture des réseaux ferrés nationaux prend la forme de corridors de fret, résultants de la coopération entre réseaux et ouverts aux regroupements internationaux et aux entreprises ferroviaires assurant des services de transport combiné. En 1997, des corridors de fret étaient opérationnels sur trois axes dans l'Union européenne: Hambourg-Brindisi par Brême, Rotterdam-Gioia Tauro par Gênes, Rotterdam-Vienne par Brême et Hambourg.

Une nouvelle étape de la libéralisation du transport ferroviaire a été franchie avec l'ensemble de trois propositions de directives présenté par la Commission en 1998 et désigné sous l'appellation de « paquet ferroviaire ». L'accord politique dégagé à son propos lors du Conseil Transports du 9 décembre 1999 prévoit :

- la définition d'un réseau transeuropéen de fret ferroviaire, couvrant l'essentiel des grandes lignes ;

- le libre accès à ce réseau pour tout opérateur de chemin de fer détenteur d'une licence et répondant aux conditions de sécurité ;

- la séparation entre les organismes de prestation de services de transport et les organismes de gestion des infrastructures (avec des dérogations pour le Luxembourg, l'Irlande, l'Espagne, la Grèce et l'Autriche) ;

- un système transparent, non discriminatoire et harmonisé pour la tarification des infrastructures, les redevances étant fondées sur le coût marginal.

En juillet 2000, le Parlement européen est revenu sur le compromis dégagé par le Conseil, en supprimant les dérogations obtenues par certains Etats membres et en préconisant une extension des droits d'accès à l'intégralité du réseau ferré européen à l'issue de cinq ans, ainsi qu'au transport international de voyageurs à compter de 2010.

L'accord en conciliation intervenu en novembre 2000 prévoit l'accès des entreprises ferroviaires à l'ensemble du réseau ferré européen pour le transport international de marchandises à l'issue d'une période de sept ans après l'entrée en vigueur de la directive sur le développement des chemins de fer communautaires, qui modifie la directive 91/440/CEE du 29 juillet 1991.

B. UNE PRÉOCCUPATION DE SÉCURITÉ INÉGALEMENT SATISFAITE

Les opérateurs des transports ferroviaire et aérien gèrent eux-mêmes de manière satisfaisante la question de la sécurité. L'intervention communautaire n'est apparue nécessaire que dans le domaine des transports routier et maritime, où elle demeure très subsidiaire par rapport aux compétences des Etats membres et de l'Organisation maritime internationale.

1. Les insuffisances de la politique de sécurité routière

Chaque année, sur le territoire de l'Union européenne, les accidents de la route tuent plus de 40.000 personnes, dont de très nombreux jeunes, et en blessent 1,7 million. Qu'ils soient touchés directement ou indirectement, presque tous les citoyens de l'Union connaîtront un jour de leur vie un drame provoqué par le niveau d'insécurité élevé du transport routier.

Les coûts directs, sanitaires et matériels, des accidents sont estimés à 15 milliards d'euros par an, auquel il convient d'ajouter 30 milliards d'euros de pertes de production. Eviter un accident mortel revient donc à économiser plus d'un million d'euros.

Bien que des progrès significatifs aient été enregistrés depuis les années 1970, le rythme de diminution des accidents mortels s'est ralenti au cours de la période récente, autour de 3 % par an. L'ambition de l'Union européenne est de réduire le nombre annuel de victimes à 18.000 en 2010, contre 27.000 si l'on se contente de maintenir la politique actuelle.

Même si tous les Etats membres sont touchés par l'insécurité routière, des différences importantes existent entre eux. Si le taux de mortalité routière sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne pouvait être réduit au taux national le plus bas, celui de la Suède, le nombre des tués s'en trouverait réduit de 20.000 par an.

Le rôle de la Commission est tout à fait subsidiaire par rapport à celui des Etats membres, puisqu'elle se contente de : surveiller globalement l'évolution de la sécurité routière dans l'Union ; collecter, interpréter et diffuser des informations relatives à l'ensemble des aspects de sécurité routière ; assurer le transfert des pratiques les plus efficaces dans l'ensemble de l'Union ; soutenir la recherche.

Dans son rapport d'avancement et de hiérarchisation des actions en matière de sécurité routière du 17 mars 2000, la Commission a défini les priorités suivantes :

- la poursuite et l'approfondissement des travaux dans le cadre du programme européen d'évaluation des nouveaux modèles de voitures ;

- des campagnes et une législation concernant le port de la ceinture de sécurité et l'utilisation des dispositifs de retenue pour les enfants ;

- une recommandation aux Etats membres concernant les taux maximum d'alcoolémie autorisés au volant ;

- une législation concernant les limiteurs de vitesse sur les véhicules commerciaux légers ;

- la définition d'orientations pour la gestion des « points noirs » (lieux où se concentrent les accidents) et conception d'infrastructures routières « clémentes » (sur lesquelles les risques de dommages corporels en cas d'accident seraient moins grands) ;

- une législation concernant les faces avant de voitures moins dangereuses pour les piétons et les cyclistes.

2. L'échec de la politique communautaire de sécurité maritime

Bien que le cadre international de la sécurité maritime relève au premier chef de l'Organisation Maritime Internationale (OMI), l'Union européenne a développé une compétence propre dans ce domaine.

La communication de la Commission du 24 février 1993 sur la politique commune de sécurité maritime a marqué le début de la mise en place d'un cadre législatif communautaire, qui comporte à ce jour une quinzaine de directives et de règlements. L'objectif de cette législation est de parvenir à une mise en oeuvre plus efficace et plus uniforme par les Etats membres des règles issues des conventions internationales élaborées dans le cadre de l'OMI.

Cependant, la marée noire consécutive au naufrage de l'Erika, au mois de décembre 1999, a mis en lumière d'importantes lacunes dans l'application des règles de sécurité internationales et communautaires. En raison de l'étendue de sa façade sur la Manche et l'Atlantique, la France est l'Etat membre principalement concerné. Mais les pays dépourvus de façade maritime, ou simplement à l'écart des grandes lignes océaniques, n'éprouvent pas la même urgence à agir. Enfin, d'autres Etats membres, comme la Grèce ou le Danemark, privilégient explicitement la rentabilité à court terme du transport maritime sur la sécurité.

Ainsi, la question de la sécurité du transport maritime est caractéristique de la problématique plus générale de la politique européenne des transports. Dans ce domaine, les égoïsmes nationaux restent puissants, et l'harmonisation européenne progresse moins rapidement que les trafics.

La catastrophe de l'Erika a placé la sécurité maritime en haut de l'agenda communautaire, et a conduit la Commission à présenter au printemps 2000 trois propositions :

- un renforcement de la directive 95/21/CE relative au contrôle des navires par l'Etat du port, tendant à rendre obligatoires des inspections ciblées sur les navires « à risque » et à bannir des eaux communautaires les navires sous normes ;

- une modification de la directive 94/57/CE relative aux sociétés de classification, tendant à instaurer une procédure de suspension et de retrait d'agrément des sociétés de classification et à encadrer les changements de classe des navires ;

- une proposition de règlement prévoyant un calendrier accéléré pour le retrait des pétroliers à simple coque des eaux communautaires, plus bref que le calendrier mondial fixé par la convention Marpol négociée dans le cadre de l'OMI.

Les deux propositions de directives ont fait l'objet d'un accord politique lors du Conseil Transports du 20 décembre 2000, puis d'une position commune lors du Conseil Transports du 26 février 2001. En revanche, il n'y a pas eu d'accord sur la proposition de règlement accélérant la suppression des pétroliers à simple coque, une majorité des Etats membres privilégiant l'approche internationale sur l'approche communautaire. La position définitive de l'Union européenne dépendra donc du résultat de la négociation d'un calendrier accéléré, en cours à l'OMI, qui devrait aboutir au printemps 2001.

Un deuxième train de mesures a été présenté par la Commission le 6 décembre 2000, consistant dans les trois propositions suivantes :

- une proposition de directive relative à la mise en place d'un système communautaire de suivi, de contrôle et d'information sur le trafic maritime qui prévoit, en particulier, le suivi de tous les navires transitant dans les zones à forte densité de trafic grâce à l'installation de systèmes transpondeurs permettant leur identification automatique, l'installation obligatoire de boîtes noires pour les navires faisant escale dans les ports de la Communauté, le développement de bases de données communes, le renforcement des pouvoirs d'intervention des Etats membres en cas de risque de pollution devant leurs côtes, la possibilité pour les Etats membres d'interdire aux navires de quitter les ports en cas de conditions météorologiques exceptionnelles ;

- une proposition de règlement tendant à créer un fonds européen d'indemnisation des dommages de pollution supplémentaire, venant s'ajouter au Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL), doté d'un milliard d'euros et financé par les entreprises importatrices d'hydrocarbures ;

- une proposition de règlement tendant à créer une Agence européenne de la sécurité maritime, composée d'une cinquantaine de personnes, chargée notamment de l'assistance technique pour l'adaptation des textes législatifs communautaires, de l'inspection sur place des conditions dans lesquelles les Etats du port exercent leur contrôle, de la gestion d'une « liste noire » des navires sous norme, de l'évaluation et de l'audit des sociétés de classification.

Lors du Conseil Transports du 5 avril 2001, un accord de principe s'est dégagé sur la proposition de créer une Agence européenne de la sécurité maritime. En revanche, une majorité des Etats membres s'est prononcée en faveur du relèvement du plafond d'indemnisation et de l'amélioration du fonctionnement du Fipol, de préférence à la création d'un fonds européen supplémentaire. De même, seuls la France, l'Espagne et le Portugal ont estimé nécessaire de renforcer la surveillance des navires au niveau communautaire, le Danemark, la Finlande, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède plaidant pour une solution internationale. En fait, ces derniers Etats membres ont une approche économique de la sécurité en mer et rechignent à toute mesure qui aurait pour effet de renchérir le coût du transport maritime.

C. UNE POLITIQUE D'HARMONISATION ENCORE TIMIDE

1. L'harmonisation technique

Le transport fluvial et le transport aérien sont de longue date harmonisés techniquement, et l'intervention communautaire n'a pas été nécessaire pour ces deux modes de transport.

Dans le transport routier, l'harmonisation technique communautaire est orientée sur les questions de sécurité. Elle concerne les dimensions maximales et les poids maximaux autorisés en trafic international (directive 96/53/CE du 25 juillet 1996), l'installation de limiteurs de vitesse (directive 92/6/CEE du 10 février 1992), la profondeur des rainures des pneumatiques (directive 89/459/CEE du 9 juillet 1989), le port obligatoire de la ceinture de sécurité (directive 91/671/CEE du 31 décembre 1991), le rapprochement des législations relatives au contrôle technique (directive 96/96/CE du 20 décembre 1996).

Les conditions de délivrance et le modèle d'un permis de conduire communautaire ont par ailleurs été définis par la directive 91/439/CEE du 29 juillet 1991, qui permet de faciliter la reconnaissance réciproque par les Etats membres des permis de conduire nationaux, ainsi que la libre circulation des personnes qui s'établissent dans un Etat membre autre que celui dans lequel elles ont passé un examen de conduite.

L'harmonisation technique dans le transport routier est encore loin d'être totale. Ainsi, aucun accord n'a pu être trouvé à ce jour quant aux interdictions de rouler le week-end pour les poids lourds. La Commission a présenté au mois de janvier 2000 une proposition de directive qui limiterait l'interdiction de 22 heures le samedi à 22 heures le dimanche, exclusivement sur les grands axes routiers définis dans le réseau transeuropéen de transport. Actuellement, sept Etats membres appliquent des restrictions à la circulation des poids lourds, suivant des horaires variables. Cette situation entraîne des interruptions lors des longs trajets d'aller et retour, jugées excessives par les transporteurs, notamment pour les régions périphériques.

L'harmonisation communautaire apparaît particulièrement nécessaire pour le réseau ferroviaire européen, qui s'est constitué depuis 150 ans sur des bases techniques et réglementaires nationales. Certes, un souci d'harmonisation technique est apparu assez tôt, avec les règles communes fixées dans le cadre de l'Union Internationale des Chemins de fer (UIC) pour la libre circulation des matériels remorqués.

Mais certains cloisonnements « naturels » (formalités douanières, visites techniques des véhicules, barrière de la langue pour les conducteurs, longueur des étapes de conduites...) expliquent que pendant longtemps l'harmonisation technique des systèmes de contrôle-commande et de traction des trains n'a pas paru nécessaire au développement du transport ferroviaire en Europe.

