2°/ LES ESSAIS EN GALERIE AU HOGGAR
En 1961, on décida d'abandonner les essais
aériens à Reggane. La position de la France devenait de plus en
difficile car les trois autres puissances nucléaires de l'époque,
Etats-Unis, URSS et Grande-Bretagne, avaient, dès 1958,
décidé de suspendre leurs essais.
Les tirs aériens français faisaient dès lors l'objet de
critiques de plus en plus vives de la part des pays africains situés
à la périphérie du Sahara. Ceux-ci ne comprenaient pas en
effet qu'on continue à utiliser une technique à l'évidence
polluante malgré toutes les précautions prises pour minimiser les
retombées.
Les responsables des essais décidèrent donc, à cette
époque, de s'orienter vers des tirs souterrains qui devaient permettre
de "piéger" dans la roche la plus grande partie des
éléments radioactifs produits par les explosions. La solution
retenue fut celle de tirs en galerie, celles-ci étant creusées
horizontalement dans un massif granitique du Hoggar, le Tan Afella.
Les engins à tester étaient placés au fond de galeries
horizontales
"longues de 800 à 1 200 mètres à
partir de leur entrée au niveau de la plaine"
39(
*
)
. Ces galeries se terminaient en
colimaçon pour casser le souffle des explosions et étaient
refermées par un bouchon de béton.
La sécurité des explosions était de cette façon
notablement améliorée puisqu'une grande partie de la
radioactivité restait contenue dans la cavité formée par
le tir.
Elle n'était cependant pas totale, les produits de fission volatiles ou
gazeux pouvaient en effet s'échapper sous l'effet de la pression, soit
par la galerie principale, soit par les conduits annexes utilisés pour
le passage des câbles des systèmes de mesure et de contrôle.
C'est ce qui devait arriver le 1er mai 1962, où un nuage radioactif
s'est échappé de la galerie de tir :
"on a vu ainsi
sortir de la base même de la montagne un minuscule nuage tout rouge qui
grossit rapidement, le nuage s'en vint à passer sur un
dépôt de vieux pneus qui prirent feu aussitôt ajoutant une
âcre fumée noire à ce qui s'échappait de la
montagne"
.
40(
*
)
Un certain nombre de personnalités, dont deux ministres, qui assistaient
aux essais, ainsi que plusieurs militaires, durent être
décontaminés bien que les autorités aient toujours soutenu
que le taux maximum de radioactivité n'avait jamais
dépassé les limites admises pour les professionnels
exposés.
De novembre 1961 à février 1966, treize tirs en galerie ont
été effectués. Ce système semblait donner toute
satisfaction mais les accords d'Evian ayant prévu que la France devait
abandonner ses expériences au Sahara, la France a dû se mettre
à la recherche d'un autre site.
Sur la question des déchets qui auraient pu résulter des
campagnes d'essais réalisés au Sahara, il n'existe aucune
donnée précise. Les installations ont certainement
été démantelées mais, comme le regrette Bruno
Barillot :
"Peu de détails ont été donnés
sur la nature de ce démantèlement, sur les éventuelles
opérations de décontamination effectuées sur le site, la
destination des déchets produits au cours des expériences et par
les opérations de démantèlement"
.
41(
*
)
Après sept années d'expériences diverses, les deux sites
de Reggane et d'In Eker ont été remis à
l'Algérie sans qu'aucune modalité de contrôle et de suivi
de la radioactivité n'ait été prévue. Les
circonstances politiques qui ont conduit à l'abandon de ces deux sites
peuvent expliquer l'indifférence avec laquelle on a alors traité
ces problèmes. Il n'en demeure pas moins qu'on a fait preuve d'une
certaine légèreté, pour ne pas dire plus ; même
si les régions en cause sont très peu peuplées, les
quelques nomades qui y vivent ou qui y passent auraient pu avoir droit à
un peu plus de considération.