AUDITIONS PUBLIQUES DU JEUDI 28 MAI 1998
Présidence de M. Jean-Yves Le Déaut.
Table ronde IV : Information du consommateur
Etiquetage, traçabilité,
sécurité
alimentaireTABLE RONDE IV : INFORMATION DU CONSOMMATEUR, ETIQUETAGE,
TRAÇABILITE, SECURITE ALIMENTAIRE
M. le Président
-
Je vous remercie
d'être présents à cette heure matinale et je remercie les
intervenants de cette quatrième table ronde puisque, hier, nous avons eu
une table ronde sur :
- les enjeux agricoles,
- les enjeux en matière de recherche,
- la réglementation, l'expertise et le contrôle.
Nous avons également auditionné trois ministres
(Madame Lebranchu, Monsieur Le Pensec et Monsieur Kouchner)
et nous en auditionnerons deux ce soir : Monsieur Allègre et
Madame Voynet.
Nous avons souhaité avoir une table ronde sur l'information du
consommateur : étiquetage, traçabilité,
sécurité alimentaire.
C'est un des problèmes majeurs puisque, depuis un certain nombre de
mois, ce thème donne lieu à de grandes controverses sans que des
solutions ne se dégagent de façon nette et certaine.
Comme vous le savez une réglementation a été
édictée au niveau européen, mais n'a pas été
appliquée jusqu'à ces jours-ci, faute de précisions
concernant un certain nombre de définitions et parmi celles-ci la
fameuse notion d'équivalence en substance.
Cela a évolué avant-hier. Nous allons parler de ce
problème d'étiquetage avec la nouvelle réglementation qui
vient d'être édictée ; nous en avons
déjà parlé avec Madame Lebranchu hier soir.
Savoir s'il est nécessaire ou non d'étiqueter les aliments issus
des plantes transgéniques, suscite des prises de position
passionnées. Je reviens des Etats-Unis où j'ai discuté
avec les Américains qui y sont totalement opposés.
Aux Etats-Unis, il n'existe aucun étiquetage particulier dans la mesure
où, disent-ils, ces aliments sont considérés par la
Food and Drug Administration
comme semblables aux aliments classiques.
Un certain nombre de pays européens ont pris des initiatives comme les
Pays-Bas et la Grande-Bretagne et, à l'extérieur de l'Union
Européenne, la Confédération Helvétique.
L'étiquetage entraîne un autre problème qui a
été posé hier par l'intermédiaire de plusieurs
questions dans la salle. Il s'agit du problème de la
traçabilité qui semble difficile à mettre en oeuvre en
raison de la grande technicité des méthodes et de leur coût.
Nous devrons également nous prononcer sur l'existence ou non de seuils.
Cela a également fait partie du débat d'hier soir et semble
indispensable non pas pour rassurer, mais pour régler et
s'exonérer d'un certain nombre de problèmes juridiques qui se
sont déjà posés.
Nous aurons l'occasion de parler tout à l'heure du fait s'il faut ou non
un seuil si on veut éviter des difficultés importantes.
Se posera également la question de la mise en place de filières
séparées de production d'aliments avec le problème
- les associations de consommateurs m'ont saisi de cette question -
des coûts inhérents à ce type d'organisation surtout dans
les marchés de masse comme ceux des grands produits agricoles.
Voilà un certain nombre de questions posées, il y en aura
d'autres.
Je vous rappelle que pour les tables rondes, nous avons réussi à
fonctionner avec des questions que vous posiez. A partir du moment où en
tant que rapporteur, j'aurai posé un certain nombre de questions, je
donnerai la parole à la salle.
Je vous présente les intervenants. Sur votre droite, c'est-à-dire
à ma gauche, vous avez :
- Monsieur Eric-Marie Boullet, directeur des relations
extérieures de Nestlé France, il nous dira comment se passe
l'étiquetage dans le groupe ; vous nous avez annoncé dans
les auditions un produit Findus dont vous nous parlerez ;
- Monsieur Didier Marteau, secrétaire
général adjoint de la FNSEA qui suit le dossier OGM ; nous
avons eu l'occasion de le rencontrer à l'Office également dans le
cadre des auditions ;
- Madame Nicole Zylbermann, chef du bureau
"Sécurité" à la DGCCRF, à la consommation et
à la répression des fraudes ; elle a également
été auditionnée et nous indiquera quel est le point en
matière de réglementation aujourd'hui ;
- Monsieur Michel Edouard-Leclerc, co-président des
centres distributeurs Edouard Leclerc ;
- Madame Marie-José Nicoli, présidente de l'UFC
Que Choisir
;
- Monsieur Jean-François Molle, directeur
général de la Sécurité alimentaire, de la
réglementation et de l'environnement du Groupe Danone.
La règle du jeu, Mesdames, Messieurs, est claire. Pour que le
débat puisse avoir lieu, il faut absolument vous limiter à cinq
minutes de présentation. Ce sont des contraintes parlementaires, mais on
peut dire beaucoup de choses en cinq minutes.
Vous aurez de nouveau la parole, il ne faut donc pas vouloir tout dire dans un
premier temps. Cinq minutes de présentation initiale, après il y
aura des questions et vous pourrez vous exprimer à nouveau.
Qui ouvre le feu ?
Madame Nicoli, je vous donne une minute de plus puisque vous avez
accepté de commencer.
Mme Nicoli
-
Simplement, je crois que la position
de l'UFC est une position de bon sens.
Il est normal aujourd'hui avec tout ce qui se passe dans l'actualité du
point de vue alimentaire ou même des dossiers concernant directement
notre santé, de vouloir être rassuré,
protégé, défendu et informé.
En préliminaire, je dirai que l'UFC n'est a priori pas
opposée aux OGM. Nous avons l'habitude depuis 40 ans de travailler
et de voir évoluer toutes les nouvelles technologies, nous pensons que
l'agriculture doit aussi en profiter sauf que cela concerne directement
l'alimentation.
L'alimentation est quand même un acte banal et quotidien qui, dans la
mesure où il est soumis au libre choix des consommateurs, demande
à être encadré très en amont pour que ce produit
arrive sur le marché comme un produit sûr.
Le problème aujourd'hui pour les consommateurs, en tout cas pour l'UFC
qui ne se place ni d'un point de vue éthique ni d'un point de vue
philosophique, est d'obtenir un maximum d'information et une bonne
traçabilité pour exercer nos droits fondamentaux que nous
revendiquons depuis 1962 : ce sont des droits à l'information et au
libre choix.
Je crois que ceci doit être défendu par tout le monde. Même
lorsqu'on a une fonction différente dans la société, si on
est industriel, ou autre, on doit défendre le droit, le libre choix de
pouvoir prendre dans un magasin l'aliment que l'on veut et ne pas laisser
à d'autres le choix de décider ce qui est bon pour nous ou pas.
Ce libre choix est important et l'étiquetage qui va avec est
également extrêmement important.
L'étiquetage peut paraître comme une demande primaire de la part
du consommateur, mais c'est la précaution que l'on doit avoir si, dans
dix ans par exemple, des maladies se déclarent et qu'il faut faire des
recherches sur les causes.
Nous savons aujourd'hui que l'alimentation, les mauvaises habitudes
alimentaires sont parfois la cause d'un certain nombre de maladies. Il faut que
l'on puisse retrouver et tracer le produit jusqu'à son origine pour
pouvoir rechercher si c'est une des causes des maladies qui viendront dans les
années à venir.
En ce qui concerne les outils à mettre en place, en premier je crois que
c'est le principe de précaution.
Le doute doit évidemment être favorable au consommateur et un
industriel n'a pas le droit de mettre sur le marché un produit s'il y a
un doute au niveau de la sécurité.
On a parlé de traçabilité. De celle-ci, on peut dire
aujourd'hui que le débat sur l'ADN, sur les protéines, ne nous
convient pas complètement. Nous pensons que la traçabilité
doit se faire de manière croisée, en priorité avec des
éléments comptables.
Lorsque le fisc a envie de remonter et d'épingler tout le monde, il
reprend tous les éléments comptables des différents
opérateurs. Dans une filière les opérateurs se
succèdent, ils ont entre eux des factures, des documents qui permettent
de remonter à la source.
Nous demandons que l'on puisse tracer le produit jusqu'à son origine.
Actuellement, dans la décision qui a été prise mardi par
le Conseil des Ministres, il y a un point positif, c'est-à-dire le
"peut contenir"
qui est écarté.
Mais contient ou ne contient pas, aujourd'hui on en est au même
point : on n'a toujours rien comme réglementation et on a un
marché qui nous a rattrapé. Nous savons tous que tous les jours
les animaux d'élevage mangent des tourteaux de soja transgénique.
C'est évident car nous sommes consommateurs en priorité et en
majorité de soja transgénique venant des Etats-Unis en
particulier, donc d'importation.
En France il y a une culture d'à peu près 60 000 ha de
soja traditionnel et il serait intéressant de demander où va ce
soja traditionnel. 60 000 ha représentent quand même une
certaine quantité, où vont-ils ?
Vont-ils au biologique ? Vont-ils aux produits pour
bébé ? Vu le coût de cette filière, est-ce
mélangé au reste du soja d'importation qui est du soja
transgénique ?
Aujourd'hui la réglementation ne nous sert pas à grand chose.
Même lorsqu'elle sera mise en application, nous nous rendrons compte que
peu de produits seront étiquetés car, pour l'instant, la
lécithine est un additif qui n'est pas concerné par la
réglementation.
On nous dit qu'il y aura une réglementation future. S'ils mettent autant
de temps pour la mettre en application que ce qu'ils ont fait jusqu'à
maintenant, nous en mangerons allègrement depuis longtemps.
Nous pouvons nous demander si l'objectif n'est pas tout de même de faire
en sorte qu'avec les produits transgéniques on mette le consommateur
devant le fait accompli ce qui est le cas aujourd'hui.
Cela paraît un peu dérisoire de demander une
traçabilité et un étiquetage, mais il est vrai aussi que,
dans les années à venir, nous allons avoir des produits
transgéniques de toute sorte.
Lorsqu'on aura vingt maïs avec des gènes marqueurs
différents ou par exemple un melon avec un gène marqueur à
base de poisson ou de crustacé, si vous êtes allergique aux
crustacés, aux poissons, vous ne penserez sûrement pas au melon si
jamais il faut faire des recherches ; il faut donc cette information.
Cette information peut passer par autre chose que de l'étiquetage, elle
peut passer par des banques de données alimentaires où on aurait
la composition complète des ingrédients d'un produit. Plus les
produits sont sophistiqués et industrialisés, plus ils
contiennent d'ingrédients différents qui ne pourront pas
être marqués sur un étiquetage.
Ce serait fait en respectant les formules pour la concurrence comme cela se
fait pour les centres antipoison. Ils ont toutes les formules des produits
dangereux, qui ne sont pas données au grand public. Mais lorsqu'un
enfant ou un adulte est agressé par un de ces produits, le centre
antipoison a la formule et peut immédiatement donner l'antidote pour
essayer de pallier au mieux les conséquences.
Aujourd'hui, en particulier en France, à l'heure actuelle un test a lieu
et l'UFC y sera très attentive, je l'ai dit plusieurs fois, il s'agit du
maïs.
En ce qui concerne le soja, je ne veux pas être pessimiste, mais il
relève de relations internationales et je pense que nous sommes
très faibles dans ces relations. Que ce soit l'Union Européenne
ou les états membres, nous subissons la pression et le "diktat" des
Américains.
Cela veut dire que le soja restera mélangé et que ce n'est pas
demain la veille que nous aurons des cargos avec des fèves de soja
triées. Ceci veut dire qu'il nous faudra faire avec.
