II. L'ENVIRONNEMENT CULTUREL ET ARTISTIQUE

A. LE RÔLE DES CENTRES DE COOPERATION CULTURELLE ET LINGUISTIQUE

On a rappelé ci-dessus le rôle des centres de coopération culturelle et linguistique pour la promotion du français en-dehors du système scolaire, et pour la formation des enseignants du français. Ces établissements ont été constitués à partir de 1995 en fusionnant des entités jusqu'alors indépendantes : centre ou instituts culturels et bureaux de coopération linguistique et éducative. Leur création a répondu au souci de rationaliser et d'unifier l'action de la France en ces domaines en élargissant les missions traditionnelles des centres culturels. Ils ont été dotés de l'autonomie financière, ce qui permet d'assouplir leur gestion et de faciliter la mobilisation de ressources extérieures.

La délégation de la commission a pu constater le dynamisme des CCL dans les trois pays visités, en matière de diffusion et de coopération culturelle et artistique, comme en matière d'information et de documentation sur la France, ainsi que l'effort effectué pour réaliser une convergence entre action culturelle et coopération linguistique et favoriser la réalisation de projets culturels appuyant la promotion du français. C'est ainsi largement sur les CCL que repose au Liban, en Syrie et en Jordanie, comme ailleurs, l'ambition de créer un environnement favorable à la francophonie.

Au-delà de ces observations de caractère général, les déplacements de la mission ont permis de constater le rôle très utile des organismes français sur certains terrains difficiles, et l'existence d'un vivier de bénévoles francophones et francophiles participant à l'animation de nos institutions. Dans la Bekaa comme à Damas, les centres culturels français sont ainsi des lieux de " respiration " et de rencontre pour des personnes qui ne connaîtraient vraisemblablement sans eux que l'enfermement ethnique et le désert culturel. Retenons à cet égard l'exemple du centre de Baalbek, mis gratuitement à disposition par l'évêché catholique sans que les chiites y aient fait objection, fréquenté librement par les jeunes de tous âges et de toutes confessions, largement animé par des bénévoles.

1. Liban

Particulièrement étoffé, le réseau culturel français s'articule, comme on l'a indiqué plus haut, autour de la Mission culturelle française de Beyrouth, des quatre CCL qui constituent ses antennes à Tripoli, Saïda, Deir El Kamar et Zahlé, et des quatre annexes de centres, situées à Tyr, Nabatieh Jounieh et Baalbek.

L'importance de cette couverture territoriale s'explique par la spécificité du Liban, fait de micro-régions largement marquées par le fait communautaire ; par le choix de favoriser l'accès des différentes communautés à la culture française ; par la place du Liban dans la francophonie et par l'ancienneté des liens de toutes sortes que nous avons avec cette terre.

Le réseau est animé par une trentaine d'agents expatriés, notamment deux attachés de coopération, un attaché de coopération linguistique et éducative, trois attachés linguistiques, plusieurs enseignants et coopérants, et des nationaux bénévoles que la délégation de la commission a vu agir, au Liban comme en Syrie et en Jordanie, avec un plaisir et une spontanéité que ne décourage pas la modestie des moyens disponibles.

Deux catégories d'actions sont à signaler :

• Dans le domaine du livre, une enveloppe budgétaire de 1,7 MF (1999) permet au poste de développer une politique du Livre prenant en compte l'importance et la qualité de la francophonie de ce pays.

Cette politique s'articule principalement sur la diffusion du livre français, l'aide aux librairies locales, la formation aux métiers du livre et comporte un engagement particulier en faveur de l'édition libanaise en langues française et arabe dans le cadre du programme Georges Shéhadé de " Participation à la Publication Locale ", qui a permis la publication à Beyrouth de plus de 90 ouvrages français depuis 1990, notamment dans les domaines du droit et de la médecine.

Le Salon du Livre Français de Beyrouth " Lire en Français et en Musique " organisé par le Service Culturel et les grands libraires de la capitale libanaise, attire chaque année un public nombreux (plus de 100 000 personnes en moyenne). Le succès considérable de cette manifestation, y compris auprès des écrivains, témoigne de la vivacité de la francophonie au Liban et de la bonne santé des importations de livres (le Liban se situe au deuxième rang des importateurs des pays arabes après le Maroc et au onzième rang pour l'ensemble du monde, avec une augmentation de 20,5 % en 4 ans).