Les différences d'écartement des voies ferrées en Europe est l'exemple d'absence de coordination le plus connu (l'Espagne, le Portugal, la Finlande et l'Irlande ne partagent pas la norme commune). Mais ce n'est ni le seul, ni même le plus gênant. En fait, l'incompatibilité technique des systèmes ferroviaires européens a plutôt eu tendance à se renforcer au cours des dernières décennies. L'électrification des réseaux s'est traduite par la coexistence de cinq systèmes électriques différents. La modernisation de la signalisation a débouché sur seize systèmes de signalisation électronique différents et incompatibles. Les systèmes informatiques ferroviaires nationaux ne sont pas interconnectés, et les échanges d'informations aux frontières continuent de se faire sur papier.

L'avènement du train à grande vitesse a représenté un nouveau défi pour le chemin de fer européen, car il devient alors particulièrement absurde de s'arrêter à la frontière pour changer de locomotive. La directive 96/48 du 23 juillet 1996 relative à l'interopérabilité du système ferroviaire transeuropéen à grande vitesse a mis en place une procédure de définition de spécifications techniques d'interopérabilité (STI). Elle prévoit également l'évaluation indépendante de la conformité et la reconnaissance mutuelle de la certification. Le respect des STI est obligatoire sur l'ensemble du réseau à grande vitesse.

La proposition de directive relative à l'interopérabilité du système ferroviaire conventionnel, présentée par la Commission le 25 novembre 1999 et en voie d'être définitivement adoptée, s'inspire directement de la directive « grande vitesse ». Elle place le système ferroviaire européen sous le contrôle d'un Organisme Commun Représentatif (OCR), chargé de définir des STI. En l'occurrence, il s'agit de l'Association Européenne pour l'Interopérabilité Ferroviaire (AIEF), créée pour mettre en oeuvre l'interopérabilité du système ferroviaire à grande vitesse. Les Etats membres ont l'obligation de veiller à ce que les éléments du système ferroviaire dont ils autorisent la mise en service ou l'exploitation soient conformes aux STI.

Toutefois, l'interopérabilité ferroviaire conventionnelle sera forcément lente à être mise en oeuvre. Avec réalisme, la Commission considère qu'accélérer le remplacement des équipements existants « imposerait, en règle générale, une charge financière importante sur les entreprises ferroviaires et les gestionnaires de l'infrastructure, et grèverait les finances publiques des Etats membres, sans générer les bénéfices correspondants ».

Elle en conclut que « l'harmonisation doit donc se centrer sur les sous-systèmes et les constituants d'interopérabilité dont on pourra tirer d'intéressants bénéfices à moyen terme, sans imposer aux chemins de fer une charge financière qui saperait les efforts consentis pour augmenter leur compétitivité. »

2. L'harmonisation fiscale

La directive 93/89/CEE du 25 octobre 1993 relative à l'application par les Etats membres des taxes sur certains véhicules utilisés pour le transport de marchandises par route ainsi que des péages et droits d'usage perçus pour l'utilisation de certaines infrastructures a constitué une première tentative d'harmonisation de la fiscalité applicable au transport routier.

Annulé par la Cour de justice des communautés européennes pour des raisons de forme, ce texte a été remplacé par la directive 1999/62/CEE du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures. En ce qui concerne les taxes sur les véhicules , la directive fixe des taux minimaux et prévoit la possibilité pour les Etats membres d'appliquer des taux réduits ou des exonérations. En ce qui concerne les péages et droits d'usage , la directive précise les conditions que doivent remplir les Etats membres pour pouvoir les mettre en place :

- application exclusive aux autoroutes, ponts, tunnels et routes de montagne franchissant des cols ;

- non discrimination en raison de la nationalité du transporteur ou de l'origine ou de la destination du transport ;

- absence de contrôle aux frontières intérieures ;

- possibilité de faire varier les taux en fonction des catégories d'émissions des véhicules ou du moment de la journée.

La Commission a entrepris de réviser complètement les droits d'accises sur le diesel , en adoptant le 15 novembre 2000 une proposition de décision du Conseil relative à la prolongation ou non des exonérations et réductions. La directive 92/82/CEE du 19 octobre 1992 sur les droits d'accises applicables aux huiles minérales fixe des taux minimum obligatoires, mais les taux effectifs sont très différents entre les Etats membres, de 245 euros pour 1.000 litres au Portugal à 797 euros pour 1.000 litres au Royaume-Uni.

La Commission propose de prolonger pour cinq ans les dérogations qui s'avèrent conformes aux politiques communautaires dans le domaine de l'environnement, de l'énergie ou des transports et ne conduisent pas à des distorsions de concurrence contraires à l'intérêt communautaire. Elles concernent des secteurs variés, comme par exemple les transports publics locaux ou les différenciations de taxes en fonction de catégories environnementales. Pour le diesel consommé par des véhicules utilitaires, c'est-à-dire essentiellement les transporteurs routiers, mais aussi les pêcheurs et les agriculteurs, la Commission propose de n'autoriser la prolongation des réductions de droits d'accises que pour une durée de deux ans non renouvelable. En effet, la Commission estime que ces réductions des accises sur le diesel ne constituent pas une réponse adaptée à la hausse du prix du brut, car elles ne font qu'encourager les pays producteurs à maintenir des prix élevés, tout en renforçant artificiellement la compétitivité du transport routier.

Une distorsion majeure de la concurrence entre modes de transport résulte de l'exonération fiscale du kérosène utilisé par les avions. La Commission a évoqué ce dossier au mois de mars 2000 en publiant une communication sur la taxation du carburant d'aviation . La difficulté est que la création d'une taxe communautaire sur le kérosène serait préjudiciable à la compétitivité des compagnies d'aviation européennes par rapport à leurs concurrentes des pays tiers.

L'instauration d'une taxe générale sur le carburant d'aviation ne peut être envisagée que dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI). Mais des solutions communautaires de substitution sont envisageables, telles que des taxes additionnelles au prix du billet des passagers, des taxes basées sur la distance parcourue et les caractéristiques du moteur de l'avion, des taxes associées aux redevances aéroportuaires d'atterrissage et de décollage.

3. L'harmonisation sociale

L'accroissement de la compétitivité dans le secteur des transports ne saurait se traduire par une dégradation des conditions de travail, dangereuse pour les personnels concernés et facteur de concurrence déloyale. Or, les secteurs des transports aérien, ferroviaire, routier, maritime et fluvial sont restés en dehors du champ de la directive 93/104/CE relative à l'aménagement du temps de travail, en raison de leur nature spécifique.

Les conditions de travail dans les transports aérien et ferroviaire échappent à l'action de la Communauté qui, en revanche, est intervenue récemment dans les transports maritime et routier.

La directive 1999/63/CE du 21 juin 1999 donne effet à l'accord relatif au temps de travail des gens de mer conclu le 30 septembre 1998 par l'Association des armateurs de la Communauté européenne (ECSA) et la Fédération des syndicats des transporteurs de l'Union européenne (FST). En vertu de cet accord, pour les marins naviguant sur un navire immatriculé dans un Etat membre, les horaires de travail ne doivent pas dépasser 14 heures par période de 24 heures et 72 heures par période de 7 jours, tandis que le nombre minimal d'heures de repos ne peut être inférieur à 10 heures par période de 24 heures et 77 heures par période de 7 jours.

L'harmonisation sociale dans le transport maritime est restée prudente. La directive communautaire précitée se borne à entériner un accord interprofessionnel européen, qui lui-même se cale sur les conventions adoptées au sein de l'OMI et de l'OIT. En effet, l'adoption d'une législation plus stricte aurait réduit encore la compétitivité des pavillons des Etats membres, et accéléré le mouvement de transfert des flottes contrôlées par les armateurs européens vers des registres de libre immatriculation.

Bien qu'elle soit à l'évidence particulièrement nécessaire, l'harmonisation des conditions de concurrence dans le transport routier a été tardive et difficile. Les propositions avancées en 1998 par la Commission ont été longtemps bloquées par les divisions entre Etats membres, avant qu'un accord politique ne se dégage au Conseil Transports du 21 décembre 2000 sur les textes suivants :

- une proposition de directive relative à l'aménagement du temps de travail, qui fixe le temps moyen de travail hebdomadaire à 48 heures, avec la possibilité d'une extension à 60 heures à condition que la moyenne de 48 heures ne soit pas dépassée sur une période de quatre mois. Précision importante : les travailleurs indépendants sont exclus du champ d'application de la directive ;

- une proposition de directive sur la création d'une attestation de conducteur garantissant que son détenteur est employé selon la législation de l'Etat dans lequel le transporteur est établi. Il s'agit de faire échec à la technique consistant pour une entreprise de transport routier établie dans un Etat membre à employer des conducteurs ressortissants de pays tiers à des conditions défavorables (salaire inférieur, temps de travail illimité, mauvaise couverture sociale).

Le règlement relatif aux interdictions de circuler le week-end, bien qu'il n'ait pas directement de portée sociale, était également joint aux deux textes ci-dessus. L'effort d'harmonisation sociale dans le transport routier reste donc limité, et suppose, pour avoir un impact réel, un accroissement des contrôles des temps de conduite et de repos.

III. UN SOUCI AFFIRMÉ DE RÉÉQUILIBRAGE ENTRE LES MODES

L'un des axes majeurs de la politique européenne des transports est la promotion des modes les plus respectueux de l'environnement.

A. L'ENCOURAGEMENT À L'INTERMODALITÉ

1. Des avantages théoriques

Le concept d'intermodalité est né aux Etats-Unis dans les années cinquante, avec la révolution du conteneur. Il a été acclimaté en Europe par les armements rhénans d'Allemagne et du Bénélux. Les textes communautaires définissent le transport combiné comme un transport de marchandises qui utilise la route pour la partie initiale ou terminale du trajet et recourt au rail, à la voie d'eau ou au transport maritime sur un segment supérieur à 100 kilomètres.

L'intermodalité se caractérise par l'intégration des modes de transport aux niveaux de l'infrastructure et des matériels, comme des services, de la réglementation et de la tarification.

L'intégration croissante des économies européennes et la réalisation du marché unique ont eu pour effet d'ouvrir un champ au transport intermodal de marchandises. Dans la Communauté, la distance moyenne des transports s'est accrue au rythme de 2 % par an entre 1970 et 1997. En France, elle s'est accrue de 36 % entre 1985 et 1995. Or, la compétitivité du transport intermodal s'accroît avec la longueur des trajets.

L'intensité du transport progressant, les entreprises ont compris que les coûts du transport et de la logistique pouvaient être réduits grâce à une meilleure utilisation du transport intermodal. La rationalisation du transport intermodal au sein de la chaîne d'approvisionnement peut non seulement permettre aux entreprises de réduire leurs dépenses afférentes au transport de marchandises, mais également réduire le niveau de leurs stocks.

Du point de vue collectif, le transport intermodal apparaît comme un système de transport efficace, permettant un développement socioéconomique durable, respectueux de l'environnement, basé sur une utilisation raisonnée et équilibrée des infrastructures existantes.

2. Des obstacles concrets

Pratiquement, recourir à l'intermodalité est encore loin d'être le réflexe des chargeurs et de leurs clients. En effet, les systèmes de transport étant souvent monomodaux, changer de mode signifie changer de système de transport, au lieu d'être un simple transbordement technique. Il en résulte des « coûts de friction » qui affectent la compétitivité du transport intermodal à tous les niveaux.

Au niveau de l'infrastructure et du matériel de transport : l'inexistence de réseaux cohérents et d'interconnexions impose aux opérateurs des coûts de transfert ; les dimensions des unités de chargement ne sont pas harmonisées entre les modes.

Au niveau des opérations et de l'utilisation de l'infrastructure : les services d'identification des véhicules sont inaccessibles de manière intermodale ; les informations et pratiques commerciales ne sont pas harmonisées entre les modes ; les terminaux ne peuvent pas toujours s'adapter aux horaires des trains et des navires exploités 24 heures sur 24.

Au niveau des services et des réglementations : l'absence de systèmes harmonisés de communication électronique entre les partenaires de la chaîne intermodale complique la planification des opérations ; la responsabilité en cas d'avarie de la cargaison est régie par différentes conventions internationales en fonction du mode de transport concerné ; des goulots d'étranglement de nature administrative nuisent à la compétitivité du transport intermodal.

3. Une politique encore embryonnaire

La directive 92/106/CE du 7 décembre 1992 relative à l'établissement de règles communes pour certains transports combinés de marchandises entre Etats membres a libéré le transport combiné par anticipation, dès le 1 er juillet 1993, de tout régime de contingentement ou d'autorisation. Ce texte prévoit par ailleurs que les taxes applicables aux véhicules routiers doivent être réduites ou remboursées dans le cas d'opérations de transport combiné, et exonère de toute tarification obligatoire le trajet routier initial ou terminal effectué dans le cadre d'un transport combiné.