Pour le maïs en revanche, il y a une récolte en train de pousser,
entre 1 000 et 5 000 ha, il faudra savoir exactement combien il
y en a. Si on multiplie par 6, cela veut dire entre 6 000 et
30 000 tonnes de maïs transgénique.
Où ira ce maïs ? Qui prendra la responsabilité
éventuelle de le mélanger au reste du maïs traditionnel ce
qui serait bien dommage ?
Si c'est le cas, l'UFC n'aura plus cette position relativement raisonnable que
nous avons jusqu'à maintenant où nous acceptons de discuter et de
rencontrer toutes les personnes de la filière.
Nous voulons que, pour ce maïs, on fasse un exemple et qu'on fasse une
filière à part. Parler d'étiquetage, de
traçabilité est tout à fait inutile et d'un ridicule
consommé si on n'a pas des filières différentes.
Si on n'a pas le choix entre des produits OGM et des produits non-OGM, à
quoi cela sert d'étiqueter et de tracer ? Cela ne sert strictement
à rien, on nous mène en bateau et, pour nous, cela n'a aucun
intérêt.
Avoir demain tous les produits à base de soja transgénique
marqués
soja transgénique
, cela nous fait une belle jambe,
on s'en moque éperdument si on n'a pas la possibilité d'avoir une
filière à part.
C'est en gros ce que je voulais vous dire.
M. le Président
-
Qui veut
réagir ?
M. Marteau
-
Pour l'agriculture il faut faire une
distinction entre l'amont et tout ce qui sera aval après l'utilisation
de nos produits.
En amont, nous n'avons pas de refus, d'a priori contre l'utilisation
d'OGM, même si nous émettons toutes les réserves d'usage
qui portent sur la sécurité pour la santé,
l'environnement. Il est important de le rappeler, même si cela
paraît évident.
D'autre part, en matière de recherche, il est important que la France et
même l'Europe, garde un certain potentiel pour que nous ne soyons pas
complètement dépendants de pays, voire de groupes, qui
aujourd'hui, on l'a vu encore depuis quinze jours, la monopolisent. Ceci nous
fait un peu peur et nous mettrait dans une position de dépendance
catastrophique.
C'est un deuxième point important sur lequel j'insiste et sur lequel
l'ensemble de la profession que je représente insiste également.
Le troisième point qui me permettra de faire le lien avec l'aval, est
l'exigence en matière de sécurité que nous plaçons
au niveau de la traçabilité. Il est facile de la réaliser
au niveau de l'agriculture, cela concerne des champs qui sont bien
identifiés.
Ce n'est pas seulement la volonté d'un seul secteur du maillon de la
chaîne, mais il faut essayer de trouver un consensus avec l'ensemble de
la filière. Depuis que j'ai la responsabilité de ce dossier, la
volonté est de trouver un consensus sur l'ensemble de la filière
avec l'ensemble des partenaires professionnels.
On parle souvent de "la fourche à la fourchette" et si je dis
fourchette, il s'agit des consommateurs. Il me semble important que nous
puissions avancer ensemble sur ce dossier et je salue le travail de
rapprochement fait au CNC. Même si tout n'a pas été
parfait, si on n'a pas obtenu l'accord total de l'ensemble des consommateurs,
il y a eu des avancées certaines et je voulais le saluer.
Pour me résumer et intervenir plutôt sur la partie filière
aval, il faut prendre acte des décisions de lundi et mardi et les
saluer. Même si elles ne sont pas parfaites, c'est une bonne
avancée qui marque une volonté des ministres de prendre leurs
responsabilités face aux propositions de la Commission qui ne
convenaient pas du tout.
C'est une bonne chose, cela va dans le bon sens, mais il ne faut pas
s'arrêter là, il faut continuer car il y a malheureusement encore
un certain nombre de points d'ombre.
Parmi les points positifs il y a le fait qu'une position a été
prise ce qui n'était pas évident. C'est aussi un peu un
succès démocratique car ce sont les politiques qui ont pris leurs
responsabilités.
Le contenu qui aurait été susceptible d'être retenu, ne l'a
pas été et il fallait le faire admettre par l'ensemble des
professionnels.
La dernière chose est qu'il y a la liste, mais je vais y revenir.
En revanche il y a des points d'ombre sur lesquels je vais peut-être
insister pour dire qu'il faut continuer à travailler.
Le premier point concerne les seuils. Dans la profession, étant les
premiers à l'avoir souhaité, tout le monde est d'accord sur le
fait qu'il faut essayer de se mettre d'accord sur un seuil. Aujourd'hui on
n'est pas encore capable de définir, d'établir ce seuil.
En tout cas il y a la volonté d'avoir un seuil qui permette d'"accepter
à la marge" les mélanges ou les pollutions, peut-être
même simplement des pollinisations. Ce seuil doit être
travaillé, il est souhaité par tous de façon à
arriver à une solution raisonnée, raisonnable.
La pire des choses serait de refuser ce seuil car cela obligerait tout le monde
à marquer et donc à banaliser les produits OGM, ce qui serait le
meilleur moyen d'enterrer le dossier.
Le deuxième point est l'intention d'éviter toute distorsion de
concurrence. Aujourd'hui il n'est pas question et nous insistons bien
là-dessus, qu'une position politique soit prise sur nos produits au
niveau national voire européen et que rien ne soit fait sur les produits
importés.
J'insiste beaucoup là-dessus, nous devons être traités
à équivalence, on nous le rappelle assez souvent dans notre
réglementation à venir dans les politiques agricoles communes par
rapport aux politiques américaines. Ce dossier doit être un
exemple : pas de distorsion de concurrence, même
réglementation pour tout le monde !
Le troisième point porte sur le contenu de la liste.
Nous n'avons pas les produits, mais qu'il y ait une liste positive de choses
que nous marquons ou non est important, nous le saluons également.
Pour nous la traçabilité est importante, c'est une chance pour
nous, agriculture, pour toute la filière, de jouer la transparence et
notre volonté de communication de transparence par rapport au
consommateur et au citoyen.
Nous sommes capables de le faire, nous devons relever ce défi, la
profession en a bien pris acte. Pour nous la meilleure solution, la moins
coûteuse par rapport à des analyses d'un coût énorme,
c'est d'insister beaucoup sur la traçabilité.
Là aussi il faudra faire des progrès, des efforts, ce sera
peut-être un coût, mais en matière d'étiquetage et
d'information, car cela dépasse largement les OGM, c'est une bonne
chose. Et si cela peut être le moyen de l'imposer, ce sera parfait.
Le quatrième point est la mise en place d'une instance qui permette de
suivre au quotidien tous ces dossiers, toutes ces questions qui se poseront.
Madame Lebranchu en a parlé hier, elle a dit qu'elle était
d'accord pour le faire et la créer au niveau du CNC.
Peu importe où elle sera créée, le principal est que cette
instance soit mise en place et qu'elle permette d'étudier tout ce qui
touche à la traçabilité, l'étiquetage, etc.
Le cinquième point est de traiter une filière non-OGM comme il y
a aujourd'hui des filières biologiques ou autres.
Il faut que cela puisse être une niche à valorisation avec des
normes, un cahier des charges très strict qui puisse permettre de
traiter demain de façon bien identifiée les produits que certains
consommateurs souhaitent utiliser puisque sans OGM. Il faut donc que ce soit
une filière bien identifiée.
Pour en finir et essayer de respecter mes cinq minutes, je regretterai quand
même que si une réglementation "Nouveaux aliments" évolue,
il n'y ait rien en matière de réglementation concernant
l'alimentation animale.
Il nous paraît en effet aussi important que l'information soit faite pour
le consommateur que pour l'éleveur qui doit savoir demain ce qu'il
utilise.
S'il y a peut-être quelque réticence des agriculteurs
- Madame Nicoli a terminé là-dessus et il est vrai que
nous sommes plus près de 2 000 ha que de
5 000 ha semés en maïs - c'est peut-être
parce qu'il y a une pression énorme.
L'agriculteur, souvent accusé à tort comme hier sur la dioxine ou
avant-hier sur la vache folle, est très prudent aujourd'hui dans ce
qu'il fait, ce qu'il utilise et dans la façon dont il peut être
accusé demain alors qu'il n'en est pas responsable.
Merci de votre attention.
M. le Président
-
Monsieur Molle
a demandé la parole.
M. Molle
-
Je voudrais intervenir sur deux
points :
- la qualité du débat public d'abord,
- le lien entre traçabilité, filière et
étiquetage ensuite.
En ce qui concerne la qualité du débat public, même si,
aujourd'hui et grâce à ce genre d'initiative, nous progressons,
elle est très moyenne ce qui est dommage.
Nous avons deux exemples en Europe aux deux extrémités : la
Suisse et la Hollande.
Le débat public en Suisse en ce moment à quinze, dix jours du
vote est d'une qualité franchement mauvaise.
Les pour et les contre sont : d'un côté des menaces de
délocalisation, c'est-à-dire que si les citoyens ne votent pas en
faveur du génie génétique toute la recherche s'en va,
toutes les grandes industries s'en vont, c'est une sorte de chantage ;
de l'autre côté c'est : le génie
génétique donne en principe le cancer
généralisé, à peu de choses près.
C'est cela qu'il faut éviter. En France, nous sommes à peu
près au milieu. Nous avons encore des arguments éculés,
cela fait cinq ans que nous tournons autour de toutes ces histoires de noix du
Brésil, d'allergies, etc.
A l'autre bout, vous avez la Hollande qui, il y a trois ans, sans faire de
bruit, a commencé à avoir des groupes d'échanges entre
pouvoirs publics, industriels, associations de consommateurs, associations
écologistes. Finalement ils ont fait le tour des difficultés et
se sont mis d'accord sur une approche.
En France, je pense que nous sommes capables d'avoir des lieux où l'on
mette de l'intelligence de façon préventive dans des
débats qui seront forcément de plus en plus compliqués.
Nous l'avons déjà fait à une certaine époque,
à la fin des années 80, je pense à l'initiative sur le PVC
avec les associations écologistes, entre les minéraliers et les
producteurs de PVC. Même s'il y avait des problèmes avec le PVC,
nous avions abordé la réalité de ces problèmes.
Je crois qu'à l'avenir il est important dans notre secteur alimentaire
où le consommateur est inquiet, de mettre en place des lieux où
l'on pourra agir de façon préventive.
Ce n'est pas facile car lorsque le problème est froid, il
n'intéresse pas grand monde et lorsqu'il est chaud, que la crise est
là, tout ce que peuvent dire les différents partenaires du
débat est décrédibilisé. Il faut donc trouver un
équilibre entre les deux.
En ce qui concerne la traçabilité, la filière,
l'étiquetage, le génie génétique intervient dans
nos produits alimentaires à quatre niveaux. Dans l'ordre sinon
d'importance, mais de logique vous l'avez dans :
- la nourriture animale (tourteaux de soja,
corn gluten feed
),
- les enzymes alimentaires, la plupart d'entre eux sont produits de
façon exclusive à partir de micro-organismes modifiés
génétiquement,
- les ingrédients eux-mêmes, maïs et soja aujourd'hui,
- des produits eux-mêmes à très court terme, oui, il y
aura des melons modifiés génétiquement, etc.
La difficulté est que l'utilisation du génie
génétique est relativement inodore et sans saveur dans de
nombreux produits. Or le rêve du consommateur que l'on comprend bien
aujourd'hui, est qu'on l'informe sur l'origine des produits puisqu'il se
méfie du génie génétique.
Même si le résultat final est strictement identique, cela
impliquerait que nous ayons effectivement deux filières totalement
séparées depuis les champs, les étables, les fabricants
d'enzymes, les fabricants industriels et même les distributeurs.
