Chapitre III
LE DÉMANTÈLEMENT DES ANCIENNES INSTALLATIONS
ET L'ASSAINISSEMENT DES SITES VONT GÉNÉRER UNE GRANDE
QUANTITÉ DE DÉCHETS POUR LESQUELS IL N'EXISTE PAS ENCORE DE
FILIÈRE D'ÉVACUATION
La Direction des Applications Militaires du CEA se trouve
aujourd'hui confrontée à un important problème de
démantèlement d'installations et même de centres entiers
qui n'ont désormais plus d'utilité.
Certaines de ces installations doivent s'arrêter parce qu'elles sont
parvenues au terme de leur existence normale et que leur conservation
au-delà des limites raisonnables risquerait de poser des
problèmes de sûreté mais aussi des problèmes de
rentabilité.
D'autres installations sont appelées à disparaître non pas
tant en raison de leur obsolescence que de leur implantation
géographique. Le CEA, que ses activités soient civiles ou
militaires, se trouve en effet confronté à l'expansion de
l'agglomération parisienne qui vient peu à peu entourer des
installations qui avaient, à l'origine, été
implantées en pleine campagne. Tout en annonçant que toutes les
précautions sont toujours prises pour éviter une contamination de
l'environnement avoisinant, les responsables du CEA reconnaissent qu'il ne
serait pas raisonnable de conserver des installations nucléaires
d'envergure au milieu de centres urbains.
Dans le secteur militaire du CEA, la mise à l'arrêt de certaines
installations se justifie aussi par les révisions qui ont affecté
la stratégie générale d'utilisation de l'arme
nucléaire. Comme cela a été indiqué
précédemment, la France est désormais dotée d'un
arsenal nucléaire stable qui ne doit en principe plus évoluer en
quantité. L'arrêt définitif des essais nucléaires
fait qu'il n'y aura plus qu'à maintenir en état l'arsenal
existant. Le stock de matières fissiles dont la France dispose
actuellement est considéré comme suffisant, d'autant qu'il sera
possible de récupérer et de réutiliser les têtes des
missiles Hadès et les têtes des missiles du plateau d'Albion.
S'il faut se féliciter de voir la course au surarmement enregistrer au
moins une certaine pause, ce changement de stratégie entraîne, sur
le plan de la gestion des déchets nucléaires, toute une
série de conséquences que la DAM se doit de prendre en compte.
Des multiples contacts que nous avons pu avoir avec les responsables de la DAM
et des organismes qui étaient associés à la production des
armes nucléaires, il ressort clairement qu'il existe une réelle
volonté de nettoyer tous les sites et toutes les installations devenues
inutiles.
Les actions de démantèlement constituent désormais un des
impératifs principaux de la politique du CEA. L'expérience qui
sera ainsi acquise sur des installations de petite ou de moyenne taille sera
certainement très utile lorsqu'il faudra commencer à
démanteler les centrales nucléaires ou certaines usines de
l'amont et de l'aval du cycle nucléaire civil.
Les actions de démantèlement en cours dans les centres de la DAM
concernent aussi bien des installations de recherche comme celle de
Bruyères-le-Châtel, que des usines et des réacteurs de
production de matières fissiles comme à Pierrelatte ou à
Marcoule. Le démantèlement du Centre d'expérimentation du
Pacifique fera l'objet de développements particuliers dans la seconde
partie du présent rapport.
1°/ LE DÉMANTÈLEMENT DES INSTALLATIONS DE BRUYÈRES-LE-CHÂTEL
Situé à une trentaine de kilomètres au
sud de Paris, le centre de Bruyères-le-Châtel, plus
communément appelé B III, se retrouve aujourd'hui dans une
zone urbanisée. Ce centre a constitué le coeur historique de la
production d'armes nucléaires en France. C'est en effet dès 1955,
sous l'autorité du Professeur Yves Rocard, qu'ont été
installés les laboratoires de recherche qui devaient conduire à
la mise au point des premières armes nucléaires françaises.
Ce premier centre, de ce qui devait devenir plus tard la DAM, regroupait un
grand nombre d'activités de recherche assez diverses mais principalement
orientées vers les technologies des matériaux nucléaires,
surtout depuis la fermeture des centres de Vaujours et de Limeil.
Depuis 1996, les principales activités du centre de
Bruyères-le-Châtel sont peu à peu transférées
vers le centre de Valduc qui devrait à terme regrouper la recherche, la
production d'armes et le traitement des matières radioactives. Ne
resteront à Bruyères-le-Châtel que des laboratoires de
recherche fondamentale et des bureaux administratifs.
Si, dans le passé, les installations de B III ont produit des
déchets qui étaient évacués :
- soit vers l'ANDRA pour les plus faiblement actifs,
- soit vers Cadarache pour les plus contaminés,
- ou vers Valduc pour ceux qui contenaient du tritium,
il y a eu aussi une importante production de déchets très
faiblement actifs, dits déchets TFA, qui restaient sur place faute
d'exutoire possible. Ce centre ne devrait plus, selon ses responsables,
"produire de nouveaux déchets dès que le démontage des
installations déclassées sera terminé"
.
Il reste en effet à se débarrasser des équipements,
principalement des boîtes à gants et une fonderie, devenus
inutiles, ce qui implique de multiples opérations de
décontamination.
Toutefois, certains équipements resteront en place "sous cocon" au cas
où il y aurait des problèmes dans une des chaînes de
production ou de retraitement de Valduc. Selon toute vraisemblance, ces zones
ne seront pas décontaminées mais resteront en l'état.
Comme votre rapporteur a pu le constater sur place, le
démantèlement des équipements, contaminés par le
plutonium ou l'uranium, est une opération longue, difficile et
coûteuse qui requiert un maximum de précautions. Deux
opérateurs munis de combinaisons maintenues en surpression doivent
pénétrer à l'intérieur de l'enceinte et, tout
d'abord, démonter manuellement les outillages qui sont soit
récupérés pour être réutilisés en
milieu nucléaire, soit fondus dans des installations
spécialisées. Il faut ensuite décontaminer les surfaces,
puis compacter et conditionner les déchets en vue de leur
évacuation. Une installation spéciale dite "salle de casse" a
été installée dans les locaux de B III.
Au début de 1997, il y avait en entreposage dans les installations de
traitement du site de Bruyères-le-Châtel :
- 98 m
3
de déchets solides destinés au
centre de stockage de l'Aube de l'ANDRA et de déchets solides trop
actifs pour être envoyés à l'ANDRA et qui devront
être entreposés à Cadarache, qui représentent une
activité de 1,5 Térabecquerel en émetteurs
alpha ;
- 50 m
3
d'effluents aqueux,
- 12 m
3
de déchets tritiés qui seront, comme
on l'a vu précédemment, faute de solution définitive,
regroupés et entreposés temporairement à Valduc.
Depuis 1991, la DAM a entrepris, comme à Valduc, une opération de
reconditionnement des anciens déchets qui ne correspondaient plus aux
spécifications de l'ANDRA. Dans des boîtes à gants de la
chaîne CD2 sont donc séparés les déchets
éligibles à l'ANDRA de ceux qui seront entreposés à
Cadarache, ou encore retraités à Valduc quand leur teneur en
radionucléides rend cette opération intéressante.