Le règlement 2196/98 du 1 er octobre 1998 relatif à l'octroi de soutiens financiers communautaires à des actions à caractère innovateur en faveur du transport combiné a prévu une enveloppe de 35 millions d'euros pour la période 1997-2001. L'objectif de ce programme PACT est d'augmenter la compétitivité du transport combiné en termes de prix et de qualité du service par rapport au transport routier de bout en bout.

Pour être éligibles, les projets du programme PACT doivent présenter un caractère novateur et être soumis par des personnes physiques ou morales ressortissantes d'au moins deux Etats membres. Le montant du soutien financier communautaire est limité à 30 % du coût total du projet lorsqu'il s'agit de mesures opérationnelles, mais peut aller jusqu'à 50 % pour les études de faisabilité.

Pour l'instant, le transport intermodal de marchandises dans l'Union européenne demeure limité. Selon les estimations disponibles, il n'excède pas 8 % du total des tonnes-kilomètres.

B. L'INTÉGRATION DES PRÉOCCUPATIONS ENVIRONNEMENTALES

1. Le transport routier en situation d'accusé

Dans un rapport du mois d'avril 2000, intitulé « La voie de la mobilité durable - Réduire les coûts externes des transports », la Commission présente les résultats d'une étude commandée à un cabinet sur les coûts externes des transports, portant sur 17 pays (les 15 Etats membres de l'Union européenne, la Suisse et la Norvège).

Les principaux coûts externes dans le domaine des transports sont les accidents, la pollution atmosphérique, les effets sur le climat, le bruit et la congestion.

D'après cette étude, les coûts externes environnementaux, hors congestion, des transports en Europe atteignent 530 milliards d'euros en 1995, soit 7,8 % du PIB des pays concernés. Les accidents représentent à eux seuls 29 % des coûts externes hors congestion. La pollution atmosphérique et les changements climatiques en représentent 48 %.

La route est responsable à elle seule de près de 92 % des coûts externes hors congestion (57 % pour la voiture particulière et 29,4 % pour le transport routier de marchandises) suivies par le transport aérien, avec 6 %, alors que le rail ne représente que 2 % et la voie d'eau 0,5 %.

Dans le cadre du protocole de Kyoto, l'Union européenne s'est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 8 % en 2010 par rapport à leur niveau de 1990. Or, en 1998, la consommation énergétique des transports représentait 28 % des émissions de CO 2 , le principal gaz à effet de serre. Si rien n'est entrepris pour renverser la tendance de la croissance du trafic, les émissions de CO 2 dues au transport devraient encore augmenter d'environ 50 % entre 1990 et 2010. Là aussi, le transport routier se trouve en situation d'accusé, puisqu'il représente à lui seul 84 % des émissions de CO 2 imputables aux transports, le transport aérien en représentant pour sa part 13 %.

La congestion n'apparaît comme une externalité que pour les modes où l'utilisateur décide individuellement de l'usage de l'infrastructure, sans prendre en compte les conséquences sur les autres utilisateurs. Par rapport à une situation de référence non congestionnée, l'étude évalue le coût de la congestion en Europe à 128 milliards d'euros, soit 3,7 % du PIB.

Sensibiliser les utilisateurs des transports aux coûts qu'ils engendrent pour la collectivité, du seul fait de leur choix d'un mode de transport, constitue une première démarche en vue d'une réduction des nuisances environnementales. D'une façon plus générale, la connaissance des coûts externes pour chaque mode de transport est un outil indispensable pour permettre aux autorités responsables de donner des signaux au marché et d'orienter les consommateurs vers les modes de transport les plus respectueux de l'environnement.

L'étude précitée estime que les coûts externes, hors congestion, dans le secteur des transports, devraient augmenter de près de 42 % entre 1995 et 2010. Les augmentations de coûts externes les plus importantes concernent les transports routier et aérien.

2. Le système autrichien des écopoints

Une tentative originale de limiter l'impact environnemental du transport routier est le système d'écopoints négocié par l'Autriche lors de son adhésion à l'Union européenne et mis en place par le règlement 3298/94/CE du 31 décembre 1994. Il s'agit d'un droit de transit dont s'acquittent les camions à chaque voyage, proportionnel à la quantité de pollution émise par le véhicule. Chaque Etat membre dispose d'un certain nombre d'écopoints, qui diminue avec le nombre de transits effectués par des transporteurs de sa nationalité, d'autant plus rapidement que les véhicules concernés sont polluants.

Le nombre d'écopoints mis à la disposition des Etats est fixé annuellement et décroît chaque année. Ce système encourage les transporteurs à utiliser les camions les moins polluants. L'objectif est d'atteindre une réduction de 60 % de la pollution émise par les véhicules transitant par l'Autriche, jusqu'à 2003.

Le mécanisme des écopoints est entré en crise en 1999, après le dépassement de plus de 8 % du nombre de transits de l'année de référence 1991. Dans cette hypothèse, un mécanisme de sauvegarde prévoit que la Commission est tenue de revoir à la baisse le nombre des écopoints disponibles pour l'année suivante. L'accord auquel le Conseil est parvenu le 21 septembre 2000 prévoit que la réduction des écopoints portera sur les seuls Etats membres responsables du dépassement de 1999 (Belgique, Allemagne, Grèce, Italie et Autriche), mais sera étalée sur quatre années.

3. Le transport aérien et l'environnement

La Commission a adopté le 1 er décembre 1999 une communication sur les transports aériens et l'environnement (COM (1999) 640 final -E 1407), qui évoque principalement trois sujets : l'adoption, à l'initiative de l'Union européenne, de normes environnementales plus sévères dans le cadre de l'OACI ; la création d'incitations économiques et réglementaires plus efficaces (il s'agit essentiellement de la fiscalisation du kérosène, déjà évoquée ci-dessus) ; la mise en place d'un cadre communautaire pour les aéroports.

En ce qui concerne le bruit, la Commission estime que la 33 ème session de l'OACI, grâce au travail du Comité sur la protection de l'environnement et de l'aviation (CPEA), pourrait déboucher sur la fixation d'une norme plus rigoureuse pour les futures avions et sur l'établissement de règles transitoires pour le retrait progressif des avions les plus bruyants. Ce sujet est toutefois source de conflit potentiel entre l'Union européenne et les Etats Unis, car l'âge moyen des flottes des compagnies américaines est de treize ans, contre huit ans pour les compagnies européennes.

En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, auxquelles le transport aérien contribue à hauteur de 3,5 %, le protocole de Kyoto a chargé l'OACI de prendre les mesures destinées à les réduire. Le CPEA cherche à définir de nouveaux paramètres d'émission pour les phases d'ascension et de croisière, en vue de remplacer les paramètres actuels basés sur le cycle atterrissage-décollage.

En ce qui concerne le cadre communautaire pour les aéroports, la Commission propose un système de classement commun des nuisances sonores, l'établissement d'un indice commun de mesure du bruit, la diffusion des meilleures pratiques, et l'introduction de règles plus sévères dans les aéroports particulièrement sensibles.

C. LE POTENTIEL DU TRANSPORT MARITIME À COURTE DISTANCE

1. Un enjeu pour l'aménagement du territoire européen

Le transport maritime à courte distance est le seul mode de transport à avoir connu dans les années 1990 un taux de croissance, 27 %, comparable à celui du transport routier, 35 %. Leurs parts respectives sont de 40,7 % et 43,7 % pour le transport intracommunautaire de marchandises. Ce mode, qui assure le trafic international avec les pays tiers comme le trafic intracommunautaire, connaît un renouveau dans la perspective de l'élargissement, qui favorise la synergie entre les façades maritimes.

Des ports comme Anvers, Rotterdam, Hambourg et Brême, et des armements maritimes comme Maersk et Sealand participent activement au renouveau des routes de la Baltique. Tous visent la desserte de la Russie, de l'Asie centrale et de la Sibérie, où les trafics progressent rapidement. Le même phénomène s'observe sur les bords de la Mer noire.

Le continent européen, vaste péninsule bordée de mers intérieures, dispose d'un grand potentiel, avec 40.000 kilomètres de littoraux et plus de 10.000 kilomètres de canaux et voies navigables à grand gabarit dont un tiers est bien adapté au transport de marchandises par cabotage fluvio-maritime. Le Rhin, la Moselle, la Seine ou le Danube peuvent aisément être empruntés par des caboteurs, tout comme les systèmes de lacs et canaux finlandais, suédois, russe et ukrainien.

Le transport maritime à courte distance présente des conditions de sécurité excellentes, un impact environnemental faible, et une grande fiabilité. Il contribue à lutter contre la congestion des infrastructures de transport terrestre et à desservir les régions périphériques.

2. Les perspectives du cabotage maritime

Le droit communautaire de la concurrence reconnaît le rôle du cabotage maritime, le règlement 870/95 du 20 avril 1995 exemptant les consortia de lignes régulières spécialisées dans le transport maritime à courte distance des règles de concurrence ordinaires. Cette coopération encouragée entre les armements maritimes vise à leur permettre de fournir aux chargeurs un service supérieur en mettant en commun certaines fonctions et moyens : établissement des dessertes, choix des ports d'escale, fourniture et entretien des conteneurs, utilisation de systèmes informatisés, exploitation des terminaux.

Trop souvent, pour les opérateurs portuaires, le navire au long cours prime sur le navire côtier ou de navigation intérieure, qui est soumis à des délais d'attente trop longs. Les terminaux particulièrement adaptés à ce type de navire et à ses techniques de chargement font défaut, les droits de port et les coûts d'usage des superstructures ne lui sont pas ajustés.

Actuellement, les liaisons maritimes à courte distance qui fonctionnent le mieux sont les dessertes ferries, qui disposent d'installations adaptées, et les dessertes en feedering , organisées par les armements maritimes eux-mêmes à partir de leurs lignes au long cours et opérant par transbordement direct.

L'introduction du cabotage en matière maritime depuis le 1 er janvier 1993, en vertu du règlement 3577/92, est de nature à dynamiser le transport maritime à courte distance. Mais ses effets sont minorés par la diversité des procédures administratives d'un Etat à un autre.

En effet, à la différence d'un transport terrestre qui peut traverser l'Union européenne sans contrôle, les cargaisons transportées par cabotage maritime doivent satisfaire aux différentes procédures douanières. Les caboteurs et bateaux fluvio-maritimes sont assimilés aux navires au long cours et restent soumis aux mêmes exigences. La Communauté doit donc s'efforcer de simplifier les procédures administratives et douanières, afin que le transport maritime à courte distance obéisse aux mêmes règles que les transports terrestres, au lieu d'être soumis aux contraintes pesant sur le transport maritime au long cours.

3. L'accès au marché des services portuaires

Afin de dynamiser les ports européens, la Commission souhaite depuis plusieurs années y introduire davantage de concurrence. Le Livre vert de 1997 relatif aux ports et aux infrastructures maritimes a constitué la première démarche en vue de mettre en oeuvre une politique harmonisée. Le 13 février 2001, la Commission a adopté une proposition de directive concernant l'accès au marché des services portuaires (COM (2001) 35 final - E 1702). Il s'agit des services commerciaux dont le prix n'est généralement pas compris dans les droits de port : pilotage, remorquage, amarrage, manutention, stockage.

La proposition de directive autorise les Etats membres à soumettre les fournisseurs de services portuaires à autorisation préalable, dans des conditions transparentes, non discriminatoires, objectives et proportionnée.

Le nombre d'autorisations ne peut être limité qu'en raison de contraintes concernant l'espace ou la capacité disponible ou, en ce qui concerne les services techniques nautiques, pour des raisons de sécurité du trafic maritime. Les principaux aspects des procédures de sélection seront harmonisés, et des procédures de recours, y compris juridictionnelle, doivent être prévues.

Lorsque l'organisme gestionnaire du port propose des services portuaires en concurrence avec d'autres fournisseurs, il doit être traité comme n'importe quel autre concurrent.

Enfin, une fois la sélection effectuée, la période durant laquelle les fournisseurs de services portuaires peuvent exercer leur activité est limitée dans le temps. La durée varie de 5 à 25 ans, selon que le fournisseur a réalisé ou non des investissements immobiliers. Elle est de 10 ans si les investissements sont mobiliers.