Autrement dit, dans un point de vente vous auriez un quasi-doublement des
références ce qui devrait poser un certain nombre de
difficultés.
Nous pouvons obtenir ces deux industries alimentaires complètement
étanches entre elles, celle qui a recours au génie
génétique pour la nourriture animale, les enzymes, les
ingrédients et les produits, à ce moment-là c'est clair ce
sera une nourriture modifiée génétiquement alors que
l'autre sera totalement exempte de tout recours au génie
génétique.
Mais qu'arrivera-t-il si nous n'obtenons pas ces deux filières et que
nous n'arrivons pas à imposer aux Américains, ce qui est plus que
probable, la récolte séparée du soja ? Si je prends
le Groupe Danone, nous utilisons l'équivalent de 4 000 tonnes
de soja par an sur une production mondiale qui dépasse les
100 millions de tonnes. Nous pouvons monter sur la table et faire une
crise nerveuse, l'
American Soybean Association
risque d'être assez
impavide.
Nous n'obtiendrons donc effectivement pas cela ; à ce
moment-là, si nous voulons savoir jusqu'au dernier millionième de
base de gènes s'il y en a dans le produit final, que va-t-il se
passer ?
Nous en trouverons absolument partout. L'augmentation de la transparence
demandée légitimement par le consommateur, en l'état
actuel des choses, va malheureusement de pair avec une diminution du choix.
Devant l'imprécision des textes réglementaires en matière
d'étiquetage, d'une part pour ne pas se faire accuser de volonté
de cacher des choses alors que nous avons tout à fait confiance dans la
sécurité des produits et d'autre part comme il y a un principe de
liste négative sans qu'il n'y ait rien dedans puisqu'il y a un seuil qui
n'est pas défini et que les méthodes d'analyse quantitatives ne
sont pas prêtes, la tentation est forte dans l'industrie finalement d'en
arriver à une situation où on considérera qu'il n'y a ni
liste négative, ni seuil.
Le bilan est que sur un linéaire de biscuits, sur
150 références, 150 seront étiquetées et que
les consommateurs seront furieux. Ils diront que les industriels se sont
entendus entre eux pour que, au jour J, tout le monde étiquette et
que cela ne devienne plus un élément compétitif sur le
marché.
Vous voyez que ce sont des débats compliqués et que finalement
l'attitude des industriels consistant à dire qu'ils étiquetteront
lorsque le produit sera différent, n'est peut-être pas si stupide
que cela.
M. le Président
-
Qui souhaite
maintenant s'exprimer ?
Madame Zylbermann, vous allez donner l'avis de l'administration.
Mme Zylbermann
-
L'administration n'a pas d'avis,
elle applique la réglementation, elle l'élabore avec d'autres et
elle la contrôle.
Je voudrais revenir un peu sur la définition de certains termes, on
parle beaucoup d'OGM et en fait on n'a pas souvent affaire à eux.
Il y a effectivement des organismes génétiquement
modifiés, mais ce dont nous parlons beaucoup depuis hier sont en fait
les produits dérivés de ces organismes
génétiquement modifiés.
Une chose est sûre : les organismes génétiquement
modifiés stricto sensu doivent être étiquetés
clairement et ce depuis le Règlement "Nouveaux Aliments" de
janvier 1997, là au moins une chose est claire.
Si nous discutons beaucoup depuis quelque temps, c'est sur les produits
dérivés qui ne sont plus des OGM et sur la non-équivalence
substantielle puisque c'est elle qui devait servir de base à
l'étiquetage.
Il faut dire aussi que le texte qui était en discussion depuis si
longtemps ne concerne que deux variétés végétales
qui sont un soja et un maïs. Ce texte était important car les
principes y figurant serviront à l'avenir à la définition
des étiquetages des produits futurs.
Le Règlement "Nouveaux Aliments" prévoit une autorisation au cas
par cas pour les organismes génétiquement modifiés qui
seront mis sur le marché. A cette occasion on définira
l'étiquetage qui va avec l'OGM ou ses produits dérivés
puisque pour l'OGM l'étiquetage est relativement clair.
Par ailleurs on parle beaucoup des Américains. Il se trouve que je
reviens également des Etats-Unis et je n'ai peut-être pas tout
à fait la même vision des Etats-Unis que Monsieur le
Président.
J'ai rencontré des Autorités américaines mais
également des organisations de consommateurs. Finalement si nous
regardons la position de la France il y a quelques années, nous ne
pouvons pas dire que les délégations françaises dans les
instances diverses poussaient tellement pour un étiquetage très
détaillé.
Nous avons évolué car les consommateurs français se sont
exprimés et ont exprimé un désir très net
d'information. Nous pouvons peut-être imaginer que les Américains
feront de même.
On m'a cité une enquête auprès des consommateurs
américains signalant que 80 % des consommateurs américains
voulaient un étiquetage des organismes génétiquement
modifiés et sans doute des produits dérivés.
Certes la délégation américaine dans les instances
internationales continue à défendre sa position : ils ne
veulent pas d'étiquetage sauf s'il y a une différence sur le
produit et un intérêt en matière de sécurité
publique, mais qui nous dit qu'elle n'évoluera pas ?
Il ne faut pas non plus s'arc-bouter sur le fait que les Américains sont
contre un étiquetage, les choses peuvent évoluer.
Je voulais également parler un peu de ce qui se passe au plan
international car hier nous avons parlé du
Codex
, de l'OMC. Dans
le cadre de l'OMC, il faut rappeler que ce qui sert de base dans la
résolution des conflits sont les normes internationales et, dans le
cadre alimentaire, ce sont celles du
Codex Alimentarius
.
Dans ce domaine est actuellement en négociation une norme
générale sur l'étiquetage. Il se trouve que cette semaine,
la négociation est en cours au Canada et qu'est abordé pour la
énième fois le sujet de l'étiquetage des produits issus
des biotechnologies.
Les Américains vont effectivement défendre leur position qu'il
n'y ait pas d'étiquetage, les consommateurs qui sont observateurs vont
essayer de faire plier les Américains et ils n'y arriveront
sûrement pas.
M. le Président
-
Donc vous êtes
bien d'accord avec ce que je disais.
Mme Zylbermann
-
Non, nous sommes dans un cas de
négociation, nous n'avons pas encore abouti.
M. le Président
-
La position des
officiels américains est bien qu'ils ne souhaitent pas
d'étiquetage.
Que les consommateurs veuillent l'évolution, nous sommes bien d'accord
puisque vous le voyez dans un sondage, mais la position officielle aujourd'hui
est qu'ils ne souhaitent pas d'étiquetage.
Mme Zylbermann
-
Oui aujourd'hui, mais si vous
m'aviez demandé la position officielle française il y a trois
ans, je vous aurais peut-être dit qu'on ne voulait pas étiqueter.
M. le Président
-
Oui, mais on l'a
fait changer.
Mme Zylbermann
-
Peut-être que les
Américains changeront aussi car ils sont en train de se rendre compte
qu'ils ne sont pas tout seuls sur le marché, qu'il y a des
Européens et j'ai bien ressenti ceci au cours de mes contacts.
Il faut arrêter de se dire que nous sommes dans un contexte de commerce
international et que nous devrons plier devant la position américaine,
je crois que nous sommes dans le cadre de négociations et que les choses
peuvent évoluer.
Je voudrais aussi rappeler que l'étiquetage des produits
dérivés (du soja et de cette variété de maïs)
est obligatoire depuis le 1er novembre 1997. Il ne faut donc pas que
les professionnels continuent à dire qu'ils attendent que
l'administration prenne position.
Les professionnels français ont pris une position en interne en
décembre 1997, les administrations françaises, que ce soit le
Ministère de l'agriculture ou celui chargé de la consommation ont
invité les professionnels français à étiqueter en
fonction des règles qu'ils s'étaient données en estimant
que c'était déjà un premier pas.
Je crois qu'il y en a au moins un à cette table qui a mis en pratique
ces règles internes que s'est donnée la profession
française. Ceux qui ne l'ont pas fait, je pense qu'ils font
peut-être preuve d'un peu de mauvaise foi, et je pèse mes mots.
Ceci dit, l'administration partant du principe que les règles
d'étiquetage étaient en vigueur depuis le 1er novembre, a
entrepris des contrôles et nous verrons ce que cela donnera.
Le contrôle est effectivement très difficile. Il y a bien
sûr la traçabilité, mais ce n'est pas tout et les documents
ne sont pas toujours suffisants pour prouver un certain nombre de choses.
En cas de contrôle, nous voyons - il y a actuellement quelques
problèmes commerciaux entre la France et l'Allemagne sur certains
produits - des documents, des certificats montrant que des analyses ont
été faites et que la matière première
utilisée n'était pas OGM alors qu'un autre laboratoire constate,
lui, que la matière première contient de l'ADN
transgénique.
Si vous voulez les choses ne sont pas simples, même avec des documents.
Concernant les méthodes d'analyse, nous sommes impliqués dans le
cadre d'un réseau de laboratoires pour mettre au point les
méthodes d'analyse. Les choses ne sont pas simples et il faut bien voir
qu'actuellement il n'existe pas de méthode qui soit validée par
des essais inter-laboratoires.
Lorsque des résultats paraissent dans la presse, ils valent ce qu'ils
valent et ils ne sont parfois pas confirmés par d'autres laboratoires.
Il faut donc être extrêmement prudent lorsqu'on annonce des
résultats.
Actuellement un certain nombre d'études sont en cours soit au niveau
national entre les laboratoires de la répression des fraudes, de l'INRA,
du GEVES et des experts de l'agronomie, soit au plan européen par des
essais inter-laboratoires.
L'AFNOR va également se lancer dans ce travail, notamment pour voir un
peu pourquoi des laboratoires différents trouvent des résultats
différents avec des mêmes échantillons. Si vous voulez les
choses ne sont pas simples et lorsqu'on parle de seuil, cela va encore les
rendre plus complexes.
Non seulement il faut une méthode qui détecte l'OGM et les
produits dérivés s'il y a quelque chose à trouver, mais il
faut en plus qu'elle soit quantitative. On rend donc la situation encore plus
complexe.
Même si dans deux ou trois mois on fixe des seuils, je ne suis pas
sûr qu'on soit déjà en mesure de les identifier, de les
mettre en évidence, en tout cas à des coûts acceptables pas
seulement pour l'industrie, mais aussi pour les pouvoirs publics dont les
budgets sont de plus en plus limités, Monsieur le Député.
Je pense avoir dit à peu près l'essentiel et je reviendrai
peut-être dessus s'il y a des questions.
M. le Président
-
Merci Madame, nous
aurons le temps de revenir sur ce que vous avez dit. Comme vous avez finalement
arrosé tous azimuts, il y aura sans doute des retours tout à
l'heure.
Je donne maintenant la parole à Monsieur Boullet qui
représente Nestlé France pour qu'il puisse nous indiquer en cinq
minutes sa position initiale.
M. Boullet
-
Je voudrais donner un peu une image
de Nestlé en France et également le poids des matières qui
nous intéressent aujourd'hui, c'est-à-dire le soja et les
dérivés du soja et du maïs.
En France Nestlé représente 26 milliards de francs,
l'entreprise est dans le pays depuis la fin du siècle dernier. Notre
première usine a été créée en 1916 et
aujourd'hui, hors eau minérale, nous en avons 28 avec
13 000 personnes.
Notre chiffre d'affaires à l'exportation est de 4,5 milliards,
c'est une des premières entreprises agro-alimentaires exportatrices en
France.
En ce qui concerne les matières premières, nous achetons pour
notre marché pour environ 9 milliards de francs. Je ne vais pas
vous donner la liste de toutes ces matières premières, mais de
celle qui nous intéressent pour faire une comparaison.
