LE CONTRÔLE DE LA SÛRETÉ ET DE LA SÉCURITÉ DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES
BIRRAUX (Claude), Député ; LE DRÉAUT (Jean-Yves), Président ; REVOL (Claude), Vice-Président
RAPPORT 484 (97-98), Tome 2 - OFFICE PARLEMENTAIRE D'EVALUATION DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
Table des matières
N° 971 |
N° 484 |
ASSEMBLÉE
NATIONALE
|
SÉNAT
|
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 9 juin 1998 |
Annexe au procès-verbal de la éance du 9 juin 1998 |
OFFICE
PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
________________________
RAPPORT
sur
LE CONTRÔLE DE LA SÛRETÉ ET DE LA SÉCURITÉ
DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES
Première partie :
Le projet de réacteur nucléaire
franco-allemand
par
M. Claude BIRRAUX,
Député
Tome I : Conclusions du rapporteur
__________
__________
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale
Déposé sur le Bureau du Sénat
par M. Jean-Yves LE DÉAUT, par M. Henri REVOL,
Président de l'Office.
Vice-Président de l'Office.
Énergie et carburants
MERCREDI 4 MARS 1998
La séance est ouverte à 9 h 15 sous la présidence de Monsieur Jean-Yves LE DEAUT, Président de l'OPECST.
M. LE DEAUT
- Avant de
laisser la
parole à Claude BIRRAUX, je voudrais vous dire que lors d'un colloque
sur la technologie de l'information qui s'est tenu vendredi dernier, Laurent
FABIUS, le Président de l'Assemblée Nationale, se posait la
question de savoir si la technique était en train d'échapper aux
politiques.
Dans sa réponse, il affirmait que le politique ne devait pas renoncer
à dire et à faire la norme, même dans le domaine de la
science et de la technique, ajoutant toutefois immédiatement que nous
devions pour cela redéfinir nos méthodes de travail. J'ai
été particulièrement heureux, en tant que Président
de l'Office Parlementaire d'Evaluation des Choix Scientifiques et
Technologiques, de 1989 à 1992 d'abord, et depuis 1997, qu'il souligne
les actions entreprises par cet organisme et qu'il dise que nos initiatives
allaient dans le bon sens, même si notre influence n'a peut-être
pas encore atteint son niveau optimal, à son avis, à
l'extérieur du Parlement.
Depuis plus de dix ans, mes collègues, sénateurs, maires et
députés, membres de l'Office, 32 au total, ne ménagent ni
leur temps ni leurs efforts pour que le Parlement puisse traiter correctement
les grands choix qui engagent l'avenir de la Nation. Le temps n'est plus, en
effet, où ces grands choix scientifiques ou industriels pouvaient se
faire dans une étroite assemblée de spécialistes qui se
cooptaient.
On constate de plus en plus de résistance à l'introduction des
nouvelles technologies lorsque la population n'a pas été
suffisamment informée et même associée à la prise de
décision. Pour travailler en même temps sur le problème des
organismes et des pigments modifiés, je peux vous dire que sur les
biotechnologies, aujourd'hui, on a exactement les mêmes réactions.
Or, le Parlement, malgré toutes ces imperfections, reste
néanmoins le lieu privilégié pour engager le débat
public dans une démocratie. Il nous a semblé, à l'Office
Parlementaire, que les auditions publiques pluridisciplinaires et
contradictoires, comme celle à laquelle vous allez participer
aujourd'hui, constituaient le meilleur moyen pour mettre en contact les experts
et les responsables politiques dans une configuration qui préserve les
intérêts des uns et des autres.
La relation entre les experts et les politiques est en effet le point crucial
de la prise de décision dans les domaines scientifiques et techniques.
Il faut bien voir - et cela explique peut-être la timidité du
Parlement dans ce domaine - que les responsables politiques qui doivent
prendre des décisions, qui engagent - et c'est
particulièrement le cas aujourd'hui - l'avenir de plusieurs
générations, ont parfois des difficultés à
distinguer quel pourrait être le bon choix face à des experts ou
trop formels ou trop hésitants.
A partir du moment où l'on estime que le processus de décision
politique doit être éclairé par ceux qui détiennent
les connaissances techniques, c'est de la confrontation de cette connaissance
que pourra naître la vérité, ou ce qui peut constituer une
vérité, dans les circonstances actuelles. Aujourd'hui, les lois
sont de plus en plus souvent précaires et révisables voire
même, je dirais, en tant que biologiste, "biodégradables".
Mon collègue, Claude BIRRAUX, est celui d'entre nous qui a eu le plus
souvent recours à cet exercice public, pluridisciplinaire et
contradictoire, particulièrement difficile pour celui qui doit conduire
les débats si bien qu'assez paradoxalement, c'est peut-être dans
le secteur du nucléaire, toujours réputé secret et peu
démocratique, que le Parlement dispose des informations les moins
contestables. Grâce à Claude BIRRAUX, notamment, on a
réduit dans ce domaine du nucléaire ce qu'on appelait "le
déficit démocratique".
Tout au long de cette journée, vous allez vous pencher sur l'avenir du
nucléaire ; il s'agit d'une interrogation fondamentale pour
l'avenir de notre pays et de l'EUROPE. Devons-nous rester une grande puissance
nucléaire ? Le nucléaire constitue-t-il toujours la
meilleure solution pour assurer notre indépendance
énergétique et le respect des normes de rejet, de gaz à
effet de serre ?
Telles sont les questions qui sous-tendent les choix qui devront être
faits sur l'EPR. Avouez que les responsables politiques, face à de
telles responsabilités, ont tout intérêt à
s'entourer du maximum d'avis, et que des journées comme celle
d'aujourd'hui sont absolument nécessaires si l'on veut par la suite
éviter l'apparition de fractures entre les décideurs et les
populations concernées.
Je vous remercie et vous souhaite bon travail.
M. BIRRAUX
, Rapporteur de l'OPECST
- Merci,
Monsieur le Président de l'Office Parlementaire. Comme vous l'avez
rappelé à l'instant, par-delà les rivalités
politiques et par-delà l'échiquier politique, l'Office
Parlementaire a réussi, sur des sujets certes scientifiques, à
sortir de ce débat pour aborder ce qui est véritablement le
débat de fond que nous-mêmes avons conduit dans le domaine de la
sûreté nucléaire, que Christian BATAILLE a conduit dans le
domaine de la gestion des déchets, que vous conduisez sur les organismes
génétiquement modifiés, que d'autres ont conduit sur les
textes de bioéthique, et je crois que c'est tout à l'honneur du
Parlement alors que, souvent, il y a l'éphémère,
l'écume des vagues, c'est-à-dire ce qui fait le titre de
l'actualité et, ensuite, on passe à une page de publicité
et on oublie.
Là, il y a un certain nombre de députés et de
sénateurs qui, depuis quelques années, essaient de traiter
à fond les sujets, et c'est peut-être parce qu'ils les traitent
à fond et non pas sous la pression d'une actualité
éphémère qu'ils ont réussi à faire vivre ce
débat par-delà les experts, par-delà les options
politiques ou philosophiques de chacun. C'est sûrement grâce
à l'Office Parlementaire que des choses ont pu avancer, que le
débat a pu améliorer la connaissance des parlementaires, mais je
crois qu'au-delà des parlementaires, c'est l'ensemble de l'opinion
publique qui se trouve informée et impliquée.
Le 24 septembre dernier, le Bureau de notre Assemblée confirmait la
saisine de l'Office Parlementaire puisque nous avions été saisis
avant la dissolution par le Président FABIUS, qui exerçait alors
une autre fonction, mais le Président FABIUS, Président de
l'Assemblée Nationale, a confirmé la saisine qu'il avait
rédigée lui-même sur les aspects technologiques de
sécurité et de normalisation et économiques du programme
du réacteur européen à eau pressurisée. Il
recommandait au Bureau de notre Assemblée que cette question soit
examinée dans le cadre du rapport régulier consacré par
l'Office à la sûreté des installations nucléaires.
Je vais vous dire des choses très simples et très claires. Il ne
s'agit pas, pour le rapporteur de l'Office Parlementaire, de faire les choix
à la place des décideurs. C'est une position constante du
rapporteur : je ne suis à la place de personne, je suis un
parlementaire qui est l'oeil extérieur, qui voit comment fonctionne le
système, qui propose éventuellement des modifications afin que ce
système fonctionne mieux, mais il ne lui appartient pas de choisir
à la place de ceux dont c'est la fonction.
Cependant, à travers ce rapport, et singulièrement à
travers ce débat d'aujourd'hui, je souhaite faire émerger des
paramètres de choix pour que ceux qui auront à trancher ces
questions, pour que les parlementaires qui auront à s'exprimer puissent
prendre connaissance de ces paramètres et dire, en fonction de ceux-ci,
quelles sont leurs options.
Avant de donner la parole à Messieurs BOUTEILLE et LECOCQ, qui vont nous
faire une présentation générale du projet, je salue les
éminentes personnalités qui ont répondu à
l'invitation de l'Office Parlementaire, ceux qui sont les amis de l'Office,
puisqu'ils ont participé à la plupart des auditions que nous
avons organisées sur la sûreté nucléaire, mais qui
se sont vus renforcer aujourd'hui par la présence d'une
délégation de la République Fédérale
d'ALLEMAGNE comprenant la Direction du Ministère de l'Environnement, les
exploitants électriques ou encore SIEMENS.
M. LECOCQ
- Je suis
Directeur adjoint de
l'Equipement de l'Electricité de FRANCE
et, comme vous le savez, la
Direction de l'Equipement a en charge la conduite des grands projets de
construction des centrales dans ce pays.
La FRANCE est aujourd'hui à la tête de 58 réacteurs
à eau pressurisée, 57 en exploitation et 1 en construction, ce
qui représente un gisement important d'énergie. C'est le
résultat d'une politique énergétique cohérente qui
s'est inscrite dans le long terme et qui a pour conséquence que le
coût de l'électricité est l'un des plus bas et des plus
stables en EUROPE.
Les grands axes de réflexion sur l'avenir visent à
préserver ces avantages, c'est-à-dire conserver au
nucléaire sa compétitivité, notamment pour remplacer au
début du prochain siècle le parc nucléaire existant,
disposer de centrales économiques tout en restant dans le même
contexte mondial en matière de sûreté, de façon
à garantir la pérennité de l'option nucléaire.
Les orientations qui résultent de cette stratégie s'expriment en
termes de performance, disponibilité, durée de vie et
sûreté. C'est dans cet esprit que nous travaillons sans oublier
qu'aujourd'hui, le réacteur le plus avancé de sa
génération est N4, produit licenciable, dernière
référence et vitrine effective du nucléaire
français, le plus avancé puisque mettant en oeuvre des
innovations techniques majeures dont, notamment, le contrôle-commande
informatisé de nouvelle génération et la turbine ARABELLE,
qui sont deux grandes premières mondiales à ce niveau de
puissance.
Le dispositif d'ensemble de préparation de ce renouvellement s'articule
dans une dynamique européenne autour de trois actions
complémentaires qu'il convient de ne pas confondre, et que je voudrais
rappeler :
1) Le cahier des charges EUR :
Il s'agit d'un cahier des charges élaboré avec la plupart des
grands électriciens européens pour définir les principales
caractéristiques techniques et les objectifs de sûreté
auxquels devraient répondre tous les futurs réacteurs
nucléaires européens.
Ce cahier des charges est la traduction concrète de notre volonté
de faire émerger au plan international un véritable consensus
européen.
2) Le palier REP 2000 (Réacteur à Eau
Pressurisée), qui désigne le prochain standard des centrales
nucléaires d'électricité de FRANCE, destiné
à succéder à l'actuel palier N4.
3) Le projet EPR à proprement parler, qui constitue le design de
l'îlot nucléaire franco-allemand, développé en
coopération entre SIEMENS, FRAMATOME, NPI, EDF et les
électriciens allemands, et qui devrait équiper les unités
du palier REP 2000.
La démarche que nous suivons avec REP 2000 est proche de celle qui
nous a conduits du palier 900 Mégawatts au palier N4. Elle est
progressive, évolutive et sans rupture de manière à
engranger le maximum de retour d'expériences du parc en exploitation. Si
l'on voulait synthétiser cette démarche sans trop la caricaturer,
on pourrait dire qu'elle s'articule autour de trois orientations
essentielles :
- simplicité,
- amélioration du contrôle des accidents graves,
- recherche de compétitivité.
Cette démarche est donc évolutionnaire. Elle permet
d'intégrer au bon endroit et au bon moment les innovations, parce que
guidée par le retour d'expérience.
L'objectif est de faire bénéficier le pays et les clients d'une
part des progrès techniques, notamment en améliorant encore la
sûreté et les conditions d'exploitation, d'autre part des
progrès économiques, notamment en conservant un coût de
production d'électricité modéré.
En matière de sûreté, les objectifs sont d'améliorer
la sûreté de manière significative dès le stade de
la conception :
- en réduisant la probabilité de fusion du coeur,
- en limitant les conséquences radiologiques des accidents.
En matière de conditions d'exploitation, nos objectifs sont de
poursuivre l'amélioration des conditions d'entretien et de maintenance
et de poursuivre la réduction des doses en exploitation.
En termes de compétitivité, nos objectifs sont de rechercher une
disponibilité globale très élevée, de l'ordre de 87
à 90 %, et d'augmenter la durée de vie de conception des
principaux composants tout en maintenant des coûts d'investissement et
d'exploitation modérés pour atteindre des durées de vie
significatives, peut-être de l'ordre de 60 ans.
En matière d'environnement, outre les objectifs de sûreté,
qui y contribuent, nous nous sommes fixés de poursuivre la
réduction des volumes de rejets des déchets en fonctionnement
normal, et de rechercher une capacité à recycler le plutonium,
contribuant ainsi à la maîtrise des stocks de plutonium tout en
assurant une maniabilité au parc.
Monsieur BOUTEILLE donnera les grandes options techniques qui
caractérisent ce projet ; je voudrais, quant à moi, faire un
point sur l'avancement du projet.
Ce projet a d'abord débuté par un avant-projet sommaire :
"Conceptual Design". Depuis 1992, un certain nombre d'étapes ont
été franchies ; en premier lieu, il convient de mentionner
l'élaboration des recommandations communes franco-allemandes par les
autorités de sûreté, concrétisées par un
document de juin 1993. Dans un second temps, et concomitamment, cet
avant-projet sommaire s'est concrétisé fin 1993 par
l'établissement d'un document commun portant le nom de "Conceptual
Safety Features Review Files" qui rassemble la présentation
générale, les bases de conception en matière de
sûreté, au regard des recommandations des autorités, et la
description générale de l'îlot nucléaire.
Ce document a été transmis aux autorités de
sûreté en 1994. Son instruction par leurs appuis techniques,
à savoir le groupe permanent, en FRANCE et la Commission RSK, en
ALLEMAGNE, s'est déroulée en 1994 et a abouti à une lettre
co-signée par les autorités de sûreté allemandes et
françaises du 31 janvier 1995.
L'ensemble des recommandations des autorités de sûreté
ayant été jugé compatible avec les grandes options
techniques de l'avant-projet sommaire, la voie était donc
dégagée pour passer à la phase suivante : la mise en
place d'un avant-projet détaillé "Basic Design".
De ce point de vue, le Conseil d'Administration d'Electricité de FRANCE,
réuni le 24 février 1995, a approuvé, sur rapport du
Directeur Général, la signature d'un contrat de Basic Design du
projet îlot nucléaire d'EPR. En relation avec cet avant-projet
détaillé d'îlot nucléaire a été
conduit un avant-projet de salle des machines.
Aujourd'hui, les études avant-projet détaillé sont
terminées, ceci depuis juin 1997. Elles se sont
concrétisées par l'émission du "Basic Design Report" qui a
été déposé auprès des autorités de
sûreté française et allemande en octobre 1996. Cette phase
essentielle du développement du projet s'est déroulée de
façon totalement satisfaisante, en respectant les coûts. Pour
donner une idée de l'importance du travail qui a été
effectué, on peut noter que le rapport est constitué de 11 gros
dossiers, représentant au total 4 000 pages, auxquels s'ajoutent
1 100 documents d'ingénierie de 50 000 pages et
1 200 plans.
Ce développement a été mené dans le cadre du
référentiel de sûreté pour les réacteurs du
futur, défini par les autorités de sûreté et
précisé en 1995.
On doit également souligner, à ce stade, les résultats
prometteurs obtenus concernant le coût du kilowattheure attendu des
futures centrales nucléaires intégrant un îlot
nucléaire de cette conception. En effet, les études ont
montré que l'utilisation judicieuse et le retour d'expérience des
tranches existantes, tant françaises qu'allemandes, et
l'intégration et la conception d'un objectif d'optimisation
économique global devraient permettre d'obtenir une réduction
significative du coût du kilowattheure.
Cela étant, et à ce stade du projet, nous avons estimé
avec nos partenaires allemands que le projet comportait encore des marges
significatives d'amélioration de sa compétitivité
économique. Dans ces conditions, nous avons convenu de conduire dans
cette année qui court, et jusqu'à la fin 1998, une phase
d'optimisation organisée selon les mêmes modalités que la
phase précédente.
Dans ces conditions, l'objectif de la phase d'optimisation d'EPR, aujourd'hui
engagée, consiste en particulier à :
1) déterminer l'optimum de puissance, compte tenu d'abord des
coûts d'investissement, d'exploitation et de combustible
déjà évalués mais qui seront précisés
pendant cette phase,
2) déterminer des éléments plus
détaillés relatifs au coût d'investissement de la salle des
machines,
3) déterminer la capacité d'insertion de ce produit dans
l'appareil industriel et dans le réseau d'exploitation.
M. BOUTEILLE
- Mesdames et Messieurs, je suis
Directeur général adjoint de NPI
, filiale commune de
FRAMATOME et de SIEMENS créée par l'accord de 1989 et dont
l'activité principale est de coordonner les efforts de FRAMATOME et de
SIEMENS pour le développement du réacteur du futur.
L'îlot nucléaire EPR est en filiation directe avec ceux du N4 et
des CONVOIS, dernière famille de réacteurs construits en
ALLEMAGNE. Le niveau de puissance électrique est de l'ordre de
1 525 mégawatts électriques. Une augmentation de
puissance est à l'étude, qui pourrait conduire à un niveau
de puissance de l'ordre de 1 750 mégawatts.
Le choix d'une conception évolutionnaire a été suivi,
conformément aux orientations définies par les autorités
de sûreté, pour bénéficier pleinement de
l'expérience de construction et d'exploitation des réacteurs
français et allemands. Ce capital de connaissances et
d'expériences est un acquis considérable qui donne une dynamique
unique au processus de développement. Il convient de le faire fructifier.
L'expérience disponible aujourd'hui permet de prendre en compte une
durée de vie technique de 60 ans au lieu de 40 ans pour les
réacteurs existants. La facilité d'exploitation est un des grands
thèmes sur lesquels les partenaires du projet ont travaillé. Cet
objectif se décline de plusieurs façons :
- une grande fiabilité des composants
L'approche évolutionnaire permet de tirer partie de l'expérience
disponible, en particulier sur les composants les plus sensibles.
- le fonctionnement et la maintenance se veulent simplifiés
- une illustration de la mise en application de cet objectif
général, et l'architecture des principaux systèmes de
sauvegarde en quatre trains séparés, ce qui permet de mieux
organiser la maintenance et, également, de gagner en
disponibilité de l'installation.
- la réduction du risque d'erreur humaine
Par exemple, l'interface homme/machine utilise pleinement le retour
d'expérience du palier N4, qui représente l'état de l'art
actuel dans le domaine de l'industrie nucléaire.
Pour la radioprotection, l'objectif est de diminuer les doses reçues par
le personnel d'exploitation. Cet objectif a été
intégré très en amont dans la conception. Ce point sera
détaillé ultérieurement.
L'EPR peut s'adapter à des conditions de sites variées qui
permettent d'englober les conditions rencontrées en EUROPE occidentale
et donc de développer un réel standard, à l'image de ce
qui a été fait en FRANCE, qui est l'une des clés de la
compétitivité de l'énergie nucléaire. Cette
remarque s'applique par exemple au type de sol (qui peut être rocheux),
aux conditions sismiques (la valeur retenue d'accélération au sol
est de 0,25 G), aux agressions externes (explosions, chutes d'avions, y
compris de type militaire) et aux conditions climatiques de l'EUROPE
occidentale.
Dans l'esprit d'une exportation future de ce modèle, une adaptation
à des conditions plus sévères est possible sans
modification majeure de l'architecture des bâtiments.
Le transparent suivant présente une vue du circuit primaire principal
avec la cuve au centre et les quatre boucles disposées en étoile
comprenant chacune un générateur de vapeur et une pompe. La
disposition et la conception des composants sont très proches de celles
du palier N4. L'extrapolation nécessaire pour augmenter les performances
reste dans un domaine suffisamment restreint pour qu'il n'y ait pas de risque
induit et que l'objectif de fiabilité puisse être atteint avec une
grande confiance.
Il est à noter que les réserves d'eau ont été
accrues, par rapport au N4, de façon à augmenter les temps de
réaction de l'installation, en cas de transitoire. Le coeur est plus
important, 241 éléments à l'assemblage au lieu de
205, ce qui donne une flexibilité supplémentaire au niveau de
l'exploitation.
La conception du combustible reste identique à celle du N4. Les
améliorations techniques du combustible développées de
façon générique bénéficieront à
l'EPR. Le recyclage du plutonium est possible comme sur les réacteurs
actuels ; les études sont en cours pour chiffrer exactement la
fraction du coeur qui peut être chargée sous forme d'assemblage
MOX.
La chaudière est conçue pour accepter un combustible enrichi
à 4,9 % et pouvoir atteindre un épuisement de
décharge de 60 gigawattjour par tonne, ce qui contribue à
une bonne utilisation de l'uranium. La durée des cycles peut varier
entre un et deux ans en fonction des spécifications de l'exploitant. Le
réacteur sera capable d'effectuer le suivi de réseau comme les
réacteurs actuels.
Le transparent suivant montre l'implantation des bâtiments de
l'îlot nucléaire. Au centre, le bâtiment réacteur, de
forme cylindrique, entouré par les trois bâtiments abritant les
quatre trains séparés, donc les bâtiments respectivement
est, nord et ouest.
Le bâtiment du nord abrite les trains de sauvegarde 2 et 3 de
façon complètement séparée. Au sud se trouve le
bâtiment combustible qui abrite la piscine de désactivation des
combustibles usés, qui peut contenir environ l'équivalent de dix
ans de fonctionnement. Au Sud-Est se trouve le bâtiment des auxiliaires
nucléaires.
Le code couleur, différent pour chacune des autres divisions, illustre
la séparation physique qui permet une meilleure protection des
différents composants contre les risques inhérents aux agressions
internes tels que l'incendie, ou l'inondation des locaux suite à une
rupture de tuyauterie.
Cette séparation physique des quatre trains et le dimensionnement des
composants des systèmes de sauvegarde permettent d'envisager la
maintenance de ces systèmes lors du fonctionnement du réacteur,
ce qui facilite la planification de ces opérations et permet de
réduire la durée des arrêts de tranches.
La salle de commande se trouve dans les niveaux supérieurs du
bâtiment de sauvegarde contenant la division 2. Celle-ci est dans la
lignée de la conception du N4 et bénéficiera donc des
enseignements tirés du développement et de l'exploitation de ce
palier.
Une grande importance est attachée à l'amélioration de la
sûreté, à la prévention des situations
accidentelles, et en particulier de celles qui peuvent conduire à un
endommagement du combustible. L'objectif, qui est double, est ainsi de :
1) réduire la probabilité de fusion du coeur,
2) minimiser les rejets radiologiques dans les situations accidentelles
avec fusion du coeur.
Ce transparent illustre, très schématiquement, les dispositions
constructives prises pour pallier ces situations de fusion du coeur.
La première mesure concerne le renforcement de l'enceinte et du
confinement en général. La conception de l'enceinte est de
même type que celle installée sur les réacteurs
français des paliers 1 300 et 1 450 mégawatts. La
pression de calcul est augmentée à 6,5 bars. Elle est
définie pour que l'enceinte conserve son étanchéité
à la pression qui résulterait de la combustion de
l'hydrogène produite par la réaction zirconium-eau au moment
où la concentration de l'hydrogène est maximum dans l'enceinte.
L'enceinte est munie d'un système de refroidissement dédié
aux situations d'accidents graves ; c'est un système par aspersion.
Un système de dépressurisation dédié aux situations
d'accidents graves est implanté sur le pressuriseur pour éliminer
les risques de fusion du coeur à haute pression. Un système de
contrôle de l'hydrogène, à base de recombineurs
catalytiques et d'igniteurs, est installé dans l'enceinte.
Le réservoir d'eau nécessaire au refroidissement du coeur, en cas
de fusion du coeur et de rupture de la cuve, est implanté dans
l'enceinte. Ce système est conçu de telle manière qu'il
peut refroidir de façon passive le corium qui, en cas de rupture suite
à des situations hypothétiques de perte totale des moyens de
refroidissement, s'étalerait dans un local, ce local étant
prévu pour récupérer le corium et le confiner.
Les parois de cette chambre d'étalement sont protégées de
façon à prévenir l'endommagement du radier et donc
à garantir son étanchéité. Les fuites
résiduelles de l'enceinte vers l'espace annulaire sont reprises par un
système de ventilation vers des filtres à haute
efficacité.
Ce sont les points principaux que je voulais rappeler en introduction à
ce débat.
Présidence de Monsieur Claude BIRRAUX
M. BIRRAUX
- Pour que vous ayez
une
idée de la façon dont j'envisage d'organiser la discussion, je
vais vous présenter les différents thèmes que je
prévois de traiter :
le matin
:
1) la présentation générale du projet (celle-ci venant
d'être faite)
2) la philosophie des autorités de sûreté et leurs appuis
techniques,
3) la recherche,
4) l'exploitation et la maintenance
5) la radioprotection
6) les accidents graves
7) les rejets
8) l'EPR peut-il être un modèle européen ?
9) les EUR
l'après-midi
:
- la stratégie, à savoir :
. l'économie du projet
. les besoins en énergie
. le maintien des compétences
. le vieillissement des centres et le remplacement du parc
. la coopération franco-allemande
. faut-il construire un réacteur ?
. à quelle date faut-il engager la réalisation ?
Ceci est indicatif, sachant que je souhaiterais que nous traitions de
l'ensemble des sujets, même si cela ne s'effectue pas obligatoirement
dans cet ordre, compte tenu des disponibilités des différents
intervenants. Je sais, entre autres, que Monsieur MANDIL, Directeur
Général de l'Energie et des Matières Premières,
nous rejoindra vers 11 heures et ne pourra pas être présent
cet après-midi. Donc, nous traiterons avant 12 heures le point
relatif aux besoins en énergie et la vision de la DGEMP sur la
prospective énergétique.
Vous avez l'ensemble du synopsis de notre réunion. J'aimerais demander
aux autorités de sûreté françaises et allemandes
quelle a été leur philosophie, leur approche, et comment,
à partir d'une lecture française et d'une lecture allemande de la
philosophie de sûreté, elles ont abouti à une lecture
commune.
M. LACOSTE
- Je m'exprimerai en tant que
Directeur de la Sûreté des installations nucléaires
en FRANCE et au nom de mon collègue et ami
Gerard HENNENHOFER,
Directeur Général de la Sûreté des installations
nucléaires, de la radioprotection, des combustibles nucléaires et
de la gestion des déchets au Ministère allemand de
l'Environnement
.
Je vais m'appuyer sur des transparents et je précise qu'ils sont la
traduction française de transparents que nous avons
préparés ensemble, mon collègue allemand et
moi-même, pour une présentation commune à nos
collègues des autres autorités de sûreté
nucléaire des pays européens.
Je vais présenter le point de vue des autorités de
sûreté sur le développement et l'évaluation d'un
concept franco-allemand de réacteurs évolutionnaires aux
objectifs de sûreté ambitieux. Il y a trois points sur lesquels il
faut insister pour présenter notre position :
- Le premier est que, d'emblée, les autorités de
sûreté ont adopté une stratégie
évolutionnaire, par opposition à une stratégie
révolutionnaire. Nous n'avons pas cherché une rupture en
matière de sûreté, nous avons cherché à tirer
le meilleur parti des progrès successifs accomplis, à tirer le
meilleur parti de l'expérience acquise et le meilleur parti du
mélange de l'expérience française et allemande, accumulant
ainsi un nombre considérable d'années d'expérience.
- Le deuxième point important est que nous nous sommes fixés
comme objectif d'améliorer la situation concernant les accidents graves,
ce qui implique de diminuer de façon significative le risque de
l'accident grave et aussi diminuer les conséquences d'un accident grave.
Ceci peut se décliner ainsi :
. éliminer pratiquement les situations pouvant conduire à
des rejets précoces,
. limiter les rejets maximaux en cas d'accident comportant fusion du coeur,
. prendre des mesures de précaution pour les accidents sans fusion
du coeur.
Ce sont des progrès qualitatifs et quantitatifs importants.
- Le troisième point est que la situation normale d'un
réacteur est de fonctionner dans des conditions aussi satisfaisantes que
possible.
Donc, les divers objectifs que nous avons fixés sont des objectifs
tendant à la simplification de l'exploitation, à la
simplification de la maintenance et des contrôles, et à une bonne
gestion des relations avec l'environnement. D'où une réduction du
nombre d'incidents, une réduction de l'exposition des travailleurs, en
termes de dosimétrie, et une réduction des volumes et des
effluents. Autrement dit, un état de faits qui relève d'une bonne
conduite et d'une bonne gestion de l'installation industrielle.
Ce sont donc ces trois idées maîtresses qui nous guident :
- une stratégie évolutionnaire,
- une amélioration sensible des accidents graves,
- l'amélioration des conditions d'exploitation et de maintenance.
Les organismes de sûreté français et allemand ont pris
l'habitude de coopérer depuis longtemps puisque leur coopération
remonte à 1989 et que, en 1990 en particulier, a été
créée la DFD, commission qui réunit les autorités
de sûreté françaises et allemandes au minimum cinq fois par
an.
Du côté de l'industrie nucléaire et des électriciens
s'est constitué peu à peu le projet EPR.
Le transparent suivant décrit la façon dont nous avons tenu
à travailler. Nous nous sommes attachés à faire travailler
ensemble chacun des différents niveaux d'intervention. Je ne
décris pas la partie basse du schéma, qui expose la façon
dont FRAMATOME, SIEMENS, EDF et les électriciens allemands se sont
entendus pour présenter aux autorités de sûreté un
front uni sous forme de projet EPR.
Je vais décrire le haut du schéma, qui montre la façon
dont nous travaillons. Sur tous les dossiers, il y a un travail de nos appuis
techniques, GRS du côté allemand et IPSN du côté
français. Ces deux appuis techniques travaillent et produisent un
rapport commun. Ce rapport commun est examiné par le groupe d'experts
qui travaille pour moi et par GRS, qui est un groupe d'experts travaillant pour
mon collègue allemand, et ces deux groupes d'experts se
réunissent et produisent un avis commun.
Nous recevons, Monsieur HENNENHOFER et moi-même, un avis co-signé
par le Président du Groupe français et le Président du RSK
et nous nous réunissons au sein de la DMP et nous prenons partie,
c'est-à-dire que nous sommes amenés à signer en commun une
lettre prenant partie sur les propositions d'EPR.
Je précise que tout ceci se passe en anglais. La seule version originale
des prises de position que nous prenons sont des lettres que nous co-signons et
dont la seule version faisant foi est la version anglaise. Ceci est la
façon dont nous travaillons. C'est une mécanique très
lourde parce que cela suppose que le dossier soit lu un nombre
considérable de fois mais c'est une mécanique qui nous garantit
que, sur chacun des points, il y a un accord explicite et éclairé
de l'ensemble des personnes qui ont à prendre partie.
Donc, nous signons pour dire soit oui, soit oui sous réserve que, soit
non, après avoir épuisé l'ensemble des systèmes
d'instruction français et allemand.
Les différentes étapes ont déjà été
évoquées par les orateurs précédents. Il y a eu
d'abord les orientations (conceptual phase) en 1992 - 1995, et
ensuite la définition technique (basic design). Il y a actuellement en
cours une optimisation technique, laquelle a été
évoquée et qui nous conduit à fin
1998 - début 1999, et ensuite devrait se passer
l'ingénierie détaillée du projet (detailed design phase).
Cependant, cela suppose des décisions à prendre par les
industriels intéressés.
En face de cela, quelles positions ont pris les autorités de
sûreté ? Je rappelle une position historique qui était
uniquement franco-française, celle de la DSIN, une lettre de mon
prédécesseur de mai 1991, et ensuite des prises de position
conjointes franco-allemandes :
- une prise de position conjointe en juillet 1993,
- une prise de position conjointe en février 1995,
et notre objectif est d'avoir de nouveau une prise de position fin 1998 -
mi 1999 pour prendre parti sur le "basic design report".
Que se passera-t-il après ?
Qu'est-ce que le "basic design report" sur lequel nous serons amenés
à prendre parti fin 1998 ou début 1999 ?
C'est un document qui ne parle pas de choix de site ni de la partie
conventionnelle de la centrale, mais qui parle de la partie nucléaire.
Si on cherche l'équivalent dans les procédures nationales
classiques, c'est l'équivalent de la partie nucléaire du rapport
préliminaire de sûreté nécessaire pour la
délivrance d'autorisation de création, en FRANCE ; cela
contient les éléments nécessaires pour établir le
rapport de sûreté, en ALLEMAGNE.
Nous avons également commencé à travailler sur un certain
nombre de codes techniques, c'est-à-dire l'élaboration d'un
ensemble de règles communes à l'industrie nucléaire
française et allemande. C'est l'équivalent de ce qu'en FRANCE, on
appelle les RCC (règles de construction et de conception).
Si j'évoque tout ceci, c'est parce que nous sommes confrontés
à un problème de technique administrative qui n'est pas simple
entre la FRANCE et l'ALLEMAGNE. Nous essayons de voir comment s'ajustent les
procédures administratives et réglementaires en FRANCE et en
ALLEMAGNE. C'est un travail extrêmement difficile auquel nous consacrons
un temps considérable, mais qui est nécessaire pour voir les
conditions dans lesquelles nous pouvons continuer à cheminer de conserve.
Sur le transparent suivant, on voit bien l'équivalence entre les lois
allemandes et les lois françaises, on voit bien l'équivalence
entre les ordonnances et les décrets arrêtés. En revanche,
entre les lettres co-signées par les deux ministres de l'Industrie et de
l'Environnement, l'arrêt fondamental de sûreté et les
documents allemands, les équivalences sont plus difficiles à
faire.
Nous avons actuellement des études d'ingénierie
détaillées pour savoir quelle est la machinerie administrative de
part et d'autre du Rhin. Ceci est fondamental pour permettre les progrès
que nous avons faits dans la compréhension réciproque de la
technique et de la sûreté, qui se traduisent par des
décisions harmonisées dans les domaines administratifs et
réglementaires.
Que pouvons-nous imaginer qu'il se passera en 1999 ?
On peut imaginer qu'en FRANCE, il soit proposé aux deux Ministres de
l'Industrie et de l'Environnement une lettre d'orientation sur l'îlot
nucléaire de l'EPR en même temps qu'une révision de
l'arrêt de 1974 sur les circuits primaires et secondaires principaux des
chaudières nucléaires à eau. On peut imaginer qu'en
ALLEMAGNE, il y ait publication des directives RSK pour les réacteurs du
futur et que la loi atomique allemande soit modifiée pour permettre un
"prelicencing".
Il faut savoir que la voie d'une autorisation en FRANCE passe par un rapport
préliminaire de sûreté et un décret d'autorisation,
et qu'en ALLEMAGNE, les autorisations sont délivrées par les
länder sous le contrôle du BMU.
Il ne faut pas perdre de vue que, lorsqu'on essaie d'imaginer quelles sont au
plus court les échéances, elles sont celles-ci : je ne crois
pas que l'engagement de la construction d'un EPR en FRANCE soit possible,
techniquement, avant 2003, pour une mise en service en 2009. Cependant, c'est
aux Pouvoirs Publics, aux électriciens concernés de
préciser ce point.