IV. UNE POLITIQUE D'INFRASTRUCTURES DÉFICIENTE

A. LA SATURATION DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT

1. La fragmentation de l'espace européen des transports

L'Union européenne dispose de l'un des réseaux d'infrastructures de transport les plus denses du monde. Toutefois, en dépit de la réalisation du marché unique et de l'intégration croissante des économies nationales, l'espace européen des transports reste fragmenté. En effet, quand deux villes ou deux régions sont séparées par une frontière, le trafic de marchandises ou de personnes entre elles est divisé par un facteur considérable, de l'ordre de 5 à 10, par rapport à ce qui se passerait si elles étaient situées dans le même pays.

Ainsi, Münich est plus peuplé que Marseille et à la même distance de Paris. On compte pourtant chaque jour 25 avions de 250 places en moyenne et 10 trains de 350 places entre Paris et Marseille, et seulement 10 avions de 125 places et pratiquement aucun train entre Paris et Münich. Du point de vue des transports, contrairement aux Etats-Unis, l'Union européenne n'est pas un continent mais un archipel.

A cet effet de fragmentation résultant de la force des réalités nationales en Europe s'ajoutent, pour les transports terrestres, les barrières physiques constituées par les chaînes de montagnes. Le franchissement routier des Alpes et des Pyrénées devient de plus en plus difficile à mesure que les camions sont plus nombreux et plus lourds. La déprédation de l'environnement et l'hostilité des populations concernées se renforcent.

Située au coeur du continent européen, la Suisse impose des limites de poids aux camions qui traversent son territoire. L'Autriche a négocié un système de contingentement lors de son adhésion à l'Union européenne, et la Slovénie aimerait bien faire de même. La France, seul Etat alpin à n'imposer aucune restriction au passage des camions, supporte de ce fait l'essentiel du trafic routier transalpin.

L'an dernier, l'Union européenne a obtenu de la Suisse un relèvement progressif de sa limite de poids maximum, actuellement de 28 tonnes, jusqu'aux 40 tonnes qui sont la norme communautaire. En échange, la Suisse accroîtra considérablement les redevances prélevées sur les camions traversant son territoire (mais aussi sur ses propres transporteurs) afin de financer un ambitieux projet de transfert du trafic de la route vers le rail, qui suppose le percement de deux nouveaux tunnels ferroviaires de grande longueur sous les Alpes.

La politique de la Suisse de transfert de la route vers le rail

Le transport de marchandises à travers les quatre grands cols des Alpes suisses (Saint-Gothard, Saint-Bernard, Simplon, Bernardino) représentait en 1999 un trafic de 1,4 million de camions. La croissance du trafic est continue. Dans le prolongement des tendances actuelles, un total de 1,8 million de camions est attendu vers 2007.

Actuellement, grâce à des mesures restrictives de circulation, la Suisse prend une part des camions moindre que celle qui résulterait de la seule géographie : 75 % du trafic routier transalpin passe par la France et l'Autriche. Mais une étude de la Commission européenne de 1998 prévoit une multiplication par deux du trafic de marchandises à travers l'arc alpin vers 2020, et la Suisse en subira le contrecoup si elle reste sans réagir.

« L'initiative des Alpes », qui a été adoptée par référendum en 1994, a inscrit expressément dans la constitution de la Confédération helvétique un objectif de transfert de la route vers le rail du maximum de fret transalpin.

L'Union européenne avait alors bloqué pendant un an la négociation des accords bilatéraux visant à pallier l'échec du référendum de 1992 sur l'adhésion de la Suisse à l'Espace Economique Européen (EEE). La négociation n'a été rouverte qu'en 1995, quand l'Union européenne a obtenu l'assurance que la Suisse ne recourrait pas à la contrainte pour réduire le trafic routier, mais se fonderait uniquement sur une politique libérale d'incitation par les prix.

L'accord bilatéral entre la Suisse et l'Union Européenne relatif aux transports terrestres, approuvé par référendum le 21 mai 2000, constitue ainsi le « chapeau communautaire » de la politique helvétique de transfert de la route vers le rail, qui garantit que cette politique sera acceptée par l'Europe et coordonnée avec les pays voisins.

D'un côté, la Suisse était d'accord pour accepter de relever la limite de poids maximum des camions à 40 tonnes, mais souhaitait en retour accroître sa fiscalité routière.

De l'autre côté, l'Union Européenne souhaitait intégrer la Suisse dans sa politique routière, mais les intérêts de ses Etats membres étaient divergents. L'Italie et la Grèce voulaient les plus bas prix possibles, tandis que la France et l'Autriche voulaient réorienter vers la Suisse les trafics « détournés » sur leurs territoires.

L'accord prévoit une libéralisation totale des transports bilatéraux et du trafic de transit , sauf avec l'Autriche, avec laquelle s'appliqueront des contingents comme pour tous les Etats membres de l'Union. Le cabotage international sera libéralisé au bénéfice des transporteurs suisses à partir de 2005, le cabotage national leur restant interdit bien qu'il soit autorisé au sein de l'Union européenne.

La limite maximale de poids, actuellement de 28 tonnes, sera portée à 34 tonnes en 2001 et à 40 tonnes en 2005 . Le but est de trouver un équilibre entre la limite maximale de poids et le niveau de la fiscalité routière pour reprendre en charge les « détournements de trafic » vers les pays voisins de la Suisse.

La taxe forfaitaire sur les poids lourds, d'un niveau de 40 francs suisses en 2000, est relativement basse. Dès 2001, le relèvement de 28 à 34 tonnes de la limite de poids maximale s'accompagnera d'une hausse de la fiscalité routière , par l'instauration d'une taxe kilométrique sur les poids lourds.

L'Union européenne a demandé à disposer d'un contingent immédiat de 300.000 camions de 40 tonnes dès 2001-2002, auxquels est appliqué un tarif supérieur. En 2003-2004, ce contingent sera porté à 400.000 véhicules.

Le contingent est à répartir entre les Etats membres, qui souhaitent tous en disposer, même ceux qui ne font guère de trafic à travers les Alpes. Il est partagé en 50 % pour le trafic de transit et 50 % pour l'import-export. La France, l'Espagne et le Portugal sont plus intéressés par ce second type de trafic, à la différence de l'Allemagne et de l'Italie, qui sont naturellement plus concernées par le transit.

Si la progression du nombre de camions est plus forte que prévue, la Suisse pourra unilatéralement augmenter le niveau de la redevance sur les camions, pendant une période limitée mais renouvelable.

Par ailleurs, l'interdiction de circuler entre 22H00 et 5H00 est maintenue , ce qui était essentiel aux yeux de la population suisse, avec des exceptions pour les produits agricoles périssables.

Actuellement, la Suisse est déjà le pays d'Europe le plus favorable au rail, qui y assure les deux-tiers du transport de marchandises. L'orientation du trafic est à 90 % Nord-Sud. L'objectif est de diviser par deux le trafic routier, grâce à un développement des capacités du rail à travers les Alpes, qui permettra accessoirement de gagner aussi de la compétitivité sur l'avion.

Le projet de Nouvelle Liaison Ferroviaire Alpine (NLFA) prévoit le percement de deux tunnels nouveaux. Le tunnel du Lötschberg, sera d'une longueur de 34,5 kilomètres, et celui du Saint-Gothard sera d'une longueur de 57 kilomètres. Chacun de ces ouvrages viendra doubler un tunnel plus court déjà existant, mais ils seront d'un gabarit adapté au ferroutage et leur accès sera situé à une altitude bien plus basse (700 mètres contre 1200 mètres, environ).

La mise en service du tunnel du Lötschberg est prévue vers 2005-2006, et celle du tunnel du Saint-Gothard vers 2010-2011.

In fine , l'offre commerciale des compagnies de chemin de fer conditionne le succès de l'opération. L'un de leurs atouts est que la traversée de la Suisse sur des trains sera comptabilisée comme temps de repos pour les chauffeurs des camions, qui pourraient se voir offrir des repas. Le gain de temps sera également un argument essentiel : à partir des pays les plus proches, l'aller-retour dans la journée via la Suisse sera possible.

Les estimations de coûts de ce projet, sur la période 2000-2010, sont les suivantes :

- 2,8 milliards de francs suisses pour la contribution à l'exploitation du transport combiné et le financement de terminaux intermodaux à l'étranger ;

- 30 milliards de francs suisses de travaux d'infrastructures , dont 13 milliards de francs suisses pour les seuls tunnels du Lötschberg et du Saint-Gothard.

La principale source de financement sera la nouvelle taxe kilométrique sur les camions, la Redevance Poids Lourds liée aux Prestations (RPLP).

L'assiette de la RPLP est constituée par les véhicules lourds (plus de 3,5 tonnes) destinés au transport de marchandises, suisses et étrangers. Les personnes publiques en sont exonérées et les transports combinés bénéficient d'une rétrocession. Le montant de la RPLP est fonction du niveau de pollution du véhicule, de son poids maximal autorisé, et du kilométrage parcouru sur le territoire suisse.

Au total, la RPLP rapportera entre les deux-tiers et 70 % du total des 30,5 milliards de francs suisses nécessaires sur vingt ans pour financer la politique suisse d'encouragement au transport ferroviaire. On considère qu'environ un tiers de ces recettes sera fourni par les transporteurs routiers étrangers.

L'Union européenne devrait prendre exemple sur la méthode suivie par la Suisse pour lancer ses ambitieux projets de ferroutage à travers les Alpes. Les Suisses ont considéré la question des transports comme un sujet politique majeur, digne d'être arbitré par les citoyens. Ils se sont fixé des objectifs fondés sur une vision à long terme, et ont su dégager les financements nécessaires pour réaliser des investissements très importants.

Ainsi, ce pays de 7 millions d'habitants s'apprête à investir, seul, près de 52 milliards de francs dans deux tunnels ferroviaires qui bénéficieront aux transporteurs de toute l'Europe. Non seulement la Suisse ne demande pas d'aide financière à l'Union européenne, mais elle est même disposée à financer des terminaux de transport combiné dans les pays voisins, comme l'Italie.

Cet exemple est éloquent. Il contraste avec la pusillanimité des Etats membres de l'Union européenne concernés par le franchissement des barrières montagneuses, et d'abord de la France. Certes, la fermeture accidentelle du tunnel sous le Mont-Blanc ont décidé la France et l'Italie, après des années d'atermoiements, à signer le 29 janvier 2001 un accord bilatéral pour la réalisation d'une liaison ferroviaire à grande vitesse entre Lyon et Turin. Mais le tunnel de base long de 52 kilomètres qui en constituera le coeur n'entrera pas en service avant 2015 et les modalités de son financement ne sont pas précisées.

2. La saturation croissante des infrastructures européennes

Le réseau européen de transports terrestres est en situation de congestion chronique. La Commission estime que 7.500 kilomètres de routes, soit 10 % du réseau européen, sont encombrés et que 16.000 kilomètres de voies ferrées, soit 25 % du réseau européen, constituent des goulots d'étranglement.

La situation n'est pas meilleure pour le transport aérien si l'on en croit la communication sur le ciel unique européen publié par la Commission au mois de décembre 1999 (COM (1999) 614 final - E 1406). Dans l'Union européenne, d'après les statistiques de l'association européenne des compagnies aériennes, les retards de plus de quinze minutes concernaient 12 % des vols en 1986, 23,8 % en 1989, 18,5 % en 1996 et 25,5 % en 2000.

La Commission considère que l'espace aérien européen ne peut être géré de manière optimale du fait de sa fragmentation, qui se traduit par la multiplicité des centres de contrôle et par l'absence de standardisation des équipements. Cette fragmentation est aggravée par l'importance des zones réservées à des usages militaires, parfois proches des routes les plus fréquentées. Quant au personnel de la navigation aérienne, l'Union européenne manque actuellement au moins d'un millier de contrôleurs pour s'adapter à l'évolution du trafic.

Les compagnies aériennes ont également leur part de responsabilité dans la saturation du ciel européen, avec leur stratégie de multiplication des navettes à partir de hubs qui conduit à une concentration du trafic aux meilleurs moments de la journée et de la semaine. L'insuffisance des infrastructures aéroportuaires est un problème commun à tous les Etats membres.

La Commission propose de confier la gestion de l'espace aérien européen à un organe central unique, qui pourrait être Eurocontrol. La convention Eurocontrol révisée en 1997 doit permettre à cet organisme de prendre des décisions contraignantes à l'égard des Etats, adoptées à la majorité et non plus à l'unanimité, une clause de sauvegarde étant prévue pour préserver les intérêts nationaux en matière de sécurité. L'adhésion de l'Union européenne à Eurocontrol n'a toutefois toujours pas pu intervenir en raison du différent opposant l'Espagne au Royaume-Uni à propos de l'aéroport de Gibraltar.