Nous achetons :
- 75 000 tonnes de tomates,
- 150 000 tonnes de pommes de terre,
- 600 tonnes de lécithine,
- 500 tonnes d'huile de soja,
- 90 tonnes de protéines végétales dont
46 tonnes de soja.
Dans cette masse, vous voyez que les protéines de soja ne
représentent qu'une faible partie d'ingrédients de nos produits.
Concernant les matières premières et les produits, il faut savoir
que notre priorité, comme celle de toutes les filiales du Groupe
Nestlé, c'est la sécurité et l'information du consommateur.
D'un point de vue concret, nous montrons ces priorités sur nos produits,
j'en ai apporté un exemplaire. Chaque produit du Groupe Nestlé a
derrière ce qu'on appelle le sceau de garantie. Nous signons nos
produits et le consommateur a également l'adresse d'un Service de
Consommateurs auquel il peut s'adresser pour toute information.
Concernant les OGM en particulier, je voudrais faire quatre remarques.
En premier, je pense qu'il faut faire la différence entre les OGM et les
produits issus d'OGM.
Pour l'instant effectivement, l'étiquetage est obligatoire, seuls les
produits dérivés d'OGM sont sur le marché. Cette
distinction sera importante lorsqu'il sera nécessaire d'informer le
consommateur.
On n'informe pas le consommateur de la même façon lorsqu'il s'agit
d'un OGM avec des particularités que ce soit une tomate ou un melon ou
qu'il s'agit d'un produit dérivé d'OGM, que ce soit du soja ou du
maïs.
En second, concernant l'utilisation d'OGM ou de produits issus d'OGM,
Nestlé - qui, je le rappelle, n'est ni producteur ni
commerçant d'OGM ou de produits issus d'OGM - est favorable
à une utilisation responsable de ces nouvelles technologies dans le
strict cadre des lois et règlements.
En troisième, comme toute nouvelle technologie, nous estimons
nécessaire que le consommateur ait l'information la plus claire et la
plus transparente possible afin de l'aider à faire son choix.
En quatrième, l'étiquetage est un des moyens d'informer, on ne
peut pas tout dire sur une étiquette d'autant plus que son
intitulé est souvent réglementé.
Parmi ces moyens d'information, il y a bien sûr ces auditions, le
rapport, Monsieur le Président, publié par l'Office en 1990 ou
1991 qui, à l'époque, indiquait déjà la
nécessité d'un débat sur ces nouvelles technologies et,
à mon avis, nous avons pris pas mal de retard dans ce domaine.
Nous avons nous, Nestlé, plusieurs publications disponibles à
toute demande. On nous cite également Internet que ce soit au niveau
monde ou Nestlé France et vous avez bien sûr les numéros de
téléphone Azur où les consommateurs peuvent nous contacter
directement.
Au niveau industriel, il y a le serveur 3615 OGM et le propre site de
l'Assemblée Nationale.
Je pense que le débat public est nécessaire, pour nous c'est la
seule façon par laquelle le consommateur pourra faire son choix.
La Commission de Bruxelles vient de prendre une décision sur les
modalités d'étiquetage. Il faut savoir que nous n'avons pas
attendu cette décision pour prendre l'engagement vis-à-vis de nos
consommateurs et de nos clients que dès lors que les fournisseurs ne
peuvent plus garantir - cette garantie est contrôlée par le
propre laboratoire de Nestlé - un approvisionnement en
ingrédients conventionnels, nous indiquons sur nos produits la
présence de plantes génétiquement modifiées.
J'ai avec moi un exemple, celui de cannelloni Findus étiquetés
depuis plusieurs semaines.
En restauration hors foyer, nous avons une soixantaine de
références et nous avons également tout le
département nutrition clinique qui nourrit les malades et sur lequel est
clairement indiquée la provenance de protéines issues de soja
génétiquement modifié, ce non seulement en France, mais
dans tous les pays européens.
Avant de répondre à vos questions, il est important de rappeler
que nous sommes aux balbutiements de cette technologie. Pour l'instant elle est
au service des plantes et les avantages en sont conséquents pour les
agriculteurs et l'environnement.
Nous sommes persuadés que lorsque des produits auront un avantage direct
pour le consommateur, comme des qualités nutritionnelles
améliorées, la suppression de certains allergènes comme
par exemple dans le riz et d'autres aliments, nous sommes persuadés que
cette technologie sera acceptée à sa juste valeur par le
consommateur.
Le débat pourra avoir lieu et le choix du consommateur pourra se faire
également sur des critères qualitatifs et non plus quantitatifs.
M. Edouard-Leclerc
-
D'un point de vue global,
nous avons la même position que les organisations de consommateurs du
point de vue des OGM en général, c'est-à-dire ni pour ni
contre, n'ayant d'ailleurs pas la compétence pour savoir
l'intérêt ou non des OGM.
En revanche, nous avons une position parce que nous avons une pratique et une
responsabilité dans la filière.
Je vais vous dire en quoi le débat actuel me laisse perplexe par rapport
à un certain nombre de positions adoptées ici et puis revenir
peut-être sur un autre débat qui sera construit, probablement
aussi à l'initiative de Monsieur Le Déaut dans trois ou
quatre ans car nous verrons que le débat d'aujourd'hui sera largement
dépassé par le tout OGM.
En premier, dans la filière le distributeur a plusieurs niveaux de
responsabilité, chacun reste a sa place, chacun sa
responsabilité, nous ne sommes ni producteurs, ni pouvoirs publics, ni
médecins, ni scientifiques, nous sommes distributeurs.
En tant que distributeur le premier problème qui s'est posé
à nous était de savoir si nous allions ou pas
référencer, c'est-à-dire sélectionner des produits
affichant le contenu OGM dans nos rayons ou pas. Certains distributeurs ont
prétendu ne pas vouloir référencer ces produits, les
dirigeants de Carrefour l'ont expressément dit à un certain
moment.
Nous ne prendrons pas parti, nous référencerons les produits OGM
comme les produits non-OGM. Notre position est la liberté du choix,
c'est même un postulat commercial. Nous voulons comme critère
commercial jouer sur la possibilité de choix pour les consommateurs.
Nous aurons donc en rayon le choix si tant est que dans dix ans il y aura
encore le choix. Nous ne sommes en tout cas pas les censeurs des propositions
commerciales des industriels et nous ne ferons pas une pré-censure du
choix des consommateurs.
En tant que distributeur, nous référencerons les produits
Nestlé comme nous avons référencé les produits
Nestlé et Danone ici présents, nous afficherons la couleur. C'est
un préalable juridique, ils doivent afficher la couleur et la
qualité de l'information, de sa diffusion est une partie importante.
Nous avons aujourd'hui des cercles de discussions entre nos acheteurs, nos
services de qualité et leurs vendeurs et leurs services de
qualité. Cela se passe plutôt bien et dans l'ensemble aujourd'hui,
c'est un chantier qui avance bien des deux côtés.
A la rentrée, nous aurons pratiquement tous les industriels de
l'agro-alimentaire européen et multinationaux qui auront ces
informations sur les emballages.
La deuxième responsabilité est que nous sommes aussi producteurs
par les marques de distributeurs et nous entrons là dans la même
problématique que celle énoncée par les producteurs tout
à l'heure et nous avons les mêmes difficultés.
Notre méthode n'est pas celle de la recherche protéinique
évoquée par certains industriels, mais celle
évoquée par Madame Nicoli qui aurait fait une excellente
productrice.
Nous partons de l'inventaire comptable des composants des produits et nous
adopterons un étiquetage à partir de la présence ou non
d'OGM ou de dérivés d'OGM dans nos produits.
Par exemple aujourd'hui nous travaillons sur 300 références
alimentaires ce qui correspond à 162 produits différents.
Pour 52 d'entre eux il n'y a aucun problème de présence d'OGM ou
de dérivés d'OGM. Les autres en revanche sont susceptibles de
contenir un certain nombre de dérivés.
Lorsqu'on peut substituer le dérivé d'un produit OGM, on le lui
substitue. Par exemple pour les charcuteries, on arrive à changer les
protéines végétales de manière à assurer
qu'il n'y ait pas de produits dérivés d'OGM, etc. Les autres
seront étiquetés : "produits ogéimisés".
Voilà pour notre position en tant que distributeur pur. Les emballages
sont en cours d'élaboration, etc.
Par rapport à notre débat, je voudrais insister sur deux choses.
D'abord il ne faut pas faire dire à l'étiquetage ce qui n'est pas
de son rôle. Dans notre société française,
confondant tous les points de vue et s'en servant de
phénoménologie, on est en train de demander aux industriels, aux
distributeurs d'assurer la sécurité du consommateur par le
système d'étiquetage.
Je voudrais rappeler que chacun doit prendre ses responsabilités. Le
problème de la sécurité est d'abord du domaine de la
science, des pouvoirs publics, des autorités sanitaires, ce n'est pas le
nôtre.
Je suis distributeur et en bout de chaîne, je veux bien, en droit,
être co-responsable de la gestion d'une filière car je crois qu'en
droit on a retenu cette responsabilité. En revanche d'un point de vue
scientifique, il ne faut pas nous le demander.
En plus on ne se rend pas compte que nous sommes des groupes dotés de
services de qualité au-delà de notre responsabilité
juridique et c'est vrai pour tous les grands distributeurs et autres.
Il faut avoir à l'égard du commerçant la même
interrogation qu'à l'égard de n'importe quel commerçant
qui n'aurait pas ce service qualité. Ce sont des "plus" que nous
apportons, ce ne sont pas des obligations juridiques.
La sécurité doit être assurée par les pouvoirs
publics.
En ce qui concerne l'éducation relative aux OGM, tous ces
problèmes n'existeraient pas si on disait au consommateur en quoi ces
produits sont meilleurs, plus beaux avec les OGM. L'éducation du
consommateur au-delà de l'information n'est pas non plus du domaine du
distributeur, mais de ceux qui prônent les OGM.
Si on voit bien en termes de productivité l'intérêt des
OGM, du point de vue de l'amélioration du produit, on attend des
campagnes d'informations, des campagnes qualitatives donnant envie de les
acheter. Je vous rappelle que cela ne relève pas non plus de la
responsabilité du distributeur.
Vous avez l'exploitation médiatique des peurs de la
société. Ce débat n'aurait pas lieu si nous
n'étions pas dans une société qui s'autoflagelle, qui aime
se faire peur avec une compétition d'acteurs du style :
"Plus je
te fais peur, plus je passe à la télévision !"
.
C'est un peu ceci qui se passe en ce moment.
C'est sous cet angle que je souhaiterais qu'on aborde à nouveau les
effets de seuil. Si vraiment il y a un problème de seuil, on le comprend
très bien du point de vue de la pratique, il y a toujours un doute sur
ce qu'il y avait dans le silo.
Mais s'il y a des seuils, c'est qu'il y a des problèmes en-dessous ou
au-dessus d'un seuil. Vous êtes d'accord, la société
fonctionne ainsi. Le fait même d'évoquer les problèmes de
seuil d'un point de vue médiatique, c'est mettre un doute et l'agiter
sur le problème de la sécurité.
La deuxième chose est que si d'un point de vue juridique l'effet de
seuil garanti l'innocuité pénale d'un conflit, on laisse les
professionnels se débattre avec les problèmes de gestion
fantasmatique et médiatique de la société.
Regardez ce qui s'est passé depuis deux jours avec la dioxine !
J'ai la capacité d'y répondre d'un point de vue
médiatique, mais il faut bien voir que cela peut tomber sur Tartempion
qui peut en être mort.