Il y a un point auquel je suis sensible, c'est que nous travaillons
actuellement sur des documents qui nous sont présentés par le
projet EPR. Si nous sommes conduits à approuver dans certaines
conditions ces documents, ce n'est pas un blanc seing pour dire que le projet
correspondant devra être conduit dans 50 ans, ce serait faire injure
aux progrès techniques ; dans mon esprit, il est clair que si nous
approuvons un projet EPR, c'est pour une mise en oeuvre qui ne soit pas trop
différée.
Si je prends un cas extrême, en 2050, à l'évidence,
l'approbation qui aurait été donnée en 1999 ne vaudrait
plus rien. Mon sentiment est que c'est quelques années après l'an
2000 que vaudrait l'approbation que j'aurais donnée.
Que reste-t-il à faire ?
- la poursuite de l'évaluation de sûreté de l'EPR
- la poursuite de quelque chose qui va au-delà. En effet, il est
évident que nous ne pouvons pas travailler pendant des années de
façon aussi étroite ensemble, entre des entités
françaises et allemandes, sur un tel projet sans qu'il naisse des
idées d'harmonisation allant au-delà du seul projet EPR.
Lorsque nous réécrivons la réglementation française
des appareils à pression pour les réacteurs nucléaires,
à l'évidence, nous associons les préoccupations et les
experts allemands, et réciproquement. Cela signifie qu'il se passe
quelque chose en termes de rapprochement des esprits, de façon de faire,
et peut-être, à terme, de rapprochement des organismes.
J'ajoute que ceci n'a de sens que si nous avons une vision européenne.
Nous nous attachons à tenir informés nos collègues
européens de ce que nous faisons. Nous l'avons déjà fait
une première fois à CHANTILLY en 1993, à BERLIN plus
récemment, et nous le ferons près de PARIS dans huit jours, dans
des termes permettant à nos collègues européens de
comprendre et de suivre ce que nous faisons.
L'idée est la suivante : l'intensité de l'effort qui est
fait pour bâtir un projet de réacteur du futur plus sûr peut
permettre que cela devienne une espèce de standard ou de
référence européenne, mais cela suppose que nous soyons
ouverts sur ce que nous faisons et prêts à discussion et à
contestation.
M. BIRRAUX
- Merci.
Pour donner un caractère un peu moins formel aux différentes
présentations, je demande s'il y a d'ores et déjà des
questions à poser soit à Monsieur LACOSTE, soit à Monsieur
HENNENHOFER, soit à Monsieur LECOCQ ou à Monsieur BOUTEILLE.
J'aimerais quant à moi poser une question. Est-ce que, dans cette
révision des textes de 1974, il a été inclus une
révision plus en profondeur du processus qui permet l'approbation d'un
rapport définitif de sûreté ? C'est-à-dire, en
d'autres termes, et pour faire d'une manière triviale, finalement, les
centrales nucléaires, c'est comme les casinos. On obtient l'autorisation
de jeu des casinos lorsqu'on construit le bâtiment et, pour les centrales
nucléaires, on obtient l'autorisation de fonctionner et l'approbation du
rapport définitif de sûreté lorsqu'on est à
prêt à démarrer et à fonctionner.
C'est quelque chose qui est difficile à expliquer et difficile à
faire passer dans l'opinion publique, puisqu'il est inimaginable que, lorsqu'on
a construit pendant six ans un établissement industriel, on puisse
refuser l'autorisation de fonctionner. Vous savez que j'ai proposé une
modification de ce système qui aboutirait à une dissociation de
l'autorisation de construire d'une autorisation valant pour l'approbation des
éléments de la sûreté, pour ne pas se trouver devant
le fait accompli.
Ces révisions vont-elles jusque-là, Monsieur LACOSTE ?
M. LACOSTE
- Non, Monsieur le Président.
Pour répondre à ce que vous souhaitez, c'est-à-dire pour
veiller à ce que les autorisations soient données en temps utile,
pour que ce soit parfaitement compréhensible et perceptible par la
population, nous n'avons pas besoin de changer les textes, mais seulement notre
façon de faire.
M. BIRRAUX
- Dans cette approche commune, les
appuis techniques ont été sollicités. J'ai envie de
demander à Monsieur QUENIART comment les appuis techniques ont appris
à travailler ensemble. Y a-t-il eu des travaux séparés et
ensuite une mise en commun ou êtes-vous passés rapidement à
des équipes communes qui discutent, qui échangent et qui
aboutissent à des avis et en raccourcissant en quelque sorte la
chaîne ?
M. QUENIART
, Directeur délégué de
l'Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire
(IPSN)
- Je voudrais revenir sur ce point car on sait que la
sûreté ayant été une responsabilité nationale
pendant longtemps, et encore maintenant, les centrales vivent leur vie dans un
contexte national, ce qui fait qu'aujourd'hui, celles qui sont en exploitation
en ALLEMAGNE poseraient des problèmes au cours d'une instruction de
sûreté française et réciproquement. Un des points
importants sur le projet EPR est donc d'aboutir à une harmonisation
franco-allemande des exigences de sûreté sans pour autant les
empiler.
Ceci suppose un travail en commun et ce travail en commun résulte d'une
longue tradition de discussions. Il ne faut pas oublier que les
autorités de sûreté françaises et allemandes ont
commencé à travailler ensemble dès le milieu des
années 70, essentiellement parce que la centrale de FESSENHEIM
était construite au bord du Rhin et que l'on construisait
également des centrales allemandes au bord du Rhin, proches de la
frontière française. Les discussions sur le plan technique en
fait ont commencé dès ce stade.
Nous avons appris à connaître les mérites des centrales
allemandes, leurs points forts et leurs points faibles, et je pense que,
réciproquement, les Allemands ont appris à connaître les
points forts et les points faibles des centrales françaises. Tout ceci
crée progressivement une culture commune où les arguments des uns
et des autres sont parfaitement connus.
Concernant IPSN et GRS, ils sont liés par un accord spécifique
depuis 1989, et dans ce cadre était envisagé un certain nombre de
travaux communs, à la fois sur des points concernant les centrales
existantes et l'examen de projets communs, sachant que le projet EPR n'est pas
le premier projet commun, c'est le premier projet porté par les
électriciens. SIEMENS, de son côté, et FRAMATOME, de
l'autre, avaient déjà essayé de faire des produits communs
et IPSN et GRS avaient dès cet instant été conduits
à les examiner. C'était encore dans un contexte où l'enjeu
n'était pas aussi clair que maintenant mais, d'ores et
déjà, il y eut des discussions et lorsque fin 1992, début
1993, il a été demandé à IPSN et GRS de proposer
des objectifs de sûreté communs, il y avait déjà eu
un certain nombre de contacts.
Cette harmonisation ne se fait pas non plus par des discussions sur des
exigences plus ou moins théoriques. Il est extrêmement important
qu'il y ait un projet industriel et, dans toutes les exigences définies
progressivement par la DFD pour le projet EPR, un certain dialogue a en fait eu
lieu sur le projet.
Les propositions du projet font l'objet d'un examen ; il y a des points
sur lesquels nous sommes d'accord et d'autres sur lesquels nous manifestons une
insatisfaction, ce qui aboutit à des modifications du projet. Le projet
revient avec de nouvelles propositions et ce sont celles-ci, lorsqu'elles sont
approuvées, qui font l'objet de conclusions. Il y a tout un
mécanisme qui assure que la responsabilité est bien du
côté du projet, en termes de dispositions pratiques, de même
qu'une véritable connaissance des problèmes par les
autorités de sûreté.
J'ajouterai quelques commentaires à la suite de la présentation
de Monsieur LACOSTE, pour dire quel était le raisonnement de l'IPSN et
du GRS au moment où ils ont défini les exigences de
sûreté communes, et quel était celui de GPR et RSK
lorsqu'ils ont défini leurs recommandations communes en 1993.
D'abord, il a été reconnu qu'une amélioration de la
sûreté était nécessaire ; cela figurait
déjà dans la lettre de la DSIN de 1991. Il y a plusieurs raisons
à cette nécessité d'améliorer la
sûreté, dont une est fondamentale. Elles sont les suivantes :
1) en matière de sûreté, on cherche toujours à
progresser.
C'est le sens de toute évolution industrielle technologique ; on
essaie d'améliorer les conditions de sécurité, mais ceci
ne justifierait pas le pas qui est fait avec le projet EPR.
2) ces installations, si l'on en croit les espérances du projet,
seraient encore en fonctionnement en 2070, 2080, soit 60 ans après
leur construction, ce qui suppose de retenir dès le départ des
objectifs ambitieux ; et surtout, après l'accident de TCHERNOBYL,
il y a eu une prise de conscience plus claire des conséquences
socio-économiques d'un accident, même d'une ampleur moins
importante que celle de TCHERNOBYL, compte tenu des contaminations qui en
résulteraient sur le terrain, d'où l'idée de traiter les
accidents graves à la conception, en cherchant ainsi à en limiter
les conséquences.
En premier lieu, il a été reconnu que, pour construire des
tranches aux échéances prévues, la seule voie
réaliste était la voie évolutionnaire. Il est apparu en
même temps possible de suivre cette voie et d'obtenir les progrès
souhaités tout d'abord grâce à l'expérience acquise,
aux études faites, qui permettent d'améliorer notamment la
défense en profondeur et de réduire les probabilités de
fusion de coeur ou de défaillance du confinement, mais aussi en tenant
compte de l'état de la recherche. Ceci est un point important, car
l'état de la recherche est celui qui nous permet de dire que, du fait
des objectifs ambitieux que l'on prend aujourd'hui dans le calendrier
prévu, des solutions devraient pouvoir être définies pour
permettre de répondre aux conditions imposées.
Cette recherche sur les accidents graves a été menée
depuis plus de vingt ans sur le plan international, et notamment en
FRANCE, à l'initiative du CNES. Tout n'est pas connu, il y a encore des
zones d'ombre, il y a des aspects du projet sur lesquels une arrivée est
nécessaire pour conclure, mais nous pensons que c'est possible dans le
calendrier.
M. BIRRAUX
- Permettez-moi ce petit commentaire en
disant que les "nucléaristes" reconnaissent les points forts et surtout
les points faibles de ce qui est en exploitation, de ce qui est en cours. Tout
à l'heure, on a parlé longuement du système
évolutionnaire, ceci n'est pas "évolutionnaire" mais
"révolutionnaire".
Mme SENE
, Président du Groupement des Scientifiques pour
l'Information sur le Nucléaire
- J'ai bien noté que
nous sommes dans un processus évolutionnaire et non
révolutionnaire, j'ai aussi noté que les textes sont
effectivement applicables de façon différente et permettent
certainement d'éviter la politique du fait accompli, ce qui n'a pas
toujours été le cas jusqu'à présent. Cependant, je
voudrais dire que, bien que les points essentiels des réacteurs soient
la sûreté, éviter l'accident, minimiser les rejets et
revoir les différents problèmes des aciers pour éviter
d'avoir des réacteurs qui ne dureront pas 60 ans, il
n'empêche que le réacteur s'insère dans tout un cycle et
que le problème des déchets n'a pas du tout été
pris en compte dans ce projet EPR.
En particulier, envisager le MOX signifie que l'on ne tient pas compte de la
formation des actinides et du plutonium, et donc que l'on n'utilise pas tout ce
qui est fait pour tenter de mettre au point des réacteurs qui produisent
moins d'actinides et de plutonium.
Dans ces conditions, je suis d'accord, vous êtes évolutionnaires,
mais est-ce que ce point sera néanmoins introduit avant de nous trouver
assis sur un monceau de déchets dont on ne saura que faire ?
M. ESTEVE
- Concernant EPR et la
pénétration d'EPR dans un futur parc d'EDF, nous nous sommes
déjà livrés à de nombreuses simulations, et ce en
attente des résultats des travaux menés dans le cadre de la loi
de décembre 1991, et donc des débats parlementaires de 2006, qui
nous guideront beaucoup plus sûrement pour tous les problèmes
d'aval du cycle et de stockage des déchets.
Nous nous sommes livrés à un certain nombre des simulations,
principalement à la continuité de la stratégie actuelle
d'EDF en matière d'aval du cycle, que je rappellerai rapidement :
- MOXAGE à 30 % des tranches CP1, CP2, c'est-à-dire des
900 mégawatts,
- égalité des flux, c'est-à-dire retraitement de
combustible UO2 de manière à recycler rapidement le plutonium
issu de ce retraitement,
- limitation du plutonium dans les verres issus de la vitrification, en
aval du retraitement,
- minimisation du volume des déchets utiles.
Nous avons imaginé que cette stratégie se poursuivrait jusqu'en
2015, sachant que c'est un scénario parmi d'autres, et qu'ensuite
apparaîtrait l'effet des réacteurs EPR.
Un des scénarios que nous avons étudiés est un EPR
moxé à taux faible, environ 15 %, ce qui permet de traiter
le MOX en transparence, c'est-à-dire que le MOX n'induit pas de
pénalité sur les performances du réacteur EPR. Nous avons
également envisagé la possibilité de mettre quelques EPR
moxés à 50 %. Ceci fait que, sur un scénario de
400 kilowattheures, on voit que les EPR peuvent être
optimisés pour du combustible UO2 jusqu'à environ 2021.
Après 2021, si on veut maintenir la politique actuelle de l'aval du
cycle, c'est-à-dire le retraitement en gros de 850 tonnes par an de
combustible, il faut moxer progressivement les EPR, donc à 15 %,
et, à partir de 2025, il faudrait peut-être un ou deux EPR
moxés à 50 %. D'où la possibilité de maintenir
la politique actuelle grâce à la pénétration des EPR.
Pour tous les problèmes d'aval du cycle et de cycle du combustible, il
faut se placer sur la durée ; nous avons poursuivi nos
études jusqu'en 2070, c'est-à-dire que nous avons essayé
de couvrir un siècle de nucléaire. L'apparition d'un nombre accru
d'EPR permet, si nous le souhaitons - mais ce sont les choix issus des
orientations des débats parlementaires de 2006 qui nous le
diront -, d'adapter notre stratégie en cherchant à
réduire le nombre de combustibles et la quantité de combustible
UO2 en entreposage jusqu'à un niveau très faible. Cela signifie
que nous concentrions le plutonium dans des éléments MOX
irradiés qui seraient entreposés en attendant les orientations
résultant des besoins énergétiques aux alentours de 2030,
2040.
Tout cela montre qu'EPR semble être un réacteur robuste qui nous
permet de garder toute la flexibilité, toutes les souplesses
nécessaires pour traiter les problèmes d'aval du cycle.
M. BIRRAUX
- Je comprends bien, Monsieur ESTEVE,
mais il y avait autre chose dans la question de Madame SENE et, sur ce point,
nous n'avons pas de réponse. On peut peut-être se tourner du
côté d'IPSN, du CEA ou de FRAMATOME. Est-ce qu'un scénario
de coeur entièrement nouveau qui prendrait en charge votre
préoccupation première, la réduction des déchets, a
été prévu ? Comment peut-on minimiser la production
de plutonium ou de produits de fission ou avoir des produits
différents ?
Est-ce qu'un coeur complètement différent a été
examiné, envisagé, étudié ? Si non, pour
quelle raison ?
M. BARRE,
Directeur des Réacteurs nucléaires au
Commissariat à l'Energie Atomique
- En quelques mots,
concernant la minimisation des produits de fission, c'est un peu sans espoir
parce qu'à un mégawatt donné, vous avez un nombre de
fissions donné et, à une fission donnée, vous avez
pratiquement la même production de produits de fission.
Concernant la réduction de production de plutonium, celle-ci n'est pas
liée irréversiblement à une puissance donnée, mais
à la présence à la fois de neutrons et d'uranium 238. Si
c'est le plutonium qui est la cible précise, les voies à long
terme sont dans les combustibles sans uranium 238. A l'échéance
dont nous parlons, d'un déploiement possible des EPR, il ne me
paraît pas réaliste d'envisager, au début de leur vie,
autre chose que les combustibles qu'on connaît aujourd'hui,
c'est-à-dire un uranium légèrement enrichi ou un
mélange d'uranium et de plutonium qu'on appelle MOX.
Cela étant, si ce sont des réacteurs destinés à
vivre 60 ans, cela signifie que le parc lui-même vivra
80 ans ; il ne faut pas préjuger de l'évolution
possible des combustibles dont on sait qu'ils sont renouvelés tous les
ans ou tous les deux ans, et qui donc sont susceptibles d'améliorations,
voire d'évolutions assez considérables, sans pour autant changer
de réacteur.
M. BIRRAUX
- J'ai une question
complémentaire : est-ce que les hauts taux de combustion
envisagés ont conduit à des travaux de R&D spécifiques
ou est-ce que la connaissance que vous en aviez était suffisante ?
M. BARRE
- Les hauts taux de combustion vont
continuer à demander un fond de R&D spécifique, mais pas
spécifique d'EPR. Si on les obtient pour EPR, ce sera aussi bien
utilisable sur les N4 que sur les 1 300. L'avantage de l'approche
évolutionnaire est que les aspects combustibles et cycles sont un peu
découplés, et tout ce qu'il sera possible d'améliorer sera
applicable à l'ensemble du parc existant et aux EPR.
M. FRESLON
, Directeur des Réalisations nucléaires
de FRAMATOME
- Concernant les hauts taux de combustion,
l'approche évolutionnaire permet de bénéficier de la
R&D qui est faite pour l'amélioration des combustibles dans les
réacteurs existants, et l'atteinte des 60 gigawattjour par tonne,
qui a été affichée comme objectif, suppose qu'on a en
cours un certain nombre de programmes de R&D, essentiellement pour
améliorer les matériaux de gainage et de structures des
assemblages, qui sont les principales améliorations nécessaires
pour atteindre ce haut taux de combustion. A cette fin, il y aura des
assemblages de combustibles avec des nouveaux matériaux de gainage, des
nouvelles conceptions de la grille et des structures de l'assemblage qui seront
mises dans le réacteur du parc EDF au cours et à la fin de
l'année 1998.
M. LAPONCHE
- Si mes souvenirs sont exacts, les
réacteurs comme ceux à eau lourde et à uranium naturel
avaient la propriété d'avoir des grands taux d'irradiation avec
une diminution très forte des matières fissiles. Je pense que la
réponse de Monsieur BARRE n'est pas tout à fait complète.
Est-ce que le fait qu'il faudrait avoir des combustibles irradiés les
moins chargés possibles en uranium 235, et surtout en plutonium,
n'impliquerait pas une attitude de recherche un peu plus approfondie pour
présenter des alternatives, l'une étant les réacteurs
à eau ordinaire et uranium enrichi... amélioré,
évolutionnaire, l'autre étant de réfléchir à
des combustibles conçus pour qu'à la sortie du réacteur,
le taux de plutonium soit extrêmement faible, étant donné
que les dix ou quinze dernières années, nous ont montré
que l'examen de l'évolution du combustible était quelque chose de
plus important que ce qu'on pensait au début.
Ceci reposerait la question du type de combustible et, d'une certaine
façon, du type de réacteur.
La réponse de Monsieur BARRE est incomplète parce qu'il est vrai
qu'ayant fait un EPR qui fonctionne 60 ans, on peut changer le type de
combustible, mais on ne peut pas le changer de façon radicale.
D'où ma question : qu'ont donné les études du CEA sur
des réacteurs qui prendraient comme point de départ le cycle du
combustible le plus simple, ce qui n'est pas le cas des réacteurs
à eau ?
M. BARRE
- Je ne suis pas sûr de savoir
quelle est la définition du "cycle du combustible le plus simple". Ce
qui est sûr est que, plus on pousse le taux de combustion, plus on
brûle sur place le plutonium que, par ailleurs, on a produit, ou
l'uranium 233 qu'on aurait produit si l'on était parti sur un cycle
à thorium. Il n'y a pas énormément de matières
fertiles possibles, c'est l'uranium ou le thorium. Dans tous les cas de figure,
il est vrai que plus on est capable de faire durer le combustible à
l'intérieur du réacteur, plus on brûle la matière
fissile qu'on a produite sur place tout au cours de l'irradiation par
conversion des matières fertiles.
A l'heure actuelle, dans la technologie des réacteurs à eau, il
est clair que ce qui limite le plus le maximum d'épuisement possible
d'un combustible donné, c'est la tenue des gainages et, plus
précisément, la tenue des gainages au cas où ceux-ci
seraient soumis à un certain nombre de transitoires hypothétiques
accidentels. Ceci parce que le matériau lui-même s'affaiblit
progressivement, à la fois par irradiation et par corrosion. La
corrosion elle-même présente des aspects d'oxydation et
d'hydruration et par ailleurs, petit à petit, la pression interne
augmente sous le dégagement des gaz de fission. En plus, la
dégradation de la céramique elle-même peut amener celle-ci
à entrer en interaction avec la gaine.
L'ensemble de tous ces phénomènes de vieillissement limite
actuellement le taux maximum d'irradiation. On pourrait toujours partir de
matières un peu plus enrichies et faire une meilleure extraction globale
de l'énergie contenue dans le combustible, même au prix d'un
certain nombre d'empoisonnements consommables.
M. FRESLON
- Monsieur le Président, si vous
le permettez, bien que ce ne soit pas l'objet du débat aujourd'hui, je
ne voudrais pas tourner la page de ce débat sur l'utilisation du
plutonium à long terme ; on en parle depuis plusieurs dizaines
d'années sans mentionner les vertus du surgénérateur, dont
nous pensons que c'est une option qu'il serait sage de laisser ouverte pour le
long terme.
M. BIRRAUX
- C'est un autre débat, vous me
permettrez de m'en tenir strictement au débat sur l'EPR, sachant que
nous engagerons peut-être un jour le débat que vous évoquez.
Bien qu'on ait eu des présentations qui soient communes,
c'est-à-dire avec l'accord des parties françaises et allemandes,
NPI, FRAMATOME, SIEMENS, EDF, les électriciens, les autorités de
sûreté, j'aimerais néanmoins demander à Monsieur
BURKLE et ensuite au Docteur FABIAN quelle a été leur
démarche. Comment se situent-ils dans cette démarche
commune ? En effet, nous étions partis dans un accord
FRAMATOME/SIEMENS pour un produit commun destiné à l'exportation,
et l'on est passé du produit commun au produit unique.
Comment réagissez-vous à cette affirmation, Messieurs ?
M. BURKLE
, Directeur général de
SIEMENS
- Je vous remercie d'abord de m'offrir l'occasion de
prendre la parole devant le Parlement français. Ce n'est pas là
une procédure de routine. En ALLEMAGNE, ces auditions existent, bien
sûr, mais elles sont relativement routinières et il est
exceptionnel que des intervenants étrangers puissent s'exprimer lors de
telles auditions. Je vous en remercie donc chaleureusement.
D'ailleurs, le fait que cette possibilité existe est très
importante puisque notre projet est commun. FRAMATOME et SIEMENS, en 1989, ont
décidé d'un commun accord de créer NPI, filiale à
parité de ces deux sociétés, qui a son siège
à PARIS. Lorsqu'elles ont décidé de faire de la recherche
en commun, cela a constitué à l'époque un pas
considérable.
A l'époque, en effet, il n'était pas habituel que de gros
producteurs se mettent ensemble pour travailler et faire de la recherche, et il
était encore moins évident d'institutionnaliser le processus.
Bien sûr, chacun a regardé ce que faisait l'autre et a
examiné tout cela d'un oeil très critique, l'avis étant
bien sûr, comme dans tous ces genres de processus, que le produit que
l'on a soi-même est meilleur que celui du partenaire. C'est ainsi que
cela se passe, en général, dans n'importe quelle
coopération, et notre début de coopération a
été aussi difficile qu'elle peut l'être ailleurs.
L'idée était donc de créer un produit commun qui serait
évolutionnaire, qui puisse représenter un développement
ultérieur approfondi des solutions techniques adoptées
jusque-là. Bien sûr, on aurait pu décider de faire quelque
chose non pas d'évolutionnaire mais de révolutionnaire,
c'est-à-dire de faire quelque chose de nouveau et de laisser tomber tout
ce qui avait été fait jusqu'à présent. A la limite,
cela aurait été plus simple. Cependant, nous n'avons pas choisi
cette voie mais pris la voie évolutionnaire, c'est-à-dire que
nous avons décidé que chacun ferait l'apport de ses connaissances
et de ses expériences accumulées.
Bien sûr, lorsqu'on fait quelque chose, il est difficile de faire
abstraction de l'expérience qu'on a accumulée ; il est donc
clair que l'on fait profiter le projet et les autres de son expérience.
Les caractéristiques de ce projet constituent-elles un bon point de
départ ?
Dans un premier temps, la méfiance ou la défiance était de
règle, c'était en 1989, je vous le rappelle, et il a fallu un peu
de temps pour arriver à un véritable état de confiance
mutuelle. Notre coopération, aujourd'hui, est fondamentalement
différente de ce qu'elle était en 1989.
Lorsqu'une proposition est avancée, on ne demande plus, avant tout autre
chose, s'il s'agit d'un projet ou d'une idée française ou
allemande, mais on étudie ce projet et l'on essaie de voir quels en sont
les avantages et les inconvénients. On l'examine, on l'analyse en posant
des questions très précises et, pas à pas, on en arrive
à un développement commun. C'est la coopération à
laquelle nous sommes arrivés depuis 1989 ; à la limite, on
aurait pu aller plus vite si l'on avait procédé de façon
séparée, mais je crois que le caractère particulier de
notre projet est que l'on franchisse les particularismes régionaux et
nationaux et que l'on arrive à conférer au projet un dynamisme
dont on ne peut qu'espérer que, l'année prochaine, il nous
permettra de dégager des résultats des travaux entrepris
jusqu'à présent, et donc de passer à la réalisation
de ce projet. Ce serait en quelque sorte le couronnement de notre
coopération.
Ceci est la première perspective de nos travaux. La deuxième est
la suivante : le développement du réacteur et les travaux
qui l'ont entouré nous ont permis d'en arriver à un point
où nous pouvons considérer que nous sommes véritablement
des pionniers, nous sommes en avance par rapport au reste du monde. Nous avons
accompli un progrès considérable en matière de technique
de sûreté de base, à savoir la maîtrise des accidents
et la façon de les prévenir. Nous avons réussi à
accomplir des progrès énormes, mais nous avons aussi pris en
considération la probabilité des accidents graves et nous avons
prévu des mesures préventives pour les éviter et, s'ils se
produisent, de les contrôler. C'est là quelque chose de tout
à fait unique au monde, pour l'instant.
Dans ces deux domaines, la maîtrise de ces accidents et la maîtrise
des accidents graves, nous allons très au-delà de ce qui existe
dans le monde actuellement. Cela montre bien le caractère unique de
notre projet. Nous avons développé un produit, un matériau
robuste dont nous pensons, d'ailleurs, que ses caractéristiques
d'exploitation sont excellentes et FRAMATOME et SIEMENS, par le biais de NPI,
lors de leurs travaux de développement, ont été finalement
très fiers de voir les électriciens, donc les exploitants,
être gagnés peu à peu par la confiance et adhérer au
fur et à mesure à ce projet.
Autrement dit, ce projet est devenu un projet entre quatre partenaires, les
électriciens français et allemands d'un côté et les
industriels de SIEMENS et FRAMATOME de l'autre. Dans un premier temps, je m'en
tiendrai à cela.
M. BIRRAUX
- S'agissant de l'adhésion des
électriciens, en FRANCE c'est relativement simple puisqu'il y a une
seule compagnie d'électricité ; en ALLEMAGNE, en revanche,
étant beaucoup plus nombreux, comment avez-vous réussi à
vous regrouper et à adhérer collectivement à ce
projet ?
Dr FABIAN
, Président de Preussen
Elektra
- Je voudrais d'abord vous remercier de nous avoir
donné l'occasion aujourd'hui de participer à cette audition
devant le Parlement français. Je ne vais pas répéter ce
qui a été dit sur le contenu par Monsieur BURKLE, mais je vais
vous dire ce qu'il en est de la situation, du côté de l'exploitant
allemand.
Aujourd'hui, nous avons 9 grosses entreprises qui font fonctionner nos
centrales nucléaires. 36 % de notre électricité est
d'origine nucléaire. Il y a dix ans de cela, notre dernière
centrale est entrée en phase d'exploitation et nous nous sommes
posé la question de savoir à quoi pourrait ressembler notre
approvisionnement ou notre fourniture électrique pour les années
à venir.
Je crois qu'il était important, pour nous, de savoir que le
nucléaire continuerait de revêtir une grande importance parce que
les autres sources d'énergie ne sont pas forcément aussi fiables,
et que le nucléaire est également une source d'énergie
promise au succès.
Quels moyens faudra-t-il mettre en oeuvre pour le succès de cette
nouvelle génération de centrales ?
Les moyens et le point de départ technique sont les deux
considérations sur lesquelles nous nous sommes fondés dans notre
réflexion et, finalement, cela s'est passé assez simplement. Nous
nous étions fixés comme objectif de rallier l'ensemble des
exploitants de centrales nucléaires à cette cause ;
l'objectif était de maintenir la capacité de faire fonctionner
des centrales nucléaires et également de prévoir la
possibilité d'en construire de nouvelles, si le besoin s'en ressentait.
Autrement dit, nous voulions pour nos ingénieurs et les
ingénieurs de nos producteurs, c'est-à-dire de nos centrales
nucléaires, sauvegarder le "know how" permettant de maintenir en
fonctionnement les centrales allemandes et d'en construire de nouvelles, si
cela s'avérait nécessaire.
C'était l'objectif et, tout comme les industriels et notre partenaire
EDF, nous souhaitions adopter une approche évolutionnaire parce que nous
sommes d'avis que les meilleurs progrès technologiques reposent, en
règle générale, sur les techniques existantes.
Si nous prenons en compte l'ensemble du domaine de l'automobile depuis une
centaine d'années environ, le développement de l'automobile s'est
poursuivi non par le biais d'approche révolutionnaire mais par le biais
d'approche évolutionnaire. Avec la FRANCE, nous faisons fonctionner plus
de 70 centrales nucléaires, et l'expérience dont nous
disposons est tout à fait considérable. De ce fait, notre
coopération s'est avérée très enrichissante
grâce, justement, à la mise en commun de ces expériences
pour le développement d'un concept en vue d'un nouvel îlot
nucléaire.
Nous voulions, bien sûr, encore améliorer les normes de
sûreté ainsi que les facilités d'exploitation et de
maintenance. Le troisième objectif était pour nous de prendre en
considération l'éventualité d'une fusion du coeur et de se
pencher plus particulièrement sur la phase de conception, de
façon à minimiser les risques internes et externes. Ceci
était un élément de réflexion très important
dans le cadre du projet EPR.
Nous voulions également augmenter la rentabilité, et ceci par la
facilité d'exploitation et de maintenance, par l'amélioration de
la radioprotection, par l'amélioration du taux de disponibilité
et par l'utilisation de diverses techniques ayant fait leurs preuves ces dix
dernières années, par exemple l'utilisation de techniques
éprouvées.
Les exigences en matière de sécurité ont joué un
rôle très important pour nous. Nous avons essayé de voir
quelles étaient nos exigences de base en matière de
sûreté en FRANCE et en ALLEMAGNE, celles-ci n'étaient pas
forcément redondantes, et nous avons fait une analyse sur une base de
probabilité dans le but de parvenir à un niveau uniforme,
harmonisé de sécurité.
Cette coopération s'est déroulée d'une façon
très positive au cours de ces dernières années. Elle nous
a permis de savoir pourquoi le partenariat prenait ou non telle ou telle
décision en matière de sécurité. Je crois que ce
panel d'expériences de part et d'autre, et sa mise en commun, nous a
permis d'enrichir notre collaboration, notre coopération, et que cela
continue d'être absolument nécessaire.
Cette année, nous avons l'intention de mener à bien les travaux
de conception et ceux sur la rentabilité de cette installation. Nous
souhaitons également améliorer les aspects techniques et
économiques et mettre à profit le temps qui nous reste
jusqu'à la fin de l'année pour voir ce qu'il en est des instances
et autorités de sûreté, et obtenir de celles-ci un avis
positif sur notre concept. L'année prochaine, il s'agira de voir comment
poursuivre nos travaux, mais nous attendons de ce programme EPR, comparé
à d'autres programmes alternatifs, qu'il soit véritablement
évolutif.
M. BIRRAUX
- Docteur FABIAN, pouvez-vous
rappeler quel est l'investissement consenti par les électriciens
allemands pour le soutien de ce projet ?
Dr FABIAN
- La Société SIEMENS et
nous-mêmes aurons d'ici la fin de l'année dépensé
220 millions de DM, et cela devrait nous amener au total à
400 millions de DM.
M. COUSIN
, Directeur de l'Equipement
d'EDF
- Après avoir écouté Messieurs BURKLE
et FABIAN, je voudrais dire que je partage totalement leur présentation
d'ensemble du processus. J'ai le privilège de présider avec le
Docteur FABIAN le Comité Directeur du projet EPR ; nous travaillons
ensemble depuis près de 8 ans et nous partageons tout ce qui a
été dit sur la philosophie du projet.
Un mot pour dire qu'à notre avis, il n'était pas évident
que ce processus se déroule ainsi il y a quelques années. Les
équipes allemandes et françaises ont travaillé sur des
technologies parallèles mais avec parfois des choix techniques
différents, et les choses se sont effectivement passées ainsi. Je
crois que la présentation technique a permis de voir qu'il s'agissait
d'un projet bien né à la fois sur le plan de la philosophie
industrielle, de la philosophie de sûreté et sur le plan de son
potentiel économique.
M. BIRRAUX
- Pouvez-vous dire combien vous mettez au pot
commun ?
M. COUSIN
- Le principe est le suivant : on
partage 50/50 entre partenaires allemand et français. Nous avons avec
FRAMATOME une clé de répartition puisque EDF prend en charge deux
tiers du montant de l'investissement études au sens strict, FRAMATOME un
tiers, plus une part propre d'EDF, de ses propres développements,
puisque EDF est exploitant mais participe également à la
conception et l'ingénierie. Nous sommes sur un ordre de grandeur de
1 milliard de Francs plus une certaine enveloppe pour l'ensemble du projet.
M. BIRRAUX
- J'aurais d'autres questions sur la
stratégie un peu plus tard à poser au Docteur FABIAN et à
Monsieur BURKLE, mais j'ai des questions également qui m'arrivent, par
écrit, sur le plan technique.
Quelles sont les améliorations qui permettent de passer de 40 ans
de durée de vie - non encore atteinte aujourd'hui - à
60 ans pour la durée de vie de l'EPR ?
M. BOUTEILLE
- Cette augmentation de la
durée de vie concerne principalement, sur le plan technique, les
structures non remplaçables, donc essentiellement la cuve du
réacteur. Un certain nombre de dispositions a été pris sur
le projet EPR par rapport au projet antérieur pour, en particulier,
réduire le niveau d'irradiation vu par la cuve pendant la
totalité de sa durée de vie. Il y a par exemple une augmentation
de la lame d'eau qui sépare les assemblages de combustibles
périphériques de la paroi de la cuve, ce qui permet de
réduire globalement la sollicitation vue par la cuve pendant les
60 ans, à comparer aux 40 ans qui étaient autrefois la
référence pour la durée de vie des installations de ce
type.
Les structures de génie civil sont également non
remplaçables. On ne peut pas dire qu'il y ait d'évolution
technique au sens strict pour passer d'une durée de vie de 40 ans
à 60 ans mais, sur ce point, il n'y a pas de souci particulier.
L'ensemble des autres composants est conçu pour supporter les
sollicitations de la durée de vie mais, pour ces composants, le
problème se présente un peu différemment puisqu'ils sont
remplaçables. Des dispositions constructives sont donc prises pour
faciliter les opérations de remplacement, qui ne sont d'ailleurs pas des
opérations exceptionnelles, par exemple pour des
générateurs de vapeur, mais qui sont prises à la
conception pour que ces points ne posent pas de problèmes particuliers.
M. BIRRAUX
- J'ai une autre question.
L'augmentation de puissance de 900 à 1 300 mégawatts ne
s'est pas traduite par une diminution des coûts. Alors, pourquoi l'EPR
recherche-t-il une augmentation de puissance à
1 700 mégawatts, sachant de plus que cette augmentation de la
puissance volumique et de la quantité de zircaloy, donc de production
d'hydrogène en cas d'accident grave, peut être contradictoire avec
la sûreté ?
