IV. LES POLITIQUES MODALES SONT AUJOURD'HUI INADAPTÉES
A. LE SECTEUR ROUTIER : L'AIDE EFFECTIVE DES COLLECTIVITÉS LOCALES ET DE FORTES INTERROGATIONS SUR LA POURSUITE DE L'EFFORT NATIONAL
Le secteur routier concédé est, avec le secteur aérien, le seul secteur financièrement équilibré puisqu'il peut être soumis à une tarification au coût complet. Comme on l'a vu, il apporte également des contributions importantes au budget de l'Etat, notamment par la fiscalité.
Cependant, l'investissement en infrastructures routières et autoroutières souffre de l'incohérence de la politique actuelle.
S'agissant des autoroutes concédées, la renonciation à la procédure de l'adossement freine l'investissement. La nouvelle procédure de mise en concurrence entraîne un très net ralentissement des investissements.
S'agissant du secteur routier non concédé, c'est la faiblesse des moyens de l'Etat qui explique le faible investissement. Les crédits d'entretien et d'exploitation de la route ne sont pas à la hauteur de la conservation du patrimoine routier.
Enfin, seules les collectivités locales accroissent leur effort financier dans le cadre des contrats de plan. Mais cet effort ne permet pas de palier les insuffisances de la politique nationale, prise entre un discours de " pénalisation " de la route et la réalité de l'augmentation des trafics.
Selon les projections du ministère de l'équipement, des transports et du logement, le niveau d'investissement public souhaitable sur le réseau routier non concédé à l'horizon 2015-2020 peut être globalement évalué à 269 milliards de francs, dont environ 120 milliards de francs pour le milieu urbain soit près de 45 % du total. Sur 20 ans, cela correspond à une enveloppe moyenne annuelle d'investissement sur le réseau non concédé de 13,5 milliards de francs. Sur la même période le niveau d'investissement relatif au réseau concédé a été estimé à 115 milliards de francs pour les autoroutes dont la concession n'était pas encore attribuée. Une vigilance s'impose donc sur la réalisation des investissements futurs.
1. Le secteur autoroutier concédé ou les risques liés à la fin de l'adossement
a) Une réforme financière très importante
Pour 2001, une nouvelle ligne est apparue dans le budget des transports, intitulée " subvention pour la construction d'autoroutes concédées ". Elle n'est pas dotée mais devrait, selon les informations du ministère, être abondée en cours d'année. Elle est en quelque sorte le symbole de la réforme du financement autoroutier.
Le gouvernement s'est en effet engagé dans la voie d'une modification profonde du financement de notre système autoroutier.
• Il a mis un terme à la procédure de l'adossement . Sa décision a été confortée par un avis du Conseil d'Etat le 16 septembre 1999, qui a conclu que les règles applicables à l'attribution des concessions faisaient désormais obstacle à ce que la réalisation d'une nouvelle section d'autoroute soit confiée à une société dont l'offre prévoit que l'équilibre financier de l'opération sera assuré par la prolongation de la durée d'une concession en cours concernant un autre ouvrage, la passation d'un nouveau contrat s'accompagnant alors de la conclusion d'un avenant au contrat en cause.