On m'annonce que dans un centre Leclerc de Paris - je n'ai pas de centre
Leclerc à Paris - on a trouvé une viande avec un taux de
dioxine élevé. Je ne sais toujours pas où c'est, personne
ne nous a contacté. On nous dit que c'est très dangereux, mais
personne ne me dit de retirer le produit ou de faire une enquête pour
regarder d'où vient le produit.
Je ne suis pas producteur de viande, j'en vends comme tout le monde et elle
vient de toute la France, label France et la belle France.
On me dit que je ne suis pas coupable, mais c'est quand même moi qu'on
cite à la télévision au journal de 20 heures, etc. Je
ne suis pas coupable, mais je pourrais quand même faire quelque chose vu
mon nom, etc. Ce n'est pas sérieux !
Vu du point de vue de cette non-responsabilité juridique, mais
responsabilité médiatique en tout cas par rapport à la
marche d'une entreprise ou au marché de la viande, je vous dis tout de
suite que je ne veux pas de seuils, je ne sais pas les gérer.
En tout cas sur mes produits, dès qu'il y aura une trace, je mettrai
l'étiquetage "OGM". De toute façon après je serai sur la
défensive pour justifier. Aujourd'hui, je préfère prendre
les devants et dire "OGM".
En fait aujourd'hui dans la liste des produits que je vends, j'ai sans doute
peu de produits qui mériteraient d'avoir un étiquetage, mais je
vais probablement presque tous les étiqueter pour pouvoir être
garanti d'une gestion saine, médiatique et sans retombées
commerciales négatives de cette affaire.
C'est une position, je crois qu'il faut en tenir compte. Puisqu'on est dans le
domaine de l'irrationnel, à un moment il faut anticiper l'irrationnel
dans le plan de marketing d'une entreprise.
En ce qui concerne la traçabilité des filières, oui il
faut étiqueter et il faudrait avoir des filières
séparées si on veut vraiment le choix.
En fait sur un marché libre et au niveau mondial, compte tenu de ce que
viennent de dire les grands approvisionneurs que sont Nestlé et Danone,
si les autres ne font pas de la séparation de filières, on aura
bien un micro-marché français, peut-être européen,
en tout cas français ou régional avec des niches sans OGM.
Je crois que tout ceci restera cependant marginal et que finalement nous nous
retrouverons ici dans trois, quatre ans pour discuter non pas de
l'étiquetage de produits OGM ou pas, mais des différents types
d'étiquetage à l'intérieur d'un marché qui sera
devenu quasiment tout OGM.
M. le Président
-
Le débat est
lancé et très largement sur un certain nombre de questions.
Sur le dernier point, puisque vous avez parlé de la question des seuils
abordés hier avec Madame Lebranchu dont la position était
presque identique à la vôtre même si ce n'est sans doute pas
pour les mêmes raisons, on va aller jusqu'à la caricature avec ce
système.
Effectivement nous serons tout OGM à partir du moment où nous
aurons des techniques.
Madame Zylbermann, en-dehors de la partie crédit dont vous venez de
parler, chaque année les parlementaires essayent d'augmenter les
crédits de l'administration et c'est toujours très difficile car
en contrepartie un certain nombre de libéraux disent qu'on donne
beaucoup trop de crédits à l'administration.
Nous sommes donc soumis à un partage très difficile entre la
demande non seulement des administrations et des consommateurs d'un
côté et celle de ceux qui disent que l'Etat leur coûte trop
cher.
Dans ce paradoxe, vous avez raison de dire que les techniques sont actuellement
non quantitatives - je l'ai vu dans mes auditions - et qu'elles sont
en revanche très sensibles.
Nous avons une amorce d'un gène, nous pouvons très bien avoir une
toute petite contamination et nous allons la détecter. C'est possible
car nous amplifions cette contamination à condition que nous ayons la
séquence de l'amorce technique ce qui est assez difficile.
Ceci fait, Madame, que ce ne sont pas du tout des erreurs de dosage lorsqu'on a
des tests différents. Dans l'affaire de Kochko dont je vous ai
parlé hier, il y avait des tests et des contre-expertises
différentes car c'est l'échantillon qui compte.
Si vous prenez un échantillon de 500 g, d'un point de vue
statistique, vous aurez peut-être des plantes modifiées
génétiquement, du soja par exemple, alors que vous n'en aurez
peut-être pas dans un autre échantillon. Ceci posera donc le
problème de l'échantillonnage ce qui est encore plus
compliqué.
Nous sommes devant un débat technique compliqué.
Je me félicite, comme Monsieur Marteau, que nous ayons
avancé à savoir que nous avons déjà le point de
départ. Il y aura de grands problèmes juridiques - et je
vois la Fédération Française des Assurances dans la
salle - dans ce domaine. Si vous mettez
contient
et que quelqu'un
vous démontre qu'il n'y en avait pas, vous pourrez être
attaqué.
M. Edouard-Leclerc
-
Je préfère
perdre un procès en publicité mensongère.
Je suis d'accord avec vous, nous sommes dans un débat où nous
devons travailler sur ce qui est rationnel et où l'opérateur doit
travailler dans un contexte difficile.
Ce matin dans
Libération
, on s'étonne que le marché
de la viande ne se soit pas effondré après la première
alerte d'avant-hier sur le dioxine et on nous cite à nouveau,
etc. ; je gère cela.
Je préfère - je le dis, c'est aussi à ceci que sert
ce débat auquel vous avez le mérite de nous inviter - perdre
un procès en publicité mensongère car j'aurai mis qu'il y
a de l'OGM alors qu'il n'y en a pas que d'avoir à mettre en place un
mécanisme de défense où la presse me dira que je n'ai pas
fait suffisamment attention aux effets de seuil car il y en a, etc. ;
c'est plus facilement gérable.
Je ne suis donc pas dans le domaine du juridique, mais dans celui de
l'exposition d'une entreprise à un risque dont il faut tenir compte
aujourd'hui.
J'ai vécu une chose que j'espère ne pas vous voir vivre : il
y a trois ans je suis passé au journal de 20 heures pour une
épidémie de
listeria
dont je cherche toujours les traces.
Si j'avais été une PME, je serais mort, maintenant j'ai compris.
M. le Président
-
Madame Nicoli,
j'essaye juste de reposer un certain nombre de questions pour qu'on puisse
rebondir, de les poser comme vous les avez tous posées et de voir sur
quelles questions nous pouvons avancer.
Au bout du compte et de manière très claire dans le rapport que
nous proposerons, il est important que nous allions dans le sens des
consommateurs et dans celui de la meilleure clarté possible de la
fourche à la fourchette juridique et ceci dans tous les domaines.
En ce qui concerne le seuil, je suis en désaccord avec vous,
Monsieur Leclerc, car mettre un seuil ne veut pas dire qu'il y a un
problème de sécurité.
Par exemple le sel est un aliment que vous vendez. Si vous mangez 10 kg de
sel dans la même journée vous aurez des problèmes
très graves.
D'autre part, il est évident que s'il y a le moindre problème de
sécurité, il faut interdire ces aliments.
A partir du moment où on les a autorisés, on peut les consommer.
Si jamais -- et je rejoins Madame Nicoli - le consommateur veut
savoir car, pour des raisons qui le concerne, il ne veut pas manger d'aliments
génétiquement modifiés, il a le droit de savoir.
En revanche en ce qui concerne des questions juridiques, je vais vous rappeler
l'exemple que j'ai donné hier.
Un agriculteur biologique du Tarn vend un produit biologique. Avec ce soja, on
fait du tofu en Allemagne. On trouve dans ce tofu du soja
génétiquement modifié et tout le monde lui dit, y compris
le semencier, que ce n'est pas vrai. Il se retrouve maintenant avec un
procès et une responsabilité et comme il n'est pas centre
Leclerc, qu'il n'est pas gros, il risque d'y perdre beaucoup d'argent ce qui
est grave.
Ceci veut dire que la notion de seuil ne doit pas être liée avec
la notion de sécurité et nous aurons tout à l'heure cette
question à régler.
Il est évident que dans les cas où on pense qu'il y a des
arguments scientifiques, technologiques suffisants pour dire que la
sécurité est en jeu, il ne faut pas vendre ces aliments. Si on
pense qu'il n'y a pas de problèmes, on peut les vendre et le
consommateur doit avoir le choix.
A partir de cela, je voudrais que vous rebondissiez sur un certain nombre de
questions que Madame Nicoli a abordées.
Dans ce cas qui doit payer ?
Il est en effet évident que cela aura un coût pour le consommateur
et que nous ignorons lequel.
Vous venez de dire que le consommateur devait avoir des avantages or, pour
l'instant, nous n'avons pas vu d'avantages en termes d'OGM. Lorsqu'on a un
gène de résistance à la pyrale ou à un herbicide,
cela ne se retrouve pas forcément au niveau du prix pour le
consommateur, certains d'entre eux me l'ont dit hier.
En revanche il est vrai que dans la nouvelle génération - et
je l'ai vu chez Du Pont de Nemours, chez Monsanto, chez un certain nombre
de fabricants - nous sommes dans la deuxième
génération de fabrication d'aliments avec des qualités
nutritionnelles différentes, des taux d'huile modifiés. Ils
auront des huiles polysaturées mauvaises à la cuisson, des huiles
bonnes pour les problèmes cardio-vasculaires, etc.
En quelque sorte on pourrait dire que pour éviter le terme
indiqué de
soja fou
, ils sont en train d'essayer de
préparer le
soja miracle
. Dans ces domaines, on peut être
ou non d'accord, ce sera la deuxième génération de
produits.
Comment mettre en place la traçabilité ?
Il est évident que si vous voulez une traçabilité totale,
tous les animaux vont manger des aliments, des tourteaux de soja
génétiquement modifiés.
Faut-il, Madame Nicoli, qu'il y ait traçabilité,
étiquetage et information du consommateur dans ce cas ?
Qui doit payer ?
Ce sont un certain nombre de questions sur lesquelles je voudrais qu'on
réagisse d'abord et je voudrais qu'on parle de la forme de
l'étiquetage, de la clarté pour le public en termes
d'étiquetage.
Mme Nicoli
-
Dans un tel débat, il ne faut
pas avoir l'impression d'être naïf et imbécile, mais
lorsqu'on est représentant des consommateurs, il faut quand même
ramener les choses à leur juste valeur.
On peut avoir des débats aussi intellectuels que vous voulez, mais par
exemple je ne peux pas suivre Michel Edouard-Leclerc dans ses
préoccupations de gérer médiatiquement l'alimentation.
C'est son problème, mais revenons quand même à la
réalité !
L'alimentation est quelque chose que l'on mange tous les jours pour faire
pousser des gosses, pour leur permettre d'être bien dans leur peau, pour
avoir une bonne santé et pour qu'une fois adulte on puisse vivre
correctement.
Nous sommes quand même loin de la gestion de l'alimentation à ce
niveau :
"C'est moi, chef d'entreprise, j'ai une image à défendre et, pour
mon image, je suis prêt à dire n'importe quoi - c'est ce que
vous venez de dire - pourvu que mon image n'en prenne pas un coup !"
Je veux bien, je suis souvent sur la même ligne que vous pour un certain
nombre de sujets et votre démarche d'étiqueter est très
bien.
Vous le dites très cyniquement et très clairement, parce que vous
avez une image, un certain nombre d'enseignes à défendre, vous
avez derrière vous tout un ensemble de distributeurs et vous vous devez
de donner cette image.