M. BOUTEILLE
- D'abord, le passage du palier
900 mégawatts au palier 1 300 mégawatts n'est pas
tout à fait comparable à la situation que nous connaissons
aujourd'hui. En effet, entre les deux types de réacteurs 900 et
1 300, il y a une modification de conception importante (nombre de
boucles, architecture des systèmes), les deux types de conception
étaient assez différents. Il n'y a donc pas eu un effet de
réduction de l'investissement spécifique aussi important que ce
qui avait été imaginé.
Pour l'EPR, nous sommes dans une situation un peu différente. Nous avons
une augmentation de puissance qui est envisagée et
réalisée sur un système qui reste à architecture
constante, et un certain nombre de composants principaux n'est pas
modifié au cours de cette augmentation de puissance. En particulier, la
cuve du réacteur et la taille du coeur ne sont pas modifiées.
Si nous pouvons augmenter de façon sensible la puissance, ceci est
lié essentiellement au fait que, dans la définition du concept,
on avait pris des marges très importantes sur le fonctionnement du
coeur. Les études qui avaient été faites au cours de la
phase d'avant-projet détaillé ont montré que ces marges
étaient très significatives et permettaient d'augmenter la
puissance sans modification de la taille du coeur. Il n'y a donc pas
d'augmentation de l'inventaire en zircaloy, les seuls composants qu'il faut
légèrement augmenter sont les générateurs de vapeur
et les pompes primaires, mais dans une gamme relativement restreinte.
M. LECOCQ
- J'apporte un complément :
lorsqu'on parle d'augmentation de puissance, on ne parle pas que du coeur, il y
a tout le reste dans la centrale, sachant que l'ensemble a pour objet de
produire de l'électricité ; il y a donc un groupe turbo
alternateur quelque part. Ce qui fixe le niveau de puissance d'une centrale
vient d'ailleurs plus de l'aval que du coeur lui-même. Ce qui a
fixé la puissance de 1 450 mégawatts pour N4 a
été ce qu'on était capable de sortir de l'alternateur et
non ce qu'on était capable de faire dans le coeur.
En passant de N4 à EPR, nous restons avec des puissances identiques, il
n'y a pas d'évolution fondamentale, ce sont les mêmes puissances
linéiques sur le combustible dans N4 que dans EPR. L'innovation vient du
fait qu'on met 240 assemblages au lieu de 205. La contrainte, pour le
1 300, est qu'on ne disposait pas d'alternateur d'une puissance
supérieure capable d'évacuer en un seul turbo alternateur
l'énergie produite dans la centrale. Je le répète, ce qui
généralement fixe la puissance de la centrale est l'aval, et non
le coeur.
Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, je rappelle qu'avec N4,
nous avons fait un pas extraordinaire au niveau du groupe turbo alternateur.
C'est la première fois que nous avons, avec GEC ALSTHOM, un groupe
turbo alternateur de 1 450 mégawatts ; c'est une
première mondiale. De ce point de vue, avec les marges qui sont
contenues, nous n'avons pas détecté de limite industrielle
à la conception d'une salle des machines pouvant aller jusqu'à
1 750 mégawatts simplement par légère
extrapolation de la turbine qui équipe aujourd'hui le N4.
M. BIRRAUX
- Etes-vous sûr que les turbos
alternateurs existent, que vous n'aurez pas de problème pour gagner
encore 220 mégawatts supplémentaires par rapport au dernier
N4 ? Est-on dans les marges ou est-on à la limite ?
M. BOUTEILLE
- On n'est pas à la limite des
capacités de dessin des machines ; peut-être, d'ailleurs, que
Monsieur BURKLE pourra apporter un complément de réponse à
cela.
M. BIRRAUX
- Ce ne sont pas seulement les dessins
qui importent ; après, il faut que cela tourne.
M. BOUTEILLE
- Les limites sont les limites de
l'outil industriel de réalisation ; nous cherchons à ne pas
dépasser les capacités industrielles de réalisation, nous
ne voulons pas atteindre des dimensions qui nécessiteraient des
investissements industriels trop importants chez nos fournisseurs et qui nous
pénaliseraient. Ceci intervient très fortement dans l'analyse de
compétitivité du produit.
Quant au mode de réalisation à proprement parler, nous avons ici
un fournisseur de turbo machines ; on peut peut-être profiter de la
présence de Monsieur BURKLE pour qu'il apporte son point de vue sur ce
sujet.
M. BIRRAUX
- Avant de donner la parole à
Monsieur LACOSTE, qui l'a demandée, qu'allez-vous gagner de plus, hormis
le fait que vous allez produire plus d'électricité ?
M. BOUTEILLE
- En fait, la réponse n'est
pas limitée à la puissance. Pour gagner en
compétitivité, on a beaucoup à gagner sur des
intérêts intercalaires, ceci est un point important, et donc nous
jouons beaucoup sur les délais de réalisation. Je rappelle
qu'aujourd'hui, une tranche comme N4 a un planning de réalisation entre
72 et 84 mois, suivant la tranche considérée. Nos objectifs, dans
EPR, sont d'atteindre des délais de réalisation compris entre 57
et 60 mois.
Ce qui compte n'est pas uniquement le coût d'investissement mais aussi
tout ce qui vient se greffer dessus, à savoir les intérêts
intercalaires, les coûts de production. Avec la conception de la centrale
en quatre trains, nous pouvons aller vers des conditions de maintenance en
exploitation sans avoir à arrêter la centrale. L'augmentation de
puissance n'est qu'une contribution aux gains économiques.
M. BIRRAUX
- Avez-vous pris en compte une notion
qui est celle de la maintenance prédictive, une maintenance "on line",
comme ont su le faire les Finlandais qui obtiennent des taux de
disponibilité exceptionnels en exploitant un VVER
soviétique ?
M. BOUTEILLE
- C'est toute la question de votre
programme, je pense, concernant la prise en compte du retour
d'expérience d'exploitation à la conception. Nous avons mis en
place une organisation pour prendre en compte ce retour d'expérience
d'exploitation des tranches actuelles, tant françaises qu'allemandes, et
nous avons développé un grand projet "CIDEM" (Conception
Intégrant la Disponibilité, le retour d'Expérience et la
Maintenance).
Ce projet a quatre thèmes d'études fondamentaux :
- la maîtrise et la disponibilité fortuite, la maîtrise
et l'indisponibilité programmée,
- la dosimétrie,
- la maintenance préventive,
- le soutien logistique et les coûts associés.
Une première étape dans ce projet consiste, avec nos
collègues, à analyser de façon détaillée le
retour d'expérience des tranches 1 300 mégawatts
françaises et allemandes.
La seconde étape, qui est engagée aujourd'hui, vise à
préparer, en collaboration avec les centres d'ingénierie qui
conçoivent la tranche, la méthodologie-étude et les outils
associés qui permettront l'intégration de ces études
"CIDEM" dans le processus général de conception.
Quels sont les apports aujourd'hui de ce retour d'expérience ?
Concernant les tranches françaises, on distingue trois principaux
apports :
- une analyse complète du comportement des matériels, de
leur performance, a permis de mettre en évidence les principaux
contributeurs à la disponibilité fortuite, et donc nous a permis
d'orienter les études de fiabilité et de maintien de ces
composants ;
- une connaissance détaillée des durées d'arrêt
pour rechargement a permis de réorienter la conception du système
ou de l'installation générale. L'arrêt d'une tranche peut
être considérée comme une situation normale de
fonctionnement, et il y a beaucoup à gagner sur les durées
d'arrêt des tranches ;
- la connaissance de la dosimétrie collective sur les chantiers de
maintenance, en particulier sur les chantiers critiques, grâce aux
résultats des examens qu'on connaissait dans le cadre du projet ALARA,
nous a permis de mettre en oeuvre un certain nombre de développements en
termes de robotisation et de prévision d'installation.
Ceci est le retour d'expérience fondamental des tranches
françaises. Le retour d'expérience qui nous vient des tranches
allemandes, par l'intermédiaire de nos collègues
électriciens, est également riche d'enseignement, en particulier
dans le domaine des indisponibilités programmées, où ces
centrales obtiennent d'excellents résultats. En particulier,
l'architecture en quatre trains des systèmes de sauvegarde apporte une
souplesse dans l'organisation des travaux de maintenance et permet d'en faire
une bonne partie en temps masqué.
Par ailleurs, nous avons beaucoup appris des électriciens allemands et
des concepteurs sur la procédure d'arrêt avec maintien en
diphasique des circuits primaires, d'où un gain de temps et un retour
d'expérience fort.
Enfin, un certain nombre de retours d'expérience nous vient des
conditions d'accessibilité de l'enceinte tranches en puissance.
Aujourd'hui, l'exploitation de ce retour d'expérience
français/allemand, dans le cadre de ce projet "CIDEM", nous permet
d'envisager une meilleure disponibilité des tranches, à l'avenir.
Par ailleurs, nous cherchons à avoir des campagnes longues. Aujourd'hui,
la plus grande partie du parc français est à rechargement
annuel ; notre objectif, dans EPR, est de viser des campagnes de
24 mois.
M. BIRRAUX
- J'ai une question à poser
à Monsieur LACOSTE. Comment, dans votre processus interactif
franco-allemand, avez-vous réussi à ne pas empiler des
considérations de sûreté qui paraissaient bonnes en FRANCE
et en ALLEMAGNE pour ne pas alourdir les coûts ?
M. LACOSTE
- Je vais intervenir sur les points qui
ont été évoqués, à savoir ce que j'appelais
tout à l'heure la phase d'optimisation technique. Il me paraît
normal que les constructeurs électriciens, à ce stade-ci, se
demandent s'ils sont capables d'améliorer la puissance du projet et de
diminuer les coûts d'investissement et d'exploitation. Cela me
paraît normal et sain parce que, pour une autorité de
sûreté, il est préférable d'avoir en face de soi des
industriels responsables, compétents et, si possible, prospères.
Ce souci me paraît donc bienvenu.
Il nous appartiendra, en particulier à nous, à la fin de
l'année ou au début de l'année prochaine, de
vérifier que ces études d'optimisation ne mettent pas en cause
les objectifs et la règle de sûreté que nous avons
fixés. Il y aura un retour à la fin de l'année ou au
début de l'année prochaine. C'est un point sur lequel je
souhaitais intervenir.
Le deuxième point que vous avez évoqué consiste à
savoir comment éviter l'empilement des mesures. Le problème se
pose sur le plan technique et sur le plan réglementaire. On ne peut y
arriver qu'en s'imposant une logique claire et appliquée aussi
strictement que possible, qui est de se demander pourquoi on fait ou
préconise quelque chose, et de se demander si ce qu'on fait ou
préconise vient du fait que c'est bien, ou meilleur, ou simplement qu'on
a l'habitude de le préconiser. C'est une gymnastique redoutable.
Jusqu'à présent, nous avons à peu près
réussi à le faire et cela nous a permis, sauf cas particuliers,
d'éviter l'empilement des mesures.
Là où l'on voit bien que le système atteint ses limites,
c'est sur des sujets où des considérations non techniques sont
prédominantes. Par exemple, nous avons beaucoup de mal à
progresser sur les mesures à prendre pour résister aux agressions
externes, aux chutes d'avions... A l'évidence, dans chacun des pays, il
y a des habitudes, qui ne sont pas du fait des autorités de
sûreté mais du fait d'autorités ressemblant peu ou prou au
Ministère de l'Intérieur, sur lesquelles il est difficile
d'appliquer strictement le mode de raisonnement que nous avons l'habitude
d'appliquer en matière nucléaire, et j'ignore comment on
évite soit l'empilement, soit la dissociation, mais cela existe.
M. QUENIART
- Je voudrais donner un exemple
pratique de ce problème franco-allemand que l'on rencontre ; il
faut effectivement chercher à ne pas empiler les contraintes. Sur le
système d'injection de sécurité, qui est celui permettant
de refroidir le coeur en cas de brèche, la première solution
proposée par le projet était une solution de type allemand qui ne
posait pas, sur les principes, de problèmes fondamentaux aux
Français. Cependant, pour des raisons de coûts de
développement, de recherche associée, il a été
jugé préférable de revenir à une solution de type
français.
Ceci a posé un problème à nos amis allemands, qui ont
dû mener une instruction pour comprendre comment et pourquoi, dans leur
pays, ils pouvaient accepter cette nouvelle solution.
Cela n'a l'air de rien mais a demandé entre un an et dix-huit mois
d'instruction, le temps que les organismes, le groupe-projet GRS, fassent
divers calculs pour examiner la nouvelle proposition du projet. Il faut savoir
que, parallèlement, nous avons fait notre analyse de la proposition du
projet, mais celle-ci était plus conforme à notre pratique.
Je pense que nous déboucherons prochainement à un accord.
La séance, suspendue à 11 h 15, est reprise
à 11 h 35.
M. BIRRAUX
- Avant de donner la parole à
Monsieur MANDIL sur la stratégie énergétique vue par la
DGEMP, qui permettra de terminer la matinée et d'introduire un peu le
débat de cet après-midi, où nous aurons le
Président d'EDF qui ouvrira la séance, peut-on avoir quelques
compléments d'informations sur les accidents graves puisque le CEA a
mené des recherches relativement importantes dans ce domaine ?
M. BARRE
- Je vais dire quelques mots avant de
laisser la parole à Monsieur COURTAUD, qui fera l'essentiel de la
présentation.
Je voudrais rapidement placer l'ensemble des efforts de recherche en soutien du
projet EPR en soulignant que le CEA n'est pas leader ; nous intervenons
seulement en soutien des industriels. Le CEA n'est pas seul non plus,
l'ensemble de cette recherche fait l'objet d'une coordination franco-allemande,
et un rôle symétrique au nôtre est joué par le Centre
de Recherche de KARLSRUHE. L'ensemble des recherches menées en soutien
d'EPR peut se répartir en trois catégories :
1) Il y a ce que j'appellerais un fond continu de recherche en vue
d'affiner les connaissances, de perfectionner les modèles et de
qualifier des outils de conception et d'analyse. Ceci est utile à tous
les réacteurs à eau pressurisée, le parc actuel et EPR.
Ceci est particulièrement utile à EPR parce que c'est essentiel
pour avoir une appréhension réaliste des marges de conception. Il
est apparu que cette bonne appréhension des marges était
essentielle pour pouvoir concilier sûreté accrue et
compétitivité. Dans ce fond continu de recherche, je placerai des
recherches sur les matériaux. Le fait de passer de 40 ans de vie
technique à 60 ans demande des matériaux plus
élaborés.
Enfin, tout ce qui est recherche sur le combustible et le cycle du combustible
bénéficie autant aux réacteurs actuels qu'à EPR
parce qu'il y a une continuité totale entre le N4 et l'EPR. C'est une
R&D de fond très importante qui n'apparaît peut-être pas
a priori comme spécifique.
2) Il y a une R&D ciblée sur les caractéristiques
spécifiques de l'avant-projet détaillé tel qu'aujourd'hui
pour déterminer la validité et les marges de ces
caractéristiques, et là, ce sont surtout des
éléments liés à la prévention des accidents
graves et à la maîtrise de leurs conséquences
radiologiques. Ce sera ce qui tournera autour du corium et de
l'hydrogène, par exemple.
3) Il y a une R&D qui consiste en l'étude d'options encore plus
avancées, non retenues à ce stade du projet, mais qui peuvent
être incorporées dans un deuxième sous-palier ou lors d'une
mise à niveau, si leur intérêt est avéré.
Monsieur COURTAUD va à présent vous faire une présentation
des aspects vraiment spécifiques EPR, et plus précisément
des aspects liés aux accidents graves et, si l'on a le temps, je vous
proposerai de voir une vidéo illustrant une de ces expériences
liées à l'EPR.
M. COURTAUD
- Je suis
responsable segment au
CEA
, et je vais d'abord parler de l'organisation de la R&D. En FRANCE,
cette R&D est principalement réalisée au CEA dans le cadre
d'accord de collaboration avec FRAMATOME et EDF. On a le même
schéma en ALLEMAGNE, où l'essentiel de la recherche est fait au
Centre de Recherche de Karlsruhe en collaboration avec SIEMENS et les
électriciens allemands, cette collaboration étant étendue
à des universités et à d'autres industriels dans le cadre
de groupement AGIC.
En 1992, le CEA et FZK ont étendu un accord de collaboration, qui
existait déjà dans le domaine des RNR, au domaine des
réacteurs à eau du futur, et l'on a créé un
Comité Directeur et des groupes de travail qui ont pour mission
d'harmoniser la recherche, d'échanger les résultats
expérimentaux et de confronter nos moyens de calculs et les
résultats de ces calculs.
Cette recherche franco-allemande est complétée par des
collaborations internationales, tout d'abord au niveau de l'Union
Européenne, dans le cadre des troisième, quatrième et, je
l'espère, cinquième programme cadre de recherche et de
développement. Il y a des accords de collaboration spécifique
avec le Centre de Recherche d'Ispra et, au-delà de l'Union
Européenne, il y a des collaborations internationales, qui sont
menées sous l'égide de l'OCDE, et des collaborations plus
bilatérales avec les grands pays qui font du nucléaire, à
savoir les ETATS-UNIS, la RUSSIE et le JAPON.
Je passe complètement sur le premier caractère de recherche de
fond, que Monsieur BARRE vous a présenté brièvement, pour
aller à la R&D qui est plus spécifique à EPR et qui
concerne les caractères évolutionnaires d'EPR, qui sont :
- la prise en compte des accidents graves dès la conception et
certaines modifications qui ont eu lieu dans la cuve où l'on a
supprimé les traversées inférieures.
Si l'on compare la cuve d'un réacteur du parc actuel avec ce qui est
projeté pour EPR, on constate qu'il n'y a plus de traversée dans
le fond de cuve, ce qui évite de la fragiliser mais modifie
complètement l'hydraulique de ce fond de cuve. Il est à noter
aussi la présence d'un réflecteur lourd qui doit contribuer
à la baisse d'irradiation de la cuve. Il y a eu aussi quelques
modifications mineures des systèmes de sauvegarde.
Au point de vue des retombées R&D, il y a eu des études sur
l'hydraulique au stade de l'avant-projet ; pour le projet, il faudra
réaliser une maquette de cuve complète. Sur le réflecteur
lourd, pour le projet, il faudra vraisemblablement faire des tests sur une
maquette critique. Quant aux systèmes de sauvegarde, on a pu se
contenter de faire des tests sur une installation qui simule les
réacteurs du parc actuel et dont les potentialités permettaient
de faire les modifications des systèmes de sauvegarde qui avaient
été faites pour l'EPR.
J'en viens à présent au problème des accidents graves. Un
accident grave résulte d'un défaut de refroidissement du
coeur ; il n'y a plus de réaction en chaîne, mais il reste
une puissance résiduelle due aux produits de fission et cette puissance
résiduelle entraîne la fusion du coeur. Cette fusion
s'étale sur une gamme de températures assez large puisqu'on
commence par fondre à 800 degrés des barres de
contrôle qui contiennent de l'argent, et cela se termine par la fusion de
l'oxyde d'uranium à 3 000 degrés avec des
matériaux qui interagissent entre eux, entraînant la formation de
corium. Au cours de ces réactions, l'une est très
importante ; c'est l'oxydation des métaux par l'eau à haute
température, qui provoque la formation d'hydrogène.
Nous cherchons la réduction de la fréquence de tels accidents et
ceci est obtenu par les redondances et la fiabilité des systèmes
de sauvegarde. Par ailleurs, nous recherchons une réduction des rejets,
ce qui veut dire que l'enceinte doit rester étanche. Cela conduit
à exclure certaines séquences accidentelles, par exemple la
fusion du coeur à haute pression (c'est ce que l'on fait en utilisant un
système de dépressurisation dédié), et il faut
mettre en place un certain nombre de dispositifs de mitigation ; en
particulier, il faut empêcher que le corium qui se forme dans la cuve et
va la traverser aille sur le radier et s'y enfonce. On crée donc un
dispositif que l'on appelle un récupérateur de corium, dans
lequel ce produit sera bloqué et refroidi définitivement.
De la même façon, dans l'enceinte se pose le problème
d'éviter les explosions et détonations d'hydrogène. On
place donc des dispositifs de mitigation, des recombineurs d'hydrogène.
Tout ceci nécessite une forte R&D.
Je vais dire quelques mots sur la méthodologie suivie pour ces
études sur les accidents graves, une R&D qui dure depuis plus de
20 ans. Cela passe, comme dans toute recherche et développement,
par des codes de calcul et des expériences et, dans ce cadre, on a deux
sortes de codes de calcul :
- les codes "scénarios" qui sont des codes avec des
modélisations très simples qui permettent de faire beaucoup de
calculs à coûts limités, et donc de faire des études
de sensibilité. Il y a là-dedans des modèles
simplifiés et des options utilisateurs et, pour renseigner ces
modèles simplifiés, on utilise des "codes zoom", où l'on
traite un composant particulier ou un phénomène physique
particulier. Ces "codes zoom" sont adossés à des
expériences elles-mêmes qui traitent des expériences
à effet séparé.
Tout ce système de codes et d'expériences est itératif et
évolutif, et marche depuis des années puisqu'on améliore
beaucoup la connaissance sur les accidents graves.
Les thèmes de recherche concernent le corium en cuve : on
s'intéresse aux possibilités de maintenir ce corium dans la cuve
en injectant de l'eau de refroidissement, même dans des conditions
tardives. On s'intéresse à la façon dont le corium va
attaquer, va percer la cuve, et ces données serviront de condition
initiale au problème de la récupération du corium.
Autre thème de recherche : le comportement du corium hors cuve, qui
doit conduire à la définition d'un récupérateur. Il
y a également un phénomène que nous étudions
actuellement, qui est l'interaction corium/eau, laquelle se traduit par une
production plus ou moins énergétique de vapeur, dont il faut
évaluer les conséquences.
Sur le transparent suivant, on montre les différentes études qui
sont faites dans ce cadre corium, sachant qu'il y a, bien sûr, des
travaux équivalents et complémentaires en ALLEMAGNE. Je ne
parlerai que de l'étalement, qui est le concept de
récupération du corium qui a été retenu pour l'EPR.
En FRANCE, on développe des codes de calcul plus ou moins
sophistiqués qui répondent aux doux noms de THEMA et CROCO, et
ces codes sont qualifiés sur des expériences
génériques, à savoir :
- CORINE, où on l'étudie l'étalement sur des
matériaux simulants,
- VULCANO, qui étudie l'étalement de corium réel.
En ALLEMAGNE, ces études sont complétées parce qu'il y a
des expériences en matériaux simulants à haute
température, et une expérience qui a plutôt un
caractère démonstratif est réalisée à
Simpelkamp, où l'on fait étaler 2,5 tonnes de corium.
L'autre champ de recherche concerne l'enceinte. Lors d'un accident grave,
l'atmosphère de l'enceinte est composée de l'air initial, de la
vapeur qui s'est dégagée dans cette enceinte suite au
défaut de refroidissement, et de l'hydrogène produit lors de la
fusion du coeur. Il y a deux problèmes à résoudre, dont le
premier est d'évacuer la puissance résiduelle à long terme
puisque le corium se trouve dans l'enceinte. Dans l'EPR, on a choisi le
système d'aspersion et une option alternative a été
étudiée, qui se ferait par condenseur.
Le problème qui se pose est qu'il ne faut pas qu'il y ait de
détonation globale d'hydrogène, et qu'on soit capable de placer
des dispositifs de mitigation, soit des recombineurs, soit des igniteurs, au
bon endroit. Pour cela, des études très importantes sont faites,
notamment le développement de codes de calculs permettant de calculer la
distribution d'hydrogène dans l'enceinte. En FRANCE, on développe
le code "TONUS" qui précise la distribution fine d'hydrogène, sa
combustion, les détonations et les conséquences que peuvent avoir
ces détonations sur l'intégrité de l'enceinte.
Je voudrais terminer par la recherche qui va au-delà du projet EPR
actuel, et qui porte sur :
- les combustibles avec de hauts taux de combustion, mais au-delà
de 60 000 mégawatts jours par tonne,
- des structures de combustibles qui pourraient mieux retenir les produits
de fission,
- des études sur des systèmes de sauvegarde qui soient plus
passifs que les systèmes actuels,
- des recherches dans l'automatisation de la conduite, dans
l'instrumentation,
- des recherches sur des nouveaux matériaux, des aciers qui
tiennent à plus haute température, qui soient moins
activables, etc.
Il y a également des recherches pour utiliser des coeurs chargés
complètement en combustible MOX. Dans le domaine des accidents graves,
on étudie des concepts de récupérateurs alternatifs au
projet actuel.
On étudie aussi la possibilité de maintenir le corium en cuve, et
ceci peut être obtenu par refroidissement externe et la mise à
l'intérieur de la cuve de produits de céramique ou de
réfractaire.
On a également des études sur un certain nombre de projets
d'enceintes innovatrices et, bien sûr, on s'intéresse aux projets
qui sont développés à l'étranger.
En conclusion, je dirai que la base de R&D pour l'EPR est très large
et bien organisée parce qu'elle bénéficie de toute la
R&D de la filière REP et d'une forte coopération
internationale. C'est une R&D qui s'inscrit cependant dans la durée,
le temps de réponse de la R&D étant beaucoup plus long que
celui d'une réalisation d'un avant-projet.
Des résultats sont certes déjà disponibles pour les choix
d'option, mais la totalité des résultats sera disponible
seulement pour confirmation et optimisation au cours des phases suivantes.
Je conclurai en disant que la recherche est indispensable pour préparer
l'avenir.
M. QUENIART
- Je ferai un commentaire. Il est
très important pour l'appui technique d'avoir une recherche autonome
pour apprécier les solutions techniques ou pour promouvoir de nouvelles
solutions. Il y a des R&D accidents graves lancées par le CEA,
d'autres financées par l'IPSN, mais les liens sont faits de façon
à ce que ces R&D soient complémentaires et non redondantes.
Par exemple, concernant les recombineurs d'hydrogène, qui sont la
solution de base retenue pour le projet EPR pour éviter les
détonations d'hydrogène et recombiner l'hydrogène au cours
d'un processus d'accident grave, ils ont été essentiellement
développés en ALLEMAGNE, jusqu'à présent. Beaucoup
d'expérimentations ont été faites en ALLEMAGNE mais nous
conservions des doutes, notamment quant à leur efficacité.
En effet, lors d'accidents graves, des produits de fission se dégagent
et certains peuvent venir empoisonner le catalyseur qui sert à
recombiner l'hydrogène. Nous avons donc monté des
expériences sur un programme propre, qui visent à vérifier
l'efficacité des recombineurs dans les conditions d'un accident grave.
EDF participe, et les résultats préliminaires obtenus ont
plutôt montré leur efficacité, mais il faudra les exploiter
complètement. Nous envisageons, pour être plus réalistes,
d'ajouter dans une des expérimentations de Phébus un bureau type
recombineur de matériaux catalytiques, qui sont de véritables
produits de fission dégagés en cours d'expérimentation,
pour avoir une dernière vérification.
Mme RIVASI
, Députée
- Je me
félicite de cette coopération franco-allemande parce qu'un
certain nombre de problèmes avaient été posés en
cas d'accident nucléaire, et je me souviens d'un rapport qu'avait fait
Monsieur RAUSCH posant la question d'un d'accident qui provoquerait la rupture
de la cuve, notamment de l'enceinte, et ce problème de
l'hydrogène était soulevé.
Le discours tenu à l'époque consistait à dire que cela ne
pouvait pas fonctionner et il avait été demandé à
ce que des recombineurs d'hydrogène soient mis au niveau des
réacteurs. Je suis donc ravie aujourd'hui que ce problème soit
soulevé, que celui-ci enclenche des recherches et des
développements. Cependant, je pose la question suivante : si l'on
arrive à mettre au point ces éléments, pourrait-on faire
ce transfert sur nos réacteurs actuels, nos REP ?
Il est bien de faire cette recherche dans le cas de l'EPR, mais un accident
nucléaire peut aussi bien arriver aujourd'hui ; est-ce que ce
transfert de technologies pourrait se faire sur nos réacteurs
actuels ?
M. QUENIART
- La réponse est oui.
M. BIRRAUX
- J'ajoute que, sur le rapport RAUSCH,
les recombineurs d'hydrogène avaient reçu les
bénédictions, au sens le plus littéral du terme, de
l'expert qui avait conseillé Monsieur RAUSCH fort de ces
bénédictions, la R&D a pu progresser.
(
Présentation d'un film
)
Mme SENE
- Je suis très sensible au fait
que des R&D soient faites, sauf que les plans de l'EPR sont quand
même très avancés et qu'en conséquence, compte tenu
d'un certain nombre de problèmes qui sont apparus avec les R&D et
d'expériences montrant que, par exemple, le dégazage
d'hydrogène est plus important que ce que l'on avait prévu dans
les calculs, que la température de début de fusion d'un coeur est
en fait plus basse que prévue, que le taux de rétention des
produits de fission dans le circuit primaire est plus faible que prévu,
les calculs qu'on avait mis en place doivent en fait être repris.
En conséquence, si l'on fait reposer l'EPR sur les calculs
précédents, on aura manifestement des sous-évaluations,
des résultats qui ne seront pas exacts. Il me paraît donc
prématuré de dire :
1) qu'on va mettre des recombineurs. Lesquels ?
2) qu'on va avoir une baisse des produits de fission. De combien ?
Cependant, la R&D est tout de même très intéressante,
on l'a faite pour les réacteurs actuels et on en connaît les
limites. On sait que l'on peut changer les combustibles, dans une certaine
mesure, on sait aussi que l'on peut mettre des MOX, mais dans une certaine
limite. Donc, dans tous les cas de figure, mon avis est qu'on va un peu vite.
Ce qu'on a vu de l'aval du cycle avec les problèmes graves d'actinides,
de plutonium, aurait dû faire que l'on pouvait essayer de faire des
réacteurs à réseau différent et en avoir
moins ; on n'a pas choisi cette option.
Je vous rappelle que dans toutes les études que l'on fait, et en
particulier lorsque l'on cherche à savoir, lorsque l'on va faire des
réacteurs dédiés, des actinides..., pour le moment le
résultat générique est qu'il faut plus d'énergie
pour les détruire que pour les avoir formés, ce qui quand
même pose des problèmes.
M. BARRE
- Une partie des résultats qu'a
évoqués Madame SENE sont les résultats des
expériences Phébus menées par l'IPSN, mais je voudrais
préciser que nous menons la R&D en parallèle avec le projet.
Par exemple, l'expérience VULCANO que nous vous avons montrée,
qui date de décembre, prenait déjà en compte un dessin du
récupérateur qui n'était pas le dessin initial mais qui
avait été amélioré entre-temps, y compris par
l'introduction de béton sacrificiel qui a changé la composition
du corium. Les choses se mènent donc en parallèle et il y a une
très forte interaction entre la R&D et le projet avec, il est vrai,
une différence de dynamique des deux choses qu'il faut ajuster et qui
n'est pas forcément très simple.
Par rapport à ce qu'a dit Madame SENE, je voudrais souligner que tout ce
que nous faisons a pour objet d'ajouter encore de la sûreté aux
réacteurs existants, laquelle était déjà
satisfaisante. Peut-être sommes-nous toujours en train de faire la course
avec le projet pour qualifier les solutions d'EPR mais, en tout état de
cause, ce sont des solutions meilleures que l'existant ; il faut garder
cela en mémoire.
M. QUENIART
- Je voulais compléter sur
l'interaction entre l'exploitant - ou le projet - et la R&D
à l'origine, et donc sur un dialogue entre les propositions du projet et
les discussions avec les organismes de sûreté.
Monsieur BARRE a mentionné que le concept de récupérateur
a déjà été modifié depuis le début du
projet, et les recommandations qui sont faites par GPR/RSK et approuvées
par la DFD sont en fait progressives. Autrement dit, sur le sujet de
l'étalement du corium, il a été dit dans un premier temps
que le concept avec une chambre d'étalement, vu l'état des
connaissances, était a priori le type de concept qu'il fallait
rechercher. Cependant, rien n'a été dit, dans un premier temps,
dans les recommandations de 1995, sur un concept précis.
Le concept présenté a été reconnu comme valable sur
le plan des principes ; il reste bien entendu à le
démontrer, et ceci n'est pas simple parce qu'on a vu une
expérience où le corium a le bon goût de s'étaler
facilement sur toute la chambre d'étalement.
On peut imaginer, parce que les conditions de début de l'accident et la
traversée de la cuve ne sont pas uniques, des cas où il y aurait
des déversements successifs, des possibilités de gel d'une partie
de corium qui, éventuellement, se reliquéfierait au contact d'une
arrivée suivante de corium. Il y a de toute façon un certain
nombre d'études de sensibilité à faire.
Cependant, le type de solution est reconnu comme valable tout en demandant par
ailleurs au projet de bien vouloir regarder d'autres concepts et ne pas perdre
de vue que certains d'entre eux peuvent s'inscrire dans la
géométrie du projet.
M. BIRRAUX
- J'ai envie de demander à
Monsieur BOUTEILLE ou à Monsieur LECOCQ comment est fait l'arbitrage
entre ce qui leur arrive de la R&D et les concepts qu'ils avaient d'ores et
déjà élaborés, et s'ils sont susceptibles de
modifications ; comment sont-ils intégrés ?
M. LECOCQ
- Il y a des dispositions qui sont
prises dès la conception pour prévenir ces accidents graves et,
dans l'EPR, il y a des points importants, de ce point de vue, pour repousser
à des probabilités extrêmement faibles ces accidents. Je
vous rappelle qu'ont été prises en compte les défaillances
multiples, ce qui n'était pas le cas antérieurement. Ont
été mises en oeuvre des redondances, on a diversifié un
certain nombre de matériels, notamment le renforcement des sources. Il
faut voir quel est l'événement initiateur qui pourrait provoquer
un accident grave, et donc jouer autant sur la prévention que sur les
conséquences.
On a augmenté les matériels dédiés
spécialement au traitement des accidents graves, on a
amélioré la prévention des erreurs humaines, on a pris en
compte les défaillances multiples et la perte complète de tous
les systèmes redondants.
L'objectif est que tout reste confiné dans le bâtiment
réacteur ; on a pris en compte cela en augmentant la pression de
dimensionnement du confinement, en mettant en place des dispositifs de recueil
du corium fondu. L'objet est maintenant de préciser la
géométrie la plus optimale pour ce dispositif, et il est d'ores
et déjà prévu. On pourra dans le projet
détaillé améliorer tous ces points.
En matière de mitigation, le deuxième aspect des
conséquences d'accidents graves, a été mis en place un
circuit nouveau, dédié à la protection de l'enceinte et
qui permet d'évacuer l'énergie résiduelle ; on a
augmenté le volume et la pression de l'enceinte. On envisage de mettre
en place des recombineurs et des inhibiteurs, comme cela a été
dit précédemment.
Si, néanmoins, il devait y avoir des fissurations de l'enceinte, on
ferait tout ce qu'il faut pour qu'il n'y ait aucune traversée de
l'enceinte qui débouche sur l'extérieur, mais uniquement dans les
bâtiments environnants. Il a été mis en place une
conception qui évite tous les bipasses d'enceinte vers les circuits
secondaires ; nous faisons en effet la chasse aux bipasses d'enceinte, en
cas d'accident.
Je suis conscient de ne pas avoir totalement répondu à la
question posée, mais il faut voir que nous avons déjà pris
en considération tellement de choses dans ce domaine, dès la
conception.
Quant à la question de savoir si la R&D est de nature à
modifier profondément le concept de récupération du coeur,
nous avançons en tenant compte progressivement des résultats
obtenus et, en tant que de besoin, nous modifions le projet dans ce sens.
M. THIERRY
- J'ai entendu un chiffre global de
1 milliard pour la recherche, tout à l'heure, et je n'ai pas
compris s'il s'agissait simplement de la contribution d'EDF et FRAMATOME ou
s'il était tenu compte des différents projets IPSN et CEA.
S'agit-il d'un financement à fonds publics ou privés ?
M. COUSIN
- Le milliard dont on parle est le
montant des contrats qui ont été conclus avec NPI, SIEMENS et
FRAMATOME et dont une partie est supportée par les électriciens,
et une partie par les industriels.
Cela n'inclut ni les développements complémentaires faits par EDF
ni l'ensemble de ce flux de développement qui est continu. Ceci n'est
absolument pas comptabilisé là ; une partie de ces
développements concernent à la fois les projets futurs et
l'ensemble du parc existant. Le milliard est donc extrêmement limitatif,
c'est un travail de conception et d'ingénierie ; ce n'est pas
l'enveloppe globale.
