Première partie :
LA GESTION DES DÉCHETS
GÉNÉRÉS PAR
LA FABRICATION ET L'ENTRETIEN
DES ARMES
NUCLÉAIRES
Qu'elle soit civile ou militaire, l'utilisation de la
radioactivité produit à l'évidence des déchets. Il
n'y a d'ailleurs pratiquement pas d'activité humaine qui n'en produise
pas.
La différence entre les déchets nucléaires et les autres
rebuts domestiques ou industriels tient à la durée de leur
nocivité, qui peut aller jusqu'à des millions d'années, et
à leur quasi-indestructibilité.
Quels que soient les efforts entrepris pour tenter de les banaliser, les
déchets nucléaires ne seront jamais, aux yeux de l'opinion
publique, des déchets comme les autres.
Etant donné le mystère qui a longtemps présidé
à toutes les activités liées à l'utilisation de
l'énergie nucléaire, le problème des déchets
générés par ces activités n'a toutefois fait
irruption dans le grand public que relativement récemment. C'est
seulement au cours des années 1970 que certaines personnes, surtout aux
Etats-Unis, ont commencé à prendre conscience que la gestion des
déchets contaminés par la radioactivité posait un
problème qui n'avait peut-être pas été
jusque-là correctement traité.
De nombreux sociologues se sont interrogés sur les raisons de cette
soudaine prise de conscience sans apporter de réponse
véritablement convaincante, d'autant que ce phénomène a
commencé à apparaître bien avant les deux accidents majeurs
du nucléaire civil : Three Miles Island en 1982 et
Tchernobyl en 1986.
Que les craintes de l'opinion publique vis-à-vis des déchets
nucléaires soient justifiées ou pas, la résistance des
populations concernées à l'implantation des sites de stockage
montre bien qu'il s'agit désormais d'un problème majeur.
Même si, en France, la situation est nettement moins tendue que dans
certains pays voisins, on constate que l'avis des experts ne suffit plus
à rassurer nos concitoyens désorientés par toutes les
controverses sur l'aval du cycle nucléaire.
Contrairement à ce qui se passe dans d'autres pays comme les Etats-Unis
ou la Russie, ces controverses ont, en France, avant tout concerné les
déchets civils issus des centrales d'EDF. Notre pays, qui s'est pourtant
doté de l'arme nucléaire depuis 1960, a pratiquement
occulté ce problème jusqu'à une date très
récente.
Après des années de gestion purement technocratique, le dossier
des déchets nucléaires civils commence enfin à faire
l'objet d'un véritable débat public. En revanche, celui des
déchets d'origine militaire reste entre les mains de quelques
spécialistes, tous liés par le secret défense, mais qui
doivent eux aussi rendre des comptes à la population et à ses
représentants.
Chapitre I
UN DOSSIER ENCORE MAL
CONNU
MALGRÉ DE RÉELS EFFORTS EN FAVEUR
D'UNE PLUS GRANDE
TRANSPARENCE
Depuis quelque temps, on commence à admettre dans notre
pays que la gestion des déchets radioactifs n'est plus une question
purement scientifique et technique à traiter uniquement entre
spécialistes. Mais, pour que ce dossier soit géré en
tenant compte des impératifs sociologiques et politiques, il est
indispensable que le public puisse avoir un accès aussi large que
possible à l'information.
Dans le secteur du nucléaire civil, la situation tend à
s'améliorer et des progrès significatifs ont été
enregistrés au cours de ces dernières années. La
population ne peut toutefois pas s'intéresser à un
problème dont elle n'a même pas connaissance, ce qui a
été longtemps le cas pour les déchets radioactifs
d'origine militaire.
La parution d'un livre sur "Les déchets nucléaires militaires
français" de Bruno Barillot et Mary Davis
2(
*
)
, suivie peu après d'une
émission de Jean-Marie Cavada "La marche du siècle" sur le
même sujet, à laquelle j'ai d'ailleurs participé, ont
contribué à attirer l'attention du grand public sur un
problème qui, il faut bien le reconnaître, ne mobilisait pas les
foules jusque-là.
Les Français sont-ils pour autant désormais mieux informés
sur ce dossier ?
On peut malheureusement en douter.
Le livre de Bruno Barillot et de Mary Davis constitue la somme de plusieurs
années de recherches documentaires en France et aux Etats-Unis. Il a
permis de révéler certains aspects pratiquement ignorés de
tous sur les activités de la Direction des Applications Militaires du
CEA et du ministère de la Défense. Cet ouvrage m'a
été d'un secours précieux dans la préparation de
mon enquête. Néanmoins, le parti pris
délibérément antinucléaire de ses auteurs a quelque
peu nui à l'objectivité de leur travail. A force de vouloir trop
prouver la justesse de leurs thèses de départ, ils ont fini par
jeter la suspicion sur une partie de leurs affirmations.
Quant à l'émission "La marche du siècle", qui
n'était pas une des meilleures de cette série pourtant
excellente, elle a certainement contribué à obscurcir un
débat déjà assez difficile pour les néophytes, tout
en provoquant dans les centres du CEA et chez les militaires concernés
des perturbations dont les effets sont encore perceptibles aujourd'hui.
1°/ LE "SECRET DÉFENSE" EST-IL TOUJOURS JUSTIFIÉ ?
Il ne faut pas se faire d'illusion, l'information ne sera
jamais totalement libre dans le domaine de l'armement nucléaire.
Bien que nous ne soyons plus dans le contexte de la guerre froide, un certain
nombre de données restent "sensibles" et doivent être
protégées de l'indiscrétion des autres états ou des
groupes terroristes.
