D. LA MISE EN oeUVRE DE LA DIRECTIVE 91/271/CEE RELATIVE AU TRAITEMENT DES EAUX URBAINES RÉSIDUAIRES
13. Intervention de M. Pascal MAGOAROU, expert " Pollution des eaux " à la Commission européenne, en charge de la directive " Eaux résiduaires urbaines "
Trois directives européennes concernent spécifiquement la question des rejets industriels, agricoles et urbains. Une application satisfaisante de ces textes permettrait de régler la majorité des problèmes de pollution rencontrés en Europe. C'est pourquoi la Commission européenne s'attache actuellement à vérifier que ces directives sont correctement mises en oeuvre. Ma fonction m'amène à exercer ce contrôle pour la directive relative aux eaux résiduaires urbaines (ERU).
Cette directive, adoptée en 1991, demande aux Etats membres de veiller à ce que toutes les agglomérations de taille supérieure à 2.000 EH (équivalent-habitant) disposent de réseaux de collecte et de stations d'épuration. Ces installations devaient être achevées au 31 décembre 1998 pour les agglomérations de plus de 10 000 EH dont les rejets s'effectuent en zones sensibles. Deux autres échéances ont été fixées à fin 2000 et fin 2005 respectivement pour les agglomérations situées hors zones sensibles et pour les agglomérations plus petites.
La sensibilité du milieu récepteur est un point essentiel de cette directive, qui préfigure tout à fait les positions adoptées depuis, par la directive cadre. En effet, la directive ERU impose aux Etats membres de définir des objectifs environnementaux. Ce faisant, ils doivent identifier des zones sensibles sur lesquelles des traitements poussés des eaux usées devront être mis en place. Trois critères spécifiques peuvent permettre de classer une zone sensible : l'eutrophisation tout d'abord, c'est-à-dire le développement accéléré d'algues qui entraînent de nombreuses perturbations, la présence de nitrates dans des eaux destinées à la potabilisation et la nécessité d'un traitement complémentaire en vue de satisfaire d'autres directives.
L'eutrophisation connaît un certain recul en Europe, mais reste préoccupante dans les mers du Nord, Baltique et Adriatique et de manière ponctuelle en mer Méditerranée. Si les activités agricoles sont l'origine prépondérante de ce phénomène dans certains secteurs telle que la Bretagne, les rejets urbains d'eaux usées participent également largement à l'apparition de ces problèmes.
Pour appliquer la directive, les Etats membres ont conduit différents types de politique. Les Etats du nord de l'Europe, tels que la Suède, la Finlande, le Danemark, les Pays-Bas et le Luxembourg, ont décidé de mettre en oeuvre un traitement poussé des eaux usées sur l'ensemble de leur territoire. En revanche, les autres pays, plus au sud, n'ont choisi de le faire que sur les parties ponctuelles de leur territoire classées en zones sensibles.
La Commission a entrepris de vérifier que ces identifications répondaient convenablement aux exigences de la directive et aux objectifs environnementaux. En effet, cette première étape s'avère essentielle car elle conditionne les investissements ultérieurs et la protection du milieu naturel. En France, les zones sensibles ne concernent que 30 % de la population puisque la plupart des grandes villes échappent à cette identification et à la contrainte de traitement poussé. Par exemple, l'agglomération parisienne, bien qu'entourée de zones sensibles, n'a pas été identifiée comme telle. Ses rejets s'effectuent pourtant en Seine, dont la partie aval, et la baie en particulier, est sujette à une eutrophisation notoire. Outre une identification insuffisante des zones sensibles, la France se voit également reprocher une mauvaise lisibilité de ses objectifs, les zones polluées à protéger n'ayant pas été distinguées des bassins versants où les actions doivent être prises .
Globalement, les directives européennes vont permettre des améliorations importantes du milieu aquatique. Des efforts considérables ont effectivement été fournis. Les prévisions d'investissement par équivalent-habitant vont de 602 euros pour l'Allemagne à 112 euros pour la Grèce, la France se situant à 171 euros. Ces disparités s'expliquent notamment par la différence de définition des objectifs, l'état initial des équipements, le coût local de la main d'oeuvre ou la prise en compte des eaux pluviales dans les réseaux unitaires comme a choisi de le faire l'Allemagne, ce qui peut conduire à doubler, voire quadrupler, les volumes d'investissements nécessaires.
Malheureusement, les objectifs ne sont pas toujours fixés correctement et les retards par rapport aux échéances sont extrêmement fréquents. En cette fin d'année par exemple, toutes les villes importantes d'Europe devraient être munies de réseaux de collecte et de systèmes de traitement adéquats. Or de nombreux exemples européens démontrent le contraire : Bruxelles, Milan, Porto, Dijon, Aberdeen et bien d'autres grandes agglomérations ne sont munies d'aucun dispositif de traitement et rejettent directement leurs eaux usées au milieu naturel. D'autres agglomérations, telle que Marseille ou Lille, ne sont équipées que d'un traitement primaire. En France, seules 38 % des agglomérations concernées par l'échéance du 31/12/1998 étaient conformes aux exigences de la directive.