M. BIRRAUX
- Est-ce que Monsieur MANDIL peut nous
faire une présentation sur la prospective énergétique,
parce qu'on examine les aspects techniques et technologiques du projet EPR,
mais celui-ci doit s'inscrire dans une stratégie globale et dans une
prospective énergétique pour que nous arrivions à en
cerner les paramètres. Quand faut-il choisir d'en construire un ?
Faut-il en construire un ? Pour répondre à quels
objectifs ?
M. MANDIL
, Directeur Général de l'Energie et des
Matières Premières
- Je vais donner quelques
éléments, sachant que ceux-ci alimenteront le débat de cet
après-midi. Je me bornerai à la responsabilité qui est la
mienne, c'est-à-dire le domaine de la politique
énergétique, je n'interférerai ni dans les
responsabilités des autorités de sûreté ni dans
celles des industriels.
De mon point de vue, la coopération qui s'est instaurée entre les
équipes allemandes et françaises, aussi bien dans le domaine
scientifique que dans le domaine industriel, avec les autorités de
sûreté et les producteurs d'électricité, a
été exemplaire et aboutit réellement à un projet
extrêmement intelligent, intéressant et attractif. Il y a beaucoup
à se féliciter de la façon dont le travail a
été effectué au cours des dernières années.
Le résultat est que nous allons pouvoir bientôt passer des
études de conception à des études de réalisation
d'un projet, et la question qui se pose est : quel projet ?
Il y a plusieurs cas de figure, il faut sérier les problèmes, et
je voudrais d'abord parler de la situation française, qui est
naturellement celle que je connais le mieux et que je peux le mieux anticiper.
La situation française, telle que nous la percevons, est la
suivante :
Actuellement, il y a en FRANCE un excédent de capacité de
production en base d'environ 5 à 6 gigawatts, c'est-à-dire
de l'ordre de quatre tranches. Cela ne veut pas dire que ces tranches sont
arrêtées mais que des tranches qui devraient fonctionner en base
fonctionnent en semi-base, ou qu'elles ne fonctionnent pas autant qu'elles le
devraient.
Compte tenu d'un certain nombre d'événements, dans le
détail desquels je n'entrerai pas, mais qui sont à l'esprit des
personnes ici présentes, compte tenu des nouveaux entrants qui vont se
manifester dans le cadre de la suppression de certains monopoles
d'électricité de FRANCE, on peut estimer, en faisant abstraction
pour l'instant du problème de la fermeture éventuelle des
tranches les plus anciennes, que cette surcapacité devrait être
résorbée vers 2020.
Je voudrais tout de suite atténuer ce propos en disant que, bien que
2020 ne soit pas très éloigné et que 2005 soit proche,
même à ces horizons, nous avons une marge d'incertitude qui est
importante parce qu'elle joue sur des différences. En effet, il y a un
parc de 58 réacteurs et l'excédent de 4 à
5 réacteurs est une différence notable, c'est-à-dire
qu'en 2005, les perceptives de consommation sont déjà à
plus ou moins 2 réacteurs, en 2015 elles seront à plus ou
moins 5 réacteurs, si bien que, même pour des horizons
rapprochés, lorsque je dis qu'il y a une surcapacité qui va se
résorber en 2020, c'est avec plus ou moins quelque chose.
Cependant, cela veut quand même dire que les besoins d'investissement
éventuels dans de nouvelles unités
électronucléaires se manifesteront plus vraisemblablement d'abord
à l'occasion du renouvellement du parc, c'est-à-dire à
l'occasion de l'événement constitué par le
déclassement des tranches les plus anciennes. Là, en plus de la
question de la date, sur laquelle je reviendrai, se posent deux autres
questions dont la première est de nature économique. Est-ce
qu'à ce moment, compte tenu de l'ouverture du marché, compte tenu
de la mise en concurrence à la production, l'EPR sera compétitif
par rapport à d'autres modes de production en base ?
Tout le monde pense essentiellement aux turbines à gaz ainsi qu'au
combiné, mais il peut y avoir d'autres possibilités. Cependant,
ce n'est pas aujourd'hui qu'on peut donner une réponse
définitive. On peut simplement dire que, si les chiffres qui ont
été évoqués ce matin sont tenus, on a toutes les
raisons de penser que l'EPR sera compétitif par rapport à
d'autres modes de production. Cela dit, il n'y a pas une marge de
compétitivité telle qu'il faille relâcher les efforts.
La deuxième question est de nature politique.
Est-ce que le gouvernement de l'époque, est-ce que le parlement de
l'époque, est-ce que l'opinion publique de l'époque
considéreront qu'il convient de remplacer du nucléaire par du
nucléaire ou non ?
Là encore, il est exclu de répondre à la question
aujourd'hui, celle-ci se posera plus tard. La seule chose que je puisse dire
est quelles sont les instructions que le gouvernement d'aujourd'hui donne
à ses fonctionnaires ; celles-ci consistent à faire en sorte
que tous les choix soient possibles. Laissons les options ouvertes, et
préparons-nous notamment à ce que l'option nucléaire
puisse être approuvée le moment venu.
Reste à savoir quand !
La date dépend largement des décisions qui seront prises par les
autorités de sûreté sur la durée de vie des
réacteurs actuels. Je rappelle simplement, pour fixer les idées,
que le premier réacteur à eau pressurisée actuellement en
fonctionnement a été mis en service en 1977, c'est-à-dire
qu'en 2007, cela fera 30 ans. Fonctionnera-t-il 30 ans ? S'il
doit fonctionner 30 ans, il faudra le fermer en 2007.
Si les autorités de sûreté - et elles seront les
seules responsables de cela - décident qu'on peut prolonger la
durée de vie de ces réacteurs et la porter à 40 ans, cela
renvoie le problème à 2017, et il faudra s'en
réjouir ; je comprends que cela posera des problèmes aux
industriels, mais ce sera néanmoins une bonne nouvelle que la
durée de vie des réacteurs actuels soit portée à
40 ans. En effet, cela voudra dire que la collectivité nationale
bénéficiera d'une productivité de son outil de production
d'électricité bien plus élevée que prévue.
Voilà où nous en sommes pour ce qui est du paysage
français. Si Fessenheim I s'arrête en 2007, compte tenu de la
surcapacité, il n'y a pas de raison économique de le
remplacer ; s'il s'arrête en 2017, cela tombera à un moment
où, la surcapacité étant proche de la résorption,
son remplacement sera nécessaire.
Je voudrais dire quelques mots rapides sur le "hors FRANCE". "Hors FRANCE",
c'est d'abord l'ALLEMAGNE. S'agissant de l'ALLEMAGNE, je n'ai aucune
qualité pour aborder le problème des décisions politiques,
d'autant qu'il y a de hauts responsables allemands qui seraient beaucoup plus
capables que moi de parler de la situation en ALLEMAGNE. Je peux simplement
dire que, du point de vue français, il y aurait du sens
économique, industriel et environnemental à reprendre rapidement
un programme nucléaire en ALLEMAGNE, ne serait-ce que parce que celui-ci
faciliterait à nos amis allemands la conformité aux engagements
d'émission de gaz effet de serre.
Y a-t-il ou non une volonté politique qu'il en soit ainsi en
ALLEMAGNE ? Je ne dirai pas un mot là-dessus parce que ce n'est pas
à moi de le dire.
Actuellement, il est clair que la réponse est négative.
Aujourd'hui, il n'y a pas de possibilité politique qu'un programme
nucléaire soit repris en ALLEMAGNE. C'est pourquoi il me semble
indispensable qu'on envisage sérieusement, pour le succès du
programme EPR, la grande exportation, c'est-à-dire en dehors des pays de
départ : la FRANCE et l'ALLEMAGNE.
Je crois que, de ce point de vue, l'alliance franco-allemande telle qu'elle a
fonctionné jusqu'à présent dans ce domaine est un
élément extrêmement positif qui doit être
exploité par les industriels, les électriciens, de façon
à proposer, dès que ce sera possible, le produit EPR à des
clients dans des pays qui en ont besoin ou qui en ont envie.
Il reste une question qui me ramène à la FRANCE. Peut-on
envisager en FRANCE d'accélérer le processus, d'anticiper la
construction d'une unité, d'une tranche, à la fois pour
entretenir la compétence industrielle et technologique et pour disposer
d'une vitrine, l'idée communément admise étant qu'on a des
difficultés à vendre à l'extérieur un
réacteur qu'on n'aurait pas commencé par construire chez soi.
Je tiens à dire que, si je perçois toute la valeur de ce
deuxième argument, je ne suis pas encore convaincu que ce soit un
argument à 100 %. Je constate que - à moins de me
tromper - c'est un argument qui ne dispense pas certains constructeurs
américains de proposer à la vente des modèles qui ne sont
pas construits aux ETATS-UNIS, ceci pour la raison qu'il y a longtemps qu'on ne
construit plus de centrales aux ETATS-UNIS.
Certes, ce serait un argument supplémentaire à la vente, je ne
suis pas sûr qu'il faille en faire absolument un dogme. Cela dit,
à la question de savoir si c'est envisageable, cela répond
à des considérations de nature politique sur lesquelles je ne
reviendrai pas ; techniquement et économiquement, cela pose deux
problèmes :
1) comme c'est une anticipation , c'est un coût. Quel sera ce
coût ? Par qui sera-t-il supporté ?
C'est un coût qui peut avoir des justifications économiques tout
à fait raisonnables. Le fait que ce soit coûteux n'est pas une
raison pour ne pas le faire. On peut très bien imaginer qu'EDF
considère comme nécessaire, pour la maintenance de son parc
actuel et pour l'avenir à long terme de son parc, de maintenir à
un niveau très élevé la compétence technique et la
compétence industrielle à la fois chez EDF et chez le
constructeur FRAMATOME, et que cela justifie, du point de vue économique
d'EDF, l'anticipation d'une tranche.
2) Est-ce imaginable dans le cadre de la nouvelle directive sur le
marché de l'électricité, qui prévoit des
procédures de mise en concurrence sur les moyens de production ?
Sur ce point, notre impression est que la directive elle-même le permet
tout à fait, je suis ouvert dans ce domaine. Il appartiendra au
gouvernement de proposer les textes de transposition, lois et décrets.
Actuellement, nous nous en préoccupons et le gouvernement a lancé
une consultation publique sur le sujet. Le parlement aura à se prononcer
sur la loi de transposition, vraisemblablement à l'automne, si le
programme de travail que nous avons en tête est approuvé, et c'est
à ce moment que nous saurons si les textes législatifs et
réglementaires de droit français permettront ce genre
d'anticipation. Personnellement, je pense que oui.
C'est une décision qui est envisageable et qui sera une décision
politique à prendre dans les deux ou trois ans à venir.
Ce sont plus des pistes de réflexion que des réponses ; cela
dit, je suis prêt à participer au débat qui va s'ensuivre.
M. BIRRAUX
- Merci. J'ouvre une petite
parenthèse ; il me semble que pour la traduction des directives
dans le domaine de la concurrence, on va plus vite que pour la traduction des
directives dans le domaine de la radioprotection. S'il vous reste un peu
d'énergie, en bout de course, peut-être pourriez-vous faire en
sorte que vos collègues de la santé s'agitent un peu plus vite.
Je referme la parenthèse.
Est-ce que Monsieur BURKLE ou le Docteur FABIAN peuvent nous donner leur
perception sur l'évolution énergétique. On a bien compris
quelles étaient les difficultés de la prospective en
République Fédérale puisque le consensus politique n'a pas
pu être réalisé sur cette prospective, même si la loi
fondamentale nucléaire a déjà été
ratifiée par le Bundestag, me semble-t-il, ce qui est tout de même
un signe d'évolution.
Je rappelle qu'à l'automne 1996, j'avais eu l'occasion de rencontrer le
Conseiller auprès du Chancelier pour les problèmes industriels et
énergétique, et qu'il avait fortement insisté pour que
l'option nucléaire demeure une option ouverte en République
Fédérale.
Comment analysez-vous la prospective énergétique en liaison avec
les engagements de KYOTO et des engagements pris pour réduire
l'émission de gaz effet de serre ?
Dr FABIAN
- En ce qui concerne vos remarques dans
le domaine de la politique, je ne peux que vous dire que je suis d'accord.
On peut caractériser la situation de la façon suivante :
aujourd'hui, en République Fédérale d'ALLEMAGNE, nous
avons plusieurs milliers de mégawatts en capacité de centrales.
La situation est donc relativement similaire à celle de la FRANCE. Cette
réserve n'a pas toujours été à ce niveau parce que
notre système allemand, fixant les règles de fonctionnement du
réseau, se basait sur une philosophie différente, en
matière de gestion des réserves. Cette philosophie s'est vue
modifiée avec le temps, dans la mesure où l'importance de ces
réserves a été légèrement augmentée.
A l'époque, chaque entreprise devait prendre les mesures utiles pour
avoir les réserves nécessaires et répondre aux besoins
d'approvisionnement. C'est une exigence qui continue de valoir aujourd'hui
mais, aujourd'hui, il y a une coopération beaucoup plus large entre les
entreprises. Nous avons conclu des accords sur une constitution de
réserves communes sachant que la constitution, la garantie de
réserves ne va pas au-delà de ce qui était exigé
à l'époque. Cependant, comme elle se fait de façon
commune, nous pouvons réduire les exigences, et donc réduire les
niveaux.
Il faut savoir aussi qu'à l'heure actuelle, 30 % des centrales
allemandes ont plus de 25 ans, et 30 % ont entre 20 et
25 années d'existence. Dans les 10 ou 15 ans à venir,
nous devrons arrêter les centrales les plus âgées. Nous
avons constaté, au sein du réseau, que le besoin de puissance
entre aujourd'hui et l'an 2010 devrait être, en chiffre net, de
7 000 mégawatts.
La question qui se pose est la suivante : comment ces
7 000 mégawatts pourront-ils être couverts ?
L'avis des électriciens est le suivant : l'idée - cette
idée a fait ses preuves - serait d'avoir un mélange, donc
une source d'énergie mixte. Il y a évidemment la houille et le
gaz, mais nous ne pouvons pas compter exclusivement sur ces sources
d'énergie. De ce fait, les pronostics sur les ressources en
matière de houille et de gaz sont plutôt positifs, on les a
même révisés à la hausse, mais le passé a
montré qu'il fallait être prudent dans la gestion de ces sources
d'énergie.
Nous avons construit beaucoup de centrales fonctionnant au gaz ces
dernières années mais nous avons constaté, au fil du
temps, que nous ne pouvions pas toutes les utiliser dans la mesure
prévue à l'origine. Autrement dit, à long terme, nous ne
pouvons pas nous fonder exclusivement sur le gaz comme source d'énergie.
Aujourd'hui, les centrales graphite-gaz fonctionnent avec des coûts
d'exploitation bien inférieurs à ceux d'une centrale type EPR,
à savoir 20 à 25 % moins cher. Nous pensons que nous ne
pourrons pas rattraper cet avantage du graphite-gaz. Beaucoup d'entreprises qui
ne pensent pas de la même façon que nous - je pense à
la GRANDE-BRETAGNE et aux ETATS-UNIS - construisent des centrales
graphite-gaz parce qu'elles coûtent moins cher. Or, en ALLEMAGNE, et
c'est vrai pour la majeure partie des électriciens allemands, nous
pensons que nous ne devons pas renoncer au nucléaire, que ce soit pour
des raisons économiques ou écologiques.
En 1972, en effet, nous avons construit la centrale de STADEL, c'est l'une de
nos plus anciennes centrales. Or la durée de vie technique et
économique des centrales de cette génération touchera
à sa fin en 2010- 2015. Dans les processus de certification, nous
n'avons pas de limite de durée de vie technique ou économique,
mais nous partons de l'idée qu'il existe une limite de durée de
vie d'environ 40 ans en règle générale. Autrement
dit, nos planifications se font sur une durée de vie de cette ampleur.
Les anciennes centrales devront donc être remplacées par des
nouvelles dès 2010 ou 2015.
Nous essayons donc de calculer le temps dont nous avons besoin entre la
planification et les premières expériences avec un EPR. Si l'on
fait ces calculs, il faut compter environ une douzaine d'années ;
la planification prend 3 ans, l'autorisation prend 3 ans, la
construction 5 ans et, si nous voulons l'exploitation, il faut environ
2 ans. Cela signifie clairement qu'il va être bientôt temps de
prendre une décision. Un rallongement de la durée de vie des
centrales pourrait être envisagé. Il n'y a, a priori, pas
d'obstacle.
Il a été posé la question de la protection de
l'environnement et il a été question, aussi, des objectifs de
Kyoto. En République Fédérale d'ALLEMAGNE, nous nous
sommes engagés, lors de la Conférence de Kyoto, à
réduire également les émissions de CO2. Selon nous, il n'y
a aucune possibilité de baisser davantage ce niveau de CO2 sans
prévoir des centrales nucléaires supplémentaires.
La réduction des émissions de CO2 est un engagement qui ne permet
pas de renoncer à l'option nucléaire. Autrement dit, nous aurons
besoin d'îlots nucléaires si nous voulons pénétrer
le marché étranger. Celui-ci n'est pas immense mais, si l'on
regarde ce qui se passe dans d'autres parties du monde telles que la RUSSIE ou
les pays d'EUROPE de l'Est, je crois qu'en fait, il existe pour nous des
possibilités de marché et il conviendrait d'y
réfléchir pour pouvoir prendre pied sur ce marché. En
RUSSIE, dans 10 ans, 80 000 mégawatts auront
dépassé les 25 ans de durée de vie et devront
être remplacés. Il y a donc des opportunités.
Nous pensons également que, pour des raisons de protection de
l'environnement, le nucléaire doit être maintenu comme option et
également comme réalité. Nous pensons que, dans le monde
de l'avenir, on continuera d'avoir besoin du nucléaire. Il y a bien
sûr la concurrence. Il a été dit tout à l'heure que
la concurrence posait problème, il est clair que les électriciens
allemands sont en concurrence les uns avec les autres et le sont
également avec l'Electricité de FRANCE. C'est une concurrence qui
existe, ce n'est pas une fiction.
Cependant, nous pensons que la concurrence n'est pas un obstacle à la
construction d'un EPR. En effet, il y a toute une chaîne de valeur
ajoutée apportée par chacun des acteurs et nous pensons, en
ALLEMAGNE, que la construction d'une centrale n'est pas forcément
contradictoire avec la concurrence. On peut tout à fait optimiser la
production en ayant une approche plus marketing du client sur le marché.
Le gouvernement fédéral s'est exprimé en faveur de
l'énergie nucléaire, car nous avons renouvelé notre loi
fondamentale sur l'énergie nucléaire. Nous saluons cet avis
favorable du gouvernement à l'énergie nucléaire.
M. BURKLE
- Je vais essayer de m'exprimer aussi
brièvement que possible. Ce matin, je vous ai dit combien la
coopération entre nous avait été difficile au début
et combien elle est excellente aujourd'hui, à tel point que nous pouvons
envisager la mise en oeuvre pratique, c'est-à-dire la construction d'une
installation commune.
Il est clair que, pour l'instant, nous ne disposons d'aucun crédit, ne
serait-ce qu'au niveau purement économique et financier, mais je suis
convaincu que l'énergie nucléaire jouera un jour un rôle
essentiel - c'est déjà le cas aujourd'hui dans certains pays
comme la CHINE ou le JAPON - ; autrement dit, nous voyons là
notre opinion confirmée.
Les installations produisant de l'électricité ne se sont pas
limitées à poursuivre les développements de
l'énergie nucléaire. Au contraire, puisqu'en fait, ce qui nous
rapporte le plus aujourd'hui est la vente de systèmes combinés
gaz, mais nous pensons que le domaine nucléaire ne doit pas pour autant
être perdu de vue et qu'il constitue un réservoir de
capacité dans l'avenir. Lorsque, plus tard, nos installations existantes
seront à la limite de leur durée de vie, elles devront être
remplacées par des nouvelles et, alors, nous aurons besoin du
nucléaire.
C'est notre façon de voir les choses et c'est notre conviction
profonde ; d'ailleurs, c'est ce qui nous a motivés dans nos travaux
avec la FRANCE, travaux que nous souhaitons poursuivre avec FRAMATOME. Ceci ne
sera possible à long terme que si l'on procède à la
construction de ces centrales. On ne peut pas monopoliser et continuer à
motiver les ingénieurs pendant des années si on ne leur donne pas
la perspective, à terme, d'une mise en pratique de tous ces efforts et
de ces travaux.
Le résultat obtenu dans le cadre de ces travaux réalisés
en coopération est excellent. A présent, il s'agit de le mettre
à exécution dans l'idée, bien sûr, que cela
apportera quelque chose, que cela représentera un véritable
intérêt pour tout le monde, en EUROPE, en ALLEMAGNE et en FRANCE.
Notre idée est de créer une base de référence,
grâce à ce projet EPR, qui puisse éveiller
l'intérêt de pays étrangers et qui permette de participer
aux appels d'offres internationaux pour la construction de nouveaux
îlots, de nouvelles centrales nucléaires. Il y a bien sûr
aussi le remplacement des centrales existantes arrivant à la fin de leur
durée de vie, mais il n'y a pas que cela.
Cela constituera également une base de référence pour de
nouvelles missions dans d'autres pays. Il ne faut pas oublier que nous ne
pouvons enthousiasmer et motiver nos ingénieurs que si le
résultat des efforts qu'ils ont fournis est appelé à
être mis en pratique. De toutes les façons, nous ne pourrons pas
maintenir les groupes d'experts qui sont constitués actuellement si
cette perspective de mise en pratique n'existe pas.
J'aimerais également faire une ou deux remarques dans un contexte qui
nous concerne plus directement, nous, SIEMENS. Nous avons dit que nous
entamions des négociations avec les Britanniques, que nous essayions
d'engager une coopération avec eux. Or, souvent, ces tentatives que nous
entreprenons avec les Britanniques sont mal comprises par la FRANCE, notamment.
Pourquoi recherchons-nous une telle coopération ?
Cette coopération s'appliquerait à un domaine particulier, qui
est celui de la construction ; mais, aujourd'hui, notre tâche
essentielle est le développement de l'EPR. Par exemple, nous ne pouvons
nous permettre les réacteurs à eau bouillante dans le domaine
nucléaire que si nous accomplissons d'autres prestations de service en
EUROPE, c'est-à-dire que si nous fournissons des assemblages au
marché, que si nous fournissons des prestations d'ingénierie de
reconstruction de centrales et cela au plan international, au plan mondial.
Ce sont autant de domaines d'activités qui existent depuis des
années et qui ont fonctionné en parallèle avec le projet
de développement EPR.
Tous ces travaux d'ingénierie et de construction ont permis de remplir
les caisses et ont également permis de poursuivre les travaux avec
FRAMATOME, parfois même en concurrence avec FRAMATOME. Autrement dit, le
rapport est un peu contrasté avec FRAMATOME, ce qui n'empêche que,
dans le cadre du projet EPR, la coopération a été tout
à fait excellente et, du côté de SIEMENS, nous
espérons, en élargissant nos activités à un autre
partenaire sur la base de nos activités existantes, que nous pourrons
poursuivre néanmoins les travaux en commun avec FRAMATOME dans la
même atmosphère que celle que nous sommes parvenus à
établir au fil des années, et nous espérons, le moment
venu, mener à bien ce projet.
M. BIRRAUX
- Merci, Monsieur BURKLE. Nous
reviendrons sur la dernière partie de votre exposé cet
après-midi lorsque nous aborderons la stratégie globale des
entreprises.
Monsieur HENNENHOFER souhaitait intervenir sur les perspectives
énergétiques.
M. HENNENHOFER
- Merci, Monsieur le
Président. En ALLEMAGNE, je suis
responsable de la
sécurité des installations nucléaires, de la
radioprotection et de la gestion des rejets
. J'assume cette fonction
au
sein du Ministère de l'Environnement
et, à ce titre, je peux
donc prendre la parole sur la situation de l'énergie nucléaire en
ALLEMAGNE.
J'aimerais d'abord souligner le fait que le gouvernement fédéral
est de l'avis que, aujourd'hui et à l'avenir également,
l'énergie nucléaire joue et jouera un rôle important dans
ce que l'on appelle le mélange des sources d'énergie. Le
Ministère de l'Environnement pense qu'atteindre les objectifs
gouvernementaux fixés ne sera pas possible sans maintenir la proportion
d'énergie nucléaire dans la production
d'électricité dans notre pays. Jusqu'où pouvons-nous
aller ? Nous nous étions fixé 50 %, que nous avons
atteints. Ce qui est certain, en tout cas, est qu'une réduction de la
proportion de l'énergie nucléaire dans la production
d'électricité n'est pas envisageable puisque les autres sources
d'énergie ne pourront pas compenser cette baisse.
L'institution en matière d'énergie en ALLEMAGNE est la
suivante : il peut y avoir ici ou là des différences de
l'ordre du pour cent, nous avons nous aussi, en ALLEMAGNE, des
surcapacités, des décisions à prendre sur de nouvelles
constructions et cela à l'horizon 2010-2015. Nous sommes de l'avis
qu'entre-temps, nous devons sauvegarder la compétence en matière
nucléaire en ALLEMAGNE et en FRANCE, et le projet EPR - et d'autres
dont nous avons pu parler - constitue un élément important
de cet effort.
Cependant, ce projet ne doit pas nous faire perdre de vue les évolutions
techniques et technologiques. La technique est en progression constante, elle
doit être poussée. Nous avons eu tout à l'heure cet exemple
concret de la combustion de l'hydrogène, nous avons posé la
question dans le cadre de l'EPR, nous en discutons chez nous en ALLEMAGNE, il y
aura une publication à ce sujet. Vous voyez que le développement
actuel n'est pas déjà sans répercussions sur les centrales
existantes.
Est-il envisageable en ALLEMAGNE, politiquement parlant, de construire de
nouvelles centrales nucléaires ?
Les conditions préalables existent puisqu'en 1994, notre loi sur le
nucléaire a été révisée et que les
conditions ultérieures ont été renforcées. L'EPR
répond à ces conditions, mais notre loi doit être de
nouveau modifiée. Une majorité s'est dessinée au sein du
parlement et cette nouvelle loi prévoit également une
procédure permettant une évaluation technique, sans pour autant
qu'il y ait une décision de prise quant à la construction d'une
unité ou sans que la construction se fasse véritablement au plan
national.
Pour l'autorisation d'une centrale nucléaire, les autorités
nucléaires concernées doivent bien sûr donner leur accord
mais cette nouvelle procédure permet, indépendamment de la
construction, de procéder à une évaluation technique au
niveau fédéral.
Sans vouloir me lancer dans de grandes spéculations, je voudrais dire
qu'il ne faut pas considérer l'ALLEMAGNE d'après ce que vous
pouvez voir à l'heure actuelle à la télévision,
à savoir des manifestations multiples et variées qui arrivent
jusqu'à vous par le biais des médias. Nous pensons que la majeure
partie de la population à l'heure actuelle - et cette
majorité est de plus en plus importante - est d'avis de ne pas
renoncer à l'énergie nucléaire.
Suite à la réunification allemande, on s'est posé la
question de savoir si l'on pouvait construire un réacteur type KONVOI.
Cela ne s'est pas fait, notamment parce que le paysage
énergétique s'est modifié suite à la
réunification, mais nous pensons que le projet EPR constitue un
préalable important en matière technologique.
On disait ce matin que le projet permettrait également, dans le domaine
de la réglementation et de la sûreté, de faire une
véritable avancée. Je crois que c'est le cas. En effet, c'est
quand même la première fois que deux états, avec une
culture qui leur est propre en matière de sûreté
nucléaire, se mettent ensemble et définissent ensemble des normes
et des critères de sûreté nucléaire. Cela est
exceptionnel, tant au plan européen qu'au plan mondial.
Je reprendrai les propos de Monsieur BURKLE, qui parlait ce matin des
difficultés qu'on avait pu rencontrer au début de la
coopération parce que chacun voyait les choses par le petit bout de sa
lorgnette. Pour l'instant, il n'y a pas de besoin énergétique
à remplir mais la réalisation d'un tel prototype constituerait
néanmoins, selon nous, la prochaine tâche à accomplir et je
crois qu'elle devrait se faire sur la même base de partenariat que celle
décrite ce matin.
M. BIRRAUX
- Je suis chargé de veiller au
respect des horaires aussi, si Monsieur COUSIN peut conclure en une minute
avant la suspension de la séance...
M. COUSIN
- Je prends dix secondes pour dire que,
sur l'essentiel, le Président de l'EDF et le Directeur
Général s'exprimeront cet après-midi. Sur les
50 secondes restantes, je ferai une modeste remarque d'ingénieur.
Il y a une chose que nous savons tous à des degrés divers
- et cette question est fondamentale et complexe - c'est que
l'industrie nucléaire telle qu'elle a été raisonnablement
maîtrisée dans certains pays est le produit d'un tissu industriel
technologique de compétence et de savoir-faire extraordinairement
difficile à cerner et à maîtriser.
Bien entendu, il ne s'agit pas de dire qu'il faut construire des centrales pour
garder la main, on voit que la difficulté vient des sommes mises en jeu.
Cependant, il y a un aspect souvent moins présent à l'esprit, qui
est celui des dimensions industrielles, pas des industriels de premier rang,
c'est-à-dire SIEMENS ou FRAMATOME, qui sont en aval en quelque sorte du
processus, mais l'ensemble du tissu industriel qui l'entoure. Il y a là
un sujet très complexe. Cet argument est tellement difficile à
cerner qu'on ne peut que le présenter sous une forme interrogative.
L'une des intimes convictions que nous avons, c'est que si nous sommes à
un certain degré de maturité de maîtrise de technologies,
cette maturité ne peut pas être tenue comme étant un acquis
irréversible. Il faut bien voir que si un projet EPR est
réalisé relativement vite, cela signifie qu'entre la
dernière mise en service en EUROPE et la prochaine, il y aura une
demi-génération. Il y a des choses qui sont très
difficiles à transmettre d'une génération à l'autre.
M. FRESLON
- Je prendrai cinq secondes pour dire
que le Président de FRAMATOME sera présent cet après-midi
et je prendrai quelques secondes pour réagir aux propos de Monsieur
MANDIL. Ma première remarque est que, concernant la
référence, nous sommes évidemment d'accord pour ne pas
transformer en dogme cette notion et poursuivre activement toutes les
possibilités à l'export. Il reste que, pour ce qui est de
l'expérience de FRAMATOME, les 11 tranches que FRAMATOME a vendues
à l'exportation l'ont toutes été sur la base d'une
référence. Ceci reste donc un argument très fort à
l'exportation, et nous le constatons en CHINE.
Ma deuxième remarque concerne le coût d'une éventuelle
tête de série, qui a déjà été
évoqué ; il faudra parler cet après-midi du
coût qui résulterait d'une inaction de 10 à 15 ans,
car les conditions d'un éventuel redémarrage dans les 10 ou
15 ans, qui suivraient une longue période d'inaction, poseraient un
problème de coût très important. Nous ne dirons pas que
c'est impossible, nous dirons que les conditions telles qu'elles existaient
lors du lancement du programme énergétique français dans
les années 70 se sont beaucoup dégradées. En effet, d'une
part FRAMATOME ne disposera plus de la licence Westinghouse et, d'autre part le
tissu industriel environnemental, très dynamique à
l'époque, se sera également dégradé. Nous pensons
qu'une reprise éventuelle, dans ces conditions, aurait un coût
très important.
M. BIRRAUX
- Nous avons déjà
amorcé le débat de cet après-midi, qui s'annonce
intéressant.
Merci aux intervenants de ce matin.
La séance, suspendue à 13 h 05, est reprise à 14 h 40 sous la présidence de Monsieur BIRRAUX.
M. BIRRAUX
- Avant de revenir
à
la stratégie qui ferait suite à l'intervention de Monsieur
MANDIL, on pourrait dire deux mots sur les problèmes de la
radioprotection et de l'apport de l'EPR, du point de vue de la radioprotection,
par rapport aux réacteurs existants.
Qui veut prendre la parole ?
M. LECOCQ
- Deux mots pour introduire le
problème, à savoir la prise en compte de la radioprotection
à la conception. Je crois que c'est une banalité de dire que la
maîtrise des doses dans une installation nucléaire implique d'agir
dès le stade de la conception sur l'ensemble des paramètres qui
interviennent dans leur formation, à savoir les sources radioactives,
les débits de doses qui en résultent et les volumes de travail
à effectuer en présence de ces rayonnements pour l'exploitation,
l'inspection et la maintenance.
Cette nécessité de maîtrise d'ensemble est bien
illustrée par le retour d'expérience des parcs de
réacteurs à eau pressurisée français et allemands,
pour lesquels la dosimétrie a évolué
considérablement à la baisse dans le temps. Le contexte,
aujourd'hui, de la conception de la radioprotection dans l'EPR est celui de
l'optimisation défini par la directive européenne du Conseil du
13 mai 1996.
C'est dire que nous essayons de mettre en oeuvre l'application de cette
directive et que les lignes directrices de la conception de la radioprotection
peuvent se résumer en quatre points :
- définition d'un objectif de doses collectives favorable à
la limitation des doses individuelles,
- réduction des sources responsables des débits de doses,
- optimisation des volumes de travail par une approche intégrant
disponibilité, retour d'expérience et maintenance,
- dispositions d'installations limitant les débits de doses et les
temps d'intervention.
Quels sont nos objectifs ?
L'objectif de doses collectives annuel dans EPR est aujourd'hui fixé
à 0,75 (h.Sv/an).
Je vous rappelle que nous sommes aujourd'hui aux environs de
1,4 (h.Sv/an), dans l'ensemble du parc nucléaire français.
C'est donc un objectif qui est diminué de 50 %, c'est assez
important.
C'est un thème d'objectif, mais on peut penser aussi que la prise en
compte et l'incertitude qui entoure cet objectif est telle que l'on pourra
probablement atteindre 0,5 (h.Sv/an). Cependant, l'objectif quantitatif
que nous nous sommes fixé est de 0,75. D'ailleurs, cette valeur est
déjà atteinte sur certaines de nos tranches ; lorsqu'on
parle de 1,4 (h.Sv/an), c'est pour l'ensemble du parc
nucléaire ; il y a donc une certaine dispersion dans ce domaine.
La limitation des doses individuelles sera obtenue par la limitation des
sources, et les débits de doses par un recours à la robotique et
par une analyse des opérations de maintenance et d'exploitation.
S'agissant de la réduction des sources, le retour d'expérience
que nous avons de nos tranches en exploitation montre que la principale source
d'exposition est constituée par les dépôts de produits
radioactifs sur les parois des matériels.
La limitation des sources radioactives est basée sur une
stratégie générale qui consiste à minimiser
à la fois la masse de produits et leur temps de séjour sous flux.
Les moyens pour y parvenir sont multiples, les principaux sont :
- minimisation des teneurs en précurseur dit radioactif ou, si
possible, leur suppression,
- conditionnement chimique du réfrigérant primaire
approprié et purification permanente.
En termes d'optimisation des volumes de travail, c'est le retour
d'expérience de l'analyse de la maintenance, nature d'opération,
volumes de travail, exposition. Ceci est effectué dans le cadre du
projet "CIDEM" dont j'ai parlé ce matin, sur lequel je ne reviendrai pas.
Ceci nous a permis d'identifier les opérations coûteuses en temps
et en doses.
En termes de dispositions de conception de l'installation, là encore,
l'analyse du retour d'expérience peut nous permettre de fixer comme
objectifs principaux :
- d'obtenir, à source donnée, les débits de doses
faibles par une mise en place d'écrans,
- de supprimer les singularités propices à l'accumulation de
produits radioactifs par des méthodes qui consistent à favoriser
l'accessibilité aux composants par un meilleur cheminement
- de disposer d'une place libre plus significative autour des composants
- de favoriser l'exécution de l'inspection et de la maintenance par
des facilités de démontage, de remontage.
Ceci est ce dont nous nous occupons au niveau de la conception, et en
particulier au niveau de la définition de l'installation.
C'est ce que je pouvais dire pour introduire le sujet.
M. BIRRAUX
- Y a-t-il d'autres interventions ou
des questions sur ces aspects de radioprotection ?