Au-delà de ça, je tiens quand même à dire que
même si nous ne sommes pas opposés à ces nouvelles
technologies - et je voudrais qu'on en prenne acte - les chimistes,
les industriels font leurs affaires entre eux, mais aujourd'hui comme hier et
aujourd'hui en particulier, les consommateurs n'ont jamais demandé
à avoir une alimentation aussi compliquée, aussi
industrialisée et ils n'ont jamais demandé d'OGM.
Les OGM ne viennent pas de l'esprit ou d'un fantasme d'un consommateur. Lorsque
vous faites vraiment des enquêtes de terrain, les personnes ont un
réflexe ancestral faisant que l'on veut des produits, non pas d'il y a
200 ans, mais des produits identifiés, du terroir, des produits
où on n'est pas à stresser totalement lorsqu'on fait un achat au
quotidien.
Demain avec les produits allégés, vitaminés, OGM et tout
ce que vous voudrez, il sera totalement impossible pour la
ménagère normalement constituée et intelligente, de faire
un bol alimentaire ou du moins de faire un équilibre alimentaire pour
ses enfants ; ce sera terrible.
On va partir faire ses courses en stressant et en se demandant ce qu'on pourra
bien rapporter dans son cabas. A vous entendre, on finit par ne plus parler que
de molécules, etc.
Je caricature comme Michel Edouard-Leclerc l'a fait, mais tout de
même, n'oublions pas que quelque part l'alimentation est un
élément convivial qui doit apporter bien-être et
santé et non pas stress, maladie et complications intellectuelles.
Il est vrai que nous sommes bien obligés d'avoir de tels débats.
Lorsque je travaille par ailleurs sur certains dossiers, je suis bien
obligée de discuter de seuils, de problèmes techniques, mais mon
rôle ici aujourd'hui, à partir de fantasmes et de délires
intellectuels, est de ramener un peu les choses à leur
réalité et au terrain.
Même si je parais un peu "bébête" dans ma
déclaration, c'est un peu mon rôle de le dire ici ou ailleurs et
n'importe où.
M. le Président
-
Avant de donner la
parole à Jean-François Molle, je viens d'avoir l'emballage
de ces cannelloni.
Pour illustrer ce que vous dites, même si c'est quand même le
consommateur qui demande des plats cuisinés, c'est Findus, je ne fais
pas de publicité. Il me dit que c'est bon, je n'en sais rien, je
goûterai.
Voici ce que vous trouvez dedans : concentré de tomate
reconstitué, eau, semoule de blé dur réhydratée,
viande de boeuf cuite 10 %, oignons, huile végétale,
carottes, emmental, protéines issues de soja génétiquement
modifié 2,5 %, amidon modifié de maïs, lait
écrémé en poudre, sel, chapelure, arôme, farine de
blé, blanc d'oeuf en poudre, basilic, extrait de céleri, sucre,
amidon de maïs, extrait de viande, vin rouge concentré, extrait de
paprika ; avec des stabilisants, farine de graine de guar (je ne sais pas
ce que c'est), de la gomme de xanthane, des extraits d'ail, d'épices.
Vous voyez que vous mangez un rayon de Leclerc lorsque vous prenez les
cannelloni. Et l'image est jolie.
Il est vrai que l'aliment s'est modifié et qu'il faut avoir sa loupe,
son ordinateur et être relié à Internet.
Juste avant Monsieur Molle, Madame Zylbermann, vous disiez qu'il y a
trois ans notre position n'était pas celle-là. J'ai toujours eu
la même position, j'étais contre le
susceptible de contenir
et je suis heureux que nous avancions.
J'étais sur les positions des consommateurs et je suis heureux que nous
avancions, y compris au gouvernement. Puisque vous avez dit tout à
l'heure que l'administration ne faisait qu'appliquer des règlements,
c'est donc au Parlement de discuter des règlements et de la
législation.
Je souhaiterais que l'on fasse cela à partir du moment où il y a
deux filières.
Vous avez là une purée de tomates anglaise, à partir du
moment où elle est génétiquement modifiée, c'est en
jaune sur fond rouge. Cela se voit et de manière claire le consommateur
peut savoir et choisir.
Tant qu'on n'arrivera pas à la clarté car lorsque vous lisez ce
qui est noté sur la boîte Findus...
Et les Américains c'est encore pire, chez eux vous trouvez tout ce qu'il
y a comme avantage nutritionnel éventuel. Ils ne veulent pas mettre
cela, mais ils en mettent déjà beaucoup. Il faudra qu'un Bottin
entoure les aliments que nous consommerons dans les prochains temps.
Monsieur Molle, vous avez la parole, par ailleurs la forme de
l'étiquetage m'apparaît également importante.
M. Molle
-
Je voudrais répondre à
Marie-Josée Nicoli qui, en gros, nous a dit :
"Vos formules industrielles sont extraordinairement compliquées,
bourrées de chimie, notre bol alimentaire devient terrorisant."
Pour le coup, plus que pour Michel Edouard-Leclerc, je pencherai avec
Marie-Josée Nicoli en tant que quelqu'un du marketing d'une
société de Danone. Il est vrai qu'ils sont inquiets, qu'il ne
sont pas techniciens, ils entendent tout ceci.
Si nous à l'avenir, à cause des inquiétudes des
consommateurs, on ne met pas d'OGM, que nos vaches ne mangent pas d'hormones de
croissance, qu'on n'utilise pas d'ingrédients irradiés mais des
ingrédients agricoles sur lesquels il n'y aura pas de boue de station
d'épuration épandues, qui ne seront pas cultivés
près d'une route ou d'une autoroute, où il n'y aura pas de
résidus de pesticides, enfin toutes ces choses qui représentent
un progrès mais inquiètent les consommateurs, à part l'eau
minérale et encore, je ne vois pas ce que nous vendrons.
Le consommateur n'a pas demandé, mais le consommateur demande tous les
jours. Tous les jours nous faisons des innovations et tous les jours des
innovations sont rejetées.
En ce qui concerne la conséquence du bol alimentaire, je vous garantis
que si par rapport à la sécurité des aliments, nous
faisions une photo avant guerre et maintenant, il suffit d'aller dans quelques
pays lointains du sud pour voir ce que cela pourrait être, c'est
terrorisant.
Nous avons fait d'énormes progrès en sécurité, en
nutrition et surtout d'énormes progrès économiques. Avant
guerre la moitié du pouvoir d'achat des Français, qui pourtant
autoproduisaient une grande partie de leur nourriture, était
consacré au panier de la ménagère alors qu'aujourd'hui il
ne représente plus que 17 ou 18 %.
Pourquoi ? Parce que les loisirs, la santé, etc. se sont
développés. Derrière cela il y a de l'hygiène
industrielle, de la rationalisation industrielle, de l'étude de
formules, des travaux de tous les jours pour optimiser les formules. Oui c'est
vrai que cela devient compliqué !
M. le Président
-
Merci, Monsieur
Molle. Monsieur Boullet a demandé la parole.
Essayez peut-être de répondre à la question : qui doit
payer ? Faut-il un seuil ? Et dans l'affirmative à quel
niveau ?
Ceci fera avancer un peu l'état de nos réflexions.
M. Boullet
- De toute façon que ce soit dans
l'alimentaire ou dans tout autre procédé, toute autre industrie,
le consommateur est toujours le payeur final.
Que ce soit dans l'industrie pharmaceutique, n'importe où, dans
l'industrie automobile, lorsque des normes de sécurité sont
imposées à l'automobile et à juste raison, c'est
effectivement le consommateur final qui paye. Il paye directement pour
l'automobile ou en tant que citoyen en normes de pollution, etc.
De toute façon le consommateur final payera, et c'est le principe
même de la TVA, une taxe sur la valeur ajoutée, c'est ce principe
inventé en France. Il paye et chaque niveau de la chaîne paye un
peu.
M. le Président
-
S'il y a deux
filières, laquelle paye ?
M. Boullet
-
Le consommateur paye la
filière qu'il choisit. Je ne vois pas qui pourrait payer, c'est le choix
du consommateur.
M. le Président
-
Actuellement il n'y
a pas d'OGM ou très peu, cela veut dire qu'il n'y a pas de
surcoût. S'il y a deux filières, il y aura des surcoûts, il
y en aura un pour la séparation des filières.
Etes-vous capables à tous les niveaux du producteur jusqu'au
distributeur, de séparer les filières ?
M. Marteau
-
Oui.
M. le Président
-
Vous avez dit oui,
êtes-vous capable de bien le faire et quel sera le surcoût ?
M. Boullet
-
Je voudrais rappeler qu'il y a deux
sortes d'OGM.
Il y a les OGM et vous avez montré une purée de tomates anglaise
où la tomate est génétiquement modifiée. Non
seulement elle est clairement identifiée sur la boîte, mais c'est
un acte commercial du
marketing
du producteur et du distributeur de dire
que cette tomate est génétiquement modifiée.
Lorsqu'il y aura des produits génétiquement modifiés avec
un avantage direct pour le consommateur, vous verrez une campagne de
communication de marketing où le consommateur sera clairement
informé et il choisira ce produit pour cet avantage, ceci quel qu'il
soit.
Là nous sommes dans le cadre de produits dérivés d'OGM et
d'un point de vue légal, l'information du consommateur doit figurer sur
l'étiquette ainsi que par tout autre mode d'information.
Quant au financement des filières, il est trop tôt actuellement
pour que les économies réalisées par les agriculteurs et
les transformateurs sur ce produit, soient transmises au consommateur. Soyons
rassurés, dès qu'il y aura un avantage concurrentiel sur le
coût, il sera retransmis automatiquement au consommateur.
Les filières OGM deviendront moins chères et le consommateur en
bénéficiera par le prix.
M. Edouard-Leclerc
-
Au risque d'apparaître
comme le provocateur de service, mais peut-être aussi en disant ce que
d'autres disent en privé et pas en public, y compris les industriels qui
sont ici, je crois qu'il faut arrêter d'être hypocrite.
Sur un marché ouvert à l'échange mondial, il ne peut y
avoir séparation des filières que si en amont comme en aval,
l'ensemble des opérateurs qui échange, respecte cette distinction.
Je crois que sur le marché français, il peut y avoir une double
filière, sachant que l'une sera un micro-marché, une niche au
même titre que le bio, d'accord.
Mais étant donné l'internationalisation de l'échange, la
présence de sociétés transnationales sur les
marchés européens, s'approvisionnant de par le monde entier sur
les marchés ouverts, étant donné qu'en amont en Chine
- on parle toujours de Américains, mais les centres de production
des matières premières aujourd'hui sont l'Afrique du Sud,
l'Australie, le Canada - les Chinois se moquent éperdument de
l'étiquetage des OGM.
Dans les plaines de Pologne, en Ukraine, ce sont les Américains, les
internationaux qui investissent, etc., donc à partir du moment où
on va vers la mise en exploitation de 26 millions d'hectares en produits
OGM, et ce sera exponentiel - ce n'est pas moi qui le dis, ils le disent
cyniquement aussi eux -, pour le consommateur il ne faut pas se leurrer,
le double étiquetage peut donner l'impression du libre choix.
Il n'y a cependant libre choix que s'il y a deux filières et la
réalité me fait penser qu'il y aura du tout OGM avec
peut-être du tout OGM différencié, avec des segmentations
dans le tout OGM et des marchés marginaux, des niches.
A ce moment-là - il faut aussi savoir le dire et ce n'est pas un
plaidoyer car j'en tire les conclusions - les consommateurs qui voudront
avoir accès à ce marché, payeront plus cher que les autres
car ils n'auront pas les effets de seuils économiques, d'échelle,
etc. Ce sera au même titre que le vrai bio est à un prix plus
élevé que le marché non bio.
Il faut tirer les conclusions de ceci et ne pas simplement recevoir la chose
factuellement. Il ne faut surtout pas faire semblant de dire qu'il y aura deux
marchés dans dix ans et que le consommateur pourra choisir au même
prix l'un ou l'autre, je n'y crois pas.