• Dans le domaine artistique , la présence française au Liban passe par la présentation de spectacles et le montage d'expositions, et s'est davantage orientée depuis 1997 vers des coréalisations franco-libanaises et vers la mise en place d'ateliers de formation de jeunes professionnels (danse, musique, théâtre).

Un entretien avec M. Mohamed Youssef Beydoun, ministre de la culture et de l'éducation, a permis à la délégation de constater que les autorités libanaises souhaitaient l'appui de la France à la reconstitution de la bibliothèque nationale, qui dispose d'un très grand nombre d'ouvrages en français et qui a gravement souffert de la guerre. Le rôle de Beyrouth comme imprimerie du monde arabe, avec la présence d'un fort potentiel de traducteurs à partir duquel pourrait être accentuée la politique de traduction, a aussi été souligné. Parmi les projets culturels en cours, ont été enfin évoqués l'aménagement de la cinémathèque nationale et le financement du musée national d'art plastique.

2. Syrie

La France dispose en Syrie du Centre culturel français de Damas et de l'Agence culturelle et de coopération éducative d'Alep, intégrée à la Chancellerie détachée de cette ville.

La délégation de la commission a visité et tenu une réunion de travail au centre culturel de Damas, dont les locaux modernes et spacieux constituent un outil manifestement utile au rayonnement de la culture française en Syrie.

En ce qui concerne la partie culturelle de ses activités, le centre organise des manifestations, la plupart du temps en collaboration avec le ministère syrien de la culture, qui couvrent les principaux domaines de la vie artistique française et syrienne : peinture ; accueil d'artistes français en résidence ; théâtre (il convient de noter en ce qui concerne le théâtre, très vivant en Syrie, l'existence de formations d'acteurs ou de techniciens du spectacle grâce à un programme de bourses) ; danse contemporaine ; conférences données par des intervenants syriens de haut niveau ; musique (avec ici aussi un programme de bourses et de missions insistant sur la formation d'orchestre) ; arts plastiques ; cinéma (grâce à l'utilisation du stock de films disponible auprès du poste d'Amman).

Des actions sont menées par ailleurs dans le domaine de l'écrit et du livre : participation à la foire du livre de Damas, bureau d'aide à la traduction (en collaboration avec le bureau du Caire), missions d'écrivains.

3. Jordanie

Le Centre culturel et de coopération linguistique d'Amman offre au public jordanien un aperçu de la création artistique française.

La salle d'exposition accueille chaque mois un artiste et ses oeuvres, il s'agit aussi bien de jeunes créateurs jordaniens que des nouvelles tendances de l'art contemporain français. Des rencontres peuvent être organisées entre artistes des deux nationalités pour présenter leurs oeuvres communes.

Des films hebdomadaires sous-titrés en arabe sur un thème commun sont projetés en 16 mm.

Des conférences servent par ailleurs de relais d'information à la recherche française et francophone, et permettent à l'IFAPO, au CERMOC, ou aux départements francophones des universités jordaniennes de présenter leurs travaux.

Des soirées à thème réunissent Français et Jordaniens pour les fêtes de fin de session de cours, pour les finales sportives retransmises sur les chaînes francophones (TV5 et CFI) ou encore pour les soirées d'élection...

Toutes ces manifestations sont gratuites et ouvertes à tous.

Les manifestations culturelles organisées dans différents endroits de la capitale sont aussi l'occasion de collaborations avec différentes institutions locales comme le Centre culturel royal.

Des spectacles variés sont aussi présenté dans ces différents cadres : théâtre, danse classique ou contemporaine, musique française dans sa diversité, le cinéma avec une participation à la semaine du cinéma français, au festival du cinéma européen et au festival du film franco-arabe.

Dans la mesure du possible, certaines activités du C.C.C.L. sont présentées dans d'autres villes importantes de Jordanie telles Irbik ou Aqaba.

B. LE MÉCÉNAT CULTUREL PRIVÉ

L'accueil de la délégation de la commission à Saïda par Mme Bahia Hariri, présidente de la commission de la culture et de l'éducation de la chambre des députés du Liban, a permis de prendre la mesure du concours que les institutions privées sont en mesure d'apporter au développement des relations culturelles entre la France et les pays du Moyen-Orient.