M. QUENIART
- Je ferai un commentaire.
Effectivement, la réduction des doses prises par les travailleurs est un
objectif important qui figure dans les recommandations GPR/RSK depuis le
début des travaux, en 1993. Cependant, nous n'avons pas voulu donner un
accord sur la valeur 0,75 dans la mesure où il faudra regarder dans le
détail tout ce que l'on peut faire pour réduire les doses, et si
possible en dessous de cette valeur.
M. LACOSTE
- Un complément pour indiquer
que c'est la première fois que, dans des objectifs
généraux de sûreté fixés à un nouveau
modèle de réacteur, est inclus un certain nombre de demandes
concernant la radioprotection des travailleurs. C'est tout à fait normal
mais, jusqu'à présent, ces demandes n'étaient pas prises
en considération.
M. PRONOST
- J'ai une question technique, puisque
que c'est vous qui votez les lois : quand cette directive va-t-elle
rentrer dans la législation française ?
En tant qu'experts, on doit utiliser cette directive actuellement. Pour ma
part, je rends un rapport ce soir basé sur cette directive qui, en fait,
n'est pas entrée en vigueur dans la législation et donc pose un
problème de droit.
M. BIRRAUX
- Le Ministre de la Santé, que
j'ai vu il y a environ un mois, m'a dit que la consultation
interministérielle était en train de fonctionner sur des projets
qui avaient été élaborés par le Comité
ad hoc et que la date de mai 2000 serait tenue. Nous avons quatre ans pour
traduire cette directive ; soyez certain que le rapporteur de l'Office
Parlementaire mettra tout en oeuvre pour s'assurer que les procédures
vont bon train.
M. PRONOST
- Ce n'est pas très courageux
parce que plusieurs pays l'ont déjà adoptée. La FRANCE,
qui se dit la première au monde en nucléaire, devrait montrer
l'exemple.
M. BIRRAUX
- Ce matin, j'ai dit à Monsieur
MANDIL, qui parlait de la traduction de la directive concurrence, qu'il
semblait avoir mis relativement plus d'énergie que ses collègues
de la Santé et que lorsqu'il en aurait terminé, s'il lui reste
encore de l'énergie, il pourrait en donner à ses collègues
de la Santé afin que ceux-ci accélèrent le mouvement. Je
ne sais pas si Monsieur LACOSTE souhaite ajouter autre chose.
M. LACOSTE
- La FRANCE dispose de quatre ans pour
traduire cette directive, comme les autres pays. A l'évidence, la
transcription de cette directive est difficile et nous pouvons constater que
chacun des pays de l'Union Européenne peine dans sa transcription,
d'où la nécessité de renforcer les efforts.
Mme SUGIER
, Directrice déléguée à
l'IPSN
- On a parlé de la protection des travailleurs
autour des centrales ; il y a aussi le public. Je sais que les rejets des
centrales, mêmes actuelles, ne sont pas très élevés
mais est-ce qu'une réflexion a été menée sur cet
aspect des réacteurs du futur ?
M. LECOCQ
- On passe là de la radioprotection aux rejets.
M. BIRRAUX
- Ce n'est pas complètement
étranger, surtout vis-à-vis du public.
M. LECOCQ
- Sur ce chapitre des rejets, je pense
que l'Autorité de Sûreté aura à s'exprimer parce
qu'il y a des choses en cours sur ces sujets, mais puisque vous me demandez de
m'exprimer en premier, je vais le faire.
La tendance actuelle est toujours de prendre en considération les
retours d'expérience parce que nous avons un nombre d'années
réacteurs tel que nous nous appuyons sur ces retours d'expérience
pour voir quels sont les engagements, les efforts qui restent à faire.
La tendance actuelle est de faire en sorte que nous allions vers des tranches
"transparentes" vis-à-vis de l'environnement.
Lorsqu'on parle de rejets, il faut bien séparer ce qui concerne le
fonctionnement normal de ce qui concerne les accidents. En termes de
fonctionnement normal, les textes relatifs à l'évolution des
conséquences radiologiques en fonctionnement normal, qui sont
applicables au projet EPR sont, à ma connaissance, en cours de
définition par les Pouvoirs Publics. Les principales évolutions
par rapport aux textes que nous avons appliquées jusqu'à
présent sont d'une part liées à la directive
européenne L159 de juin 1993, d'autre part au nouvel arrêté
cadre qui est en projet, le nouvel arrêté cadre qui va
définir les modalités à appliquer pour le renouvellement
des autorisations de rejets des installations nucléaires en exploitation
aujourd'hui.
Ce thème n'a pas encore fait l'objet d'une discussion
détaillée avec l'Autorité de Sûreté.
Toutefois, nous avons pris comme orientation que le projet devrait pouvoir
s'accommoder d'une réduction de la limite de rejets d'un facteur 5
à 10 par rapport aux arrêtés qui courent actuellement,
à savoir ceux du N4, lesquels sont déjà plus
sévères que ceux des tranches 900 et
1 300 mégawatts.
C'est ce que je peux dire sur le fonctionnement normal.
S'agissant des accidents, il faut se préoccuper de deux choses, d'une
part le court terme, c'est-à-dire pendant le rejet et les premiers
jours, d'autre part le long terme et, là, nous revenons au débat
de ce matin sur les accidents graves. Deux objectifs sur le court terme dans le
projet :
- c'est qu'aucune contre-mesure ne soit nécessaire,
- et qu'il y ait des critères cohérents avec les termes de
la CIPR n° 63, à savoir confinement ou
évacuation des populations...
Sur le long terme, notre objectif est de ne pas nécessiter de relogement
de population et de restriction alimentaire limitée à la
proximité immédiate de la centrale affectée. Ces objectifs
de sûreté ont été traduits en objectifs de
conception. Les calculs ont été effectués avec des
hypothèses et des valeurs de paramètres réalistes, et il
faut savoir que la DFD juge souhaitable une harmonisation des résultats
obtenus en FRANCE et en ALLEMAGNE.
Il demeure qu'au niveau de la conception, il y avait un certain nombre
d'accidents conventionnels qui sont pris en compte pour faire les calculs. On
peut dire que nos objectifs de conception sont différents, plus
restrictifs que ceux du parc actuel, plus sévères. Il faut savoir
que les accidents sont classés en catégories, et à chacune
des catégories, il était affecté un taux de rejet.
Aujourd'hui, on a tendance à rapprocher les accidents de
catégorie 3, accidents dont la probabilité se situe entre
10
-2
et 10
-4
par an, de ceux de la
catégorie 4 dont la probabilité était comprise entre
10
-4
et 10
-6
par an, et faire en sorte que les rejets
dans ces deux conditions soient ceux de la catégorie 3.
Tout ceci a été exposé ce matin dans le projet, à
savoir renforcement du confinement par rapport au palier antérieur et,
surtout, tout ce qu'on a pu dire sur la limitation des bipasses de l'enceinte,
la limitation des rejets directs vers l'extérieur.
Je ne peux pas en dire plus sur les résultats puisque ces discussions
sont en cours avec l'Autorité de Sûreté. Cependant, ce sont
les objectifs que nous nous sommes fixés dans le projet.
M. LACOSTE
- Ce n'est pas avec l'Autorité
de Sûreté seule, mais avec un certain nombre d'autres
administrations, notamment la Direction Générale de la
Santé et la Direction de la Prévention des pollutions et des
risques.
M. BIRRAUX
- Le rapporteur est satisfait de savoir
que la DGS s'intéresse au sujet ; nous sommes toujours sur un processus
révolutionnaire.
Mme SUGIER
- Je ne suis pas très satisfaite
de la réponse sur la situation normale parce que je ne pense pas que
l'exploitant doive, pour dire ce qu'il va rejeter, regarder du
côté de l'évolution qui pourrait venir de autorités
de sûreté sur l'autorisation des rejets. Il doit avoir un retour
d'expérience sur ce qu'il rejette, sur le terme sources. Il est
intéressant aussi de voir comment il a pu avoir une comparaison avec ce
que font les Allemands et de quelle manière, de façon
volontariste, il compte se fixer des objectifs.
On sait bien que l'autorisation qui lui sera donnée par
l'Autorité de Sûreté sera en dessous de son rejet, c'est
donc au plus près de la source que je souhaiterais avoir une
réponse de l'exploitant.
M. LECOCQ
- Je comprends tout à fait Madame
SUGIER mais je pense m'être mal exprimé. Il est clair que, dans
N4, les autorisations ont pu être baissées d'un facteur 5
parce, que du fait de l'expérience sur le 900 et le 1 300
mégawatts, l'exploitant s'est employé à faire en sorte que
nous soyons bien en dessous des valeurs limites définies par les
arrêtés, ce qui tend à montrer que nous n'avons pas attendu
la contrainte d'une réglementation pour nous contraindre
nous-mêmes à des valeurs inférieures.
Je me suis mal exprimé, mais c'est ce que je voulais dire. Cependant, je
préfère que l'autorité se prononce. Quant à EPR,
nous prenons des dispositions qui vont encore au-delà.
M. LACOSTE
- Il est évident qu'il faut que
nous resserrions les autorisations données. De même, nous avons
introduit un regard plus acéré sur les rejets classiques.
Maintenant, il reste à regarder les rejets nucléaires, ceci est
la partie réglementaire. Sur le fond, ce qui compte, ce sont les rejets
réels et l'effort que fait l'exploitant pour les diminuer encore, mais
les deux sont liés.
Il faut que nous rendions plus réaliste l'autorisation de rejet que nous
accordons et qu'en même temps, l'exploitant resserre de plus près
sa propre gestion des flux.
Mme SENE
- Je voulais poser une question sur les
réductions et sur les 0,75 (h.Sv/an). Est-ce moyenné sur
tout le personnel ou bien chaque poste est-il bien défini, et donc
a-t-on une idée de la valeur réelle pour la personne qui fait une
maintenance ?
Je voudrais savoir aussi si cela s'applique uniquement au personnel d'EDF ou si
les intérimaires sont pris en compte cette fois-ci. Je sais que de
nouvelles règles sont passées, mais j'aimerais savoir comment
elles vont s'appliquer dans les faits, parce que l'EPR ne sera pas
géré uniquement par des ingénieurs.
M. BIRRAUX
- Qui souhaite répondre sachant,
que concernant les intérimaires, on pourrait parler des prestataires,
ceci afin d'éviter d'entrer dans un autre débat ?
M. DUPRAZ
- Cette valeur de dosimétrie
collective qu'évoquait Monsieur LECOCQ se traduit par un respect des
dosimétries maximales pour chaque intervenant, pour les intervenants les
plus concernés que sont les intervenants de maintenance, qu'ils soient
agents EDF ou prestataires. Les doses collectives actuelles nous permettent,
compte tenu de l'évolution constatée ces dernières
années - pratiquement moins 40 % depuis 1992, moins 10 %
de 1996 à 1997 -, d'avoir une dosimétrie individuelle
à l'horizon 2000 inférieure aux 20 milli-siervert de la
réglementation et donc, a fortiori, pour la dosimétrie collective
fixée comme objectif pour EPR.
M. BIRRAUX
- S'il n'y a plus de questions sur ce
sujet, j'ai envie d'introduire la suite en revenant à la
stratégie que nous avions abordée ce matin, et une question
peut-être préalable, avant que le Président ALPHANDERY nous
donne son sentiment sur les perspectives de développement vues par la
maison EDF, qui est celle de la durée de vie des centrales.
Il faut qu'on aborde cette question, car on a parlé de durée de
vie qui pouvait être largement prolongée. Or, ne faut-il pas
apporter de clarification entre la durée de vie technique prévue
à l'origine et, par-delà l'aspect technique, l'analyse
économique qui avait été basée sur 24 ans,
28 ans, 30 ans, et l'on parle à présent de
40 ans ?
Qu'est-ce qui limite la durée de vie d'une centrale et qui peut influer
considérablement sur la stratégie pour le renouvellement du
parc ? D'autre part, n'avez-vous pas l'impression qu'il y aura une
certaine pression de l'opinion, une opinion qui, en termes
général et générique, accélérerait le
vieillissement des centrales dans la mesure où l'on présente un
nouveau projet de centrale qui serait plus sûre, qui rejetterait moins,
qui, du point de vue de la radioprotection, serait plus performante, et que les
centrales existantes prendraient de ce fait un coup de vieux ?
Lorsqu'on parle de rejets pour l'automobile, on est en train de nous dire que,
peut-être en l'an 2000, on arrêtera de livrer du super pour les
voitures qui marchent au super. Tout d'un coup, les voitures deviennent donc
plus vieilles qu'elles n'en avaient l'air, et pourtant, celui qui a une voiture
qui marche au super n'a pas l'impression d'avoir une vieille voiture.
Cependant, qu'il le veuille ou non, sa voiture, avec une avance pareille, a
pris d'un coup dix ans !
M. DAURES
, Directeur général
d'EDF
- C'est un problème très complexe. J'ai
donné le point de vue de l'exploitant pour énumérer les
problèmes, sachant que chacun de ces problèmes ne dépend
pas forcément de la décision de l'exploitant uniquement et qu'en
plus, celui-ci est soumis à des aléas et à des
évaluations. En fait, la durée de vie d'une centrale
dépend de trois facteurs principaux qui ne sont pas tous de la
même catégorie, ni du même domaine, mais qui influencent la
décision.
La première raison est l'usure des composants. Des composants peuvent se
révéler inaptes à remplir leur fonction pour des raisons
physiques, parce qu'ils ont vieilli et qu'ils ont dépassé la
capacité de résistance.
La deuxième raison qui peut amener à arrêter une centrale
est que le niveau global de sûreté n'est plus celui qu'on doit
attendre d'une installation de sûreté. Cela ne correspond plus au
référentiel de sûreté dans lequel doit opérer
la centrale.
La troisième raison est la compétitivité. On peut
être amené à constater que la centrale n'est plus
compétitive par rapport à de nouveaux modèles et
qu'économiquement, il pourrait se révéler plus
intéressant de remplacer le modèle existant par un modèle
nouveau, nonobstant le prix de l'investissement qui, dans le nucléaire,
est toujours important.
Ce sont les trois facteurs, qui sont étroitement liés, auxquels
nous n'avons que des réponses partielles. Nous avons commencé par
essayer de comprendre et d'anticiper le premier facteur, à savoir le
phénomène d'usure. Nous avons étudié au sein de
l'entreprise, et avec nos collègues de FRAMATOME et les personnes du
CEA, les problèmes d'usure et les phénomènes de fatigue.
Nous avons essayé d'identifier les différents
phénomènes de dégradation pouvant intervenir, de voir
comment ils pouvaient apparaître, se développer, et surtout quels
composants ils pouvaient toucher. Nous avons essayé de définir
ensuite, corrélativement, une politique de surveillance pour voir si
cela paraissait réellement et, enfin, nous avons essayé de voir
quand on pouvait dire à quelle limite on atteignait l'intolérable.
Il faut essayer de déterminer a priori la durée sur laquelle on
peut compter à l'intérieur du cadre normal de fonctionnement de
l'appareil des composants. Ensuite, il reste à prouver que le composant
déterminé est effectivement en capacité de remplir sa
fonction.
Nous avons cinq études générales sur l'ensemble des
composants et nous avons détecté dans ce projet 16 composants
majeurs qui valaient le coup d'être identifiés, et donc
déterminaient peut-être la durée de vie de l'installation,
et qui étaient remplaçables. Il y a un certain nombre de
composants qui sont remplaçables ; je citerai des installations
très lourdes comme le générateur de vapeur, les couvercles
de cuves, sur lesquels nous avons commencé à travailler, les
pressuriseurs, et puis il y a des composants irremplaçables. Nous avons
essayé de définir, pour chacun de ces composants, quelles
étaient les limites et ce qu'il fallait faire pour contrôler
qu'ils remplissaient parfaitement leur objectif.
Nous avons essayé également de regarder quelles mesures devaient
être prises pour essayer de retarder la date. Nous avons
déterminé ainsi des règles d'exploitation qui pouvaient
atténuer les effets d'usure.
S'agissant du niveau de sûreté, qui est la deuxième
composante qu'il nous faut assurer pour être en capacité de
continuer l'exploitation, nous avons essayé de définir avec
l'Autorité de Sûreté les règles selon lesquelles on
actualise nos installations. Ceci est difficile, parce qu'on a toujours envie
de mettre l'installation en conformité avec la dernière
pensée que l'on a eue. Il a donc fallu que nous convenions de
règles de fonctionnement avec l'Autorité de Sûreté,
qui nous permettent de déterminer tout ce que nous aurons à faire
pour rendre de nouveau la tranche apte à remplir sa fonction pour
10 ans.
Nous sommes rythmés par la décision de l'Autorité de
Sûreté et ceci entraîne des dépenses importantes pour
l'évaluation, la mesure et le remplacement.
Enfin, il y a la compétitivité, mais ceci est plus
élémentaire, parce que ce sont des décisions qui se
prennent au coup par coup. Vaut-il mieux arrêter une tranche ou faire
quelques dépenses dessus pour tel ou tel matériel ? et
à la fois plus global parce qu'on raisonne plutôt par palier, de
façon à déterminer des axes à peu près
stables pour un certain nombre d'installations, quitte à examiner
chacune d'entre elles ensuite dans le détail.
C'est ce que l'autorité fait ; pour chacune d'entre elles, elle
détermine, le moment venu, les dispositions qu'il convient de prendre
sur une tranche à l'intérieur d'un palier pour,
éventuellement, prolonger sa durée de vie ou ne pas la prolonger.
C'est un problème sur lequel nous avons déjà tout un
ensemble d'actions en cours, de procédures qui visent à remplir
les trois fonctions que j'ai évoquées. La dernière regarde
davantage le producteur d'électricité, les deux premières
sont tout à fait liées à la sûreté et
à la problématique d'exploitation.
M. LACOSTE
- Monsieur DAURES a évoqué trois motifs
de limitation de durée de vie d'une centrale nucléaire :
- l'usure des composants,
- le niveau global de sûreté,
- la compétitivité.
J'en rajouterai un quatrième :
- la décision politique de fermeture.
Je voudrais dire d'abord qu'il est très difficile de prévoir une
durée de vie. En FRANCE, nous sommes relativement satisfaits que
l'exploitant ait appris à changer des générateurs de
vapeur ou à remplacer des couvercles de cuve. Ce sont des
systèmes considérés comme remplaçables pour demain.
Il faut savoir que c'est un apprentissage qui a été acquis
à travers des expériences douloureuses.
On peut se féliciter de savoir remplacer ces composants ; à
l'origine, il n'avait pas été imaginé qu'il y aurait
à remplacer ces composants. Je transcris cela sur un problème qui
peut être éventuellement de même nature : quelle
idée nous faisons-nous des problèmes que nous rencontrons sur
certaines enceintes de réacteurs, sur la durée de vie des
réacteurs correspondants ? C'est un élément nouveau
et nous ne savons pas très bien quelles seront les conséquences.
Il me semble qu'il y a beaucoup d'aléas sur ce problème de
durée. Raison de plus pour être raisonnables et nous poser le
problème dans les termes posés par Monsieur DAURES : sur
quelle durée de vie pouvons-nous raisonnablement compter les cinq ou dix
prochaines années ?
Je suis mal à l'aise lorsque j'entends parler de prévision de
durée de vie de 60 ans. J'ai du mal à imaginer que les
citoyens, dans 60 ans, seront heureux de vivre à côté
de centrales nucléaires construites 60 ans plus tôt sur des
plans établis 75 ans plus tôt. J'ai là une
réaction de citoyen de base.
L'approche serait plutôt de regarder pas à pas ce qu'on peut
raisonnablement dire du pas suivant.
M. HENNENHOFER
- Je disais ce matin que le moment
où l'on allait prendre la décision dépendait finalement de
la durée pendant laquelle on aurait pu faire fonctionner la centrale. En
ALLEMAGNE, la législation impose - et c'est notre travail -
que la protection soit la meilleure. Il est évident que les centrales
anciennes doivent et peuvent être rénovées partiellement,
mais le meilleur niveau de protection existe au niveau des centrales nouvelles.
Autrement dit, un renouvellement du parc est nécessaire et le
rallongement de la durée de vie du parc existant est
considéré avec un certain scepticisme.
Je pense que nous devrions essayer de mettre au point des critères
techniques. Il s'agit là d'un nouveau travail à accomplir par les
instances de sûreté : voir dans quelles conditions on peut
considérer que les anciennes centrales peuvent encore rester en
fonctionnement. C'est une préoccupation à la fois allemande et
française.
M. BIRRAUX
- Avant que nous poursuivions le
débat, je souhaiterais demander au Président ALPHANDERY de nous
délivrer sa communication, qui a davantage trait à la
stratégie ou à l'économie du projet.
M. ALPHANDERY
, Président du Conseil d'Administration
d'EDF
- Quelques mots d'introduction sur la coopération
franco-allemande sur ce projet EPR. La première évidence est que
l'EPR est un pari sur l'avenir du nucléaire. Il est vrai que l'abondance
et des prix relativement bas, actuellement, des combustibles fossiles semblent
avoir diminué un peu les attraits de cette énergie. Pourtant, je
suis convaincu qu'à long terme, les problèmes d'environnement,
entre autres, feront monter les prix des énergies concurrentes et
redonneront au nucléaire tous ses avantages.
Naturellement, les pays à économie développée, et
je pense en particulier aux pays européens, devraient être les
premiers à revenir à l'énergie nucléaire car ce
sont les sociétés qui consomment le plus d'énergie et ce
sont elles aussi qui sont les plus polluantes. Par ailleurs, ils ont les moyens
techniques, les moyens industriels et les moyens politiques d'assurer un
développement maîtrisé, efficace de cette énergie.
Il est clair que lorsque l'EUROPE reviendra au nucléaire, elle le fera
dans le cadre d'une convergence forte d'une politique énergétique
nationale et elle le fera grâce à des alliances industrielles
efficaces et solides. De ce point de vue, la coopération
franco-allemande qui s'est développée depuis 1989 est absolument
essentielle pour la constitution de ce pôle, qui est indispensable.
Ensuite, l'EPR pose la question des besoins énergétiques. La
situation française et européenne est bien connue : faible
croissance de la consommation électrique, production à
l'excédent, notamment en FRANCE, qui permet des exportations
appréciant des disponibilités de nos centrales qui continuent de
progresser, développement de capacités de production d'autres
énergies (énergie éolienne, la filière bois, la
co-génération...). Tout cela fait que la question de la
construction d'un nouveau moyen de production de grande taille se ramène
surtout à celui du renouvellement du parc de production.
Lorsque cette échéance arrivera, la FRANCE doit être en
mesure de le faire avec du nucléaire en grande partie, au moins pour la
production base. Ceci implique la mise au point d'un outil de réacteur
nucléaire, de conception modernisée, qui soit adaptable aux
divers types de fonctionnement, qui soit capable de brûler les
combustibles variés, qui soit capable aussi de répondre aux
besoins de pays tiers. Il me semble qu'avec le projet EPR, c'est ce que nous
avons engagé avec nos partenaires français et allemands.
Il est vraisemblable que ce réacteur sera un réacteur du type PWR
car cette filière nous donne toute satisfaction et, si nous changions de
modèle, cela nous priverait de l'expérience acquise en FRANCE sur
cette filière.
Le troisième point que je voudrais soulever en introduction est que
disposer d'un modèle ne suffit pas. Il faut s'assurer de sa
compétitivité par rapport aux énergies concurrentes pour
se prémunir de l'évolution du prix des combustibles fossiles et,
dans cet esprit, la recherche des coûts d'investissement les plus bas est
évidemment un enjeu primordial.
C'est tout le travail méthodique, patient, opiniâtre que nous
faisons avec nos partenaires français et allemands. Il y a encore
beaucoup de questions qui se posent, et je suppose qu'un certain nombre de
question va être soulevé, mais chacun comprendra que je sois
prudent, car EDF doit d'abord en discuter avec ses partenaires avant
d'arrêter définitivement sa position.
C'est ce que je souhaitais dire en introduction.
M. BIRRAUX
- Merci. Je souhaite poser une question
immédiatement. Dans le schéma qu'ont les responsables, est-ce que
l'EPR fonctionnera en base, en semi-base ou semi-charge ?
M. DAURES
- L'EPR a fonctionné selon son
âge et sa montée progressivement en sortant de l'aval. Dans
l'état actuel des connaissances et des prix d'énergie, EPR est la
première vague de réacteurs que nous commanderions si la
politique énergétique confirmait le choix nucléaire pour
l'électricité. Le fonctionnement serait en base, ce qui fait
qu'on peut probablement réserver le suivi de charge à leurs
confrères qui seront toujours en activité, ou à ceux qui
les suivront.
On peut imaginer qu'il y ait une première génération de
réacteurs nucléaires plus simples, uniquement sur la base, et on
peut faire le calcul : ceci concernerait 6 à 8 tranches.
Compte tenu des données actuelles, il est clair que toute
l'énergie de semi-base devra être faite par d'autres processus que
le nucléaire. Cette donnée civique se heurte à une
réalité : le fait qu'il continue d'exister des
réacteurs amorcés ; il serait donc inutile de
procéder à un remplacement anticipé. On utilisera donc les
réacteurs existants pour faire l'énergie semi-base pendant encore
longtemps. Cependant, s'agissant d'ouvrages nouveaux, nous avons à
constituer le parc ; il serait pour la base fait de l'EPR et pour la
semi-base fait d'installations thermiques classiques (charbon propre ou turbine
à combustion).
M. CORDONNIER
- Je voudrais intervenir sur les
aspects programmation et anticipation, sur ce tandem, et revenir sur les propos
de Monsieur ALPHANDERY et de Monsieur DAURES concernant la durée de vie.
Je crois qu'il y a quelques éléments chiffrés qui doivent
conduire à tempérer les propos tenus par la Direction d'EDF.
Trois idées fortes, actuellement, soutiennent l'idée de
suréquipement :
- le faible taux d'augmentation des consommations,
- la durée de vie,
- le nucléaire en base.
S'agissant du faible taux d'augmentation des consommations, on peut constater
que, depuis dix ans, et malgré une forte politique de dépassement
en puissance menée par les établissements, et un terme de
ralentissement économique, la consommation en FRANCE croît de
10 kilowattheures par an.
10 kilowattheures par an avec une tranche qui fonctionne
8 760 heures à taux plein, ce qui est impossible,
représente une tranche par an. Ramené à la production,
cela fait environ 1,5 tranche par an de croissance de consommation, production
dans le pays.
Je ferai un rappel des propos de Monsieur MANDIL ; si l'on s'en tient
à 7 000 mégawatts, on constate que le
suréquipement est relativement gratté. Le deuxième niveau
de réflexion qui doit interpeller le domaine de la politique est de
savoir, en fonction et sur ces perspectives de consommations, quelle est la
situation sociale correspondante dans le pays. D'un côté, on ne
peut pas parler de relance et de croissance, et de l'autre, on entérine
des perspectives de développement énergétique relativement
contradictoires avec des perspectives politiques, et notamment une politique de
plein emploi. C'était un élément de réflexion que
je voulais amener.
S'agissant de la durée de vie, aujourd'hui, de façon
concrète à EDF, on travaille sur 40 ans
généralisés à l'ensemble du parc. J'ai retenu les
propos de Monsieur LACOSTE : la notion de 40 ans
généralisés sur le parc me semble douteuse, même
s'il est normal que les équipes d'EDF travaillent dans cette
perspective, mais la garantie de réalisation de ces 40 ans n'est
pas assurée.
Il faudrait peut-être travailler sur des hypothèses variées
sur le sujet, et notamment en tenant compte d'une éventuelle
obsolescence des parcs de CP0 en particulier, et je pense que le débat
va s'engager avec les autorités de sûreté qui ne nous ont
pas donné d'agrément sur ces 40 ans, et avec une approche
qui, à mon avis, est pragmatique, en étudiant chaque tranche et
la situation réelle des tranches.
De plus, je signale que nous aurons des difficultés de défense de
ces tranches puisqu'elles arriveront à l'amortissement comptable au bout
de 30 ans. Cette généralisation active à l'ensemble
du parc doit poser question, et je pense qu'on aurait des scénarios
alternatifs qui poseraient autrement le problème de l'EPR et du
nucléaire en FRANCE. Donc, construire pour garantir la fourniture,
construire et savoir éventuellement anticiper.
La dernière chose est qu'aujourd'hui, on nous dit que le
nucléaire et l'EPR vont être situés au niveau de la base.
Il me semblerait dommageable de continuer à travailler et à
pousser sur la manoeuvrabilité des tranches anciennes alors qu'on
disposerait d'un outil nouveau, moyennant des études de
manoeuvrabilité qui existent, pour faire travailler ces tranches dans un
cadre de manoeuvrabilité accrue. Je pense que c'est une politique
menée y compris par le parc d'avoir un parc standard avec des
caractéristiques de fonctionnement standard.
Au-delà de cela, le problème de la base pose un problème
politique : celui de pouvoir ramener le nucléaire à la base,
et c'est forcer sur les perspectives de croissance de combustibles fossiles qui
posent deux problèmes :
- le problème de la défense du pays face à la
constitution du parc nucléaire, mais cela pose aussi le problème
gouvernemental, et forcer ce nucléaire à la base pose un double
problème politique. En conséquence, je crois que la notion
d'anticipation concernant le REP 2000 doit être relativisée.
J'informe qu'il faut 12 ans entre le moment où l'on décide et le
moment où l'on met en service industriel une tête de série.
Il y a la procédure administrative, la demande d'autorisation de
création, la déclaration d'utilité publique,
l'agrément des autorités de sûreté et la
construction de la tête de série. Il y a, par ailleurs, un minimum
de retour d'expérience sur les premières tranches.
Ce sont des données très importantes à prendre dans le
nucléaire ; ces anticipations de décisions sont très
importantes et, si j'associe mes propos initiaux sur les trois points plus
cette conclusion, en termes de temps, je dis que nous aurons des besoins
énergétiques importants avant la première décennie
des années 2000 et il devient grand temps de prendre une
décision, qui est du ressort du domaine politique.
M. VIGNON
, Président-Directeur général de
FRAMATOME
- Je comprends la prudence du Président
ALPHANDERY. La décision de construire un EPR dans la perspective du
renouvellement du parc français est une décision
extrêmement lourde. Je voudrais montrer que cette décision de
construire ou de ne pas construire doit être appréciée du
point de vue du renouvellement du parc français, sur lequel je
reviendrai, mais aussi d'un point de vue qui, d'une certaine façon, est
encore plus important, qui est celui de la qualité de l'industrie
française et du développement industriel français.
Nous sommes dans un système économique où les
économies s'ouvrent aux unes et aux autres et où la
théorie des avantages comparatifs prend toute sa place. Une
économie est d'autant plus forte, dans un système de
libéralisation des échanges, dans les domaines où elle est
bonne. Il se trouve qu'en FRANCE, nous sommes bons en nucléaire, compte
tenu de ce qui a été fait depuis une vingtaine d'années,
grâce à l'action conjuguée des Pouvoirs Publics, d'EDF, des
organisations industrielles et des organisations professionnelles et syndicats.
Dans la ligne de ce qui me paraît être admis par tous, il y a
l'inéluctable retour du nucléaire à cause de sa
compétitivité et des problèmes d'environnement. Je crois
essentiel que l'on fasse très attention à conserver cette
qualité de l'industrie nucléaire française.
J'aurai peut-être l'occasion de revenir sur le maintien des
compétences tout à l'heure, mais qu'est-ce que signifie une
industrie nucléaire française forte ? A l'évidence,
cela nécessite qu'elle fasse plus que des études, qu'elle
réalise.
Le deuxième point qu'il me paraît important de souligner, c'est
que la problématique du renouvellement du parc montre évidemment
qu'il y a beaucoup d'incertitudes. Je ne reviendrai pas sur ce qui a
été dit tout à l'heure en matière de durée
de vie. Autant les centrales nucléaires fonctionnent bien, autant
l'essentiel des composants des centrales nucléaires est
remplaçable, autant il peut se présenter, lorsque les tranches
auront 25 ans, 30 ans, des situations où une décision
de maintenance lourde est à prendre, et c'est toujours ainsi que le
problème s'est posé à l'étranger. Donc, lorsqu'une
tranche a 30 ans et qu'il faut renouveler son contrôle commande, il
lui reste "10 ans à vivre" ; est-ce qu'on procède alors
à cette opération ?
D'où toute l'importance d'être prêt à tout instant
à construire, et pas simplement à une date théorique
fixée en fonction de besoins appréciés dans les conditions
d'aujourd'hui de renouvellement du parc.
Le dernier point qu'il faut souligner, c'est que l'EPR - les débats
de ce matin l'ont bien montré - est un outil qui a un très
bon niveau de sûreté, qui peut donc être une
référence mondiale, en rentrant dans ce que j'appelais tout
à l'heure les avantages comparatifs donnés au pays qui sauront
maîtriser cette technologie. C'est un réacteur de très haut
niveau de sûreté, mais c'est aussi un réacteur
compétitif.
L'EPR réalisé aujourd'hui serait compétitif en base, par
rapport à des solutions alternatives, et nous travaillons à le
rendre encore plus compétitif. Il me paraît souhaitable, dans les
années à venir, de créer les conditions de réaliser
ce réacteur là où il y a de la demande
d'électricité - s'il n'y a pas de demande, il faut aller
ailleurs - et cela ne doit pas être trop difficile dès lors
que l'investissement est rentable.
M. SCHNEIDER
, journaliste
- Je tiens à
rappeler que l'origine du projet EPR, en dehors de la stratégie purement
industrielle, qui d'ailleurs a été loin de faire
l'unanimité au départ, en particulier en FRANCE, était
d'avoir posé un certain nombre de conditions techniques qui devaient
conduire à une meilleure accessibilité du nucléaire,
notamment en ALLEMAGNE. Il s'agissait en fait d'apporter désormais des
preuves que ce nouveau réacteur, même en cas d'accident majeur,
n'aurait pas de conséquence en dehors du site du réacteur
même.
A l'époque, le prédécesseur de Monsieur LACOSTE
considérait impossible de remplir ce type de condition. Aujourd'hui, et
c'est une première question à poser à Monsieur LACOSTE,
est-ce qu'il y a eu évolution de l'évaluation parce que,
visiblement, la position de la DSIN est complètement différente
et j'aimerais savoir pour quelle raison, parce que je n'ai pas vu venir de
changement.
Il y a une autre possibilité : a-t-on changé les conditions
de ce type d'accord ? C'est-à-dire : est-ce qu'on est revenu
à une appréciation probabiliste ? Et qu'est-ce que les
Allemands en disent ?
Le deuxième point est que, puisque tout cela est étroitement
lié à une évaluation de l'acceptation du nucléaire
et, actuellement, tout le monde s'accorde à dire qu'en ALLEMAGNE, il est
impossible de construire aujourd'hui un nouveau réacteur
- d'ailleurs, je ne vois pas de signes d'amélioration même
si, d'après les sondages, ce serait mieux accepté qu'hier -,
quelle est l'évaluation, ici, de cet espèce de changement ?
Y a-t-il un changement réel de l'acceptation, notamment en FRANCE,
où l'on n'a pas d'impression de frénésie, de fanatisme
pour le nucléaire, dans la population ?
Lorsqu'on voit la réaction à la bulle d'essai lancée par
EDF sur Le CARBET, cela a été un "flop", c'est le moins qu'on
puisse dire, et on a retiré le projet. Comment se situent aujourd'hui
ces développements ?
M. LACOSTE
- Je ne répondrai pas sur
l'acceptation du nucléaire en ALLEMAGNE, c'est à mes
collègues allemands d'intervenir s'ils le souhaitent. Je dirai
simplement que, du côté français, à l'origine du
projet EPR, il y a une prise de position de mon prédécesseur, en
mai 1991, et dans un contexte franco-français.
Il a signé une lettre qu'il a adressée à l'époque
à EDF, à FRAMATOME et au CEA et où, se plaçant d'un
point de vue purement technique, il disait :
" Je considère qu'il a été fait conceptuellement un
certain nombre de projets, ces dernières années, et je vous
indique dès maintenant qu'à mes yeux, la prochaine
génération de réacteurs construite en FRANCE doit marquer
des progrès significatifs sur un certain nombre de points ".