M. Marteau
-
Un certain nombre de choses viennent
d'être dites.
En premier, il faut avoir un bon de commande clair car il y a une confusion
totale. Monsieur Leclerc, je salue votre position, ceci dit c'est la
première fois que je l'entends et si j'écoute Carrefour on est
quasiment en opposition.
Pour nous, dans la filière, il faudra quand même savoir ce qu'on
veut, c'est clair. Ce débat est un bon moyen, je le trouve important
même si on n'est pas d'accord, il a au moins le mérite d'exister
et de faire attention à ce que souhaite le consommateur citoyen,
même si parfois on lui fait dire des choses, en tout cas il faut qu'on
réponde à ses attentes.
D'autre part j'ai écouté tout à l'heure Madame Nicoli
qui nous dit que de toute façon on ne nous laisse pas le choix. Si l'an
prochain nous ne séparons pas, elle appelle au boycott et encore une
fois, on montrera du doigt les producteurs.
Nous avons suffisamment l'expérience de choses qui viennent de nous
tomber sur le coin de la figure, pour lesquelles nous ne sommes pas
responsables (dioxine, boues, etc.), pour que nous ne fassions pas attention.
Nous avancerons en marchant, si on prend simplement les agriculteurs solution
facile, nous sommes capables d'isoler. Ce n'est pas difficile puisque, de toute
façon, nous isolons déjà. Lorsque je fais du blé,
j'en ai cinq qualités différentes, cela ne pose pas de
problèmes, je peux continuer demain avec du maïs excepté
qu'il y a un séchage et que c'est un peu plus délicat.
Cela dit, nous sommes capables de le faire et nous sommes prêts, en tout
cas et je m'engage au niveau de la profession agricole, nous ferons tout pour,
dans un premier temps et je dis bien dans un premier temps, isoler la
production en 1998.
Qui peut faire le plus peut faire le moins, à partir du moment où
nous aurons isolé, si nous voulons mélanger après, ce sera
toujours possible, le contraire étant quand même un peu
délicat.
Là aussi il faut avancer tranquillement sans faire de démagogie.
Je veux bien qu'on fasse des effets d'annonce, mais il faudra gérer le
quotidien.
Je vais rappeler que nous avons en permanence des débats avec l'ensemble
de la profession et que la semaine dernière nous nous demandions qui
consommerait le millier de tonnes que nous produisons en OGM. Aucun industriel
ne veut nous acheter le maïs que nous avons semé. Pourtant il n'y
en a pas beaucoup puisqu'il n'y en a que 2 000 ha.
Il faut aussi dire la réalité des choses. Je veux bien prendre
mes responsabilités au niveau de la profession agricole, travailler
comme nous avons essayé de le faire en y associant toute la chaîne
et pas seulement un maillon.
Mais il faut qu'on nous dise clairement, que nous sentions clairement ce que
l'on veut sans faire de démagogie et sans tomber un peu dans un
débat facile.
M. le Président
-
Juste une question
pour rebondir là-dessus.
Il est vrai qu'un certain nombre de fabricants de semoule nous ont dit qu'ils
avaient demandé du maïs non OGM, Monsieur Marteau vient de
poser cette question, Nestlé, allez-vous en acheter ?
M. Boullet
-
En ce qui concerne le maïs,
l'utilisation par Nestlé ainsi que tous les industriels, toutes les
industries de transformation confondues, nos achats de maïs, en
particulier d'amidon non raffiné, représentent 3 % de la
production. Quel est leur poids ?
M. Edouard-Leclerc
-
En gros pouvez-vous
répondre à l'inverse ?
Si je vous commande les mêmes tonnages aujourd'hui sans étiquetage
et que je vous demande une garantie sur deux, trois ans, de non-présence
d'OGM ou de produits dérivés d'OGM dans ce que vous allez me
vendre, allez-vous pouvoir le garantir ?
M. Boullet
-
Non, parce que je n'achète pas
à l'agriculteur.
M. Edouard-Leclerc
-
Ce n'est pas un reproche,
mais une réalité, un fait, donc où va la double
filière là-dedans ?
M. le Président
-
La double
filière est difficile car effectivement ceux qui achètent aux
agriculteurs cette année ont tous pris leurs précautions et n'ont
pas voulu se mouiller.
Cette année je ne sais pas qui les achètera car tout le monde dit
qu'il ne le fera pas.
M. Marteau
-
Nous sommes en train d'y
réfléchir. Ce qui est le plus important dans la finalité,
la question de fond est : quelle information apporte-t-on au
consommateur ?
Nous avons d'ailleurs vu avec les exemples que vous venez de citer, que deux
informations sont possibles. Il y a une information claire, visible et une
information confondue dans un ensemble de définitions.
Là aussi je crois qu'il faut être très prudent. Je rappelle
et je crois que certains consommateurs exigent une certaine qualité, une
certaine particularité. Pour cette raison nous nous orientons vers une
filière qui coûtera évidemment plus cher, une
filière garantissant le non OGM, la pureté du non OGM.
Cette filière n'existera peut-être plus dans dix ans, mais dans un
premier temps, elle doit pouvoir répondre à cette attente du
consommateur et après, à l'intérieur du reste, vous avez
ce qui est clairement OGM et ce qui l'est peut-être un peu moins :
c'est le problème du seuil.
Je vois que tout le monde n'est pas d'accord, je pensais pourtant que
c'était pourtant une solution à étudier.
Mme Nicoli
-
Nous partons sur des principes que
l'on veut imposer, rendre généraux alors qu'aujourd'hui nous ne
discutons que sur deux produits, c'est-à-dire le soja et le maïs.
C'est d'autant plus difficile pour des consommateurs, et plusieurs l'ont dit
que, aujourd'hui, cela n'a aucun intérêt pour eux.
On aurait commencé à parler d'OGM ou de filière OGM ou
non-OGM à partir de tomates par exemple, non pas la Calgene qui est
très mauvaise, mais on aurait commencé par prendre une bonne
variété de tomates Marmande ou encore mieux, on lui aurait
ajouté un gène pour la récolter mûre et qu'elle soit
formidable pour le consommateur, c'est-à-dire pas celles que nous
mangeons aujourd'hui aqueuses, farineuses, sans goût, etc, le
débat serait totalement différent.
Il n'est pas question et je n'adhère pas au discours consistant à
dire que nous allons faire des petites filières, des niches qui seront
très chères et sans OGM, ce n'est pas vrai. Demain nous pouvons
avoir une filière OGM, comme par exemple la tomate en question, qui sera
plébiscitée par tous les consommateurs qu'il payera peu cher et
il se détournera de la filière non-OGM car la tomate est
très mauvaise.
Aujourd'hui, avoir un discours général pour tous les OGM alors
que demain arriveront des OGM qui auront un intérêt par exemple
nutritionnel ou organoleptique pour le consommateur et vous verrez qu'à
ce moment-là votre raisonnement sera complètement inversé.
Le consommateur sera d'accord pour manger ces produits et se détournera
des produits non-OGM.
Aujourd'hui, c'est normal, il ne voit aucun intérêt, ce ne sont
que des dérivés. En fin de compte, on dit que les produits OGM
doivent être étiquetés.
Or à part Novartis et Monsanto qui, eux, peuvent clairement
étiqueter leurs semences lorsqu'ils les vendent aux agriculteurs,
après lorsqu'on arrive au niveau des coopératives,
Monsieur Marteau, qui quelque part sont quand même
gérées par les agriculteurs et pas simplement par des
technocrates, ce sont elles qui, demain, devront nous dire où est
passé ce maïs transgénique.
Si Monsieur Michel Edouard-Leclerc veut des produits non-OGM, donc
des produits avec de l'amidon non-OGM, il faudra que ces
12 000 tonnes ou je ne sais combien de tonnes soient mises à
part.
C'est en effet irrationnel et déraisonnable d'avoir 2 000 ha
de maïs qui pollueront dans la tête des personnes, tout le maïs
traditionnel alors que cette année nous pouvons encore en avoir puisque
nous en sommes producteurs et que nous pourrions même être
autosuffisants.
Nous sommes dans une année d'expérimentation, il faut prendre ces
2 000 ha comme une expérimentation et les mettre quelque part.
Cela veut-il dire que Danone, Nestlé ou Leclerc doivent se
dévouer pour avoir dans leur linéaire des produits garantis OGM
pour voir comment réagira le consommateur ?
Autrement que se passera-t-il ? Ce sera mélangé dans les
coopératives et je peux vous dire qu'on vous culpabilisera au maximum,
de toute façon on ne pourra pas faire autrement car c'est le seul
argument qui nous restera.
La deuxième solution qu'à mon avis vous utiliserez, c'est que
vous donnerez ceci à manger à vos cochons, à vos boeufs
parce que la traçabilité et le consommateur passant par la
viande, on est dupé. Demander d'avoir du boeuf élevé sans
produits OGM cela devient ridicule aujourd'hui.
Par rapport à la dioxine, Monsieur Michel Edouard-Leclerc a
fait allusion tout à l'heure à une enquête sur la viande,
ce n'est pas nous qui l'avons faite, mais demain nous avons une enquête
qui sortira sur le lait maternel qui est un bon marqueur pour l'être
humain.
Il y a une quantité de dioxine effarante dans le lait maternel. Nous ne
parlons pas du bébé qui, après, arrive à
l'éliminer, donc ça ne le met pas en danger. Cela veut dire
quelque part, que vous, moi, nous avons dans nos graisses que nous portons tous
les jours avec nous, un taux de dioxine, mais aussi de très nombreuses
autres choses.
Monsieur Molle disait tout à l'heure que ça allait bien,
nous vivons plus vieux, c'est formidable, la science, etc., ils sont les
bienfaiteurs de l'humanité. Si on prend nos graisses pour voir ce qu'il
y a dedans, je peux vous dire que c'est peut-être la cause d'un certain
nombre de maladies qui sont de nouvelles maladies de notre
société.
Essayons de faire un juste milieu et de ne pas devenir dithyrambique dans un
sens comme dans l'autre. Mais il est très difficile de tenir une
position raisonnable lorsqu'on est représentant des consommateurs.
M. le Président
-
Vous et nous, vivons
avec en plus une colonie de 100 000 milliards de bactéries. Si
vous saviez avec qui on vit...
M. Molle
-
Il faut poser la question plus
clairement sur la double filière et sur qui paye.
Finalement que disent les consommateurs assez largement en Europe ?
Nous n'avons pas demandé les OGM, nous n'en voulons pas parce que nous
pensons que ce n'est pas sûr. Nous voudrions bien acheter du non-OGM et
c'est quand même fort de café, c'est nous qui n'avons pas
demandé l'OGM et qui voulons consommer des produits non-OGM, qui allons
payer plus cher le produit.
La demande est celle-là, ils ne veulent donc pas payer pour l'OGM.
Quelle est l'idée derrière ? Vous avez l'idée qu'on
pourrait faire imposer par les pouvoirs publics qui, en principe, ne font ce
genre de choses que pour des raisons de sécurité alimentaire, la
double filière, voire taxer les OGM pour soutenir la filière
non-OGM à la limite si on pousse le raisonnement.
En fait le marché ne fonctionne pas comme cela. Si les pouvoirs publics
le décident, cela fonctionnera ainsi sur le marché
français et ce sera assez amusant au point de vue du marché
international.
En fait le marché, lui, en face de la demande des consommateurs, ne
fonctionne pas ainsi, il s'adapte, il a une certaine souplesse. La meilleure
preuve sont les 1 000 ha cette année de Novartis en maïs.
