N° 267
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 5 avril 2001 Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 avril 2001 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale ,
Par M. Claude HURIET,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Jean-Yves Autexier, Paul Blanc, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Alain Hethener, Claude Huriet, André Jourdain, Roger Lagorsse, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jacques Machet, Max Marest, Georges Mouly, Roland Muzeau, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.
Santé publique. Recherche. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Plus de dix ans après son adoption, les apports de la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales ne sont plus contestés. De l'avis général, cette loi a permis d'organiser une activité jusque-là mal encadrée et néanmoins indispensable aux progrès médicaux.
Ce texte était d'autant plus nécessaire qu'il existait auparavant une contradiction entre, d'une part, la réglementation de la procédure d'autorisation de mise sur le marché d'un médicament -les directives européennes imposant la mise en oeuvre d'essais thérapeutiques sur le volontaire sain- et, d'autre part, la loi qui interdit de porter atteinte à l'intégrité de la personne. Des médecins se livrant à de telles recherches pouvaient en effet voir engagée leur responsabilité civile et pénale sur la base des articles 309 (coups et blessures) ou 318 de l'ancien code pénal 1 ( * ) qui réprime la délivrance volontaire de substance qui " sans être de nature à donner la mort, sont nuisibles à la santé ", lorsqu'elles occasionnent à autrui " une maladie ou une incapacité de travail personnel " 2 ( * ) .
Dans ces conditions, l'absence de dispositions précises concernant l'organisation de la recherche biomédicale ne garantissait ni la sécurité des personnes, ni le niveau de responsabilité des promoteurs et investigateurs. Comme cela a pu être écrit : " jusqu'en 1988 la recherche clinique se pratiquait en France de manière " sauvage ", sous la seule responsabilité des médecins investigateurs, sans cadre normatif et le plus souvent sans l'accord explicite des personnes participant à ces recherches ". 3 ( * )
Instaurant un cadre clair et précis pour la recherche biomédicale, le législateur a placé le respect et la protection de la personne au coeur de ses préoccupations. En témoignent l'appréciation du bénéfice-risque, les prérequis, la nécessité de l'information et du consentement " libre, éclairé et exprès " ainsi que l'encadrement spécifique des recherches lorsque la personne qui s'y prête n'en tire aucun bénéfice direct.
Mais, ce faisant, la loi a également permis de renforcer la qualité scientifique des projets de recherche. Elle a d'ailleurs inspiré des textes législatifs et réglementaires au sein des autres pays de l'Union européenne et même au-delà. La directive du Parlement européen et du Conseil concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats-membres relatives à l'application de bonnes pratiques cliniques dans la conduite d'essais cliniques de médicaments à usage humain 4 ( * ) , adoptée le 26 février 2001, reprend également nombre de ses dispositions.
Les comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) sont chargés, de par la loi, d'émettre des avis sur les protocoles dont ils sont obligatoirement saisis. Ils sont " les piliers " sur lesquels repose une bonne application de la loi.
Pour autant, l'application de la loi du 20 décembre 1988 n'a pas été sans susciter des difficultés. Ainsi, le fonctionnement des 48 comités 5 ( * ) en activité début 2001 n'apparaît pas comme parfaitement homogène. La notion d'essais avec ou sans bénéfice direct fait l'objet d'interprétations différentes et le recueil du consentement apparaît parfois très difficile dans certaines circonstances pathologiques.
Il apparaît nécessaire aujourd'hui d'inventorier ces difficultés et de proposer des améliorations qui pourraient être débattues à l'occasion de la révision des lois dites de " bioéthique ".
C'est dans ce cadre que, lors de sa réunion du 9 mai 2000, la commission des Affaires sociales a confié à votre rapporteur la mission de réaliser une évaluation du fonctionnement des CCPPRB et de proposer éventuellement des améliorations 6 ( * ) .
Si les CCPPRB exercent leurs tâches convenablement malgré l'accroissement de leur charge de travail, il apparaît que leurs conditions de fonctionnement de même que l'exercice de la tutelle de l'administration doivent être revus dans le sens d'une meilleure efficacité.
I. LE RÔLE DES COMITÉS CONSULTATIFS DE PROTECTION DES PERSONNES DANS LA RECHERCHE BIOMÉDICALE
A. LA LOI : UN CADRE INDISPENSABLE POUR LA RECHERCHE BIOMÉDICALE
1. Un champ d'application très vaste
La loi n° 88-1188 du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales couvre un champ d'application très large. Sont en effet concernés tous les essais ou expérimentations pratiqués sur l'être humain, en vue du développement des connaissances biologiques et médicales. Modifiée sensiblement à deux reprises 7 ( * ) , elle introduit dans le code de la santé publique un nouveau livre II bis relatif aux personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales 8 ( * ) .
Les conditions dans lesquelles un protocole de recherche peut être engagé sont précisément définies ( article L. 209-2) . Aucune recherche biomédicale ne peut être effectuée sur l'être humain :
- si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante ;
- si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l'intérêt de ces personnes ;
- si elle ne vise pas à étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition.