Du côté français, c'est cela, le démarrage du projet
EPR, et d'abord dans un contexte franco-français ; j'ai
trouvé que ce démarrage avait ensuite conduit à un
enrichissement, avec la participation de nos homologues et collègues
allemands mais, du côté français, nous n'avons pas
dévié d'un pouce par rapport à sa position initiale, de
savoir qu'il convenait de faire des progrès en matière de
sûreté. Je ne considère pas que nous ayons
dévié d'un pouce. Peut-être s'est-il trouvé que ces
soucis français, dans un contexte technique, ont rencontré des
soucis allemands techniques et d'acceptation.
M. DAURES
- S'agissant du site du Carnet, ce n'est
pas le premier site que nous sommes amenés à abandonner suite
à un mouvement d'opinion. Nous avons considéré que, sur le
site du Carnet, il n'était pas utile de continuer nos demandes
d'installations locales. Cela dit, je rassure nos interlocuteurs : il
existe un grand nombre de sites, en FRANCE, qui sont disponibles pour quatre
tranches et qui n'en contenaient que deux et donc, au gré
évidemment de l'acceptation des Pouvoirs Publics, qui sont seuls
maîtres en la matière, nous disposons d'un certain nombre de sites
où existent des centrales nucléaires et où la population
avoisinante est satisfaite. Sans aucun doute, on pourrait entrevoir une
possibilité de succès si nous avions envie d'installer une
nouvelle tranche.
M. QUENIART
- Je voudrais faire un commentaire
technique sur la comparaison de ce qui se disait en 1991 et de ce qui a pu
être dit dans les objectifs de 1993. Si vous lisez la lettre de la DSIN
en 1991 et les objectifs approuvés par la DFD, vous verrez que la
deuxième est plutôt renforcée par rapport à la
première, concernant les conséquences des accidents graves, dans
la mesure où il a été demandé de réduire les
rejets d'un facteur 10 et que l'ensemble des objectifs fixés conduit
à plus de sécurité.
M. BIRRAUX
- En entendant les représentants
de la fédération d'énergie CGT et Monsieur VIGNON, il y a
tout de même une question qui se pose : quels vont être les
paramètres de choix pour la maintenance lourde dont parlait Monsieur
VIGNON, non seulement sur un composant mais aussi sur les autres ?
Il me revenait en mémoire l'exemple personnel de ma photocopieuse. Il y
a quelques années, je n'avais pas de contrat d'entretien et, un jour, le
réparateur me conseille de signer un contrat parce je risque un gros
ennui. Chaque fois qu'il se déplaçait, c'était
500 Francs hors taxes en raison des frais de déplacement. J'ai donc
signé un contrat ; un mois après, le tambour était
mort et j'ai économisé 7 000 Francs, ce qui
n'était pas négligeable. C'est de cette manière qu'il faut
apprécier les choses.
Compte tenu des délais qui ont été rappelés, aussi
bien par les autorités allemandes que par les représentants de la
CGT, comment optimiser les choix ? Qu'est-il raisonnable d'envisager,
compte tenu du fait qu'il faut environ 12 ans pour construire une
centrale ? Comment allez-vous équilibrer ou faire un mixte de
l'ensemble des paramètres pour arriver à ce choix raisonnable qui
permette, à défaut de trancher définitivement le
débat sur la durée de vie, de savoir sur quoi vous allez vous
baser ?
M. DAURES
- Je n'apporterai pas une réponse
complète à une question aussi complexe, mais je vais essayer de
donner quelques éléments. Tout d'abord, nous n'avons pas dit que
toutes les tranches auront une durée de vie de 40 ans, nous avons
dit que nous travaillons sur l'hypothèse d'allongement de la
durée de vie des tranches.
Nous avons toujours dit, et nous continuons de dire, que l'examen sera fait
tranche par tranche et, si j'avais tenu un autre langage, je pense que Monsieur
LACOSTE m'aurait arrêté. Il y a une recherche d'allongement de la
durée de vie des tranches. Palier par palier, nous essayons de
déterminer, en fonction de ce que l'on sait de la durée de
résistance de chacun des composants, ce que peut être la
durée de vie moyenne d'un palier. Nous pensons qu'aujourd'hui, il n'est
pas ridicule d'envisager une durée de vie de 40 ans pour une
tranche. Cela dit, il est clair que cela se fera centrale par centrale.
Tout à l'heure, fort opportunément, Monsieur LACOSTE rappelait
que, par exemple, des questions se posent sur les enceintes de
confinement ; il faudra voir si cela ne raccourcit pas la durée de
vie de ces tranches. On sait que, sur le palier, certaines ne seront pas
victimes de ce genre de difficultés. On voit bien que, ne serait-ce que
sur l'un des composants, il y a des questions plus complexes et plus
déterminantes sur le vieillissement du composant de la cuve, par
exemple..., il faut donc raisonner tranche par tranche.
N'ayant aucun doute là-dessus, nous sommes amenés à
raisonner par palier et par grand groupe, mais l'Autorité de
Sûreté, à chaque décennale, nous dira si l'on peut
envisager de présenter tel ou tel dossier ou non. Nous allons
procéder période par période mais, au fond, lorsqu'on
prépare une décennale, c'est quelques années avant et
donc, pour préparer la deuxième décennale, c'est à
l'âge de 15 ans qu'on la prépare pour 20 ans. On empile
ainsi des durées.
Bien sûr, on pourrait se poser la question de savoir si ceci ne nous
emmène pas dans le mur. Ce temps stocké dans ces examens longs
(5 ans, 10 ans), si nous avions une décision négative,
à terme, nous conduirait dans le mur, parce qu'il manquera de la
puissance. Cela nous interdit aujourd'hui de dire quel peut être,
à terme, le programme réel et la date de calage de renouvellement
des tranches. Je ne saurais le dire aujourd'hui.
Ce que je peux vous dire est qu'il y a un certain nombre de repères que
tout le monde connaît dans cette assistance. La première tranche
de la série dont la construction s'est achevée par une mise en
service industrielle en 1977 nous conduit, à 2017, pour une durée
de vie de 40 ans. C'est une date repère.
Est-ce que ce sera 40 ans, est-ce que ce sera moins ou plus ? Nous
n'en savons rien.
Nous avons des études à poursuivre là-dessus et il y a
ensuite le problème de savoir comment se calerait la première
tranche à construire par rapport à cela. Faut-il renouveler tout
de suite le parc par une centrale nucléaire ? Le raisonnement que
je tenais là-dessus, tout à l'heure, tendait à le prouver,
mais il reste à voir les besoins énergétiques. La
croissance sera-t-elle encore de 2 % dans la période à venir
ou pas ? Devra-t-on assurer la continuité de nos installations
industrielles de fabrication et, pire, le maintien de nos
compétences ?
C'est une composante importante du problème. Pourrons-nous nous exercer
en d'autres lieux sur la planète ? Autrement dit, le
problème de savoir à quelle date nous devrons lancer le premier
ordre de commande est grandement indéterminé aujourd'hui. Pour
des raisons de choix, est-ce que nous ferons une série
déterminée très tôt ?
Si on en fait une déterminée très tôt, comme toute
la politique française l'a toujours faite, jusqu'à
présent, et comme y incitent les accords franco-allemands, il est
très utile et important d'avoir une tête de série
lancée assez tôt pour les deux parties. Cela permet de remplir des
fonctions et le maintien des connaissances.
Cela dépend si le gouvernement français et le gouvernement
allemand s'accordent sur des idées cohérentes sur la politique
énergétique, et cela dépend des dates auxquelles cela
arrivera, et puis, cela dépend de la complexité du produit. Nous
entrons dans une ère où, bien sûr, il faudra garantir la
politique énergétique, cela fait partie des instructions que
l'entreprise recevra ; bien sûr, il faudra protéger
l'environnement, cela fait aussi partie des instructions que l'entreprise
recevra à l'égard, par exemple, d'émissions de CO2 et de
leur contrepartie en nucléaire, s'il le faut.
Quant à savoir si le tout sera compétitif, c'est une autre
question. Cela suppose que nous ayons une garantie, un produit efficace,
compétitif, etc.
Autrement dit, la question est assez largement indéterminée
aujourd'hui, et nous ne sommes pas hors du temps pour prendre une
décision, sachant qu'il ne faudra pas non plus trop attendre, ceci est
évident ; mais, seulement, votre colloque arrive un peu trop
tôt, Monsieur le Président, parce que, sur cette question tout du
moins, nous n'avons pas déterminé les fonctions,
l'efficacité économique, les programmes, les coûts... Il
nous manque encore quelques mois pour arriver à y voir plus clair sur
cette question.
Cependant, je voudrais dire que tout ce qui a été dit quelque
part est vrai. Le fait que nous ne soyons pas sûrs de la durée de
vie des tranches est vrai, le fait que nous ne soyons pas sûrs de
l'économie du projet est également vrai. Nous y travaillons de
toutes nos forces pour le rendre économique avec les personnes de
FRAMATOME, celles de SIEMENS, nous-mêmes et nos collègues
électriciens allemands ; nous pensons y arriver. Après, nous
verrons quelles seront les décisions économiques, industrielles
à prendre.
M. BIRRAUX
- Je voudrais préciser à
l'adresse du CEA ou de FRAMATOME, et même d'EDF, qu'aujourd'hui, on fait
un peu de médecine prédictive, c'est-à-dire qu'à
certaines périodes, vous allez faire des décennales et l'on vous
fait des prises de sang en fonction du taux de glucose, de cholestérol,
de triglycéride, et l'on vous dit que vous présentez des risques
cardio-vasculaires qu'on évalue, ou que vous n'en présentez pas,
et donc que vous devez faire attention à telle ou telle chose. D'une
manière triviale, est-ce qu'aujourd'hui, il y a des recherches qui
essaient de transposer ce type d'analyse sur une durée de vie
prédictive ou de trouver des paramètres qui permettent de dire
qu'à partir de telle mesure que l'on pourra prendre, on n'attendra pas
la décennale de 30 ans pour savoir si l'on peut apporter des
réponses. Travaillez-vous là-dessus, et dans quelles
perspectives ?
M. DAURES
- La réponse globalement est oui,
mais le CEA et nos collègues de la sûreté doivent pouvoir
apporter des éléments de réponse à cela. En tout
cas, pour ce qui concerne l'entreprise, il est vrai que, pour nous, c'est une
question tellement importante que nous surveillons très
étroitement les études de vieillissement.
M. DAUTRAY
, Haut Commissaire à l'énergie
atomique
- Le dernier conseil du CEA a été
consacré au vieillissement des matériels, et il a
été préparé par des travaux qui ont mis en jeu tout
l'établissement pour faire le point sur ces problèmes. Il a
été fait entièrement par des personnes extérieures
au CEA, des universitaires, en particulier, et il a donné lieu à
des programmes de travaux et à une réflexion
générale devant toutes les personnes et employés
concernés, et en collaboration avec tous les partenaires du
nucléaire.
M. BARRE
- Effectivement, il y a une
réponse en deux temps à cela. Monsieur DAUTRAY a
évoqué l'aspect plus cognitif, qui vise à comprendre ces
phénomènes. La R&D, à plus court terme, consiste
à faire la dosimétrie et l'évaluation des dommages au fur
et à mesure, en gardant une avance par rapport aux dommages des cuves
elles-mêmes. La recherche à plus long terme va jusqu'à la
simulation, à l'échelle microscopique, du processus
d'endommagement des matériaux.
M. VIGNON
- Sur la recherche, je n'ai pas de
compétence particulière, tout le monde s'entend à
reconnaître que l'essentiel des composants des centrales
nucléaires est remplaçable, que la cuve peut poser des
problèmes particuliers, mais que ses perspectives de durée de vie
sont sans doute de 40 ans, voire plus. Le point sur lequel je vais
insister de nouveau est que ce n'est pas la recherche qui va nous apprendre des
choses, mais des décisions qui seront un arbitrage sûreté,
économique, politique, face à une problématique de
maintenance lourde à opérer.
On saura faire les bons diagnostics, on saura apporter les bons produits mais
ensuite, il faudra dépenser des milliers ou des milliards de Francs sur
une installation dont, en tout état de cause, les années sont
comptées, et ceci risque de raccourcir la durée de vie
réelle. C'est ce qui me conduit à dire qu'il est
nécessaire d'être prêt à tout instant pour construire
les réacteurs de remplacement.
Le deuxième point, sur lequel nous reviendrons peut-être tout
à l'heure, est que Monsieur DAURES a marqué une interrogation
assez forte quant à l'économie de l'EPR. Ceci paraît
normal, c'est dans son rôle puisqu'il est client potentiel, en tous les
cas je l'espère, et il doit légitimement faire pression sur ses
fournisseurs. Je voudrais apporter une certaine note d'optimisme en indiquant
que je suis personnellement engagé dans cette aventure d'EPR depuis 1989
et que, dès l'origine, nous avons mis au coeur du projet la
compétitivité. Je suis personnellement convaincu que l'EPR est un
produit compétitif.
M. BARRE
- Je voudrais donner un point de
détail supplémentaire : il n'y a pas de couperet, en termes
juridiques. En Finlande, vous aviez des cuves qui vieillissaient rapidement et,
dès l'instant où cela a été décelé
suffisamment longtemps à l'avance, ils ont fait des modifications de
coeur en retirant les crayons qui étaient proches de la cuve et qui
étaient la source principale de doses, et cela leur a permis de ne pas
avoir à changer de réacteur. Dans cette affaire, on n'est pas
dans le domaine des mathématiques mais dans celui de la physique.
M. QUENIART
- Il faut certainement faire des
recherches et des développements sur le vieillissement pour essayer de
comprendre les phénomènes et les anticiper. Cependant, je crois
qu'il faut rester modeste car faire des tests de vieillissement
représentatifs n'est pas simple, et ces tests sont en
général portés sur de courtes durées du
vieillissement accéléré, dans des conditions qui ne sont
pas complètement représentatives.
En revanche, il faut rester curieux et c'est une des raisons pour lesquelles,
sur le plan technique, on demande à faire davantage de contrôles
et, au cours des décennales, il faut être particulièrement
curieux, par exemple en regardant l'intégralité d'un circuit...
C'est un ensemble de choses qui permet de s'assurer qu'il n'y aura pas
d'incidents dans les dix prochaines années.
Mme SENE
- Je voudrais revenir sur le fait que
dans le débat EPR se glisse tout de même un point très
important, qui est celui des déchets, qui ne devra être
débattu au parlement qu'en 2006 au vu de tout ce qui se passe
actuellement. Or, je répète que la technologie actuelle de l'EPR
ne tient pas compte d'un certain nombre de possibilités pour
éviter d'avoir des problèmes de déchets.
Le deuxième point est la politique énergétique. En 1994,
le rapport SOUBIRON avait montré une possibilité d'avoir toute
une panoplie et une diversification absolument indispensable de notre
production énergétique. Le nucléaire apporte une certaine
indépendance mais il ne faut pas l'élever à la hauteur
d'une institution, nous sommes quand même dépendants ;
même s'il y a des stocks d'uranium pour l'étranger, il faut donc
nuancer.
Par ailleurs, je ne suis pas sûre, contrairement à tout ce qu'on
dit, que le fait de faire de l'électricité et d'avoir une
industrie compétitive soit particulièrement intéressant
pour l'ensemble des problèmes de chômage, parce que ce ne sont pas
des industries qui ont tant de personnels que cela.
Concernant la durée de vie des centrales, je voudrais dire que,
là aussi, il faudrait faire une opération vérité
pour se demander quel est le coût exact, sur le programme, de tous les
changements que l'on a faits, et vérifier d'une façon active que
tous les changements réalisés (les coudes, les morceaux de
circuits...) ne causent pas un problème, à terme, sur les
réacteurs.
Il était, à un moment donné, question de savoir si l'on
serait capable de vendre des EPR à l'étranger. Est-ce qu'on
réalise que c'est quand même un énorme
réacteur ? Est-ce que cela signifie que la FRANCE en vendra
à l'ALLEMAGNE et que l'ALLEMAGNE en vendra à la FRANCE ?
M. PRONOST
- En fait, lorsqu'on regarde le
problème du nucléaire de façon spécifique, on
s'aperçoit que les problèmes rencontrés sont des
problèmes de résistance des matériaux et plus
spécifiquement des problèmes chimiques. En fait, l'irradiation
des cuves, dont tout le monde parle, ne semble pas être un
élément limitatif, sachant que des aciers peuvent tenir plus de
60 ans. Le problème n'est pas là, il faut se recadrer sur
l'industrie classique, parce qu'on est obnubilé par le nucléaire.
Lorsqu'on regarde l'industrie classique, le charbon et le fioul, j'en ai vu des
quantités qui n'ont pas dépassé 20 ans, parce que la
technique évoluait. Dans le nucléaire, cela évolue aussi
parce que c'est une science qui est jeune, qui est plus récente que la
technique de charbon ou de gaz. Donc, il me paraît aberrant de donner des
durées de vie de 60 ans. Ce qui me paraît plus important est
la durée d'amortissement. Là, on sait de quoi on parle, on doit
dire : j'ai planifié ma centrale pour tant d'années, cela
rentre dans les prix. C'est ce qui me paraît fondamental parce que, dans
le nucléaire, les problèmes sont des problèmes de pompes,
de robinets qui limitent, finalement. Il y a eu des milliers de robinets
à changer sur la centrale à BUGEY parce que les tiges grippaient.
Ce problème de durée de vie, à mon avis, doit être
évacué ; je ne crois pas que ce soit un vrai problème.
S'agissant d'économie, je suis surpris d'entendre Monsieur ALPHANDERY
dire que l'énergie classique diminuait. Je crois qu'il ne se tient pas
très informé de ce qui se passe. Le pétrole brut a
augmenté de 6 % l'an passé, le gaz de 16 %, ce qui a
augmenté la facture énergétique de l'an passé de
8 %. Pour donner une idée, la facture énergétique de
l'an passé était d'environ 86 milliards.
Revenons aux considérations économiques, le fioul, le charbon...
ce serait 300 milliards, donc 300 moins 86, soit 214 milliards. Il ne
faut pas perdre de vue cela.
M. BIRRAUX
- Merci, je vous laisse la
responsabilité de vos déclarations mais, sur la durée de
vie, il me semble qu'il ne faut pas l'évacuer parce que, si vous le
faites, il est inutile de discuter puisque, si on va à 40 ans,
50 ans et au-delà, pour les centrales actuelles, on aura le dernier
cri d'il y a 75 ans lorsqu'on commencera la construction et personne n'en
voudra. C'est un problème qui me paraît être, à
défaut d'un préalable, du moins une des questions sur laquelle on
doit débattre pour savoir si cela vaut la peine de débattre sur
l'intérêt de l'EPR.
M. LACOSTE
- Je voudrais rebondir sur les propos
de Monsieur DAURES et de Madame SENE, qui ont tous deux insisté sur la
modestie qu'il y avait lieu d'avoir sur la prévision de la durée
de vie.
Lorsqu'on ferme un réacteur à l'étranger et en FRANCE,
c'est en général qu'il y a une prise de conscience collective que
le réacteur vieillit, qu'un certain nombre de composants ont vieilli,
qu'il faudrait remplacer. L'Autorité de Sûreté n'est plus
très sûre que le réacteur soit aux normes de
sûreté. Il y a une certaine focalisation sur le réacteur en
cause, plus personne ne l'aime et il est décidé de le fermer.
C'est parfois l'Autorité de Sûreté qui dit à
l'exploitant de le fermer, parfois c'est l'exploitant qui prend la
décision. Je crois me souvenir de cas où le problème s'est
posé de savoir qui prenait la responsabilité officielle de la
décision.
Tout l'art est d'essayer d'anticiper, mais mon souci est que nous ne soyons pas
en FRANCE, un jour, devant une accumulation de bonnes raisons de fermer toute
une série de réacteurs, auquel cas nous serions dans une
situation délicate. C'est pour cela que je suis personnellement porteur
de l'idée suivante : avant même de prendre quelque
décision que ce soit de lancer un prototype ou une tête de
série de réacteur EPR, avancer le plus vite possible dans la mise
au point du projet EPR pour avoir un projet disponible le jour où les
exploitants, les gouvernements, prendraient par hypothèse la
décision de remplacer une partie du parc nucléaire
français ou allemand par du nucléaire. Que nous ayons quelque
chose sous la main pour nous éviter de nous trouver face à un
problème où l'accumulation de difficultés ponctuelles
finirait par ressembler singulièrement à des difficultés
génériques.
M. VALLESKI
- Je voudrais revenir sur la question
des compétitivités. J'ai cru comprendre, ce matin, que Monsieur
MANDIL était optimiste ; naturellement avec ses certitudes, il
semblerait que l'EPR serait compétitif. En revanche, Monsieur FABIAN a
indiqué qu'en ALLEMAGNE, on était loin de la
compétitivité, qu'il y avait 20 % de différence.
C'est donc assez loin de ce que dit Monsieur MANDIL et j'aimerais avoir des
commentaires là-dessus de part et d'autre.
Dr FABIAN
- Effectivement, j'ai parlé ce
matin de la compétitivité ; on parlait des coûts
d'investissement d'une installation EPR. Si jamais on l'utilise et qu'on essaie
de faire des calculs sur les coûts de production
d'électricité, on arrive au coût de production
d'électricité de l'industrie du charbon. Je crois qu'en fait, on
se trouve en concurrence parfaite avec le charbon. Maintenant, la situation est
différente selon que vous êtes proche ou loin des comptes ;
si vous êtes vous-mêmes pratiquement au même niveau de prix,
si vous êtes loin des comptes, le nucléaire est plus
intéressant que le charbon.
D'un autre côté, nous sommes en train, pour ce qui est des
coûts de production d'électricité, de les réduire
pour l'EPR, et l'on est en train de faire ces calculs de coûts en face
d'optimisation. Vous trouvez déjà de bonnes bases de
départ permettant de réduire ces coûts
d'électricité. Par rapport au charbon, nous avons une
identité de situation en matière de compétitivité,
nous sommes compétitifs, et nous le sommes encore plus par rapport
à ceux qui sont loin des comptes.
Nous n'avons pas encore atteint la compétitivité par rapport aux
turbines à gaz. J'ai dit qu'une des raisons, pour l'exploitant allemand,
de participer à la construction de nouvelles centrales était en
fait que nous ne voulons pas nous fonder exclusivement sur les prix actuels du
gaz et que nous ne voulons pas nous fonder sur un seul vecteur, mais que nous
voulons essayer de maintenir ce panachage de vecteurs
énergétiques.
Mme MacLACHLAN
, journaliste
- Je voulais revenir
sur la réponse de Monsieur DAURES, à votre question EPR en base,
semi-base. J'avais compris que, compte tenu de ce qui a déjà
été construit en FRANCE et de la structure de la demande
d'électricité, et peut-être d'un désir de le faire
évoluer, on avait plutôt trop de capacités en base, et
pendant longtemps, et que si de nouveaux moyens de production devaient
être lancés dans quelques années, ceux-ci devaient
être en semi-base ou en pointe. Cela a d'ailleurs été
démontré par des études internes à EDF.
Si c'est le cas, se poserait le véritable besoin de l'EPR en base
au-delà de la période 2010-2015 et, a fortiori, d'une
série d'EPR.
J'aimerais qu'on m'explique comment on arrive à des tranches EPR en base
dans la première vague EPR et, question auxiliaire, la série 6
à 8 tranches que Monsieur DAURES a mentionnée, ce serait sur
quelle période ?
M. DAURES
- S'agissant de la
compétitivité de l'EPR, nous ne doutons pas d'y arriver. Nous
arriverons à un modèle compétitif ; seulement, il
faut encore travailler pour l'affirmer. Cela repose aussi sur des conditions
telles que les conditions de série, qui sont très importantes. La
compétitivité s'établit dans un cadre défini, elle
n'est pas valable comme cela dans l'absolu, mais nous n'avons pas de doute sur
le fait que, dans des conditions déterminées, nous arrivions
à la compétitivité.
La deuxième chose est que je partage le point de vue de Monsieur
LACOSTE, et exprimé aussi par Monsieur VIGNON. Il est extrêmement
important d'avoir le plus tôt possible un modèle prêt et sur
lequel nous puissions compter pour les décisions que nous avons à
prendre.
Cela peut surprendre l'auditeur qui est habitué à voir la
construction logique base, semi-base et des centrales montant dans le haut de
la base ; il faut dire que ceci est fondé sur l'appréciation
d'une augmentation des consommations, non excessive, mais également
fondé sur l'idée qu'il existe toujours une capacité
d'exportation d'électricité, en EUROPE. N'oublions pas que nous
avons de 5 à 7 tranches du parc EDF qui alimentent l'exportation.
Cela introduit donc un élément important de l'appréciation
dans la programmation de ce que nous avons à faire.
Evidemment, pour l'économie française, il est important que cette
exportation continue à se faire. Cependant, il est évident que
tout ceci introduit quand même des appréciations variables sur les
optimisations nécessaires et les cas précis auxquels nous devons
faire les choses. Cependant, je tiens à dire qu'une fois tout ceci mis
dans la soupière et mélangé correctement, nous finissons
par trouver que c'est à peu près aux mêmes époques
que nous devons remplacer les centrales de la mi-base et de la pointe et les
centrales de la base. Nous devrons faire les deux à la fois.
M. BIRRAUX
- Vous parlez exportation. Quelle est,
à votre avis, l'influence de la déréglementation qui va se
mettre en place, avec la directive sur la concurrence dans le domaine de
l'électricité, sur les capacités d'exportation ?
Est-ce qu'à votre avis, il y a un optimum qui est une vision optimiste
des choses ou est-ce qu'il y a un maximum au-delà duquel EDF ne saurait
aller du point de vue de l'exportation ou, en termes plus triviaux, est-ce que
nous sommes condamnés à être le château d'eau
électrique de l'EUROPE, et singulièrement en
électricité nucléaire ?
M. DAURES
- Cette idée peut choquer les
citoyens que nous sommes lorsqu'on dit qu'il y a, en FRANCE, des types de
production d'énergie que d'autres pays ne veulent pas. Quelque part, on
n'est pas bien à l'aise lorsqu'on dit cela. Il est clair que si, un
jour, le nucléaire remonte en estime en FRANCE et dans l'EUROPE, ce que
nous pouvons admettre comme une hypothèse raisonnable, en tout cas c'est
celle que je fais, il n'apparaîtra pas anormal qu'un pays exporte de
l'électricité nucléaire dès l'instant où
l'on considérera que, au regard des effets globaux sur la
planète, c'est une bonne chose.
A partir de ce moment, on trouvera qu'exporter l'électricité est
comme exporter les voitures. Si l'on arrive à le faire de façon
correcte et dans des conditions acceptables pour le pays, c'est quelque chose
qui peut être compris par la population.
Le problème n'est pas celui-là ; pour l'instant, nous ne
sommes pas en train d'essayer d'accroître la capacité exportatrice
française. Je disais simplement que, dans l'état actuel, il y a 5
à 7 gigawatts qui travaillent à l'exportation, dans notre
parc, et qu'il ne serait pas anormal de garder ce même niveau.
A la question de savoir si le marché de l'électricité
introduira des changements, la réponse est oui, mais j'ignore dans
quelles tranches. Il est vrai que chaque année qui passe rend le
nucléaire plus compétitif. Une tranche nucléaire devient
plus compétitive parce que, comme elle est grevée de charges
d'investissement, vous amortissez chaque année et vous arrivez
comptablement à des prix qui baissent.
Le marché va introduire un rapprochement entre les coûts
économiques et les coûts comptables, et l'on peut penser que le
parc nucléaire français conservera une capacité
compétitive forte aussi bien en FRANCE qu'à l'étranger,
pour l'exportation. On peut penser cela mais on passera peut-être par des
périodes un peu agitées. Comment le dire aujourd'hui ? Cela
dépendra essentiellement de la pugnacité des industries
gazières, de la volonté de s'implanter à un moment
donné, de capturer des marchés...
On sait une seule chose, c'est qu'aujourd'hui nous sommes dans une situation
acceptable du point de vue de la compétitivité et que celle-ci a
plutôt tendance à s'améliorer, au cours des années.
M. BIRRAUX
- Je voudrais revenir à un point
que je soulevais ce matin et que Madame SENE a partiellement repris. Ce matin,
je disais que les accords NPI définissaient initialement un produit
commun qui était destiné à l'exportation ;
c'était l'accord ou l'idée originale et originelle. Puis, avec
l'évolution de la coopération entre les autorités de
sûreté, les électriciens, entre FRAMATOME et SIEMENS, entre
GRS et l'IPSN, entre le CEA et l'institut de KARLSRUHE, on est passé du
produit commun au produit unique.
Est-ce que cela nécessite de revoir les accords et pensez-vous
raisonnablement que vous arriverez à placer un réacteur à
l'export si vous ne vous pouvez pas montrer quelque part le même
réacteur qui fonctionne dans l'un de vos deux pays ?
Je n'ai pas encore vu de constructeur automobile avoir des voitures
exclusivement destinées à l'exportation ; en
général, celles qui le sont ont un certain nombre
d'éléments supplémentaires qui ne sont pas dans le
modèle national, c'est un plus, mais on voit quand même le
modèle de base.
Comment voyez-vous le passage du produit commun au produit unique ?
Voyez-vous la nécessité de montrer qu'il y en a un qui fonctionne
quelque part avant de le vendre à l'export, et est-ce que cela
nécessite une rediscussion des accords ?
M. VIGNON
- Mes collègues et amis de
SIEMENS, Monsieur BURKLE ou nos partenaires électriciens
compléteront ma réponse. Je voudrais d'abord rappeler que produit
commun et EPR sont deux noms différents pour représenter la
même chose. Effectivement, au coeur de notre coopération de 1989
avec SIEMENS, l'intention était d'établir un modèle commun
de réacteur. Il est vrai qu'initialement, nous l'avions conçu
pour l'exportation mais, dès l'origine, nous avons eu une
démarche de marketing pour les concevoir en fonction des demandes des
futurs clients.
Or, il s'avère que, dès lors qu'on fait un nouveau produit, il
faut le définir en fonction des nouveaux critères des
règles de sûreté les plus récentes. Ces
règles de sûreté étaient tenues par les
autorités de sûreté françaises et allemandes, par
l'intermédiaire des électriciens français et allemands, et
donc, très naturellement, notre démarche de produit commun
initialement vers l'exportation est devenue produit commun également
adapté aux marchés français et allemands et, à vrai
dire, à l'ensemble des marchés européens car tous les pays
européens auront des problématiques semblables de sites rares, de
populations relativement denses, de soucis sur les rejets et, en point commun,
de compétitivité.
Donc, produit commun/produit unique, ce sont deux noms différents pour
la même chose qui, aujourd'hui, s'appelle l'EPR.
Ensuite, vous posez la question de savoir s'il faut revoir les accords de 1989.
Je dirai essentiellement que les accords de 1989 définissent un
schéma industriel de réalisation de réacteurs pour
l'exportation ; en revanche, ils n'en définissent pas pour la
FRANCE et l'ALLEMAGNE. A cet égard, tout est à faire. C'est en
fonction des schémas qui seront retenus par les compagnies
d'électricité pour investir dans un nouveau projet que pourront
être étudiées, définies, convenues, les conditions
de participation des deux industries respectives. A cet égard, notre
accord de 1989 n'interdit rien mais il ne traite pas le sujet. Donc, les
conditions de réalisation d'un EPR franco-allemand sont à
bâtir en fonction des accords de financement.
Le troisième point que vous avez soulevé est de savoir si l'on
peut faire un réacteur pour l'exportation sans en avoir fait en FRANCE.
Sur ce point, il est évident qu'on a besoin d'une compagnie de
lancement. Il n'y a pas de compagnie de fabrication d'avions, il n'y a pas
d'AIRBUS, de BOEING, de Mac DOUGLAS, lorsqu'il existait, qui n'associe pas
une grande compagnie aérienne pour le lancement de son produit. En
général, c'est la compagnie nationale. Effectivement, nous avons
donc besoin du soutien des compagnies de lancement françaises et
allemandes. Ce serait une erreur que de prétendre le contraire.
Est-ce que, nécessairement, ce soutien doit être donné
à un projet réalisé en FRANCE ? C'est un sujet qui
est ouvert, les électriciens investissent aujourd'hui dans toute
l'EUROPE, voire dans le monde entier. L'EPR étant un produit
compétitif, il doit trouver raisonnablement une bonne compagnie de
lancement, ou deux compagnies de lancement française et allemande,
là où il y a des besoins d'électricité.
M. BIRRAUX
- Avant que je demande à vos
collègues allemands de répondre, me permettez-vous de poser une
question complémentaire ?
Est-ce qu'aujourd'hui, sur les marchés à l'export, qui sont
relativement restreints, donc très courus, surtout lorsqu'on envisage
les pays solvables, vous vous positionnez en commun sur EPR ou sur ce produit
commun - si j'ai bien compris, c'est le cas pour la TURQUIE - ou bien
est-ce que vous continuez à vous positionner en concurrents, comme ce
serait le cas en CHINE ?
Auquel cas, si vous êtes concurrents, est-ce que vous assurez la
promotion du N4 et les Allemands celle du KONVOI, ou est-ce qu'il y a un accord
qui permettrait d'assurer ensemble la promotion ou d'un EPR ou de ce produit
tel qu'il était défini dans les accords de 1989 ?
M. VIGNON
-
Sur la première partie de votre
question, lorsqu'on est à l'exportation, si la question se posait en
FRANCE ou en ALLEMAGNE, la réponse serait sans doute la même. On
ne peut présenter qu'un seul produit et certainement pas
présenter au même client deux produits appartenant à deux
générations différentes, parce que l'un "déforce"
l'autre. C'est l'habileté des commerciaux, c'est la réflexion sur
le bon marketing à adopter. Il faut avoir une raisonnable intuition de
ce que souhaite le client et le lui offrir du premier coup. Tous les exercices
ayant consisté à présenter deux produits ont montré
leur inutilité, leur caractère négatif, un produit
annulant l'autre.
S'agissant du deuxième point de votre question, nous avons avec SIEMENS
une démarche de présentation d'un seul produit dans les
différents pays dans lesquels il y a un embryon de demande
nucléaire. Cela a été le cas en FINLANDE, en 1992,
où nous avons présenté le produit allemand KONVOI, cela a
été le cas en 1993-1994, quand nous avons présenté
à TAIWAN le produit 1 300 P'4, qui avait d'ailleurs une
variante sur une partie de la technique intégrée dans ce produit,
mais c'était basiquement le produit P'4. C'est le cas actuellement en
TURQUIE, où nous offrons une intégration des fournitures
FRAMATOME, SIEMENS et ALSTHOM autour du modèle KONVOI de SIEMENS, avec
SIEMENS comme leader.
Dans le cas particulier de la CHINE, il se trouve qu'il y a un
antécédent qui est la réalisation par la FRANCE, à
la satisfaction des Chinois, de quatre tranches nucléaires, et donc nous
sommes sur le chemin délicat de satisfaire les besoins du client qui
souhaite être dans une certaine continuité par rapport à ce
qu'il connaît, par rapport à ce qu'il a réalisé, qui
sont les tranches DAYA BAY, qui fonctionnent très bien, la tranche de
QINSHAN, qui est construite selon notre technologie et qui se réalise
actuellement dans des conditions honorables, les tranches de LINGAO, que nous
offrons et qui se réalisent très bien jusqu'à
présent.
Le client est dans cette continuité de technologie, et nous cherchons
à utiliser au mieux le support de notre partenaire SIEMENS dans ses
domaines de compétence, tout en étant soucieux d'être dans
la continuité technique que souhaite notre client.
M. SCHNEIDER
- Monsieur MANDIL a dit ce matin
qu'il considère qu'il y a actuellement de l'ordre de quatre tranches en
surcapacité et que cette surcapacité serait
résorbée vers 2020. On a entendu des chiffres qui variaient plus
ou moins de la part d'EDF mais, concernant la surcapacité actuelle, ce
sont les chiffres qui ont été donnés. Cependant, je
m'intéresse aussi à la comparaison économique des diverses
stratégies de la part des constructeurs, des électriciens et de
l'Etat concernant les deux objectifs qui ont été
mentionnés, à savoir maintenir le niveau de connaissance et
créer une vitrine à l'exportation.