Si nous avions été l'Arkansas, avec le démarrage du
maïs à surface égale, nous aurions fait cette année
30 000 ha. Pourquoi ? Les agriculteurs ont des antennes partout
et savent bien que les industriels ne se bousculeront pas au portillon...
M. le Président
-
Nous avons des
lettres qui seront dans le rapport.
M. Molle
-
Bien sûr ! Je peux tout
à fait expliquer pourquoi les industriels ont écrit ces lettres
et pourquoi ils sont prudents.
Le meilleur exemple pour montrer que le marché s'adapte est qu'il n'y a
que 1 000 ha.
Il existe aussi une demande d'OGM, il faut qu'elle soit rigoureuse. Il ne faut
pas qu'un produit offert au consommateur soit non-OGM sur un ingrédient
et OGM par ailleurs.
Les personnes opposées aux OGM le sont pour des raisons philosophiques,
religieuses ou autres et il faut que ce soit la globalité du produit.
A quoi cela ressemblerait que pour le yaourt par exemple chez Danone, on
dise : "Mon fruit n'est pas OGM, mais la vache a mangé du tourteau
de soja ou du
corn gluten feed
OGM." ?
Je pense qu'il faut être rigoureux, c'est d'ailleurs la demande du
Conseil national de l'Alimentation. Si un produit clame qu'il est non OGM, il
est vraiment non-OGM. C'est comme le halal ou le kasher, vous n'êtes pas
en partie halal ou kasher, vous l'êtes tout à fait.
Il y a une demande non-OGM et avant qu'on ne mette des OGM dans des aliments
pour bébés en Allemagne, en Autriche, dans ces pays, il se
passera du temps.
Que se passera-t-il par rapport à la double filière de production
imposée par les pouvoirs publics ?
Le marché s'adaptera. Oui, il y aura des offres d'ingrédients
agricoles non-OGM. Oui, elle sera plus chère. Oui, certains industriels
estimeront que sur leur marché, leur image, etc., l'attente du
consommateur justifie que leurs produits soient plus chers et d'acheter dans
cette filière non-OGM.
Cela marchera ainsi et pas autrement, tout le reste c'est de la
littérature.
M. le Président
-
Il reste encore cinq
minutes, j'ai deux questions dans la salle, vous les posez, certains y
répondent et après je voudrais encore poser une question à
Madame Zylbermann.
M. Kerckhove
(Agir pour
l'Environnement) -
Nous avons mené une campagne contre les
OGM et pour un moratoire.
Nous entendons dire depuis hier que c'était par idéologie ou par
passion, nous pensons plutôt que c'est par pragmatisme, par
honnêteté vis-à-vis des consommateurs. Là on est en
train d'affirmer une loi, une mesure législative mensongère.
On mettra trois mots sur des produits
"ne contient pas"
alors qu'ils en
contiendront, moins de 3 %, il y a un effet de seuil dont nous sommes en
train de parler, mais c'est mensonger.
La question est : comment mentir le moins possible ? Comment
réduire l'effet de seuil ? La réponse est qu'il faut
développer les filières séparées.
Là où je m'inscris totalement en faux avec Monsieur Marteau
c'est qu'on ne développera pas la filière non-OGM car, pour
l'instant, elle existe. La filière OGM ne représente que
2 000 ha donc c'est à eux de payer les silos, les transports.
A une époque on pensait que les OGM n'apportaient rien aux
consommateurs, là ils apporteront quelque chose qui est un surcoût
s'ils doivent construire leurs silos et développer leur filière
de transport.
J'aimerais savoir qui payera depuis le début.
Mme Roger
(Agence AGRA) -
J'ai une question
pour les industriels qui est peut-être un peu naïve. Je me demande
comment des importateurs qui ont un tel pouvoir sur le marché
international n'ont pas réussi à imposer une séparation
des lots.
Mme Dron
(Cellule prospective, Ministère de
l'Environnement) -
Les OGM potentiels sont très divers,
ils ont des avantages, des inconvénients très divers aussi bien
pour le consommateur que pour l'environnement.
En pratique dans une formulation, la mention
modifié
s'appliquera
ou non à chaque composant. Je me demande pourquoi la gestion du sujet
devrait se borner à une dichotomie OGM, non-OGM.
Avec cette approche, on risque de supprimer des possibilités de choix
sur tous les composants sur lesquels il y aura possibilité de choix et
des balances avantages/inconvénients différentes sous
prétexte, par exemple, que le soja n'est pas triable.
M. Edouard-Leclerc
-
Ce n'est pas qu'ils ne le
peuvent pas. Je le répète, il faut sortir de l'hypocrisie, si
cette séparation n'existe pas, c'est que les trois-quarts des acteurs
sur le marché ne le veulent pas.
L'industriel a vu son intérêt en termes de productivité, le
pays, l'état-nation dans les PVD, etc., est soumis à des
contraintes météo, insectes, les OGM les intéressent. De
nombreuses personnes sont intéressées, les laboratoires, etc.
Rien n'est mis en place pour cette distinction car il y a une sorte de
consensus, un non-dit public pour diffuser les OGM. Le problème
aujourd'hui, à mon sens, n'est pas la séparation.
Les OGM apportent-ils quelque chose au consommateur, oui, non ? Je ne suis
pas compétent, mais qu'on en parle, qu'ils défendent leurs
arguments.
D'autre part est-ce dangereux ou non pour la santé publique ?
Après si c'est bon et que ce n'est pas dangereux, on rentrera dans la
banalisation de l'OGM. En revanche si nous avons toutes ces interrogations,
c'est bien que la réponse n'est pas claire.
Mme Verdier
(La Croix) -
Je me demande
comment on peut se poser la question de deux filières ce qui supposerait
au départ que les champs soient hermétiques et confinés
tous à des kilomètres de distance pour qu'il n'y ait aucune
fertilisation croisée.
La question me semble complètement absurde lorsqu'on parle de millions
d'hectares déjà cultivés, il y a forcément des
fertilisations entre les champs et c'est déjà le cas.
M. le Président
-
Je l'ai
déjà dit tout à l'heure, cela existe quand même pour
les semences avec des arrêtés préfectoraux, il y a des
distances qui sont nécessaires ; cela existe pour les produits bio.
Ce sera compliqué et c'est très compliqué, vous avez
raison de poser la question, mais cela existe déjà dans deux
secteurs. Cela peut exister.
Maintenant vous avez ces questions et vous allez essayer d'y répondre en
conclusion avec, Madame Zylbermann, la question qui a été
posée par Monsieur Kerckhove.
Existe-t-il déjà aujourd'hui en vente et quels produits sont
déjà des produits OGM ? Même s'ils ne sont pas
marqués qu'est-ce qui existe déjà ?
Mme Zylbermann
-
J'ai dit tout à l'heure
qu'une enquête était en cours.
Comme les remontées sont en cours, je n'ai pas de liste de produits. De
toute façon même si je l'avais, dans la mesure où il y
aurait éventuellement des poursuites, je ne peux pas vous donner des
noms.
Soit les produits sont étiquetés comme ceux de Nestlé,
soit ils ne le sont pas et à ce moment-là, nous devrons donner
des suites judiciaires et nous verrons ce que les tribunaux diront.
Dans ce cas, même si j'avais apporté ici des copies des
procès-verbaux, je ne pourrais pas vous les donner. Vous comprenez bien
que, par mon statut, je suis tenue à une certaine discrétion
professionnelle.
M. le Président
-
Aujourd'hui, oui. En
tout cas, je les demanderai au Ministre.
Mme Zylbermann
-
Vous les demanderez au Ministre,
vous en avez parfaitement le droit, mais devant un public, je ne peux pas
donner ce type d'information.
Une intervenante
-
Il faudra les donner aux
organisations de consommateurs.
Mme Zylbermann
-
Oui, nous avons l'habitude de le
faire, Madame.
M. le Président
-
Vous répondez
aux questions qui ont été posées.
M. Marteau
-
Concernant le seuil et la
tolérance, je rappelle que sur les produits bio, le seuil de
tolérance est de l'ordre de 5 % aujourd'hui alors qu'au
départ il était de l'ordre de 30 %. C'est un seuil de
mélange tolérable qui se réduit ce qui est de bon augure.
Concernant le maïs, ce n'est pas un problème, c'est un
épiphénomène, c'est le cas de le dire et sans jeu de mots.
Le problème se pose pour le soja. Aujourd'hui je vous rappelle que nous
importons 70 % de la consommation et de nos besoins et que le
mélange est systématiquement réalisé au niveau des
importations. Je ne vois pas pourquoi nous traiterions différemment ce
qui est produit sur notre sol et ce qui est importé.
D'autre part, il y a une demande du consommateur et ce n'est pas de
gaieté de coeur que nous nous imposerons une filière
différente. Il y a une demande et si elle est réelle,
justifiée, nous y répondrons.
Je rappelle que l'agriculture est là pour répondre aux demandes
du consommateur. A mon avis, le débat va dans le bon sens, il faut que
l'on s'explique et que le bon de commande soit clair.
M. le Président
-
Monsieur Molle,
la réponse aux industriels.
M. Molle
-
Notre puissance d'achat sur le
marché mondial, d'accord...
On parle de soja et de maïs et, pour les industriels de l'alimentaire, ces
produits sont utilisés en tant qu'additifs en très faible
quantité et font l'objet de transformations industrielles dans des
usines importantes.
Puisque, contrairement à ce que vous pensez, nous sommes de faibles
acheteurs de soja - je parle de l'industrie alimentaire - nous
n'avons aucun poids par rapport à l'association américaine de
production de soja.
En revanche, et c'est l'histoire des 1 000 ha de maïs en France,
si les chaînes de transformation sont plus courtes, nous avons des
possibilités d'obtenir des lots non-OGM, mais nous avons
également ces possibilités sur les chaînes longues.
C'est comme si on disait que le bio n'est pas possible. Le maïs Waxy aux
Etats-Unis est récolté de façon très
précautionneuse, de façon séparée car il a une
composition particulièrement intéressante pour un marché
très particulier, très rémunérateur. Il est
possible de le ramasser de façon séparée, d'avoir des
filières séparées.
Le problème est que cela a un coût. Est-ce que le marché,
est-ce que demain le produit X vendu Y % plus cher sera acheté
sous prétexte qu'il pourra dire qu'il est non-OGM ?
C'est à chaque industriel de prendre sa décision.
le Président
-
Nous sommes malheureusement
obligés de conclure.
Pour la presse qui est là, cette discussion était très
intéressante car nous voyons qu'à partir de la
réglementation adoptée, beaucoup de nouvelles questions sont en
train de se poser. Elles n'ont pas toutes été abordées au
fond ce matin, elles ont été effleurées.
Je signale qu'à l'Assemblée Nationale, nous avons un forum sur
Internet. Si vous pouviez l'annoncer, ce serait la meilleure manière
d'avoir un débat public. Je vous le redonne, vous tapez
www.assemblee-nat.fr
et vous avez ce forum.
Si on peut l'annoncer sur ces questions, je crois que pour les consommateurs
c'est très important, annoncer ce forum est un autre moyen de
débat.
Par ailleurs il y aura la Conférence de Citoyens dont j'ai parlé
hier et il y a les auditions ici qui sont publiques, ouvertes, contradictoires.
Il y aura également ce forum qui nous permettra d'avoir vos avis car ces
sujets sont très compliqués, notamment l'avantage pour le
consommateur qui est un vrai sujet. Le problème des seuils en est un
aussi de même que les responsabilités, la
traçabilité, la séparation des filières.
Sur toutes ces questions, je serai obligé de donner mon avis dans mon
rapport et je souhaiterais avoir l'avis d'un maximum de personnes.