5. Optimiser la durée et les coûts
Alors
que les opérateurs du cycle du combustible s'étaient mis dans une
impasse à la fin des années 80, en supposant acquis le
consentement des populations à l'enfouissement des déchets
radioactifs à haute activité et à vie longue, la loi du 30
décembre 1991 a permis de donner un temps de respiration et de
réflexion à la collectivité nationale pour choisir le
meilleur mode de gestion des déchets nucléaires.
Le laps de temps de 15 ans introduit pour pousser les recherches et informer le
public pourrait paraître, en première analyse, comme un temps
d'arrêt ou d'indécision prononcée, alors que certains pays
ont progressé rapidement dans la recherche et l'adoption d'une
organisation particulière de l'aval du cycle du combustible.
En réalité, il n'en est rien. L'unité de temps du
nucléaire, c'est le demi-siècle. Cette durée correspond
à la durée de vie probable des centrales nucléaires de la
première génération. C'est le temps qu'il aura fallu
attendre entre la conception des premiers réacteurs à eau
pressurisée et la mise au point du réacteur européen du
futur EPR.
A l'intérieur de l'étape de 15 ans fixée par la loi de
1991, des progrès considérables ont déjà
été faits non pas tellement sur la mise au point de solutions
opérationnelles que sur le recensement des enjeux, des
problématiques et sur la définition de l'approche qu'il faudra
retenir le moment venu.
Vos Rapporteurs estiment toutefois que le temps est venu
d'accélérer l'allure. Il convient d'optimiser l'intervalle de
temps qui nous sépare du rendez-vous de 2006 fixé par la loi.
Pour ce faire, les dates fondamentales des prochaines décennies doivent
être connues de tous. Le temps restant de 7 années doit être
utilisé à plein pour poser les problèmes fondamentaux. Un
recensement des dates clés est effectué dans la suite pour
contribuer à la transparence du futur.
Par ailleurs, une démarche novatrice doit être introduite dans le
domaine de l'aval du cycle.
Il fut un temps où, pour se rapprocher de l'indépendance
énergétique, le recours à l'énergie
nucléaire a été décidé dans l'urgence. Cette
situation est derrière nous. L'électricité
nucléaire, ressource nationale inespérée, a donné
à la France une marge de manoeuvre économique précieuse
pour la bonne tenue de son commerce extérieur. Aujourd'hui, l'ouverture
du marché de l'électricité oblige à un nouvel
effort de compétitivité l'électricien national. Il est
temps d'introduire avec un poids accru les raisonnements économiques
pour valider des choix techniques et industriels du nucléaire.
Les développements qui suivent ne constituent qu'une esquisse
d'ébauche de la démarche que vos Rapporteurs voudraient
développer dans une future étude.
5.1. les rendez-vous essentiels
L'avenir d'un outil industriel de la taille et de l'importance économique du nucléaire se prépare en anticipant de très loin - c'est-à-dire une dizaine d'années en avance - les évolutions nécessaires. La démarche de la loi de 1991 est progressive. Elle vise à préparer les décisions par la mise au point d'un corpus de connaissances et de méthodes qui permettront des décisions non seulement rationnelles mais aussi respectueuses des attentes souvent contradictoires de nos concitoyens. Il s'agit de se préparer à résoudre des problèmes incontournables comme la mise à disposition d'outils de recherche, l'éventuel renouvellement du parc nucléaire ou la saturation des entreposages.
la démarche progressive de la loi de 1991 :
La
démarche de la loi de 1991 est une démarche progressive voire
progressiste. La loi a recensé, avec l'aide des scientifiques,
l'ensemble des pistes de recherche susceptibles d'apporter une solution au
problème de la gestion des déchets radioactifs à haute
activité et à vie longue. La loi oblige ensuite la
collectivité à un effort programmé de recherche. Il s'agit
sans doute d'un exemple unique où la foi dans la recherche est inscrite
concrètement dans la loi.
L'esprit de la loi, vos Rapporteurs ne le répéteront jamais
assez, est de ne fermer aucune porte, y compris celle du stockage profond.
Cette dernière ne saurait désormais être
considérée comme la solution satisfaisante entre toutes. Au
contraire, c'est la solution de rattrapage dont il faut pouvoir disposer, au
cas où toutes les autres s'avéreraient trop coûteuses ou
trop aventureuses.
Vos Rapporteurs insistent sur le fait qu'au contraire de ce que quelques-uns
veulent laisser croire, rien ne démontre pour l'instant que le stockage
profond représente une solution obscurantiste, à laquelle on
opposerait les voies iréniques de la transmutation intégrale ou
du
" provisoire définitif ".
Mais pour vos Rapporteurs, se préoccuper des générations
futures ne signifie pas qu'il faut prendre des décisions
immédiates dès lors qu'elles ne seraient pas fondées. Il
ne s'agit pas non plus de ne rien faire et d'opter pour un immobilisme qui,
paradoxe, serait considéré avec plus de faveur qu'une
démarche responsable. Selon la formule classique, dans le domaine de la
gestion des déchets radioactifs à haute activité et
à vie longue comme dans toute activité humaine, l'avenir
s'inventera en marchant, c'est-à-dire au fur et à mesure des
échecs et des avancées des travaux menés, comme c'est le
cas en France, avec talent et détermination par des chercheurs et
ingénieurs dévoués à leur mission.