Encore faudrait-il qu'on gagne de l'argent avec l'exportation, parce qu'il ne
suffit pas d'exporter un réacteur pour gagner de l'argent. Il serait
intéressant de connaître l'évaluation de ce point de vue,
et en particulier savoir qui supporte les frais des différentes
hypothèses et stratégies puisque, si l'on fait une vitrine pour
l'exportation ici en FRANCE, payée par EDF en particulier, il ne me
paraît pas logique que ce soit FRAMATOME qui gagne de l'argent avec
l'exportation.
En dehors de cette stratégie de dire qu'il nous faut une vitrine, il
serait intéressant d'évaluer le coût d'autres
stratégies, comme le font les Américains, qui ne construisent pas
de centrale et se placent sur des marchés très concurrentiels
à l'exportation. Dire : on maintient une veille technologique en
matière nucléaire, il est évident qu'il faut le faire,
mais est-ce possible et, si oui, qu'est-ce que cela coûte sur le long
terme sans construire un nouveau réacteur ?
M. BIRRAUX
- Votre question est très
compliquée, sachant que vous avez distingué l'exploitant, le
constructeur et l'Etat et, dans les deux premiers, l'Etat est largement
actionnaire, c'est donc une nébuleuse.
M. DAURES
- Je voudrais rassurer Monsieur
SCHNEIDER, je n'ai pas vocation à faire des vitrines ni à faire
payer par les clients français des choses inutiles. Il n'y a pas de
surcapacité, les réacteurs tournent tous et ils ramènent
chaque année à l'exportation 15 milliards de chiffre
d'affaires. Je souhaite que cela continue, nous gagnons bien notre vie à
l'exportation avec notre capacité nucléaire supplémentaire.
Quant à créer une vitrine, nous ne créons pas de vitrine,
nous préparons notre avenir. Il se trouve que cela aidera très
probablement l'ensemble des constructeurs, parce qu'ils auront fait un
exercice, mais nous créerons pas de surcapacité inutilisée
chez nous pour le plaisir de leur permettre de vendre des réacteurs
à l'étranger.
M. BIRRAUX
- J'ai une autre question sur l'export.
Les réacteurs en construction les plus puissants atteignent
1 450 mégawatts. Ce matin, Monsieur LECOCQ a dit qu'on
arrivait à 1 530 mégawatts et qu'on envisageait
l'extension à 1 750, mais ceci, c'est l'optimisation
économique - qui n'est pas encore achevée - qui le
dira. Pensez-vous qu'à ces puissances, ce sont des modèles qui
peuvent être exportés ?
M. LEVI
, Directeur général adjoint de
FRAMATOME
- Monsieur le Président, je crois que la
meilleure réponse est de savoir ce qui se passe concrètement. La
CHINE est un grand pays avec des provinces qui sont faiblement
interconnectées entre elles, mais qui ont toutes la dimension d'un de
nos deux pays, FRANCE ou ALLEMAGNE. On est dans la gamme des
600 mégawatts, 1 000 mégawatts. Le cahier des
charges auquel nous avons répondu en TURQUIE nous met dans les
1 400 mégawatts. Ces exemples montrent qu'il y a une certaine
variabilité et, lorsque nous aurons une référence sur
l'EPR, nous pourrons, compte tenu de l'accroissement de la consommation dans
des pays cibles de l'exportation, et la CHINE est le cas le plus probant,
lorsqu'il n'y aura plus d'interconnexion, lorsque le réseau sera plus
maillé à l'intérieur des provinces, nous pourrons
considérer qu'il y a une bonne acceptation des puissances plus
élevées.
Pour l'instant, il me semble que les 1 000 mégawatts ou les
1 400 mégawatts de la TURQUIE sont acceptables mais, à
un horizon de dix ans, on peut effectivement tabler sur un accroissement des
tailles unitaires.
M. BIRRAUX
- C'est parfois très trivial,
l'histoire de la puissance. C'est trivial dans la mesure où cela
dépend de la capacité du réseau qui est en place, ceci est
un premier élément. Deuxième élément, encore
plus trivial : comme vous ne construisez pas la cuve sur place, il faut
que de gros semi-remorques traversent les villages avec une queue de
réacteur chargée sur les remorques. Je sais que des pays ont
résolu le problème en déviant les villages ; ainsi,
on passe sans se soucier des dégâts qu'il peut y avoir, mais
reconstruire des villages plus loin n'est pas le plus fréquent, ni le
plus facile à faire.
M. LEVI
- En effet mais, si je reprends l'exemple
de la CHINE, vous savez que nous sommes engagés dans un programme de
fabrication dans une province stratégique, en CHINE, mais relativement
éloignée des centres de consommation que sont les provinces
côtières. Nous fabriquons déjà des composants lourds
et nous en fabriquerons de plus en plus. Les moyens de transport, notamment par
fleuve, ne posent pas de problèmes aussi importants que ceux que vous
dites.
M. BIRRAUX
- Savez-vous pourquoi les VVER ont des
cuves étroites et hautes ? Parce qu'il faut passer les tunnels avec
la remorque, tout simplement.
M. MASEDAIL
- Je voudrais intervenir par rapport
à la notion de surcapacité. Pour ce qui nous concerne, nous
considérons que nous sommes en sous-capacité par rapport aux
besoins réels à satisfaire dans ce pays car, à notre
connaissance, il y a beaucoup de citoyens qui sont aujourd'hui privés
d'électricité dans ce pays.
Je voudrais également attirer l'attention de cette assemblée sur
le fait que, à mon avis, il n'est pas prématuré de
débattre aujourd'hui de l'EPR car, si nous décidons de faire
l'EPR, il faut que nous soyons en capacité de le réaliser, et
ceci veut dire que nous soyons en capacité industrielle et
d'ingénierie pour le faire. Or, la baisse du programme nucléaire
amène les sociétés à réduire les
effectifs ; mon intervention ne porte pas sur le côté social,
mais sur le potentiel industriel qui restera lorsqu'on prendra cette
décision.
M. BIRRAUX
- J'aimerais aborder à
présent une question qui est délicate, mais qu'il faut aborder.
Monsieur BURKLE l'a déjà partiellement abordée, ce matin.
Je crois que chacun a bien compris aujourd'hui quelle avait été
l'importance de la coopération franco-allemande, sur ce sujet, et je
vous rappelais encore ce matin, dans cette vie qui n'est pas entièrement
antérieure, étant en charge d'un rapport auprès de
l'Assemblée Nationale, que j'avais rencontré non seulement
Monsieur KENLER, mais aussi Monsieur HUTON, plus longuement, qui avait aussi
beaucoup insisté sur la coopération franco-allemande.
Nous avons pu mesurer aujourd'hui que ce n'était pas seulement une
volonté des politiques parce que finalement la coopération passe,
certes, par une volonté politique mais passe aussi par des actes, qui
sont des actes concrets, des actes tangibles qui sont parfaitement visibles,
identifiables par l'opinion. Aujourd'hui, je crois que nous avons eu la preuve
de ces actes à travers les coopérations qui se sont
instaurées entre les différentes institutions, entre la FRANCE et
l'ALLEMAGNE, dans le domaine du nucléaire.
Néanmoins, une question mérite d'être posée. J'avais
mesuré toute l'inquiétude des autorités allemandes, au
sens le plus large du terme, en automne 1996 lorsque, rapporteur de la mission
d'information sur les conséquences de l'éventuelle privatisation
de FRAMATOME, j'avais rencontré Monsieur HUTON et Monsieur KENLER. Dans
le rapport que j'ai rédigé et que j'ai présenté, il
y a un chapitre qui insiste particulièrement sur cette
coopération franco-allemande et j'avais compris - et je le dis
aujourd'hui en tant que parlementaire français, rapporteur à
l'époque de cette mission d'information - l'importance capitale
à mes yeux, et aux yeux du parlement français, de la
coopération entre la FRANCE et l'ALLEMAGNE. Vous pouvez vous
référencer à ce rapport, et je tiens à
réaffirmer cette vision des choses.
J'avais compris quelle était l'inquiétude des autorités
allemandes devant l'éventualité de l'entrée dans le
capital, d'une manière importante, de GEC ALSTHOM. J'avais même
proposé, pour bien marquer cette volonté politique, si cela
devait se faire, qu'il puisse y avoir des participations entre FRAMATOME et
SIEMENS, dans le capital de l'un et de l'autre, pour bien accrocher et arrimer
cette coopération.
De la même manière, je dois vous dire que des personnes se posent
des questions aujourd'hui sur le rapprochement entre SIEMENS et BNFL. J'ai
compris ce matin, Monsieur BURKLE, que vous souhaitiez rassurer les partenaires
français, que votre désir de poursuivre cette coopération
n'était en rien entamée même si, sur d'autres
thèmes, vous cherchiez des coopérations. Or, j'aimerais que vous
nous disiez aujourd'hui où vous en êtes.
Comment voyez-vous l'évolution de cette coopération
franco-allemande dans un cadre qui sera différent, où vous aurez
des accords avec BNFL ou peut-être même avec une entreprise
nouvelle issue d'une Joint Venture entre SIEMENS et BNFL. Que deviennent les
accords NPI ? Que devient la propriété intellectuelle que
vous avez en commun ? Comment préserver cette
propriété intellectuelle et comment envisager des
démarches communes dans un domaine particulier alors que vous allez vous
retrouver en concurrence dans d'autres domaines, sachant, par ailleurs, que
vous avez effectué des offres communes, en particulier dans le cadre des
programmes européens pour l'assistance à la sûreté
nucléaire dans les pays d'EUROPE centrale et orientale, des programmes
phares, des programmes passifs où FRAMATOME et SIEMENS se sont
retrouvés ensemble ?
M. BURKLE
- Les contributions à notre
discussion par les participants et les autorités ont montré
très clairement une chose, c'est que les attentes liées à
ce projet, dans la mesure où elles pouvaient être atteintes, l'ont
été. Autrement dit, nous disposons à présent d'une
bonne base sur laquelle nous pouvons nous fonder et à un niveau
où nous pouvons véritablement nous retourner sur ce que nous
avons fait et dire ce que nous avons fait. Nous l'avons bien fait et il fallait
le faire comme nous l'avons fait.
J'ai dit également - je ne l'ai pas caché - que les
débuts avaient été difficiles. Si l'on regarde en
arrière et que l'on se rappelle cette période, la
réalisation d'un tel projet en EUROPE - et l'on a invoqué
beaucoup de raisons pour lesquelles un tel projet était important et
intéressant - on ne peut que se dire que cela a été
utile. Il serait complètement ridicule de le nier. Nous voulons que
cette coopération dans le domaine de l'EPR puisse être poursuivie
avec FRAMATOME, et nous sommes convaincus que le rapprochement que nous
entamons à l'heure actuelle avec les Britanniques ne risque en aucune
manière de nuire à cette coopération avec FRAMATOME.
Je vais m'expliquer davantage sur cette question. Nous sommes aujourd'hui dans
une situation où, malheureusement, nous ne faisons plus beaucoup de
centrales nucléaires. Ceci a comme conséquence que les
possibilités pour nous de gains, de profits se trouvent au niveau des
services et de la livraison de composants ou d'éléments. C'est
là-dessus que nous nous concentrons puisque c'est là que nous
pouvons gagner notre pain quotidien ; sinon, nous n'existerons même
plus sur le marché. Cela nous permet aussi d'assurer et de sauvegarder
une grande partie de nos savoir-faire, mais l'important est de faire des choses
comme le développement de l'EPR. C'est quelque chose de nouveau.
Il n'en reste pas moins qu'il faut toujours essayer d'assurer la
pérennité de son entreprise et essayer, bien sûr, de
réaliser un certain nombre d'affaires et de s'engager dans des affaires
qui mèneront à quelque chose, concrètement parlant, et un
partenariat élargi avec BNFL, éventuellement, nous permettait
certainement d'améliorer notre position dans le domaine des
activités de rattrapage des installations existantes.
Avec FRAMATOME, nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises,
et nous nous trouvons encore aujourd'hui, dans une situation de concurrence
dans d'autres domaines. Néanmoins, nous avons pu travailler ensemble
avec le plus grand succès sur notamment l'EPR. On parlait tout à
l'heure de l'échange de générateur de vapeur pour
plusieurs réacteurs en EUROPE ; il y avait ce cadre là aussi
à l'extérieur de la FRANCE et l'ALLEMAGNE, j'entends, et nous
sommes, les deux sociétés, largement intéressées
par ce qui se passe du côté russe. C'est là une tâche
qui nécessitera l'accord et le soutien de nos gouvernements et cela
à un niveau largement plus important que ce qui est le cas aujourd'hui.
Cela vaut pour la RUSSIE et les améliorations des réacteurs des
pays de l'Est, et je crois qu'en tant que fabricant, il faut savoir que l'on
n'est pas dans un cadre totalement politique, bien au contraire. Tout cela pour
vous dire que cela fait longtemps, déjà, que nous entretenons des
relations avec FRAMATOME et je crois que nous pouvons sans problème les
poursuivre dans les domaines que j'ai cités tout à l'heure et en
particulier, bien sûr, dans le domaine de l'EPR, même dans le
contexte nouveau qui est celui de la Joint Venture que nous envisageons.
M. BIRRAUX
- Avant de donner la parole à
Monsieur VIGNON, je souhaiterais poser une question complémentaire
à Monsieur BURKLE. Vous allez vous retrouver dans le cadre d'une Joint
Venture, en quelque sorte, avec une entreprise nouvelle qui n'a peut-être
pas encore choisi son nom mais qui pourrait être BNFL-SIEMENS, et vous
auriez à côté de vous comme bras droit ou bras gauche, ou
vous serez le bras droit ou le bras gauche d'un britannique. Comment le bras
droit de Monsieur BURKLE pourra-t-il interdire à son bras gauche de
savoir quelle a été la propriété intellectuelle,
quel a été l'investissement fait par SIEMENS, alors qu'une
nouvelle entreprise sera là ?
Comment préserver ce savoir-faire, cette propriété qui est
commune à FRAMATOME/SIEMENS ? Vous aurez un bras droit qui
connaîtra et un bras gauche qui n'en aura pas le droit ; comment
envisagez-vous de préserver cela ?
M. BURKLE
- Je crois qu'en fait, les choses
peuvent être beaucoup plus faciles qu'on ne l'imagine d'entrée de
jeu. J'aimerais ajouter que, pour nous, le côté sensible et
délicat de cette question ne nous était pas du tout
inconnu ; c'est consciemment que nous avons décidé de
franchir le pas. C'est à l'automne, dès lors que les
premières négociations ont commencé, que nous avons
été incités à obtenir un rapport le plus exhaustif
possible sur notre projet.
Il est clair que nous ne sommes pas encore passés à la phase
d'application puisque ce genre de procédure est plutôt long et,
dans le milieu industriel, il n'est pas forcé, au début des
négociations, de divulguer ce genre de chose. Cependant, nous l'avons
fait d'entrée de jeu et nos collègues et partenaires
français ont été informés parce que nous voulions
à tout prix éviter des malentendus.
Si quelqu'un dans notre secteur industriel, si une société de
chez nous envisageait de fusionner, de travailler avec une autre
société, cela poserait un problème, mais la situation
à laquelle nous avons à faire est différente. En effet, le
partenaire auquel nous pensons n'intervient pas du tout dans le domaine qui
nous intéresse aujourd'hui. Il ne dispose d'aucun savoir-faire, d'aucune
expérience dans ce domaine. Peut-être manifestera-t-il de
l'intérêt, en tant qu'exploitant, pour la construction de ce genre
d'installation mais, dans ce domaine, c'est un partenaire qui n'a rien à
apporter dans la Joint Venture. C'est la raison pour laquelle il peut
participer à cette technologie mais en aucune manière il ne
pourra, que ce soit de façon autonome ou dans une situation de
concurrence, utiliser cette technique.
Autrement dit, il reste un lien particulier et un savoir-faire qui
résulte de la coopération entre FRAMATOME et SIEMENS, et il n'y a
pas de raison que quoi que ce soit soit modifié par les partenaires
britanniques.
M. BIRRAUX
- Je vais encore poser une question et
prendre une comparaison extrêmement triviale, à savoir l'exemple
d'un couple ayant eu un enfant en commun : FRAMATOME/SIEMENS ayant fait le
projet EPR, ceci pour simplifier.
Donc, vous avez un enfant en commun et d'un coup, en raison des aléas de
la vie, l'un des partenaires souhaite aller vivre sa vie avec quelqu'un
d'autre. Cependant, il y a cet enfant en commun et la volonté de
l'éduquer le mieux possible. L'un des partenaires se retrouve avec une
recherche, sur le plan professionnel, qui vient concurrencer l'ex-conjoint, et
puis, il y a peut-être un deuxième partenaire puisque, les
activités nucléaires de Westinghouse étant à
vendre, vous vous retrouvez concurrents pour le rachat de ces activités
Westinghouse.
Croyez-vous que ces concurrents, qui finissent par s'accumuler, vont continuer
à maintenir une bonne harmonie pour l'éducation du petit ?
M. BURKLE
- Je vais essayer de ne pas verser dans
la spéculation. Ce qui se passe avec Westinghouse est peut-être la
réalité ; d'un autre côté, cela peut être
un chapitre fort triste de notre histoire. Si je conserve votre
métaphore, l'enfant est de quatre partenaires puisqu'il y a les
exploitants français, EDF, FRAMATOME et bien sûr les
électriciens allemands, chaque partenaire ayant des droits sur cet
enfant. En l'occurrence, ce projet serait technologique et la base de ce projet
a une particularité, c'est qu'entre SIEMENS et FRAMATOME, il existe
déjà un accord ferme qui, pendant de nombreuses années, a
très bien fonctionné, ce qui a permis de produire quelque chose
de remarquable d'un point de vue technique et, là où ce serait
possible, cela pourrait être commercialisé sur le marché.
En gardant toujours votre métaphore, chaque mariage, chaque couple est
aussi bon que chacun de ses partenaires et que le contrat qui a
été conclu entre les deux partenaires, en matière
économique. Le contrat est une chose mais, finalement, le plus important
entre les deux est la confiance, ce sont les qualités qui sont
manifestées par l'un et l'autre des partenaires, au-delà de leur
contrat de mariage.
Or, jusqu'à présent, je ne vois pas que cela ait posé le
moindre problème. Dans la nouvelle constellation qui se dessine, nous
avons l'intention de poursuivre ce mode de vie parce que nous pensons que cela
renforce nos positions respectives. Nous pensons que la FRANCE
préfère travailler avec un partenaire sur un pied
d'égalité plutôt qu'avec un partenaire qui s'affaiblit avec
le temps.
Nous essayons de remédier aux difficultés de la situation
actuelle par une participation dans une foule d'autres activités
jusqu'à ce qu'un jour, toute une foule de commandes de centrales
nucléaires remplisse nos carnets et que le regard de tout un chacun se
concentre sur nos activités nucléaires.
M. BIRRAUX
- Monsieur VIGNON souhaite
peut-être ajouter un mot.
M. VIGNON
- Il n'est pas certain que je le
souhaite. Les alliances industrielles, les partenariats se prêtent
plutôt à des réflexions d'alcôve qu'à des
grands débats publics. Cela étant, vous posez une question qui
est réelle et que, je crois, il n'est pas raisonnable de traiter
uniquement par la langue de bois. D'ailleurs, la façon dont vous animez
ce débat, la réflexion sur le nucléaire, n'a jamais
laissé place à la langue de bois.
Il est vrai que notre coopération avec SIEMENS n'inclut pas depuis
l'origine, depuis 1989, les domaines des services et du combustible. Il est
donc tout à fait possible d'avoir une coopération avec un
partenaire dans le domaine des réalisations nucléaires et avec un
autre partenaire dans le domaine des services et du combustible. On peut
même trouver des situations intermédiaires puisque, malgré
le fait que notre accord avec SIEMENS n'incluait pas les services, nous
coopérons dans les services, et Monsieur BURKLE vient de rappeler que
SIEMENS souhaite poursuivre cette coopération dans le domaine des
services nucléaires, notamment dans le domaine des
générateurs de vapeur et vis-à-vis des pays de l'Est.
Le point, néanmoins, qu'on ne peut pas totalement occulter est qu'il y a
une continuité, dans la technologie, entre la conception des
réacteurs et le combustible. Le combustible est au coeur des
réacteurs et il est un peu difficile de dire qu'on peut être
totalement avec un partenaire dans le domaine des réacteurs et
totalement avec un autre dans le domaine du combustible. Cela pose à
l'évidence les questions de propriété, de savoir-faire que
vous avez posées tout à l'heure.
Il est vrai - et j'ai relu avec attention le rapport que vous avez
publié l'an passé à l'occasion du projet de rapprochement
de FRAMATOME et de GEC ALSTHOM - qu'à cette époque, nos amis
allemands avaient fait part de leurs préoccupations de voir les
Britanniques un peu comme des intrus, ou des nouveaux venus tout au moins, dans
le dispositif. Ces questions sont donc tout à fait réelles.
Je crois néanmoins qu'il faut les aborder avec beaucoup de
sérénité et nous le ferons avec ce souci très fort,
qui a été exprimé tout au long de cette journée et
que le Président ALPHANDERY a rappelé, de l'intérêt
d'un rapprochement franco-allemand, notamment de façon à
être la vertèbre de l'harmonisation de sûreté
franco-allemande. Ceci, j'en suis certain, demeurera et nous aurons toujours
l'EPR présenté aux autorités de sûreté
françaises et allemandes comme le point commun qui permettra
progressivement de bâtir une sûreté européenne.
Là où la discussion aura lieu, ce sera pour savoir ce que sera
effectivement cette Joint Venture entre BNFL et SIEMENS, et quel sera le poids
de SIEMENS et celui de BNFL dans cette organisation. Il est légitime que
SIEMENS ait besoin de faire son travail à la maison, au moins avant de
nous en parler de façon précise.
Je terminerai ces propos par la continuation de votre métaphore. Au
fond, l'EPR vise notamment à maintenir les compétences, maintenir
les compétences de l'industrie française et de l'industrie
allemande, et l'industrie allemande est notre partenaire dans un certain nombre
de domaines mais peut être notre concurrent dans d'autres domaines.
Votre comparaison, appliquée à cette question centrale de
maintien des compétences, est un peu la suivante : est-ce que
l'épouse délaissée doit donner au mari infidèle
l'aphrodisiaque qui lui permettra de rencontrer la maîtresse ?
Mme RIVASI
- J'ai plusieurs remarques à
faire par rapport à ce matin, d'abord s'agissant de l'EPR ; je
m'adresserai d'abord avec une casquette scientifique et ensuite avec une
casquette de parlementaire. Première casquette scientifique, je suis un
peu déçue par l'EPR. Je m'attendais, d'après les
échos qu'on en avait, à un réacteur
révolutionnaire, à un réacteur d'une sûreté
exemplaire, et je m'aperçois qu'on a un réacteur
évolutionnaire, qui tient compte des très nombreuses critiques
que l'on a faites sur certains problèmes que posaient nos propres
réacteurs. Je trouve que c'est une amélioration de nos
réacteurs actuels, mais ce n'est pas un réacteur de très
haute sûreté, avec des concepts nouveaux. C'est une
évolution de nos réacteurs actuels.
Par ailleurs, vous dites que l'EPR sera compétitif, qu'on pourra
atteindre des chiffres de l'ordre de 17 centimes par kilowattheure,
d'où ma deuxième remarque. Lorsque vous donnez de tels chiffres,
il n'y a pas seulement la production d'électricité, il y a tous
les problèmes sur la gestion des déchets radioactifs. En
avez-vous tenu compte ?
S'agissant de ma question sur l'exportation, je prendrai ma casquette de
parlementaire. Vous comprenez bien que si l'on exporte des réacteurs, il
faut être sûr qu'il y ait une certaine stabilité politique
et financière pour payer la sûreté. En FRANCE, on a des
réacteurs qui ne nous ont pas posé d'énormes
problèmes parce qu'on a mis les moyens financiers. Nous, en tant que
politiques, on a notre responsabilité qui est d'une part que les nuages
radioactifs traversent les frontières ; vous comprenez bien qu'on a une
responsabilité sur l'exportation de ces réacteurs parce que, si
l'on a un accident nucléaire du type de celui de TCHERNOBYL, c'en sera
fini des réacteurs nucléaires.
On demande à la TURQUIE, pour rentrer dans la Communauté
Européenne, un certain nombre de conditions ; je me demande s'il ne
faudrait pas un cahier des charges sur ces pays pour savoir si l'on peut leur
exporter des réacteurs nucléaires, comme il y en a un pour entrer
dans la Communauté Européenne.
D'autre part, le gros problème de l'EPR, parce qu'on ne parle que du
réacteur, est de savoir ce qu'on va faire des déchets produits
par ce réacteur. Il est trop facile de dire : on va exporter le
réacteur, mais quelles garanties a-t-on par rapport à la gestion
des déchets ?
Je vous fais une proposition, c'est un package, c'est-à-dire que vous
essayez de trouver un réacteur dans lequel sera prévue une
destruction des déchets à longue période. Au niveau de la
transmutation, ce n'est que sur le papier, et on a très peu
d'éléments pour réduire les déchets radioactifs.
Or, tant qu'on ne l'a pas résolu, ceci reste le gros problème du
développement du nucléaire. On ne peut pas simplement fabriquer
de l'électricité et ne pas savoir gérer les déchets
radioactifs.
M. BIRRAUX
- Les deux premiers points ont
été l'objet de notre débat de ce matin qui était de
savoir pourquoi on avait choisi les options évolutionnaires et le
débat a par ailleurs porté, cet après-midi, sur les
problèmes liés à l'export. Sur le cahier des charges, les
déchets, Monsieur DAURES ou Monsieur DUPRAZ peuvent peut-être
répondre et, sur les déchets, Monsieur BARRE pourrait dire un mot
des suites données au précédent rapport de l'Office.
M. DAURES
- Je suis assez mal placé pour
parler de l'exportation des réacteurs, je ne prendrai donc pas partie
sur la nécessité de faire ou non un cahier des charges, c'est un
problème qui regarde avant tout les autorités
réglementaires, en FRANCE. Cependant, sur le fond, nous avons
essayé de faire quelque chose dans ce domaine depuis longtemps, c'est de
créer les EUR.
On impose des spécifications et on essaie de faire adhérer un
maximum de pays à ces spécifications que, naturellement, le
produit EPR satisfait. Nous essayons de gagner à cette cause le maximum
de pays de façon que ces pays, lorsqu'ils commandent une centrale, aient
des exigences quant à ce produit. Cela ne répond pas à
toutes les questions mais cela répond quand même à une
volonté de provoquer, de la part de tous les électriciens dans le
monde qui commandent des centrales, la sensibilisation au fait qu'ils doivent
être très exigeants et avoir des exigences normatives sur les
produits qu'ils achètent.
Concernant les déchets, je voudrais dire ce qui nous préoccupe,
sur l'EPR. Nous avons essayé de voir comment, à technique connue
actuellement, sans prendre partie sur ce que décidera le parlement le
moment venu sur la fermeture du site, comment on pourrait gérer d'une
façon optimale les combustibles usés. Nous avons
déterminé aujourd'hui des stratégies d'introduction du
produit EPR avec une composante moxée qui nous permet de réduire
au maximum le volume des éléments combustibles du site contenant
du plutonium. Or, si l'on procède avec les réacteurs EPR, avec
les capacités de moxage dites transparentes, c'est-à-dire avec
une proportion d'éléments contenant du plutonium relativement
faible, autour de 15 %, c'est-à-dire n'entraînant pas des
contraintes trop fortes sur l'exploitation, on arrive à faire
décroître, au cours du temps, le volume de plutonium sorti des
réacteurs de la première génération.
Ceci fait qu'à terme, on arrive à compenser dans les
éléments combustibles MOX l'ensemble du plutonium extrait. Ce
n'est pas la solution du problème, le parlement devra faire un point
là-dessus, mais nous pouvons garantir que nous minimisons au maximum la
quantité d'éléments combustibles du site contenant du
plutonium.
Cela ne résout pas tout le problème mais nous y avons
néanmoins prêté attention et, dans ce cadre, le produit EPR
reste un produit stable, solide, sans difficulté d'exploitation
particulière. Il reste à consolider tout cela, bien
entendu ; je ne fais que rapporter ici les éléments de
dégrossissage du problème, mais cela prouve que le produit EPR
est stable par rapport aux solutions à venir. Le produit EPR permet,
dans une gestion normale du MOX, de concentrer le plus possible le plutonium et
donc d'avoir une situation optimale pour traiter les problèmes
ultérieurement.
M. BIRRAUX
- Avant de donner la parole à
Monsieur BARRE, j'apporterai une précision. Lorsqu'un pays veut se doter
de centrales nucléaires, en général, l'agence
internationale de VIENNE fait une enquête sur les capacités
techniques et scientifiques du pays à gérer le fonctionnement
d'une centrale nucléaire. Le rapport de l'AIEA est remis aux
autorités politiques de ce pays. On peut regretter que ce rapport ne
soit pas contraignant. Ce sont aux autorités, ensuite, de traduire les
recommandations de l'AIEA là où celle-ci estime qu'il y a des
faiblesses.
Il y a une exception à cette règle, c'est qu'en 1990, l'AIEA
avait dénombré environ 200 points de faiblesse sur les
centrales bulgares et l'a fait savoir publiquement en demandant aux
autorités bulgares la fermeture immédiate des centrales, mais
c'est l'exception.
M. BARRE
- Ce matin, le professeur TISSOT, qui
assistait à la séance mais qui n'est plus là, aurait pu
vous rassurer puisque la Commission d'Evaluation indique chaque année
à l'Office l'avancement exact des études demandées par la
loi de 1991 sur la gestion des déchets de haute activité ou de
longue durée de vie. Comme vous le savez, la loi définit trois
axes.
Le premier axe comporte séparation et transmutation. Comme le disait
Madame RIVASI, actuellement, ces études sont encore en phase assez
préliminaire. C'est bien pour les mener jusqu'à leur terme et
avoir des résultats à présenter pour 2006 que nous avons
demandé la reprise du fonctionnement en puissance de PHENIX et que nous
avons fait les opérations de jouvence nécessaires pour obtenir
l'autorisation de cette reprise en puissance.
C'est aussi dans le cadre de ce premier axe et pour ne laisser aucune voie non
explorée que nous faisons des études des systèmes hybrides
suralimentés en neutrons par accélérateur. Comme
demandé par la loi, en 2006, nous serons en mesure de présenter
une palette de résultats déterminant la faisabilité
technologique d'un certain nombre de solutions, et ce sera la
responsabilité de la représentation nationale, à partir de
là, de dire ce que le parlement décide.
M. AUFORT
, Fédération CGT de
l'Energie
- Je voudrais donner un peu mon sentiment sur le
débat, en même temps que déboucher sur des questions
concrètes. Je voudrais partir de la question que vous avez posée,
Monsieur le Président, ce matin en introduction : l'acceptation du
nucléaire par les populations.
Je crois que c'est une question extrêmement importante qui a rapport avec
la cohérence de développement de ce nucléaire,
cohérence technique, industrielle et économique. Or, le sujet
d'aujourd'hui est certes de parler d'un aspect de cette cohérence, mais
il n'est pas étranger aux autres. Or, on nous pose, avec juste raison,
la question de la réalisation d'un EPR, dans des délais à
déterminer, dans un contexte difficile où cette cohérence
générale est remise en cause. Il n'est donc pas étonnant
qu'il y ait quelques difficultés à répondre à
certaines questions, les déchets en rapport avec les réacteurs
rapides, mais aussi en rapport avec la demande d'utilité publique sur le
retraitement, et à répondre aux dernières décisions
relatives au stockage définitif en profondeur, où l'on repousse
la réponse des laboratoires.
La question de l'EPR n'est pas étrangère à toutes ces
questions et il me semble qu'on peut le voir sur certains points.
J'aborde le deuxième point :
Depuis ce matin, la question de la compétitivité de l'EPR est une
question centrale, abordée par tous. Cette compétitivité
s'élabore-t-elle au travers d'une logique économique,
c'est-à-dire avec le long terme, ou s'élabore-t-elle uniquement
dans des logiques budgétaires ?
Je crois que c'est une première question qu'il faut nous poser, et je
serais assez d'accord avec ce qu'a dit Monsieur ALPHANDERY : à
moyen terme et à long terme, le nucléaire est indispensable sur
la planète.
Alors, s'il est indispensable, et si nous ne faisons pas rapidement un EPR,
a-t-on évalué le coût économique, social, voire
politique, de la disparition de l'industrie de la construction de
réacteurs ? Je pense que nous n'avons pas abordé cette
question. On a abordé le coût d'une possible anticipation avec la
commande d'un réacteur plus tôt que prévu, mais on n'a pas
évalué les dégâts de tous ordres qui pourraient
être entraînés par le report ad vitam aeternam de
la construction d'un EPR.
Or, il me semble que cette question de la logique économique à
long terme est une question centrale. En effet, j'aurais tendance à
considérer que le nucléaire nous est indispensable parce que
c'est un facteur de stabilité économique et politique, dans le
domaine énergétique, pour l'ensemble de la planète, et
qu'il n'y a pas d'autre source d'énergie qui nous permette de garantir
cette stabilité. C'est en quelque sorte un facteur de paix.
A partir de là, faut-il considérer le nucléaire, et donc
l'électricité en FRANCE, comme une marchandise comme les
autres ? Si c'est oui, on dérégule, avec tous les risques
que cela suppose. Si c'est non, on construit une politique cohérente
à court, à moyen et à long terme et nous avançons.
Je pense que les parlementaires ont raison de poser la question aux partenaires
sociaux et aux techniciens sur l'avenir ; je serais tenté de leur
renvoyer cette question. Le nucléaire a été construit en
FRANCE à partir d'une volonté politique. Quelle est la
volonté politique, aujourd'hui, qui commande au destin du
nucléaire ?
J'aimerais qu'il soit apporté rapidement une réponse à
cette question, et une réponse en toute transparence, y compris pour les
accords internationaux qui devraient déboucher. Je pense qu'on revient
à la question de l'appropriation.
Enfin, je pose une question aux exploitants. Est-ce que, pour le renouvellement
du parc, la question de la gestion des déchets est une question
secondaire qui n'influe pas sur la réponse ? Je souhaiterais une
réponse claire sur ce point parce que, si cela influe sur la
réponse, les dernières propositions que viennent de nous faire
nos élus, c'est le stockage en surface et, à ma connaissance,
c'est celle sur laquelle il ne peut pas y avoir de garantie de
sûreté à très long terme, alors que fait-on ?
Je renvoie la question pour la deuxième fois ; nous pensons,
à la Fédération de l'Energie, que le débat national
sur l'orientation de la politique énergétique est une question
centrale. Sinon, nous mettrons en cause la cohérence et, en quelque
sorte, nous touchons du doigt, aujourd'hui, les aléas de mode de gestion
économique à court terme avec les exigences industrielles et de
recherche qui doivent être à long terme. Il y a là, me
semble-t-il, contradiction entre la recherche de compétitivité
à court terme que nous souhaitons et le débat sur la
cohérence, l'avenir et la perspective nucléaire du point de vue
scientifique et technique, et j'en viens à la question qui est à
l'ordre du jour : faut-il un EPR, et rapidement ?
Notre réponse est oui, et plus on tardera, plus on détruira les
cohérences industrielles et économiques qui sont les
nôtres, aujourd'hui ; c'est-à-dire que nous poursuivons dans
les logiques destructrices de cohérence qui sont là depuis neuf
mois.
Il nous faut une industrie compétitive et cohérente, et ce n'est
pas seulement la question de l'emploi mais aussi celle des compétences,
parce que cette industrie tire, en FRANCE, la qualification des salariés
vers le haut. Est-ce que, véritablement, nous devons abandonner ces
compétences de haut niveau qui se développent dans notre
industrie, avec les enjeux majeurs qui sont derrière ?
Quant à l'exportation, j'ai écouté les arguments des
intervenants qui nous expliquent qu'on peut arriver à vendre à
partir d'un projet papier. Je souhaite véritablement qu'on me donne un
exemple, pour une industrie complexe et de haute technologie, de la vente
à un pays X d'un réacteur, voire d'autres technologies. Je
suis prêt à faire amende honorable si l'on peut me donner un
exemple qui a existé dans ce sens.
Je voudrais quand même faire remarquer, à propos de ce risque
d'accidents nucléaires qui ne connaissent pas les frontières,
c'est exact, que l'exportation de nos réacteurs mais aussi de nos
compétences vont de pair et que, lorsqu'on exporte un réacteur,
on exporte aussi notre expérience, notre pratique, notre organisation de
la sûreté nucléaire.