Les conditions de la réalisation des protocoles sont en outre strictement réglementées (article L. 209-3) .
Les recherches biomédicales ne peuvent en effet être effectuées que :
- sous la direction et sous la surveillance d'un médecin justifiant d'une expérience appropriée ;
- dans des conditions matérielles et techniques adaptées à l'essai et compatibles avec les impératifs de rigueur scientifique et de sécurité des personnes qui se prêtent à ces recherches.
Des conditions plus restrictives ( cf. 2 ci-dessous ) sont posées pour les femmes enceintes ( art. L. 209-4 ), les personnes privées de liberté et les malades ne pouvant donner leur consentement ( art. L. 209-5 ) ainsi que pour les mineurs et les majeurs protégés ( art. L. 209-6 ).
Le promoteur, c'est-à-dire " la personne physique ou morale qui prend l'initiative d'une recherche biomédicale sur l'être humain " 9 ( * ) doit assurer l'indemnisation des conséquences dommageables de la recherche pour la personne qui s'y prête. Aussi, le promoteur doit-il souscrire une assurance garantissant sa responsabilité civile pouvant être engagée par ces recherches biomédicales.
Les règles à observer en matière de recueil du consentement sont précisées (art. L. 209-9) .
Préalablement à la réalisation d'une recherche biomédicale sur une personne, son consentement libre, éclairé et exprès doit être recueilli après que l'investigateur, c'est-à-dire " la ou les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche " 1 ou un médecin qui le représente, fait connaître à la personne :
- l'objectif de la recherche ;
- les bénéfices attendus, les contraintes et les risques prévisibles, y compris en cas d'arrêt de la recherche avant son terme ;
- l'avis du comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) ;
- et, le cas échéant, son inscription dans le fichier national prévu à l'article L. 209-17.
Quelques aménagements sont possibles pour les recherches en psychologie et dans les cas où, dans l'intérêt d'une personne malade, le diagnostic de sa maladie n'a pu lui être révélé.
Les informations communiquées doivent être résumées dans un document écrit remis à la personne dont le consentement est sollicité, ce consentement devant être recueilli par écrit.
Dans les situations d'urgence, le protocole présenté à l'avis du CCPPRB peut préciser que le consentement n'a pas été recherché et que seul a été sollicité celui des membres de sa famille, s'ils sont présents. L'intéressé est alors informé dès que possible et son consentement lui est demandé pour la poursuite éventuelle de la recherche.
Les différents acteurs de la recherche biomédicale Le promoteur Ce terme désigne la personne physique ou morale qui prend l'initiative d'une recherche biomédicale sur l'être humain. L' investigateur Ce terme désigne la ou les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche. La personne Elle se prête à la recherche biomédicale. Le comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) Il donne son avis sur les conditions de validité de la recherche au regard de la protection des personnes Le pharmacien de l'établissement où est effectuée la recherche Préalablement informé, il détient et dispense les produits, substances ou médicaments. Le directeur de l'établissement où est effectuée la recherche Préalablement informé, il signe une convention avec le promoteur. Le médecin inspecteur de la Santé Il veille au respect des dispositions de la loi. Le pharmacien inspecteur de la Santé Il veille au respect des dispositions de la loi. Il recherche et constate les infractions. Le ministre chargé de la Santé et les autorités administratives compétentes (ministère chargé de la Santé ou AFSSAPS) Le ministre agrée les CCPPRB. Les autorités administratives compétentes sont informées de la recherche et peuvent s'y opposer. |
* 1 Les dispositions de l'article 309 de l'ancien code pénal correspondent aux articles 222-11 à 222-13 du nouveau code pénal, tandis que celles de l'article 318 correspondent à l'article 222-15 du nouveau code pénal.
* 2 Voir à cet égard le rapport n° 307 du Sénat (1993-1994) fait au nom de la commission des Affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Claude Huriet et Franck Sérusclat tendant à réformer la loi n° 88-1138 du 20 décembre 1988 modifiée (par la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 et la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991), relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales, M. Claude Huriet, rapporteur, p. 11 et suivantes.
* 3 Cf. M. Funck-Brentano " Difficultés d'application des lois encadrant la recherche clinique en France ", La lettre du pharmacologue - volume 12 - n° 2 - Février 1998.
* 4 Voir annexe n° 12
* 5 Voir liste en annexe n° 4.
* 6 Voir travaux de la commission avant les annexes.
* 7 Une première fois par la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé. Une seconde fois par la loi n° 94-630 du 25 juillet 1994 modifiant le livre II bis du code de la santé publique relatif à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales.
* 8 Les références du présent rapport renvoient au code de la santé publique en vigueur au 15 juin 2000. Figure en annexe une table de concordance avec les articles du nouveau code de la santé publique publié par ordonnance n° 2000-548 en date du 15 juin 2000. Cette ordonnance a fait l'objet d'un projet de loi de ratification n° 461 (1999-2000) déposé sur le bureau du Sénat le 13 juillet 2000 qui n'a pas encore été examiné par le Parlement.
* 9 Selon les termes de l'article L. 209-1 du code de la santé publique.