B. LES FAIBLESSES DES RÉSEAUX TRANSEUROPÉENS

1. Une juxtaposition de schémas nationaux

Précurseur des réseaux transeuropéens de transport, le rapport publié en décembre 1990 par un groupe à haut niveau sur le réseau ferroviaire à grande vitesse préconise la construction, d'ici 2010, de 9.000 kilomètres de lignes nouvelles et l'aménagement de 15.000 kilomètres de lignes existantes, répartis en quinze maillons clés.

Depuis le traité de Maastricht signé en 1992, les réseaux transeuropéens font l'objet d'un titre XV du traité sur l'Union européenne.

L'article 154 stipule que, « en vue (...) de permettre aux citoyens de l'Union européenne, aux opérateurs économiques, ainsi qu'aux collectivités régionales et locales, de bénéficier pleinement des avantages découlant de la mise en place d'un espace sans frontières intérieures, la Communauté contribue à l'établissement et au développement de réseaux transeuropéens dans les secteurs des infrastructures du transport, des télécommunications et de l'énergie.

« Dans le cadre d'un système de marchés ouverts et concurrentiels, l'action de la Communauté vise à favoriser l'interconnexion et l'interopérabilité des réseaux nationaux ainsi que l'accès à ces réseaux. Elle tient compte en particulier de la nécessité de relier les régions insulaires, enclavées et périphériques aux régions centrales de la Communauté. »

L'article 155 du traité UE précise les moyens de réaliser les objectifs visés à l'article précédent :

- établissement d'un ensemble d'orientations, de priorités et de projets d'intérêt commun ;

- mise en oeuvre d'actions assurant l'interopérabilité des réseaux, en particulier dans le domaine de l'harmonisation des normes techniques ;

- appui financier de la Communauté aux projets d'intérêt commun, en particulier sous forme d'études de faisabilité, de garanties d'emprunt ou de bonifications d'intérêts.

La même disposition prévoit que les Etats membres coordonnent entre eux, en liaison avec la Commission, leurs politiques nationales et que celle-ci peut décider de coopérer avec des pays tiers pour promouvoir des projets d'intérêt commun et assurer l'interopérabilité des réseaux.

Le Livre blanc de 1993 sur une stratégie à moyen terme en faveur de la croissance, de la compétitivité et de l'emploi met l'accent sur le développement des réseaux transeuropéens. Un groupe de travail dirigé par M. Christophersen, vice-président de la Commission, est alors mis en place, qui établit une liste de plus de trente projets.

Les orientations communautaires pour le réseau transeuropéen de transport (RTE-T) ont été arrêtées par la décision n° 1692/96/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 1996. Ce document se présente comme « un cadre général de référence destiné à encourager les actions des Etats membres et, le cas échéant, de la Communauté visant à réaliser des projets d'intérêts commun ayant pour objet d'assurer la cohérence, l'interconnexion et l'interopérabilité de réseau transeuropéen de transport ainsi que l'accès à ce réseau ». Dans les faits, les cartes annexées à la décision semblent résulter de la simple juxtaposition des schémas nationaux de transport.

Le réseau routier de base de l'Union européenne se compose d'environ 280.000 kilomètres d'autoroutes et de routes interurbaines principales. Le réseau routier transeuropéen comprend approximativement 74.500 kilomètres, dont 27.000 kilomètres identifiés comme planifiés devraient être achevés d'ici 2010. Les réseaux ferroviaires des quinze Etats membres ont une longueur totale de 156.000 kilomètres, dont 78.600 kilomètres font partie du réseau ferroviaire transeuropéen. Le réseau transeuropéen supporte 40 % du trafic routier de marchandises et plus de 50 % du trafic ferroviaire.

2. Un financement difficile

La décision du 23 juillet 1996 sur les réseaux transeuropéens de transports a un caractère clairement facultatif, puisque son article premier précise que « ces projets constituent un objectif commun dont la réalisation dépend de leur degré de maturité et de la disponibilité de ressources financières, sans préjuger de l'engagement financier d'un Etat membre ou de la Communauté ». A l'échéance de 2010, le coût total du RTE-T est estimé à 400 milliards d'euros.

Au sommet d'Essen des 9 et 10 décembre 1994, avant même que l'ensemble du RTE-T ne soit arrêté et sur la base des travaux du groupe Christophersen, il est décidé de concentrer les financements sur quatorze projets déclarés hautement prioritaires.

La plupart appartiennent au réseau de transport ferroviaire à grande vitesse : liaison Berlin-Nuremberg et axe du Brenner ; liaison PBKAL (Paris, Bruxelles, Cologne, Amsterdam, Londres) ; liaison Sud vers Madrid par la voie atlantique et par la voie méditerranéenne ; liaison Est Paris-Allemagne ; liaison Lyon-Turin-Milan-Venise-Trieste ; liaison Cork-Dublin-Belfast-Larne-Stranraer ; liaison fixe Danemark-Suède ; triangle nordique ; ligne principale de la côte occidentale du Royaume-Uni.

Les autres projets d'Essen concernent : la ligne ferroviaire de transport combiné Betuwe ; la desserte autoroutière de la Grèce ; la liaison routière Irlande-Royaume-Uni-Bénélux ; la liaison multimodale du Portugal et de l'Espagne avec le reste de l'Europe ; l'aéroport de Malpensa.

Le coût des quatorze projets d'Essen est estimé à 103 milliards d'euros, alors que les Etats membres, engagés dans la réduction de leurs déficits budgétaires afin de réaliser l'Union économique et monétaire, ne peuvent y consacrer que de faibles moyens financiers.

La contribution de la Communauté est également modeste. Sa participation spécifique aux études de faisabilité, à hauteur de 10 % du coût des projets, s'est élevé à 2,4 milliards d'euros entre 1993 et 1999. Ce budget RTE-T a été porté à 4,2 milliards d'euros sur la période 2000-2006. Il convient toutefois d'y ajouter une fraction significative, de 50 % à 60 %, du fonds de cohésion qui est consacrée aux infrastructures de transport. Mais seuls quatre Etats membres en sont bénéficiaires. Au total, les apports financiers de la Communauté devraient s'élever à 18 milliards d'euros sur la période 2000-2006.

Les apports de la Communauté sont complétés par les prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI), qui se sont élevés à 30,4 milliards d'euros sur la période 1993-2000.

Le manque de financements publics a retardé la réalisation de la plupart des projets inscrits dans le RTE-T, y compris ceux déclarés prioritaires. A ce jour, seulement 46 % du financement total des quatorze projets d'Essen est assuré, soit 48 milliards d'euros, et 56 milliards d'euros restent à trouver. Seuls trois projets sont en voie d'achèvement : l'aéroport de Malpensa, le lien fixe de Danemark-Suède, et la liaison ferroviaire classique Cork-Dublin-Belfast-Larne. Six autres projets devraient s'achever d'ici 2005 et cinq autres projets ont des calendriers s'étendant largement au-delà de cette date, notamment les liaisons transalpines.

Le retard est particulièrement marqué pour les projets ferroviaires. En 1999, seuls 2.700 kilomètres de lignes à grandes vitesse étaient en service, et 4.400 kilomètres devraient l'être en 2006. A ce rythme, il faudrait 40 ans pour réaliser le réseau de 12.600 kilomètres prévu par le schéma existant. Par contraste, plus de 1.000 kilomètres de routes nouvelles ou aménagées sont mises en service chaque année. A ce rythme, les trois quarts des liaisons programmées devraient être réalisés d'ici 2010.

C. LE CARACTÈRE THÉORIQUE DU LIVRE BLANC SUR LA TARIFICATION

1. Les propositions de la Commission

La Commission a publié le 27 juillet 1997 un Livre blanc intitulé « Des redevances équitables pour l'utilisation des infrastructures : une approche par étapes pour l'établissement d'un cadre commun en matière de tarification des infrastructures de transport dans l'Union européenne ».

Elle estime que la grande diversité des systèmes de tarification des infrastructures dans les différents modes de transports et dans les différents Etats membres compromet l'efficacité et la durabilité du système de transport européen. Ainsi, il existe neuf systèmes de tarification différents pour les infrastructures ferroviaires ; les taxes annuelles sur les camions présentent un écart de 3.000 écus ; seuls quatre Etats membres perçoivent des péages sur leur réseau autoroutier ; le régime de TVA et la taxation de l'énergie varient considérablement d'un mode de transport à l'autre ou d'un Etat membre à l'autre. En outre, les redevances sont rarement perçues au point où a lieu l'utilisation et sont généralement sans rapport avec les coûts environnementaux.

C'est pourquoi la Commission juge nécessaire d'entreprendre, à l'échelle de la Communauté, une harmonisation progressive des principes de tarification appliqués dans l'ensemble des principaux modes de transport commerciaux. Elle propose que le système de tarification soit fondé sur le principe de « l'utilisateur-payeur ». Les redevances doivent être directement liées aux coûts que les usagers imposent aux infrastructures et aux autres citoyens.

La méthode préconisée par la Commission est une tarification sur la base du coût marginal social (1 ( * )) , qui consiste à faire payer aux usagers les coûts tant internes qu'externes (coûts d'exploitation, coûts liés à la dégradation des infrastructures, coûts liés aux encombrements, coûts environnementaux, coûts liés aux accidents) qu'ils génèrent au point d'utilisation.

Si elles doivent supporter les coûts réels de leurs activités, les entreprises de transport seront incitées à adapter leurs choix de transport en utilisant des véhicules moins polluants et plus sûrs ; en choisissant des itinéraires et une organisation logistique permettant de réduire la dégradation des routes, l'encombrement, les risques d'accidents ; en optant pour un autre mode de transport.

Ce principe de tarification, en permettant aux gestionnaires des infrastructures de récupérer une partie sensiblement plus importante des coûts auprès des usagers, devrait faciliter le financement d'infrastructures supplémentaires.

La Commission préconise de procéder par étapes, sous l'autorité d'un comité consultatif composé d'experts des Etats membres et garantissant la participation active de tous les intéressés : 1998-2002, introduction de systèmes de tarification dans les infrastructures ferroviaires et les aéroports ; 2001-2004, harmonisation et ajustement des systèmes de tarification, notamment pour les poids lourds et les transports ferroviaires ; après 2004, révision du cadre communautaire au vu de l'expérience acquise.

2. Une application délicate

Contrairement au présupposé de la Commission, le principe de la tarification au coût marginal social ne constitue pas la meilleure solution au plan théorique. Lorsque l'infrastructure est sous-utilisée, la tarification au simple coût marginal direct (c'est-à-dire sans les coûts externes) peut opportunément être préconisée. Lorsque l'infrastructure est saturée, la tarification au coût marginal social de développement (c'est-à-dire incluant le coût marginal des investissements nécessaires à son développement) est préférable pour éviter une demande excessive.

En pratique, la tarification au coût marginal social pose des problèmes de calcul et d'imputation des coûts environnementaux. Dès lors que l'on rechercherait un consensus sur des chiffres précis fondant une réglementation communautaire de tarification d'infrastructures, la fourchette des appréciations apparaîtrait très ouverte, car celles-ci sont à la fois approximatives et subjectives.

Les problèmes de définition et de calcul sont également non surmontés pour le coût de congestion qui, au demeurant, est plutôt un coût interne supporté par l'usager du transport qu'un coût collectif externe. L'imputation des pointes de congestion obligerait à des augmentations démesurées lorsque l'infrastructure est proche de la saturation, d'autant plus mal acceptées par l'usager qu'il est paradoxal d'accroître le coût d'une prestation lorsque sa qualité est dégradée.

Enfin, les coûts marginaux d'usage sont éminemment variables selon les infrastructures concernées, les périodes d'utilisation, la nature des utilisateurs. Un système de tarification devrait donc être extrêmement complexe pour être fidèle, au détriment de sa transparence et de sa lisibilité. S'il est simplifié, il perd ses vertus théoriques.

L'harmonisation des règles de tarification des infrastructures de transport se heurte également à la disparité de la situation des différents Etats membres. Les pays de transit centraux ont intérêt à fixer les redevances à un niveau élevé, tandis que les pays périphériques ont un intérêt contraire.

V. LES NOUVEAUX ENJEUX

A. LA REDÉFINITION DU SERVICE PUBLIC

1. La reconnaissance par Bruxelles des services d'intérêt général

D'une manière générale, le droit communautaire reconnaît la spécificité des entreprises publiques ou chargées d'intérêt général, qui peuvent déroger aux règles ordinaires du droit de la concurrence relatives aux ententes et aux abus de position dominante, sous le contrôle de la Commission. Le traité d'Amsterdam a inséré dans le traité CE un article 16 relatif aux services d'intérêt économique général qui dispose que « sans préjudice des articles 73, 86 et 87, eu égard à la place qu'occupent les services d'intérêt économique général parmi les valeurs communes de l'Union ainsi qu'au rôle qu'ils jouent dans la promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union, la Communauté et ses Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives et dans les limites du champ d'application du présent traité, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions ».