Est-ce que nous préférons être sortis du nucléaire,
et il y aura des réacteurs dans le reste du monde qui ne
bénéficieront pas de notre expérience, ou est-ce qu'en
exportant, nous transférons aussi notre bilan partiellement, voire
complètement, de sûreté qui est positif ? Et est-ce
que, pour éviter les accidents dans le monde, les populations de la
planète n'ont pas intérêt à exporter ce qui, bon an
mal an, a donné des résultats positifs ? Etant entendu que,
quoi qu'il arrive dans le monde, il y aura des réacteurs
nucléaires et que j'attends la démonstration de l'absence de
nucléaire fiable, dans 50 ans, sur la planète.
Enfin, dernière question qui n'a pas été abordée,
il me semble que, compte tenu du retour d'expérience du programme
nucléaire depuis la moitié des années 70, nous avons la
nécessité, pour moult raisons, d'un lissage du renouvellement du
parc, sachant que, dans ce lissage, il y a une partie anticipatrice et une
partie à plus long terme. Cependant, il me semble que nous
éviterions tous les à-coups néfastes à la
pérennité des compétences si nous obtenions ce lissage, et
je crois que si nous voulons l'obtenir, et si nous sommes d'accord pour dire
que, tôt ou tard, on aura besoin du nucléaire, il nous faut la
construction d'un projet EPR rapidement, avant qu'il ne soit trop tard.
M. BIRRAUX
- Merci, Monsieur. Si vous me permettez
un peu de recadrer les choses, parce que je dois veiller à la
cohérence de cette audition, vous avez raison de resituer le projet EPR
dans une démarche plus globale, sur une cohérence d'une politique
énergétique à long terme, mais le but de l'audition
n'était, et ne demeure, que d'essayer de tirer les paramètres
techniques, technologiques, économiques et socio-politiques d'un choix,
et pour que chacun puisse s'exprimer et qu'ensuite, le rapporteur essaie d'en
faire une synthèse pour donner à ceux qui vont décider les
paramètres des choix.
Je tiens à dire et à rappeler que c'est dans le cadre de l'Office
Parlementaire que, depuis 1990, se sont organisés des débats sur
les choix dans le domaine du nucléaire, et c'est le seul lieu du
Parlement où ces débats ont pu avoir lieu. S'il n'y avait pas eu
les auditions de l'Office Parlementaire, il n'y aurait eu aucun débat
sur aucun des sujets qui ont été abordés depuis 1990.
Nous allons revenir aux questions que vous avez posées sur les
déchets qui demandent une réponse des représentants des
exploitants. Ensuite, je donnerai la parole à Monsieur BURKLE, qui me
l'a demandée, et, sur les EUR, le Docteur FABIAN nous parlera de ce que
les électriciens européens essaient de mettre en place et comment
vous contribuez à la définition de normes qui soient des normes
européennes.
M. DAURES
- Est-ce que la fermeture des cycles et
la politique retenue influent ou vont influencer lourdement dans les choix
à faire sur l'EPR ? La réponse est plutôt non parce
qu'aujourd'hui, c'est une question disjointe. J'ai démontré tout
à l'heure qu'avec l'EPR, on peut concentrer le plutonium issu de
l'ensemble du parc existant de façon agréable pour le traiter
ultérieurement, ce qui laisse entier le problème du retraitement
des déchets. Le fait qu'on choisisse une voie ou une autre, pour
l'instant, est assez indifférent.
Ce qui est vrai est que, lorsqu'on aura choisi au Parlement une voie de
traitement ou de fermeture des cycles, nous aurons à optimiser un
certain nombre de choses. Nous optimiserons la gestion du combustible
différemment, mais cela ne devrait pas changer l'ensemble des cycles et
de la technologie utilisée sur l'EPR.
Je voudrais dire quelques mots sur les autres thèmes
évoqués par Monsieur AUFORT, tout en n'ayant pas l'intention de
lui répondre mais de le rassurer ; les choix en tant qu'entreprise
que nous nous proposerons de faire et que nous proposerons à notre
Conseil seront évidemment d'aller sur des considérations
économiques et non pas budgétaires. Ce sera dans une phase
économique globale que nous examinerons la question. Nous n'avons jamais
failli à le faire dans le passé et, d'ailleurs, il n'y a pas
d'autre solution pour le nucléaire.
Quant à la compétitivité, je ne vois pas de contradiction.
Nous sommes aujourd'hui dans une phase où nous pouvons très
probablement démontrer que nous pouvons rendre le nucléaire
compétitif par rapport aux meilleures autres solutions thermiques. Il
faudra le démontrer avec l'ensemble des paramètres, et je tiens
à dire à Madame RIVASI que nous intégrerons tous les
coûts du cycle de combustible aux connaissances actuelles
déterminées et de démantèlement. Il est
évident qu'ils seront intégrés dans ces coûts, et
nous le ferons sur des séries parce que nous allons nous trouver, en
tant que producteur d'électricité, sur un marché
compétitif de l'énergie en général, et de
l'électricité, au passage, et il serait anormal que nous
proposions sur un avenir long des solutions qui ne soient pas
compétitives. Cependant, nous proposerons des solutions
compétitives et nous avons la certitude d'y arriver.
Cela dit, il faut savoir que le problème se complique parce qu'il faudra
que cette compétitivité soit assurée avec une certaine
marge. En effet, si nous nous présentons avec une série de
réacteurs nucléaires qui sont justes compétitifs par
rapport à d'autres solutions, il est évident que la
différence générée par l'investissement et la
rapidité de récupération de ce coût d'investissement
sera une préférence marquée. On préfère
toujours rentrer le plus vite possible dans son argent. Par conséquent,
la compétitivité devra être démontrée avec
une certaine marge par rapport au gaz.
Je ne répondrai pas à la dernière question, quant à
savoir s'il faut un EPR. La question d'une tête de série EPR a
été largement débattue et j'ai expliqué toutes les
incertitudes qu'il y avait pour apporter une réponse à cette
question.
M. BIRRAUX
- En écoutant votre
réponse, il me revient une précision à apporter pour que
les choses soient parfaitement claires. On a parlé de 2006, le Parlement
devra se prononcer par une nouvelle loi sur l'aval du cycle mais, en attendant,
trois voies ont été définies par la loi BATAILLE, qui sont
les voies d'étude et de recherche sur :
- le stockage en surface,
- le stockage en profondeur,
- l'incinération et la transmutation.
Concernant le stockage en profondeur, c'est l'implantation de laboratoires pour
tester les capacités géologiques du sous-sol à accueillir
ultérieurement un site de stockage. Il faut que, dans ces termes
là, les choses soient bien ancrées dans les esprits ; il
s'agit de cela, rien que de cela, mais j'ajoute, en accord avec Christian
BATAILLE : de tout cela. Notre attitude constante, comme rapporteurs, est
d'avoir le maximum d'informations ; c'est la raison pour laquelle nous
organisons, entre autres, des auditions et que nous ne tirerons pas de
conclusions avant d'avoir commencé ou les auditions ou les recherches.
C'est l'ouverture, pour que le choix soit véritablement un choix,
c'est-à-dire que l'on ait exploré tout ce qu'il était
raisonnablement possible d'explorer, compte tenu des connaissances qui
existaient au moment de la loi "BATAILLE" et qui sont apparues à partir
de cette loi ; c'est la raison pour laquelle, en 1996, j'avais
organisé un débat sur les projets de
réacteurs-accélérateurs pour l'aval du cycle. C'est
vraiment une attitude d'ouverture.
Je voudrais, compte tenu de l'heure qui avance, connaître en quelques
mots synthétiques les objectifs des EUR. Qui travaille ? Quels sont
les liens entre ces normes qui sont édictées par les
électriciens européens et EPR ? Est-ce que c'est l'EPR qui
va à l'encontre de ces normes ou sont-ce les normes qui vont à la
rencontre de l'EPR ?
M. LECOCQ
- J'ai résumé sur ce
transparent l'essentiel de ce que sont les EUR. Il y a six ans que les
producteurs d'électricité de cinq pays européens se sont
mis d'accord pour produire un document de spécifications commun pour les
futures tranches nucléaires à construire en EUROPE de l'Ouest
au-delà de l'an 2000.
Ce document, intitulé "European Utility Requirement", a
été publié pour la première fois en mars 1994.
Depuis, il a été révisé plusieurs fois. L'objectif
de fond est de définir un cahier des charges acceptable à la fois
par les électriciens, les vendeurs et l'administration, lorsque le
besoin de renouvellement apparaîtra. Ces modèles devront
être à la fois acceptables par les autorités de
sûreté et attractifs tout en présentant une
rentabilité intéressante. C'est l'objet des EUR.
Ce document rassemble donc les exigences communes des producteurs
d'électricité, futurs maîtres d'ouvrages, et s'adresse aux
concepteurs et vendeurs de systèmes nucléaires à eau
légère. Dans ce cadre, les vendeurs pourront développer
des produits standards constructibles partout, en EUROPE, avec des
modifications minimes autour du standard. De ce point de vue, le document est
structuré en quatre volumes :
- un premier qui définit les objectifs et les politiques techniques
communes à l'ensemble des projets ;
- un deuxième qui définit les exigences et les
préférences des électriciens relatives à un
îlot nucléaire ;
- un troisième volume bien spécifique, qui prend en
considération un certain nombre de sous-ensembles, chacun d'eux
étant consacré à un modèle particulier qui
intéresse les électriciens adhérant aux EUR ;
- un quatrième volume essentiellement concerné par les
exigences génériques relatives à l'îlot
conventionnel.
Aujourd'hui, où en sommes-nous ?
Le volume quatre, qui traite des exigences de la partie conventionnelle, a
été publié en 1996. Aujourd'hui, les électriciens
adhérant aux EUR effectuent cette évaluation de conformité
au document EUR et les jeux d'exigences spécifiques correspondant
à ces propositions. Ceci pour les volumes trois et quatre.
Les trois premières parties : projet EPR par FRAMATOME et SIEMENS,
projet PWR CE 90+ par ABB et projet EPP de Westinghouse sont en cours
d'examen et devraient être disponibles début 1999. Le travail est
en cours sur ce projet.
S'agissant des volumes un et deux, qui traitent des exigences
génériques, ils sont, aujourd'hui, en cours de revue par les
autorités de sûreté des neuf pays intéressés.
M. BIRRAUX
- Est-ce que les spécifications
d'EPR rejoignent les exigences des exploitants ?
M. LECOCQ
- Il va de soi que nous ne sommes pas en
train de développer un ensemble de "requirements" que nous serions
incapables d'appliquer dans EPR.
M. BIRRAUX
- En d'autres termes, est-ce que les
EUR ont été faits pour valider EPR ou bien, les EUR étant
faits, et en regardant les caractéristiques d'EPR, ils répondent
aux exigences des exploitants ?
M. LECOCQ
- EPR est un projet qui sera la
propriété de ceux qui le feront. Les EUR sont un ensemble de
documents qui seront à la disposition de ceux qui voudront les utiliser.
Notre objectif, dans cette affaire, est de réunir suffisamment d'accords
au plan européen pour faire poids, d'une certaine façon, aux
recommandations qui se font ailleurs. Il est important que nous ayons un corps
général de "requirements" auquel nous nous référons
pour donner du poids à nos projets et examiner éventuellement
d'autres projets concurrents. C'est un terme de référence.
M. BIRRAUX
- Cela peut-il constituer les
prémices, en quelque sorte, d'un modèle européen auquel
tout le monde adhérerait et, lorsqu'on aura confronté sur la
grille les quatre volumes, est-ce que EPR pourrait être, en quelque
sorte, le réacteur qui répond aux exigences européennes
des exploitants, c'est-à-dire être le label d'un modèle
européen ?
M. LECOCQ
- Ce que l'on peut dire est que nous
n'avons pas vraiment l'intention de travailler comme aux ETATS-UNIS,
c'est-à-dire de ne reconnaître que les produits européens
par les EUR. Il est assez facile de maintenir des règles de
référence et ensuite de s'en servir pour jeter. Les EUR sont
très ouverts et nous examinons les projets qui viennent d'ailleurs,
Westinghouse et autres, et singulièrement EPR.
Je ne sais pas si cette réponse vous satisfait, mais je
répète que c'est un ensemble de "requirements" qui ne peuvent
constituer une référence. Ce qui constitue une
référence est un produit. EPR sera un produit satisfaisant les
EUR, mais il ne sera pas le seul.
M. BIRRAUX
- Le Docteur FABIAN peut-il nous donner
son sentiment sur ce sujet ?
En quoi le modèle EPR pourrait devenir un label européen dans un
paysage nucléaire mondial dans lequel, en simplifiant, on trouve des
concurrents mondiaux dont, entre autres, quelqu'un qui est un peu en
apesanteur, qui est un réacteur extrêmement proliférant
contre lequel tout ceux qui luttent contre la prolifération oublient
singulièrement de lutter.
Quels sont vos souhaits ou vos ambitions, en tant qu'électricien, pour
le voir reconnaître ?
Dr FABIAN
- En fait, il y a une volonté
commune de tous les exploitants du nucléaire européens de voir
toutes les exigences réalisées par les centrales à venir.
EPR est un projet franco-allemand, et ce que nous voulions était ne pas
nous trouver en contradiction par rapport aux autres exploitants
européens, en matière d'exigences de sûreté. C'est
la raison pour laquelle nous avons appelé autour de la table tous les
exploitants, EDF y a très largement participé, et nous, les
électriciens allemands, également, et nous avons essayé de
formuler les exigences pas simplement en matière de sûreté
mais aussi en matière de rentabilité, de disponibilité, de
facilité de maintenance...
L'EPR et tous les autres nouveaux types de réacteurs qui vont être
développés à l'avenir devront par conséquent
utiliser ces exigences, non seulement comme orientation, mais seront
mesurés en tenant compte de ces exigences.
Il faut savoir que EPR est déjà quasi concret. EPR devra remplir
les exigences des EUR, il constitue, en l'occurrence, un projet qui est la
voiture du siècle. Les EUR sont un cadre générique qui
définit les exigences en matière de nouveaux types de
réacteurs nucléaires et nous voulions veiller, par le biais des
EUR, à surtout ne pas être en décalage par rapport à
ce qui se fait au niveau d'autres exploitants, dans les autres pays
européens, lorsqu'il s'agit de construire des réacteurs
nucléaires. Nous voulions aussi, si une décision de construire
l'EPR dans d'autres pays européens était prise, être
certains de ne pas avoir de problème dans ces pays.
M. QUENIART
- Je voudrais rappeler que
l'harmonisation se fait autour d'un projet. Les EUR sont un texte beaucoup plus
littéraire, qui est effectivement soumis à l'examen des
différentes autorités de sûreté qui feront des
commentaires. Cependant, il n'y a aucune chance qu'elles approuvent ce
document, ne serait-ce que parce que les philosophies d'approche restent
notablement différentes dans les différents pays. On peut faire
des commentaires en disant être d'accord sur telle et telle partie mais,
sur la philosophie, il y a peu de chance qu'il y ait un consensus global.
M. BIRRAUX
- Je parlais tout à l'heure des
prémices d'un modèle européen. Par-delà la
coopération franco-allemande qui a montré, à travers les
différents étages des différents responsables, que nous
étions entrés dans une phase très active de
coopération positive, pensez-vous que cette coopération peut
susciter d'autres adhésions ? Et quelles sont les relations que
vous entretenez les uns et les autres avec les autres autorités de
sûreté, avec les autres électriciens européens ou
les industriels, qui n'ont peut-être pas l'occasion de construire, mais
qui sont néanmoins actifs dans le domaine du nucléaire ?
Est-ce qu'il y a là des prémices de discussion, de
coopération ou de volonté d'essayer d'aller plus loin pour
partager cette expérience franco-allemande ?
M. LACOSTE
- Je peux rappeler ce que j'ai
indiqué ce matin, à savoir qu'avec mon collègue allemand,
Monsieur HENNENHOFER, nous nous appliquons à partager
régulièrement des informations avec nos homologues des pays
d'EUROPE sur l'avancement du projet EPR, pour ce qui concerne l'Autorité
de Sûreté. J'ajoute qu'en FRANCE, nous avons un groupe permanent
réacteur qui termine le projet EPR, nous avons également des
représentants des homologues étrangers qui participent à
ces examens. Il y a un essaimage de la philosophie du projet EPR qui se fait.
Il est évident que les pays sont d'autant plus réceptifs qu'ils
pensent que, tôt ou tard, ils pourraient de nouveau construire des
réacteurs nucléaires. De ce point de vue, les situations sont
contrastées mais aucun pays à ma connaissance, hormis la FRANCE
et l'ALLEMAGNE, ne songe à commander des centrales nucléaires
dans les années à venir.
M. BIRRAUX
- Du côté de la recherche,
du CEA, d'IPSN, par-delà la coopération avec ALSERO et GRS,
quelles sont les prémices vis-à-vis d'autres ?
M. QUENIART
- Pour ce qui est du domaine de la
sûreté, la recherche est depuis longtemps internationale, que ce
soit les projets menés par l'IPSN, comme le projet PHEBUS, ou d'autres
projets à l'étranger. Il y a largement des participations
croisées, il y a des lieux où les experts se rencontrent, comme
le Comité sur la sûreté des installations nucléaires
de l'OCDE, où la base des connaissances est largement
échangée, librement, à cette réserve près
que, dans un projet, il y a ceux qui paient et ceux qui ne paient pas, et donc
il y a un léger décalage déontologique. Cependant, les
informations sont largement communiquées, en ce qui concerne la
sûreté.
M. DAURES
- Lorsque l'on voit évoluer les
choses et la lourdeur des procédures, puisqu'on parle là de
procédures d'agrément sur lesquelles il faut tomber d'accord et
d'après un modèle qu'on met au point et qu'on va essayer de
qualifier par rapport aux différents systèmes de
sûreté, on peut dire que, dans l'avenir, il y aura peu de
modèles qualifiés et l'on assistera, d'une façon
générale, à un resserrement du nombre de types de
réacteurs.
M. BIRRAUX
- Y aura-t-il une plus-value
européenne ?
M. DAURES
- Il y en a déjà. Dans la
mise au point du modèle EPR, on a croisé quand même les
expériences allemandes et françaises et ceci a porté ses
fruits. Cependant, il serait étonnant qu'on assiste véritablement
à l'éclosion de nombreux autres modèles
révolutionnaires. Il y a quand même un mouvement
général, dans le monde, pour rentrer dans les normes et les gens
finissent par se rendre compte qu'il y a plus à gagner à
exploiter ensemble un même type de réacteurs pour globaliser les
expériences, mutualiser la sûreté et les études,
qu'à véritablement essayer d'inventer le mouton à cinq
pattes.
Je ne fais part que d'une impression mais elle semble sérieusement se
conforter et, finalement, tout le monde finit par y travailler un peu, parce
que les industriels finissent par préférer avoir des
modèles standards pour pouvoir baisser les prix et standardiser leur
production, les autorités de sûreté préfèrent
avoir des modèles standards pour avoir une meilleure appréciation
de la sûreté, et l'exploitant préférera toujours
avoir le même type de centrale de façon à mieux
gérer la sûreté et les compétences.
M. CORDONNIER
- J'ai une interrogation en termes
de montage industriel, coopération internationale. Je pense que le
débat masque un problème fondamental, qui est celui de la
réalisation. Il y a un moment où l'on passe du papier au concret,
où l'on passe à des études de réalisation qui
concernent les matériels qui vont être fabriqués quelque
part, et il faut déterminer où ils le seront. Je pense que cette
notion de coopération, ou la notion franco-française, prend une
autre dimension.
Par ailleurs, nous sommes passés vite, à mon avis, sur
l'organisation industrielle entre la FRANCE et l'ALLEMAGNE, pour étudier
et construire des centrales nucléaires ainsi que sur les
différences qui existent entre l'organisation des autorités de
sûreté et leur rôle, leur liaison étroite avec le
CEA, les appuis techniques au sein du CEA, et un rôle un peu plus
administratif, d'où un débat enrichi du côté
français.
Pour revenir à cette réorganisation, on oublie un peu vite
- et les EUR m'inquiètent un peu - qu'il y a eu un rôle
important de joué par EDF et par un service public dans la construction
passée, et on demande un rôle important pour le futur, pour la
construction des centrales nucléaires. Je pense qu'on ne se focalise pas
suffisamment sur ce rôle joué, et la contribution et le
résultat auquel on est arrivé en FRANCE, dans le cadre des
programmes passés.
Il faudrait peut-être creuser ce point et établir
l'efficacité qui a été démontrée de cette
organisation.
Cependant, je voudrais revenir sur l'EPR. L'EPR c'est du papier, et les enjeux,
derrière, sont très importants. L'avant-projet sommaire a
représenté entre 300 et 500 000 heures de travail sur
deux ans, l'avant-projet détaillé a représenté
entre 1 million 300 000 heures et 1 million
500 000 heures de travail sur trois ans. Les études de
réalisation sont estimées entre 4 et 5 millions d'heures de
travail. Derrière, il y a la construction qui prendra entre cinq et dix
ans et qui induira du temps et du travail en masse très importante, et
l'on revient sur les aspects qualification.
Monsieur COUSIN a dit que le tissu industriel français était
complexe, mais il y a des gens qui travaillent dans le tissu industriel
français. Ensuite, il y a les aspects maintenance qui engagent sur
beaucoup plus longtemps puisque cela engage sur la durée de vie.
Il y a un moment où la question de savoir où l'on va faire
devient très importante, et comment on va faire. Sera-ce dans un cadre
franco-français avec la démonstration d'efficacité qu'on a
su et qu'on sait démontrer, ou sera-ce dans un cadre franco-allemand
avec un partage des marchés et donc un partage de
réalisation ?
Ceci est un enjeu très important avec des conséquences
concrètes en matière d'emplois, en FRANCE, et je me tourne de
nouveau vers les politiques, parce qu'il y a un choix de la sphère
politique sur la façon dont on va faire et réaliser un EPR avec
la célérité que j'indiquais tout à l'heure.
Je pense qu'on ne peut pas faire l'impasse sur cette question puisque,
derrière, il y a des attentes sur l'emploi en FRANCE. On ne peut pas
avoir un débat sur l'insertion, les problèmes d'exclusion et ne
pas se poser la question de savoir où vont se trouver les emplois
associés à la construction de tranches de type EPR.
M. BARACHIN
- Ce matin, on s'interrogeait sur les
surenchères possibles franco-allemandes sur le projet EPR. Je voudrais
poser une question à Monsieur DAURES sur les EUR : a-t-il
l'impression que les EUR tirent la sûreté vers le bas ou vers le
haut, compte tenu du nombre de participants à ce projet ?
M. DAURES
- Pratiquement, le projet EUR est un
projet qui a été bâti avec un noyau central d'EPI ;
à présent, on le propose aux autres. A eux de voir s'ils
l'acceptent ou pas. On ne modifie pas nos règles comme cela, nous ne
sommes pas au marché.
M. VERA
- Je voudrais intervenir pour reprendre
les propos de Monsieur DAURES et ceux de Monsieur VIGNON, qui disaient que
l'EPR devait être construit le plus vite possible pour profiter de
l'avance technologique qu'on a réalisée avec SIEMENS. J'ai
été agréablement surpris par les propos tenus, allemands
en particulier, disant que ce projet était un véritable
succès en matière de sûreté pour les accidents
graves, les accidents sans dimensionnement, qu'il y avait un certain nombre
d'avancées résultant des retours d'expériences sur
à peu près 70 centrales en EUROPE, puisque qu'il y a
à la fois le retour d'expériences allemandes et le retour
d'expériences françaises, une augmentation de la
productivité, en termes de disponibilité des centrales, par des
arrêts de tranches relativement courts, et un niveau de puissance plus
élevé que les autres centrales.
Maintenant, cela touche aussi au maintien des compétences parce qu'on
n'est pas sans savoir que, d'ici quelques années, voire quelques mois,
le N4 va se terminer. Le projet de construction n'existera pas, puisqu'il n'y a
pas de commande d'EPR, mais SIEMENS a, ce matin, expliqué le
rapprochement avec BNFL comme étant une volonté de s'inscrire
dans le travail des services nucléaires à réaliser en
EUROPE ou ailleurs parce que, effectivement, une société sans
construction, sans intervention en matière de service est une
société qui perd en compétences. Cela me paraissait
très important sachant que, bien sûr, ce n'est pas le seul but
parce que, comme disait Monsieur DAURES, on ne va pas construire un EPR pour
uniquement maintenir les compétences.
Cependant, cet EPR, non seulement pourrait remplacer les centrales qui sont
à changer à partir de 2010, mais aussi pourrait servir de
référence européenne à l'exportation. Ceci est
très important, compte tenu des marchés asiatiques, qui sont
ouverts. Comme disait un certain nombre d'intervenants ici, on ne pourra jamais
vendre un projet EPR à l'étranger s'il n'y a pas un retour
d'expérience européen sur une centrale fonctionnant en FRANCE. Le
seul exemplaire possible serait l'EPR. Je pense que personne, ici, ne serait
d'accord pour que, à la place des centrales qui seraient à
changer à partir de 2010, celles-ci soient remplacées par un
constructeur étranger.
Je trouve que l'intervention, la maintenance, la difficulté de faire
démarrer une centrale en FRANCE, surtout sachant quelle est notre avance
technologique, seront difficiles et délicates pour les autres ;
quant à nous, nous aurons perdu la compétence et nous serons en
difficulté.
Pour nous, à la CFDT FRAMATOME, nous demandons à ce que, le plus
vite possible, les Pouvoirs Publics décident d'une commande d'EPR dans
les années à venir sachant que, d'après ce que disait
Monsieur LACOSTE ce matin, après 50 ans sans construction, les
compétences s'en vont et la sûreté est diminuée.
Par ailleurs, je voudrais ajouter que l'intersyndicale CFDT/CGT a
demandé il y a quelques mois et a diffusé cette information
à l'ensemble des autorités du pays, tous les parlementaires et
les membres du gouvernement : la création d'une alliance
très sérieuse avec SIEMENS paraîtrait opportune pour
essayer d'implanter un modèle européen solide, voire pour
étendre les compétences de l'EUPR aux services, aux combustibles.
Nous considérons que c'est très important pour nous. Autant
l'alliance avec BNFL nous a inquiétés, autant nous aimerions
qu'une véritable alliance européenne, avec participation
croisée de SIEMENS et FRAMATOME, soit envisagée.
M. PRONOST
- Il y a quelques instants, j'ai senti
qu'on partait sur des considérations démagogiques et si, lors
d'un prochain débat, on s'oriente dans de tels sillons, qui sont du
ressort de l'assemblée où vous pouvez en débattre, je ne
viendrai plus à ces réunions. On parle du débat sur
l'énergie qui va avoir lieu prochainement et, chaque fois que je vais
à l'Assemblée, il y a 14 députés et je trouve
surprenant de voir que, depuis 1980, il a dû y avoir cinq débats
sur l'énergie à l'Assemblée.
Je vous dirai que je ne crois pas à ce débat à
l'Assemblée parce que c'est trop politisé, cela ne sert à
rien.
Monsieur le Ministre de l'Industrie, il y a quelques jours, a fait une
conférence de presse et a réuni les journalistes. Des documents
ont été distribués aux journalistes sur lesquels il
était écrit textuellement : la politique nucléaire de
la FRANCE va continuer. Je pose donc une question aux parlementaires : que
pensez-vous de cela ? Parce que c'est peut-être plus important qu'un
débat dit démocratique à l'Assemblée.
M. BIRRAUX
- D'abord, je ne pense pas qu'il y ait
eu cinq débats sur la politique énergétique depuis les
années 80. Il y en a eu un, effectivement, en septembre 1981, un autre
en 1989, il y en a eu un en 1993 à propos des directives
européennes et, à ma connaissance, il n'y en a pas eu d'autres.
Le seul lieu où l'on ait débattu des problèmes de
sûreté nucléaire dans un cadre énergétique
sont les auditions de l'Office Parlementaire, conduites par essentiellement
Christian BATAILLE et moi-même. De ce côté, les choses
doivent être dites clairement.
La philosophie de l'Office Parlementaire, je le rappelle, est aussi d'organiser
d'une certaine manière la transparence, à travers ces
débats où des personnes d'horizons différents viennent
discuter et débattre pour confronter leurs opinions et essayer de
répondre à mes questions, même si, de temps en temps,
j'insiste un peu lourdement pour avoir les réponses et si je pousse au
maximum les intervenants pour essayer d'avoir de bonnes réponses.
Le gouvernement est en charge des affaires de ce pays, il n'a pas à
organiser de débats sur les orientations. Le Bureau de
l'Assemblée m'a confié une mission, j'essaie de m'en acquitter au
mieux. Pour le reste, interrogez les responsables, mais ce n'est pas moi qui
vais conclure ici les débats à la place des Ministres, à
la place du premier Ministre et du Président de l'Assemblée
Nationale. Je reste à la mienne et cela me suffit largement.
Quelqu'un souhaite-t-il intervenir ?
M. VIGNON
- Je souhaiterais dire un mot en
réponse à la question que vous posiez tout à l'heure, de
l'amplitude européenne de ce projet. Je voudrais dire que l'EPR est bien
plus qu'une perspective de réalisation d'un réacteur. Ce qui est
en jeu, c'est de bâtir le standard européen de sûreté
en matière de technologie nucléaire, c'est le leadership
nucléaire européen et c'est, de ce fait, le leadership de la
technologie française puisque le nucléaire est une industrie dans
laquelle la FRANCE est forte.
M. BIRRAUX
- S'il n'y a plus d'interventions, je
crois avoir tenu les horaires. Nous avons abordé, je crois, toutes les
questions que j'avais définies dès l'ouverture de notre
séance.
Je tiens à vous remercier, les uns et les autres, de votre participation
qui a conduit, je crois, à un débat d'un excellent niveau. Le
rapporteur va essayer d'en tirer la substance pour essayer de définir,
vis-à-vis des décideurs politiques, quels sont les
paramètres de choix et, à partir de ces paramètres connus
et admis, de motiver dûment son choix.
Mesdames, Messieurs, je vous remercie.
(
Applaudissements
)
(La séance est levée à 18 h 15)
Liste des participants
ALPHANDERY Edmond |
EDF |
AUFORT Claude |
CGT |
AVEZOU-PLATET Florence |
COGEMA |
BAIZE Jean-Marc |
EDF |
BALESTERO Marie-Hélène |
Revue parlementaire |
BARBIER-BOUVET Marie-Odile |
CNRS |
BARRACHIN Bernard |
CEA |
BARRE Bertrand |
CEA |
BECO Anne de |
La Correspondance nucléaire |
BEKIARIAN André |
COGEMA |
BERAUD Gérard |
Direction de la technologie |
BERGEONNEAU Philippe |
CEA |
BERNARD Patrice |
CEA |
BERNET |
EDF |
BESSON Véronique |
|
BISSIEUX |
BBC |
BOBE Pierre |
CFDT |
BOISSON Pierre |
Commissariat Général au plan |
BOUCHTER Jean |
CEA |
BOUFFORT Thierry |
Ministère de l'Intérieur |
BOUTARD Jean-Louis |
CEA |
BOUTEILLE François |
Framatome |
BRAVO X. |
DSIN |
BROSCHE |
avec Monsieur Fabian |
BROSSELARD Daniel |
Enerpresse |
BRUCHER |
allemand |
BURKLE |
Siemens |
CARRON José |
Tribune de Genève |
CATZ Henri |
CFDT |
CHAPLAIN-RIOU Myriam |
AFP |
CHESNAIS Elisabeth |
Que choisir |
CHEVASSON Caroline |
Ministère des Affaires étrangères |
CHEYROUZE Gilles |
Direction de la sûreté des installations nucléaires |
CLEMENT |
Framatome |
COLAS |
EDF |
CORDONNIER Serge |
CGT |
COSNARD Denis |
Les Echos |
COURTAUD Michel |
CEA |
COUSIN |
EDF |
DAURES Pierre |
EDF |
DAUTRAY Robert |
CEA |
DINECHIN Yves de |
Ministère de l'industrie |
DOZOL Jean |
|
DUBROUILHE |
BBC |
DUPRAZ Bernard |
EDF |
DUTHILLEUL |
Présidence de la République |
EPSTEIN Anne-Marie |
Revue de l'énergie |
ESTEVE Bernard |
EDF |
EUGENE Eric |
EDF |
FABIAN Hans-Ultich |
Electicien allemand |
FALGARONE François |
EDF |
FELTIN Christine |
Direction de la sûreté des installations nucléaires |
FRESLON Hervé |
Framatome |
FRIGEREN |
Commission européenne |
GALLOIS |
Le Monde |
GARDERET Philippe |
CEA |
GARRIGUES Benoît |
Science actualités |
GEMTA Philippe |
|
GORSKI Catherine |
Direction générale de l'énergie |
GOSELE Jörg Hermann |
Conseiller scientifique, Ambassade d'Allemagne |
GRAND Dominique |
CEA |
GRENECHE |
CEA |
GRENIER Emmanuel |
FUSION |
GROS Gilbert |
IPSN |
GRYGIEL Jean-Michel |
Transnucléaire |
GUIBAL Jean-Claude |
EDF |
GUILLEMOT Hélène |
Sciences et vie |
GUINNOVART |
Commission européenne |
GUNIZ |
IPSN |
HAMMER Philippe |
CEA |
HARANGER |
|
HENNENHOFER Gérald |
Ministère allemand de l'environnement |
HUGOT Gilles |
CGC |
JEMAIN |
L'Usine nouvelle |
JESTIN-FLEURY Nicole |
Commissariat Général au plan |
KAHN Philippe |
Direction générale de l'énergie |
KALOGEROPOULOS Léonidas |
Médiations et arguments |
LACOSTE Claude |
Direction de la sûreté des installations nucléaires |
LAMAND Guy |
GIIN |
LAPONCHE Bernard |
Ministère de l'environnement |
LECOQ Pierre |
EDF |
LEDERMANN |
|
LEMAIGNAN Clément |
CEA |
LEONARD Marie-Odile |
EDF |
LERIDON Alain |
CEA |
LEVI Jean-Daniel |
Framatome |
LOCHAK Paul |
|
LOURDAIS Jean-Pierre |
World councils of nuclear workers |
MAC LACHLAN Ann |
Nucleonics Week |
MANDIL Claude |
Direction générale de l'énergie |
MARTIN-FERRARI Dominique |
Agence environnement développement |
MAUCHAUFFEE |
CFDT |
MEULENYSSER Laurent |
|
MINE Laurence |
Citizen com |
MONNIER Jean |
FO |
MORIN Hervé |
Le Monde |
NODE-LANGLOIS Fabrice |
Le Figaro |
NUNEZ Alain |
|
ODIER Jean |
|
PERRAUDIN Jean-Claude |
CEA |
PIERRARD Jean |
EDF |
POUGET |
|
POULARD |
|
PRETTI Jacques |
Ministère de l'Intérieur |
PRONOST Guillaume |
|
PRONOST Jean |
|
PROUST Eric |
CEA |
QUENIART Daniel |
IPSN |
QUERO Jean-Robert |
Framatome |
RAULIN |
Framatome |
REISSE Robert |
CEA |
RINCEL |
Cogema |
RONDEAU DU NOYER |
|
ROQUEPLO Philippe |
Sociologue |
ROUSSEAU Michèle |
Direction de la sûreté des installations nucléaires |
ROUYER Jean-Loup |
EDF |
ROYEN Jacques |
A.E.N |
SAAS Arsène |
CNE |
SCHNEIDER Michael |
Wise |
SENE Monique |
GSIEN |
SEUX Jean-Claude |
CEA |
SOTORA Jean |
|
STABREIT |
Ambassadeur d'Allemagne |
SUGIER Annie |
IPSN |
THIERRY Jean-Luc |
Greenpeace |
TINTURIER Bernard |
EDF |
TISNE Marie-Renée |
OPRI |
TISSOT Bernard |
CNE |
TONNAC Alain de |
Framatome |
TRINH Minh |
Direction générale de l'énergie |
TROUVE Gérard |
EDF |
VAN GOETHEN Georges |
Commission européenne |
VERANT Jean-François |
CFDT |
VIGNON Dominique |
Framatome |
WINTER Laurent |
|
ZALESKI |
Paris IX Dauphine |