L'avis du Conseil d'Etat du 16 septembre 1999 Le Conseil d'Etat indique que " si, en vue de la concession de la construction et de l'exploitation d'un tronçon d'autoroute dont le trafic envisagé ne permet pas d'assurer la rentabilité, un candidat, déjà titulaire d'une concession, était admis à présenter une offre dont l'équilibre financier serait assuré par la prolongation de la durée de la concession initiale, alors que les autres candidats ne pourraient que réclamer une subvention de la part de l'autorité concédante, l'égalité entre candidats serait rompue, et seraient méconnues les dispositions susmentionnées (art 38 et 40 de la loi du 29 janvier 1993) , ainsi que l'article 3 de la directive n°93/37 CEE du Conseil du 14 juin 1993. " En outre, le Conseil d'Etat note que les dispositions de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 modifiée relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne permettent pas d'allonger la durée d'une concession pour des raisons étrangères à la durée normale d'amortissement des installations mises en oeuvre. La conclusion est donc que " la pratique actuelle de l'adossement consistant à financer le déficit d'une concession d'une section non rentable d'autoroute par la conclusion d'un avenant portant prolongation de la durée initiale d'une concession déjà attribuée et exploitée contrevient à un double titre aux dispositions précitées . " Cependant, le Conseil d'Etat note qu'en application de l'article 40 de la loi du 29 janvier 1993, la prolongation de la durée de la concession pour assurer la réalisation d'un équipement routier nouveau par la pratique de l'adossement peut avoir un caractère exceptionnel. Il faut que les investissements complémentaires non prévus au contrat constituent un accessoire de l'ouvrage initial, c'est-à-dire aient une dimension et un coût limités en comparaison avec ceux de l'ouvrage principal, et ne disposent pas d'une autonomie fonctionnelle propre. |
Par ailleurs, le Parlement a autorisé le gouvernement à prendre des ordonnances sur les points suivants :
- suppression de la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat aux sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes (SEMCA),
- réforme des comptes des sociétés et prorogation des durées des conventions de concessions conclues entre l'Etat et certaines sociétés concessionnaires.
Cette demande fait suite à un accord conclu avec la Commission européenne, sur l'initiative du gouvernement français. La commission européenne a fait savoir, par un communiqué de presse le 4 octobre 2000, qu'elle avait décidé d'autoriser l'allongement entre 12 et 15 ans des durées de 6 concessions :
- jusqu'en 2026 pour la société des autoroutes Esterel-Côte d'Azur, Provence, Alpes (ESCOTA),
- jusqu'en 2026 pour les sociétés d'autoroutes du Nord et de l'Est de la France (SANEF) et Paris-Normandie (SAPN),
- jusqu'en 2032 pour les sociétés des autoroutes du sud de la France (ASF), Paris-Rhin-Rhône (SAPRR) et Rhône-Alpes (AREA).
Ces allongements, qui entraînent un avantage financier pour les sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes constituent la contrepartie des autres mesures de la réforme, notamment la suppression des engagements de reprise de passif par l'Etat inscrits dans les contrats de concessions des SEMCA, la suppression du régime des charges différées et de l'alignement de leurs pratiques comptables sur le droit commun.
b) Une réforme encore très floue
Au-delà de cet accord obtenu auprès de la Commission européenne, l'objectif du gouvernement est de prendre appui sur la réforme des SEMCA pour obtenir de ces sociétés des résultats d'exploitation bénéficiaires constituant de nouvelles ressources pour l'Etat et permettre, notamment, mais pas essentiellement, de financer le développement du réseau autoroutier.
D'après l'exposé des motifs de l'avant-projet d'ordonnance rédigé par le gouvernement, les dividendes " constitueront une ressource nouvelle affectée au financement des infrastructures de transport et pourront participer ainsi au rééquilibrage intermodal : ils permettront de contribuer au versement des subventions publiques éventuellement nécessaires à de nouvelles sections autoroutières concédées ; ils pourront aussi financer une programme prioritaire de réhabilitation du patrimoine routier national, notamment en agglomération et en zone périurbaine ; ils pourront enfin être affectés à la politique intermodale des transports. "
Ainsi, l'utilisation des dividendes des sociétés d'autoroutes au financement du développement de la politique autoroutière ne devrait être qu'une possibilité parmi d'autres, et sans doute pas, d'après l'exposé général de l'avant-projet d'ordonnance du gouvernement, la priorité. Les dividendes des sociétés d'autoroutes seront plutôt utilisés dans un objectif de péréquation entre modes que de péréquation à l'intérieur d'un même mode, comme c'était le cas pour l'adossement.
Les orientations de la politique des transports ont été réaffirmées lors du CIADT du 18 mai 2000 et visent à la fois un rééquilibrage modal de l'offre de transport et la régulation de la demande. Le rééquilibrage se traduira par une priorité accordée au fret ferroviaire et aux transports alternatifs à la route pour les transports interurbains.
Malgré l'insertion d'une nouvelle ligne budgétaire, le ministre de l'équipement, des transports et du logement a annoncé, lors de l'examen de son budget au Sénat le 1er décembre 2000, que cette ligne ne serait pas dotée en 2001, puisqu'aucune nouvelle liaison ne demandait à être financée.