Par nature, le système des transports apparaît particulièrement désigné pour renforcer la cohésion territoriale de l'Union européenne. C'est d'ailleurs le seul domaine du droit communautaire initial où la notion de service public soit reconnue en tant que telle. L'article 73 du traité CE dispose que « sont compatibles avec le présent traité les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ».

La Commission a publié au mois de septembre 2000 une communication sur les services d'intérêt général en Europe, qui précise la manière dont elle veut concilier les règles communautaires de la concurrence et du marché intérieur avec la compétence des Etats membres pour définir et organiser librement leurs services publics. Cette communication a donné lieu à une déclaration sur les services d'intérêt économique général lors du sommet de Nice, les 7 et 8 décembre 2000, qui considère notamment que « doit être précisée l'articulation des modes de financement des services d'intérêt économique général avec l'application des règles relatives aux aides d'Etat. En particulier devrait être reconnue la compatibilité des aides destinées à compenser les coûts supplémentaires entraînés par l'accomplissement de mission d'intérêt économique général, dans le respect de l'article 86.2.»

La desserte des îles constituent un cas à part. Dans la plupart des Etats membres, des contrats de service public ont été conclus pour assurer leur desserte. Deux textes communautaires sont applicables en la matière :

- le règlement cabotage permet aux Etats membres d'imposer des obligations de service public afin d'assurer la suffisance des services de transport réguliers à destination et en provenance d'îles, pour autant que les conditions de nécessité et de non-discrimination soient respectées et que la Commission soit consultée ;

- les orientations communautaires sur les aides d'Etat au transport maritime encadrent l'octroi de subventions en faveur des compagnies qui assurent des obligations de service public sur des routes qui ne sont pas commercialement viables, et préconisent le recours à un appel d'offre.

2. L'introduction de la concurrence dans les transports publics

La Commission a adopté le 26 juillet 2000 un projet de règlement sur les exigences de service public dans le transport de voyageurs (COM (2000) 7 final - E 1587), qui vise à en améliorer les performances et la transparence grâce à un principe de « concurrence régulée ». Ce texte est présenté comme une adaptation du cadre juridique existant à la situation née de l'ouverture à la concurrence des transports publics dans onze des quinze Etats membres et de l'émergence d'opérateurs internationaux puisque, au début de l'année 2000, au moins neuf entreprises publiques ou privées fournissaient des services de transport public dans plus d'un Etat membre.

Actuellement, la législation communautaire ne permet aux opérateurs d'effectuer des services nationaux que dans des cas très limités, sauf à s'établir dans l'Etat membre concerné et à participer aux procédures prévues par sa législation nationale. Le texte proposé par la Commission vise à harmoniser les procédures d'adjudication existant dans les différents Etats membres et à renforcer la sécurité juridique tant des opérateurs que des autorités au regard des aides d'Etat et des droits exclusifs dans le secteur des transports.

Le projet de règlement pose la règle générale selon laquelle les interventions des autorités dans le secteur prennent la forme de contrats de service public d'une durée de cinq ans attribués par appels d'offres.

Toutefois, les autorités pourront déroger à la procédure d'appel d'offres et conclure des contrats de service public avec un opérateur déterminé en dessous d'un seuil annuel de 800.000 euros, ainsi que lorsque les normes de sécurité de certains services ferroviaires et l'efficience d'un système de métro seraient mises en danger. Dans le cas de la France, la SNCF et la RATP devraient être les principales entreprises concernées par cette possibilité de dérogation à l'obligation de mise en concurrence.

Des dispositions sont également prévues afin de contrôler les concentrations dommageables et de protéger les employés en cas de changement d'opérateur.

En France, le Groupement des autorités responsables des transports (GART) s'est inquiété de l'atteinte portée à l'autonomie des collectivités locales, qui pourraient se voir interdire par le règlement de gérer directement en régie leur réseau de transport ou de faire appel à la gestion déléguée. La durée de cinq ans prévue pour les contrats de service public apparaît par ailleurs trop courte pour permettre l'amortissement des investissements nécessaire au développement des réseaux. Selon la Communauté des chemins de fer européens (CCFE), une durée de concession de 15 à 20 ans serait requise en matière de transport ferroviaire.

B. LE DÉFI DE L'ÉLARGISSEMENT

L'élargissement représentera pour l'Union européenne une augmentation de son territoire de 1,8 million de km 2 et de sa population de 170 millions d'habitants. Une forte croissance économique des pays candidats est attendue, qui exigera une augmentation parallèle des flux de transport, avec une tendance forte en faveur du transport routier et de la voiture privée. Après l'élargissement, les pays d'Europe centrale joueront un double rôle : celui de composants de l'Union européenne élargie et celui d'interfaces avec les nouveaux Etats indépendants d'Europe orientale et les pays riverains de la mer Noire et de la mer Méditerranée.

1. Les transports dans les pays d'Europe centrale et orientale

La situation des transports dans les pays d'Europe centrale et orientale candidats à l'adhésion est difficile, ce secteur étant concerné au premier chef par la restructuration économique engagée depuis 1989. Ces pays avaient hérité de la période sous tutelle soviétique une structure du marché des transports bien particulière par rapport à celle de l'Union européenne, avec une prédominance du rail. Cette situation initiale a évolué rapidement, comme le montre le tableau ci-dessous.

Entre 1990 et 1998, alors que le volume global des marchandises transportées diminuait de 21 % du fait de la récession économique traversée par les pays d'Europe centrale et orientale, le trafic routier a augmenté de 19,4 %. Dans le même temps, le trafic ferroviaire s'est effondré, enregistrant une diminution de 43,5 %. Ce déclin semble être essentiellement imputable à la qualité médiocre des services fournis par les compagnies de chemin de fer.

En moyenne, sur la période 1989-1998, le trafic routier a augmenté de 2,2 % par an, tandis que le trafic ferroviaire a diminué de 9,3 % par an. Il s'en est suivi une forte évolution de la répartition modale du trafic de marchandises, comme le montre le tableau ci-après.

Alors que les parts du transport fluvial et par pipelines restent stables entre 1989 et 1998, celle de la route s'accroît de 27,1 % à 47,4 %, tandis que celle du fer diminue de 62,9 % à 42,2 %. Ce dynamisme de la route s'observe également en matière de transport de passagers, comme le montre l'évolution du parc d'automobiles individuelles dans les pays candidats.

Entre 1990 et 1998, le nombre total d'automobiles dans les pays d'Europe centrale et orientale est passé de 14,7 millions à 23,1 millions, soit une augmentation de 57 %. Le taux de motorisation moyen, d'un niveau de 221 véhicules pour 1000 habitants, reste sensiblement inférieur à celui de l'Union européenne, qui est de 451. Seule la Slovénie, avec un taux de 403, s'en approche déjà.

2. La reprise de l'acquis communautaire par les pays candidats

Les négociations d'adhésion sur le chapitre transports présentent un degré de difficulté particulier du fait de la lourdeur des enjeux économiques et de l'ampleur de l'acquis. Avec plus d'une centaine de règlements, directives, décisions et lignes d'orientation, la politique des transports représente 10 % de tout l'acquis communautaire.

La Commission estime que les périodes de transition ne pourront être qu'exceptionnelles, courtes et limitées dans leur champ d'application, et qu'elles ne devront pas produire de distorsions de concurrence significatives. Pour l'instant, les demandes de périodes transitoires se concentrent surtout dans le transport routier, notamment sur des secteurs spécifiques où des frais de modernisation élevés et une pression concurrentielle marquée sont à attendre.

Dans le transport routier, l'Estonie et la Hongrie demandent une longue période de transition pour l'harmonisation fiscale ; la Hongrie et la Pologne demandent des périodes de transition concernant les poids maximum autorisés car ces pays devront d'abord améliorer leurs routes pour les rendre accessibles à des poids lourds jusqu'à une charge maximale de 11,5 tonnes par essieu. Dans le transport ferroviaire, la Pologne et la Hongrie souhaitent une intégration très progressive de l'acquis, eu égard aux besoins de restructuration de leurs compagnies ferroviaires. Dans le transport fluvial, la Hongrie demande que ses navires soient exemptés temporairement du régime communautaire de réduction de la capacité de la flotte.

Seule la Slovénie n'a pas demandé de période transitoire.

Certain des Etats membres actuels, ainsi que l'Union internationale des transports routiers (IRU), préconisent une stratégie d'intégration progressive des marchés, afin d'éviter que l'élargissement ne cause préjudice à un secteur si vital.

Au-delà des demandes de périodes transitoires, l'élargissement soulève la question de la capacité administrative à faire appliquer l'acquis communautaire. C'est particulièrement vrai en matière de sécurité maritime, où le contrôle par l'Etat du port, dans des pays comme Chypre et Malte, et le contrôle par l'Etat du pavillon, dans des pays comme la Roumanie et la Bulgarie, posent problème.

3. La nécessaire connexion aux réseaux transeuropéens

La deuxième conférence sur les transports paneuropéens, qui a eu lieu en Crète en 1994, a fixé neuf corridors de transport prioritaires pour l'Europe centrale et orientale, principalement routiers et ferroviaires. Ce concept de corridor a permis de simplifier les propositions d'investissement dans des infrastructures de transport, et de concentrer le soutien apporté par les organismes financiers internationaux.

Pour les pays candidats, la Commission a mis sur pied un processus d'évaluation des besoins en infrastructures de transport (TINA) visant à mettre en évidence les grandes lignes des mesures nécessaires en ce qui concerne l'extension du RTE-T aux pays candidats, et à identifier les priorités et les projets d'intérêt commun.

Le gros des investissements provient des institutions financières internationales, comme la BEI, la BERD ou la Banque mondiale, qui depuis 1990 ont prêté environ 2,6 milliards d'euros aux pays d'Europe centrale et orientale. Leur engagement dans les infrastructures de transport se poursuit à un rythme de 500 millions d'euros par an.

Les investissements nécessaires pour créer le RTE-T dans les pays d'Europe centrale et orientale sont estimés à 90 milliards d'euros pour les quinze prochaines années (37 milliards d'euros pour le rail, 44 milliards d'euros pour la route, 1,5 milliard d'euros pour les voies navigables, 4,5 milliards d'euros pour les aéroports, 3 milliards d'euros pour les ports maritimes et 1 milliard d'euros pour les terminaux). Il s'agira surtout de mettre le réseau routier et ferroviaire aux normes de l'Europe occidentale pour leur permettre d'absorber la croissance du trafic attendue, sans qu'il soit question de créer de nouvelles liaisons. Etant donné les contraintes budgétaires que connaissent les pays concernés, et eu égard à leur retard énorme en matière d'entretien, ils auront besoin d'une forte assistance extérieure.

C. LE PROJET EUROPÉEN DE NAVIGATION PAR SATELLITE

1. Les avantages du projet GALILEO

Il existe actuellement dans le monde deux réseaux satellitaires de navigation, l'un américain (GPS), l'autre russe (GLONASS). Tous deux ont été conçus pour permettre de repérer avec une grande précision la position d'objectifs militaires. Ces réseaux peuvent être utilisés pour des besoins civils, mais ils présentent plusieurs insuffisances majeures :

- une absence de garantie et d'engagement de responsabilité de la part de leurs opérateurs ;

- une fiabilité qui n'est pas totale : les utilisateurs ne sont pas informés immédiatement d'erreurs qui apparaissent, la transmission est parfois aléatoire, notamment en ville et dans les régions aux extrêmes latitudes Nord de l'Europe ;

- une précision médiocre, de l'ordre de 70 à 100 mètres seulement.

C'est pour ces raisons que l'Union européenne entend développer d'ici 2008, avec le projet Galileo, un système dont elle ait la maîtrise et qui réponde à ses exigences de précision, de fiabilité et de sécurité.

Pour la première fois, la Commission a reçu mandat de lancer et piloter un projet de portée mondiale. Il s'agit de lancer, avec le soutien de l'Agence spatiale européenne, une série d'au moins vingt satellites, qui seront placés en orbite à 20.000 km et suivis par un réseau de stations de contrôle au sol, pour assurer une couverture mondiale.