A cette occasion, Mme Hariri a présenté les manifestations culturelles et artistiques organisées à Saïda sous l'égide de la fondation Hariri aux termes d'un protocole d'accord conclu avec le gouvernement français. Cette initiative a débouché sur l'organisation des " Rencontres du Khan " dans le cadre du Khan el-Franj de Saïda, remarquable édifice construit au XVIIè siècle pour développer le commerce avec l'Occident. C'est à un " commerce " intellectuel et culturel qu'est désormais voué cet espace historique ouvert aux activités locales et étrangères, en particulier franco-libanaises...

La réunion de Saïda a en outre montré l'ampleur potentielle de la coopération entre les collectivités locales et le mécénat privé en vue du développement des relations culturelles franco-libanaises.

C. PRÉSENCE FRANCOPHONE ET COOPÉRATION TECHNIQUE

En dehors du champ culturel, les actions menées en matière de coopération technique contribuent largement à la vitalité de l'environnement francophone dans les trois pays visités par la délégation de la commission.

• C'est le cas au Liban, dans le domaine de la jeunesse et des sports , où se développe une coopération dynamique fondée sur un accord conclu en janvier 1995 à Beyrouth par Mme Alliot-Marie et le ministre libanais de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Cet accord a donné lieu à l'organisation de plusieurs sous-commissions franco-libanaises dont la dernière, tenue en novembre 1998, a permis de retenir comme priorité la formation de formateurs libanais dans le domaine de l'animation, le lancement d'actions de coopération en faveur d'activités socio-culturelles et, dans le domaine du sport, la poursuite de l'appui apporté par la France aux fédérations libanaises et aux sportifs appelés à concourir au niveau international dans un grand nombre de disciplines.

Une politique de coopération est aussi conduite en direction de l'administration publique , privilégiant la formation (administration économique et financière, services de police et de sécurité). La création d'un institut supérieur d'administration publique pour la formation de hauts fonctionnaires libanais est à porter au crédit de cette politique.

Dans le même esprit, la coopération dans le domaine de la justice a porté jusqu'à présent essentiellement sur la formation de magistrats (convention avec l'ENM de Bordeaux, stages en France) et de conseillers d'Etat libanais (dans le cadre d'une coopération avec le Conseil d'Etat). On peut aussi signaler la participation à des séminaires de formation sur la lutte contre la corruption, l'administration pénitentiaire et la médecine légale. De nouvelles actions devraient être mises en oeuvre pour répondre aux besoins exprimés par nos partenaires libanais (réformes du ministère de la justice et du Conseil supérieur de la magistrature, mise en place de l'administration pénitentiaire, méthodologie pour les magistrats de la Cour de cassation).

• En direction de la Syrie, il convient de citer la relance récente d'une coopération institutionnelle visant à aider l'administration syrienne à former ses cadres et à se moderniser, un programme vise à développer en France, en Syrie ainsi qu'au Liban (à l'ESA) des formations pour responsables des ministères et administrations syriens dans les domaines suivants :

- élaboration du budget de l'Etat,

- calcul de la dette publique extérieur,

- automatisation des opérations douanières,

- perfectionnement des hauts fonctionnaires (stages à l'IIAP et à l'ENA).

Un projet sur financement européen d'Ecole de gestion à Damas a en revanche peu progressé. Plusieurs consortium européens sont constitués pour répondre à l'appel d'offres. L'un deux regroupe HEC et l'Ecole Bocconi. La convention cadre est toujours en négociation avec la Commission européenne.

La France développe aussi sa présence dans le domaine de la santé, qui est l'un de ses secteurs d'excellence en Syrie : nous soutenons des formations en France de spécialités de médecins civils et militaires en cancérologie, cardiologie et chirurgie infantile.

Il faut citer enfin, dans le domaine du patrimoine, notre coopération pour l'étude et la conservation de la citadelle de Damas, en collaboration avec l'UNESCO et le Centre d'ingénierie pour l'archéologie et l'environnement du Caire.

• En ce qui concerne enfin la Jordanie, on notera la participation de la France à des programmes dans le domaine de la formation hôtelière et dans celui du tourisme culturel.

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