Galileo, à la différence des systèmes existants, apportera une précision suffisante, de l'ordre de 5 à 10 mètres, et offrira les garanties et les engagements de responsabilité actuellement manquants, dans un cadre comportant trois niveaux de service :

- un service de base gratuit pour des applications destinées au grand public, notamment dans le domaine des loisirs ;

- un service payant à accès restreint pour des applications commerciales et professionnelles nécessitant des performances supérieures et une garantie de service ;

- un service très restreint de haut niveau, également payant, pour des applications qui ne doivent subir aucune interruption ni aucune perturbation pour des raisons de sécurité.

2. Les enjeux stratégiques et financiers

Galileo doit permettre à l'Europe d'acquérir l'indépendance technologique dans le domaine de la navigation par satellites, comme elle a su le faire dans les domaines spatial et aéronautique avec Ariane et Airbus. C'est un facteur de maîtrise de son avenir, et aussi un atout majeur dans la confrontation économique mondiale.

Toute la difficulté est de mettre en place un nouveau système de navigation par satellites, dont les prestations seront en partie payantes, alors que les Etats Unis mettent déjà gratuitement leur GPS à la disposition des utilisateurs. Les nouvelles normes développées par l'Union européenne ne pourront s'imposer que par leur avance technique, qui donnera aux industries européennes qui y auront participé un avantage commercial sur leurs concurrentes.

Le coût de développement et de mise en service de Galileo est d'environ 3 milliards d'euros. On estime que ses retombées créeront pour les entreprises européennes un marché nouveau d'équipement et de services de l'ordre de 80 milliards d'euros au cours des quinze premières années. Le coût de l'investissement initial devrait donc être très rapidement et largement compensé par cet impact macro-économique.

Comme pour Ariane et Airbus, le développement initial de Galileo sera principalement financé par le secteur public. Pour la phase de définition, l'Union européenne et l'Agence spatiale européenne apportent environ 40 millions d'euros chacune. Un consortium de 65 entreprises travaille sur le montage technique du projet.

A côté des financements publics, l'engagement des investisseurs privés est nécessaire dès le début, pour que le système soit conçu dans la perspective d'applications commerciales adaptées aux besoins des utilisateurs. Un certain nombre de groupes industriels et d'établissements financiers sont déjà en train de préparer leur participation future. Pour la phase de développement, l'Union européenne et l'Agence spatiale européenne devraient apporter 100 millions d'euros chacune dans un premier temps et 1,1 milliards en tout, l'industrie privée envisageant de fournir 200 millions d'euros. Pour la phase de déploiement, les financements publics devraient s'élever à 600 millions d'euros et les financements privés à 1,5 milliards d'euros.

Lors du Conseil Transports du 5 avril 2001, les Etats membres les plus réticents à engager des fonds publics dans le projet Galileo (Pays-Bas, Royaume-Uni, Danemark, Allemagne) ont obtenu la garantie que le passage de la phase de développement à la phase de déploiement ne serait pas automatique, mais subordonné à un engagement clair du secteur privé. Ils ont également eu confirmation qu'aucun fonds public supplémentaire ne sera nécessaire en phase opérationnelle.

D. LES ORIENTATIONS RÉCENTES DE LA COMMISSION

Le nouveau Livre Blanc sur la politique commune des transports qui sera bientôt publié devrait, pour l'essentiel, confirmer les orientations et les projets communautaires précédemment exposés. Il devrait néanmoins comporter quelques inflexions nouvelles dans la réflexion de la Commission.

Globalement, la Commission devrait réviser à la baisse ses ambitions. Renonçant à transférer un maximum du trafic vers les modes les plus respectueux de l'environnement, elle devrait proposer comme objectif à l'Union européenne le simple maintien en 2010 des parts modales constatées en 1998.

Parmi les points nouveaux qui seront vraisemblablement mis en avant, il convient de souligner la restructuration du secteur du transport routier et l'accent mis sur les nouvelles technologies.

1. La restructuration du transport routier

Malgré sa domination commerciale écrasante par rapport aux autres modes de transport terrestres, la situation du secteur du transport routier reste fragile, comme sont venus le rappeler récemment les mouvements de protestation des routiers français, belges, néerlandais, britanniques et allemands. Ce secteur est composé d'un grand nombre de petites entreprises, qui ne peuvent pas faire face aux pressions exercées pour abaisser les prix en dessous du niveau qui serait nécessaire pour assurer leur stabilité financière. Ainsi, l'augmentation inattendue du prix des carburants n'a pas pu être répercutée par les entreprises de transport routier, du fait de la pression exercée par les chargeurs, entraînant une réduction significative de leurs marges.

La Commission estime nécessaire des mesures d'assainissement et d'amélioration de la profession de transporteur routier, d'autant plus urgentes que l'élargissement de l'Union européenne se traduira par l'entrée sur le marché de concurrents dont les charges d'exploitation sont nettement moins élevées que celles en vigueur dans la Communauté.

Parmi les mesures que pourrait envisager la Commission, devraient figurer :

- l'harmonisation du cadre contractuel relatif à l'activité du transport, et l'établissement de garde-fous afin de protéger les transporteurs vis-à-vis de la pression des chargeurs ;

- la révision à la hausse des conditions financières d'accès aux licences d'exploitation et la mise en place d'un système de formation d'entrepreneurs et de conducteurs ;

- l'encouragement au regroupement des micro-entreprises et des patrons-routiers et à leur diversification vers des activités complémentaires de logistique ;

- le renforcement des systèmes nationaux de contrôle et de sanction de l'application de la législation sociale et de sécurité. Le non respect des législations en vigueur représente une distorsion de concurrence vis-à-vis des autres modes de transport et un danger pour la sécurité des autres utilisateurs des infrastructures routières.

2. L'apport des nouvelles technologies

La Commission devrait proposer d'exploiter le potentiel des nouvelles technologies pour améliorer considérablement le système de transport. Elle estime que le développement des systèmes de transport intelligents devrait être rapide et durable au cours de la décennie à venir : surveillance de l'infrastructure, gestion et contrôle du trafic, information avant et pendant le voyage, navigation et guidage, conduite automatique, gestion de fret et de flottes, billeterie et péage électronique, etc. Extensions de la société de l'information au monde des transports, ces systèmes de transport intelligents concernent non seulement les infrastructures et les véhicules, mais génèrent aussi le déploiement de nouveaux services.

Les Etats membres, les gestionnaires de réseaux et les fournisseurs d'équipements et de services doivent collaborer étroitement afin de garantir l'interopérabilité des systèmes, la fiabilité, la continuité et la cohérence des services offerts à l'utilisateur final. Il s'agit, en partageant les expériences développées ici où là, d'assurer la mise en place de services qui renforcent l'efficacité du système de transport, sa sécurité et réduisent son impact sur l'environnement.

L'enjeu essentiel, selon la Commission, est de faire converger les processus de programmation financière de telle sorte que les systèmes de transport intelligents puissent être mis en place de manière synchronisée. Faute d'une telle coordination, une mosaïque de services fragmentaires à l'échelle régionale ou nationale risquerait d'apparaître, constituant un obstacle nouveau au bon fonctionnement du marché intérieur des transports.

CONCLUSION

A l'évidence, les réalisations de la politique commune des transports ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées par la construction d'une communauté européenne qui soit un espace dynamique d'échanges, de production et de solidarité .

L'effort constant de libéralisation du marché des services de transport engagé depuis quinze ans ne peut seul en tenir lieu, s'il ne s'accompagne pas d'une vigoureuse harmonisation des conditions de concurrence, d'une meilleure intégration des considérations environnementales et de sécurité, et de la réalisation urgente des infrastructures nécessaires pour répondre à une demande qui se développe avec une telle vigueur qu'elle aboutit à des phénomènes de congestion et de saturation inacceptables .

Quelles sont les raisons de ce retard persistant ?

Les fondateurs de la Communauté européenne avaient pourtant bien conscience de l'importance pour l'unification du continent européen d'une politique commune des transports, qu'ils ont veillé à inscrire expressément dans le traité d'origine.

Mais il s'agit d'un domaine de souveraineté particulièrement sensible pour les Etats membres, conditionnant le dynamisme de leurs économies et l'aménagement de leurs territoires. Par ailleurs, le secteur des transports est organisé sur un mode corporatiste ; et toute réforme trop hardie est susceptible d'entraîner des mouvements sociaux capables de bloquer un pays entier. Ceci explique qu'il y ait eu, pendant longtemps, au Conseil un consensus implicite pour n'engager que peu ou pas d'action dans le domaine des transports, et que les négociations en matière de transports y soient encore aujourd'hui particulièrement difficiles.

Pour la première fois de son histoire, le Conseil avait été condamné en 1985 par la Cour de Justice des Communautés européennes pour carence dans ce domaine.

Depuis cette date, bien qu'une prise de conscience ait eu lieu, les retards et les reports se sont accumulés.

Cet attentisme n'est désormais plus de mise.

L'unification du marché européen des transports rend insoutenables les distorsions de concurrence résultant du manque d'harmonisation sociale et fiscale.

L'érosion des parts de marché des modes de transport les plus économes en énergie et les plus respectueux de l'environnement démontrent l'insuffisance des mesures adoptées jusqu'à présent pour corriger les évolutions spontanées.

Les perspectives d'augmentation des besoins de mobilité, liée à la croissance économique et à l'élargissement, et la saturation des infrastructures existantes soulignent l'inadéquation des moyens financiers consacrés aux transports en Europe.

Il est donc temps que la politique commune des transports soit menée avec une autre ambition et passe à la vitesse supérieure .

Une telle relance de l'Europe des transports implique que les instances communautaires satisfassent une condition préalable, qui est de connaître les données de base ; endossent une responsabilité, qui est de décider sur les points cruciaux ; répondent à une urgence, qui est d'harmoniser les conditions de concurrence ; et lèvent une contrainte, qui est de financer les infrastructures.

1. Un préalable : connaître les données de base

Il s'agit d'abord d'harmoniser et de compléter l'outil statistique de la Commission, qui a perdu de sa précision avec la suppression des déclarations aux frontières et qui se fonde sur des unités de mesure dont la pertinence est parfois insuffisante ou critiquable. Plutôt qu'en tonnes / kilomètres, il peut être aussi intéressant de raisonner en valeur ajoutée ou en volume d'encombrement. La notion de qualité de services rendus aux usagers des transports doit être analysée et prise en considération sous tous ses aspects.

Il s'agit ensuite d'analyser les trafics et de calculer les coûts. Sur le premier point, la mise en oeuvre du réseau européen de navigation par satellite Galileo et de systèmes de transport intelligents devrait permettre un suivi fin et en temps réels des trafics et des disfonctionnements des systèmes de transport. Sur le second point, l'établissement de méthodes de calcul communes à tous les Etats membres constitue le préalable à une tarification au coût marginal social pour les grands axes de transports transeuropéens.

Il s'agit enfin de renforcer la transparence financière . Actuellement, les bilans sectoriels, notamment financiers, des différents modes de transport restent volontairement obscurs et confus, les Etats membres cherchant souvent à dissimuler le montant exact de leurs contributions publiques, ce qui, à l'évidence, peut être un élément important de distorsion des conditions de concurrence.

2. Une responsabilité : décider sur les points cruciaux

Il s'agit d'abord d'établir un schéma cohérent des réseaux transeuropéens de transport .

C'est un impératif sur lequel il convient que des décisions soient prises rapidement au plus haut niveau. La Commission prépare actuellement une actualisation du schéma arrêté en 1996. Le résultat de son travail devra être apprécié à l'aune de son autonomie par rapport aux diverses priorités nationales et de la prise en compte des liaisons réellement structurantes pour le continent européen, telles que les liaisons Est-Ouest qui doivent préparer l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale.

Il s'agit ensuite de lever les obstacles au renouveau indispensable du rail et au développement du ferroutage. Sur ce point, il existe un large accord des responsables politiques mais un certain scepticisme des opérateurs et des chargeurs. Les réformes structurelles engagées depuis 1991 n'ont pas encore fait la preuve de leur efficacité. Le débat entre accès des tiers aux réseaux ou coopération entre entreprises ferroviaires apparaît théorique, l'essentiel devant être la qualité de l'offre faite aux chargeurs. Celle-ci, malheureusement, souffre d'insuffisances croissantes qui expliquent la diminution de la part modale du ferroviaire, alors que par ailleurs tous s'accordent à souhaiter et à vouloir une augmentation de celle-ci.

3. Une urgence : harmoniser les conditions de concurrence

Le secteur des transports est un domaine essentiel du développement économique et de la solidarité territoriale.

Mais il est particulièrement sensible à la qualité des services et à l'harmonisation des règles et conditions de concurrence.

Il s'agit donc impérativement de réduire les distorsions de concurrence inacceptables qui existent encore dans les domaines techniques, fiscaux et sociaux. Celles-ci ont été avivées par la réalisation du marché unique des transports, et risquent de s'accroître encore après l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale.

Il s'agit aussi, après avoir défini des principes communs de tarification pour les grandes infrastructures de transport transeuropéennes, de les mettre en pratique de manière harmonisée dans les différents Etats membres.

4. Une contrainte : financer les infrastructures

L'Europe des transports doit d'abord être réalisée sur le réseau de base des grandes liaisons structurantes reliant les capitales et les grands pôles économiques des Etats membres.

La réalisation de ces grands axes de transports transeuropéens nécessitera des investissements colossaux.

Il est donc impératif de raisonner sur le très long terme, avec suffisamment d'ambition pour satisfaire les besoins d'une Europe élargie, en croissance et qui aspire à une meilleure solidarité territoriale.

Toutefois, compte tenu du coût de ces infrastructures et des possibilités financières des Etats membres et de l'Union européenne, il est nécessaire de tenir compte des rentabilités réelles de chacun de ces grands projets. De ce point de vue, le transport routier possède l'avantage de pouvoir autofinancer ses infrastructures par les péages ou les recettes fiscales induites. A l'inverse, les infrastructures ferroviaires ou portuaires nécessitent un apport extérieur massif en contributions publiques.

Il s'agit aussi de concentrer les financements communautaires sur les maillons du réseau transeuropéen de transport les plus stratégiques. Le taux de participation communautaire actuel de 10 % apparaît totalement insuffisant, et pourrait être relevé pour les investissements urgents visant à lever les principaux goulots d'étranglement.

*

Les mesures évoquées ci-dessus ne suivent pas un ordre des priorités déterminé, mais appellent une mise en oeuvre parallèle.

Comme dans d'autres domaines, l'élément clé de la réussite de cette action est d'abord la volonté politique, ensuite la vérité des coûts et des rentabilités, enfin la mobilisation des crédits budgétaires et des participations financières.

Une politique commune des transports digne de ce nom nécessite des milliards d'euros d'investissements, qui relèvent bien davantage des budgets nationaux que du budget communautaire.

Il est donc essentiel que chacun des Etats membres dégage les financements nécessaires, en maîtrisant ses dépenses de fonctionnement et ses déficits publics.

En bonne théorie économique, un recours raisonné à l'emprunt apparaît également souhaitable et concevable, s'agissant de dépenses d'infrastructure susceptibles de bénéficier aux générations futures.

La réalisation d'une politique européenne des transports ambitieuse se heurte à un triple obstacle qu'il conviendra de lever aussi rapidement que possible :

- d'abord, bien appréhender l'évolution de la demande et la qualité des services de tous les modes de transports et avoir le courage d'engager un vaste débat public sur ce sujet ;

- ensuite, surmonter les réticences nationales et les corporatismes de tous ordres pour mettre en place le réseau de base des liaisons transeuropéennes, dans le cadre d'une politique d'égalisation des conditions de concurrence entre pays et entre modes de transport ;

- enfin, s'assurer d'un financement cohérent et suffisant pour la réalisation de ces grands travaux, dont le coût devra être adapté aux exigences croissantes des citoyens de l'Europe dans le domaine de la qualité des services, du respect de l'environnement et de la garantie de la meilleure sécurité possible.

EXAMEN EN DELEGATION

La délégation s'est réunie le mercredi 2 mai pour l'examen du présent rapport.

M. Hubert Haenel :

Peut-on dire qu'il y a une politique des transports digne de ce nom dans l'Union européenne ?

M. Jacques Oudin :

Je rappellerai simplement l'arrêt de 1985 de la Cour de justice des Communautés européennes, qui a constaté la carence des instances communautaires dans le domaine de la politique des transports. Certes, il y a eu quelques progrès depuis. Lors de la préparation du sommet d'Edimbourg, le lancement d'un grand emprunt européen pour financer les infrastructures avait été envisagé par Jacques Delors. Mais cette idée n'a pas été retenue, et le taux de participation de la Communauté se limite à 10 % du coût des projets.

Le système de transport européen reste encore excessivement cloisonné, et la baisse du fret ferroviaire est dommageable. Mais tout espoir n'est pas perdu, si l'on se donne une bonne programmation et les financements nécessaires.

M. Daniel Hoeffel :

Je crois également que le lancement d'un grand emprunt serait un signe fort de volontarisme, en ce qui concerne les infrastructures de transport européennes.

Vous avez évoqué surtout les transports routier et ferroviaire, mais le transport fluvial est aussi cité à deux reprises dans votre rapport écrit. Lorsque vous avancez que la part de trafic de la voie d'eau est marginale, c'est vrai pour la France. Mais cette part devient plus importante à mesure que l'on va vers l'Est. En ce qui concerne la fragmentation de l'espace européen des transports, il faut penser aussi à rompre les barrières entre bassins fluviaux car je crois en l'avenir du transport fluvial, compte tenu de ses avantages environnementaux.

M. Aymeri de Montesquiou :

Je me demande si le coût de la modernisation du réseau de chemin de fer ne serait pas inférieur à celui du gâchis généré par son obsolescence. A votre connaissance, existe-t-il un projet d'harmonisation de l'écartement des rails entre l'Espagne et le reste de l'Europe ?

M. Maurice Blin :

Le déclin du transport ferroviaire est-il commun à tous les Etats membres, ou est-il plus marqué dans certains d'entre eux ?

C'est un fait certain que l'explosion du transport routier va être insupportable pour l'environnement et conduire à un engorgement définitif des routes européennes. Comment se fait-il que les responsable nationaux et communautaires ne soient pas plus sensibles à ce vaste problème ? Il faut lancer un message d'alerte en direction de l'opinion.

M. Robert Badinter :

Alors que le transport est une question clef pour l'Europe, sa situation actuelle est lamentable. Nous sommes face à des évidences : les transports routier et aérien arrivent à saturation ; le transport ferroviaire est supérieur en termes d'environnement, de fiabilité et de rapidité. Mais, en dépit de ces constats, rien ne se passe.

Je me souviens du montage financier du projet Eurotunnel, dont j'ai eu à connaître à l'époque. Comme d'habitude pour ce genre de projet, le coût à l'arrivée a été sans rapport avec les estimations initiales. Dans le plan de financement, le montant des intérêts cumulés ne peut être couvert par les bénéfices à moyen terme. L'énormité de l'investissement de départ ne permet pas un financement privé.

La solution consiste à dissocier l'infrastructure de l'exploitation : on a alors une concession rentable et un financement de l'infrastructure à très long terme. C'est d'ailleurs ce qui a été fait finalement, au détriment des actionnaires initiaux d'Eurotunnel. Je suis donc favorable à des emprunts européens à long terme pour les infrastructures de transport, associés à des concessions d'exploitation. La situation actuelle des transports en Europe est désastreuse et ne pourra pas continuer.

M. Emmanuel Hamel :

Il me semble opportun d'affirmer plus clairement dans la conclusion du rapport la nécessité absolue de freiner le transport routier et de développer le transport ferroviaire.

M. Jacques Oudin :

Attention, je n'ai pas dit qu'il faut réduire le transport routier, car je crois que c'est impossible. Chaque mode a ses qualités et ses limites. Ainsi, le transport fluvial a des limites géographiques. Il est lent, mais fiable. Je regrette que la France ait renoncé à s'intégrer au réseau fluvial d'Europe centrale, en abandonnant les projets de liaison Rhin-Rhône, Seine Nord et Seine Est. Les investissements nécessaires étaient de l'ordre de 40 milliards de francs pour Rhin Rhône, et de 20 milliards de francs pour Seine Nord. Je ne les qualifierais pas de colossaux.

A l'évidence, le gâchis ferroviaire a un coût supérieur à celui de la mise à niveau de ce mode de transport. Quant à l'écartement des rails en Espagne, ce n'est qu'un exemple d'une absence d'harmonisation technique plus générale. Ainsi, je rappellerai qu'il existe cinq systèmes électriques différents sur le réseau ferroviaire européen.

La réforme du système ferroviaire est nécessaire, mais difficile. A la SNCF, de même que le plan Bergounioux a été retiré en 1995, le plan Gallois vient d'être « suspendu ». Mais cette difficulté n'est pas propre aux chemins de fer. Tous les modes de transport ont une structure corporatiste, qui leur permet, en cas de conflit social, de bloquer l'économie entière d'un pays.

La part du trafic ferroviaire va diminuant dans tous les pays au monde. On peut réagir, mais dans certaines limites. Ainsi, la Commission devrait se donner un simple objectif de stabilisation des parts modales à leur niveau actuel.

Je suis d'accord avec l'analyse de Robert Badinter. Il faut séparer l'infrastructure de l'exploitation, si l'on vise la rentabilité. Ce n'est pas nouveau, si je m'en réfère au scandale de Panama qui, au début du siècle, a ruiné toutes les compagnies ferroviaires françaises, ou à la faillite des premières concessions autoroutières privées dans les années 1960. A l'inverse, je suis très étonné que la société du tunnel sous le Mont-Blanc, qui a fait des bénéfices pendant quinze ans, n'ait pas anticipé le besoin d'une nouvelle liaison transalpine.

Avec un effort inférieur à 1 % du PIB, la France n'a jamais aussi peu investi dans les infrastructures de transport. Alors que l'on attend toujours la parution du Livre blanc, la politique européenne des transports apparaît en retard, tant en matière de financement qu'en matière d'harmonisation.

A l'issue du débat, la délégation a adopté, à l'unanimité, le rapport qui a été publié sous le numéro 300 (2000-2001) et qui est disponible sur Internet à l'adresse suivante : www.senat.fr/europe/rap.html

A N N E X E SANNEXE I

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

M. Laurent AMAR , chargé de la politique de l'environnement à la Représentation permanente de la France à Bruxelles

M. Michel AYRAL , directeur du transport aérien à la DG Energie et transports

M. Michel BARNIER , commissaire européen chargé de la politique régionale

M. Detlev BOEING , chargé du chapitre « Transports » à la DG Elargissement

M. Alfonso GONZALEZ FINAT, chef de l'unité « Gestion des projets RTE » à la DG Energie et transports

M. Heinz HILBRECHT , directeur du transport terrestre à la DG Energie et transports

Mme Georgette LALIS , directeur du transport maritime à la DG Energie et transports

M. François LAMOUREUX , directeur général de l'Energie et des transports

M. José PAPI , chef de bureau à l' European Road Transport Federation

M. John-Hugh REES, chef de l'unité « Economie sectorielle » à la DG Energie et transports

M. Alfonso RICIGLIANO MATTERA, directeur de la politique des marchés publics à la DG Marché intérieur

M. Marc STRAUSS , chargé de la politique des transports à la Représentation permanente de la France à Bruxelles

M. Gaetano TESTA, directeur de la politique des transports au Secrétariat général du Conseil

ANNEXE II

CHRONOLOGIE

1957

Traité de Rome, article 75, paragraphe 1 : instauration d'une politique commune des transports.

1961

Mémorandum - non adopté par le Conseil - de la Commission européenne, qui souligne l'intérêt d'une double harmonisation, de la concurrence entre les Etats et de la concurrence entre les modes de transport.

1962

Adoption du programme d'actions qui institue les cinq grands principes de la politique commune des transports.

1973 et 1977

Communications de la Commission : tableau alarmant de l'état des infrastructures de transport.

1983

Mémorandum de la Commission européenne « Progrès sur la voie d'une politique commune des transports » : rappel des grands principes.

1985

Un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes condamne la carence du Conseil.

1986

Acte unique européen : passage de l'unanimité à la majorité qualifiée pour la politique des transports.

1992

Traité de Maastricht : article 154 relatif au réseau transeuropéen.

1992

Premier Livre blanc de la Commission européenne « sur le développement futur de la politique commune des transports ».

1994

Conseil européen d'Essen : définition des quatorze projets prioritaires en matière de réseau transeuropéen.

1995

Programme d'action 1995-2000 de la Commission.

1996

Décision du Parlement européen et du Conseil des ministres sur les orientations communautaires pour le développement du réseau transeuropéen de transports.

2001

Deuxième Livre blanc sur la politique commune des transports (à paraître).

* (1) Le coût marginal reflète le coût d'un véhicule ou d'une unité de transport supplémentaire utilisant l'infrastructure. Il se distingue du coût moyen, obtenu en divisant les coûts totaux de l'infrastructure par le nombre de véhicules ou d'unités de transport. Le coût marginal est dit « social » lorsqu'il intègre les coûts externes (encombrements, pollution, accidents).

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