La prolifération des armes nucléaires dite horizontale,
c'est-à-dire l'accès à l'arme nucléaire de pays qui
en sont encore dépourvus, constitue une menace réelle et
sérieuse qui doit être prise en considération dès
qu'on aborde ce domaine.
C'est donc à juste titre qu'un certain nombre d'informations font
l'objet d'une classification qui comprend trois niveaux de protection :
- "très secret défense"
- "secret défense"
- et "confidentiel défense".
Selon le décret du 12 mai 1981, la mention "très secret
défense" est réservée aux informations dont la divulgation
serait de nature à nuire à la défense nationale et
à la sûreté de l'Etat, et c'est le Premier ministre
lui-même qui définit les critères et les modalités
de la protection des informations classifiées sous ce titre.
La mention "secret défense" est réservée aux informations
dont la divulgation serait de nature à nuire à la défense
nationale et à la sûreté de l'Etat.
La mention "confidentiel défense", quant à elle, est
réservée aux informations qui ne présentent pas en
elles-mêmes un caractère secret mais dont la connaissance, la
réunion ou l'exploitation peuvent conduire à la divulgation d'un
secret intéressant la défense nationale et la sûreté
de l'Etat.
Dans des conditions fixées par le Premier ministre, chaque ministre
définit, pour les services dont il a la charge, les critères, les
modalités de la protection des informations classifiées "secret
défense" et "confidentiel défense".
Dans ces conditions, nul ne peut accéder à des informations
protégées s'il n'a pas reçu une autorisation
préalable. De plus, certains documents qui ne sont pas classifiés
peuvent cependant faire l'objet d'une "diffusion restreinte" qui
limite encore
les possibilités d'accès du grand public à l'information
sur les questions militaires.
Afin de renforcer encore la protection des informations dans le domaine des
armes nucléaires, le décret du 11 décembre 1963, qui
définit le statut des installations nucléaires de base, dites
INB, prévoit dans son article 17 que
"les installations
nucléaires de base intéressant la défense nationale,
classées secrètes par le Premier ministre, sur proposition du
ministre des Armées, cessent d'être soumises, à compter de
la décision du classement, aux dispositions du présent
décret"
.
Ainsi les installations nucléaires de base relevant de la défense
nationale, les INB-S (S pour secrètes), sont-elles soumises à un
statut et à un régime de contrôle particuliers.
Les principales dispositions de la loi du 19 juillet 1976 relative aux
installations classées pour la protection de l'environnement ne
s'appliquent pas aux installations relevant du ministre de la Défense
et, en particulier, leur inspection est assurée par des inspecteurs
désignés par le ministre de la Défense, à qui ils
adressent leurs rapports.
La surveillance des INB-S, relevant du ministre de l'Industrie, est
confiée au Haut Commissaire à l'énergie atomique par une
instruction ministérielle de février 1996. Il est pour cela
assisté d'un Directeur délégué à la
Sûreté nucléaire, de Commissions de sûreté,
d'un corps d'inspecteurs et de l'appui technique de l'IPSN. Il est par ailleurs
le conseiller scientifique du CEA.
Cette organisation particulière des INB-S dispense leur création
d'enquête publique (décret du 5 juillet 1985). Cependant, les
rejets dans l'environnement y sont soumis
(décret n° 95-540 du 4 mai 1995). Quant aux
Commissions locales d'information (CLI), elles ne sont pas imposées aux
INB-S par la directive du Premier ministre de 1981. Cependant, les sites de
Marcoule, Pierrelatte et, récemment, de Valduc sont pourvus de
structures d'information du type CLI.
On conçoit très bien que tout ce qui touche à la
fabrication ou à l'entretien des armes proprement dits doit être
soigneusement protégé, mais doit-il en être de même
pour les informations relatives aux déchets ou aux rejets des
INB-S ?
Les déchets et les rejets sont en effet, à un moment ou à
un autre, destinés à sortir de l'enceinte des installations
militaires et peuvent donc avoir des répercussions sur l'environnement
et même, éventuellement, sur la santé humaine. Il ne serait
dès lors pas anormal que les populations concernées puissent
avoir accès à un minimum d'informations et que leurs
représentants légaux puissent exercer un certain contrôle
sur les opérations en cours ou prévues.
Selon les responsables du CEA ou du ministère de la Défense, si
des informations précises étaient fournies sur les déchets
et les rejets des INB-S, il existerait un risque de voir certains
spécialistes, non autorisés, remonter jusqu'à des
données qui doivent être impérativement tenues
secrètes. Ce serait ainsi le cas, par exemple, de la composition
isotopique des déchets.
Les responsables du CEA, sentant bien qu'il y avait là un
problème, n'ont pas été hostiles à la
création d'instances d'information du public, qui ne sont cependant pas
totalement alignées sur les Commissions locales d'information.
Tracer la limite entre ce qui relève véritablement du "secret ou
du confidentiel défense" et les informations que les populations
concernées sont en droit d'obtenir ne sera certes pas facile. Selon les
responsables du CEA, la réglementation de sûreté applicable
aux INB-S est calquée sur les mêmes standards que celle des INB,
à l'exception de ce qui pourrait entraîner la divulgation
d'informations classifiées. Toutefois, il faudrait certainement
commencer par déclassifier quantité de données qui n'ont
été considérées comme secrètes que par la
force de l'habitude, et en particulier admettre que tout ce qui sort d'une
INB-S (déchets, rejets, ...) doit être totalement transparent.
D'ores et déjà, les déchets perdent leur caractère
"défense" dès qu'ils sortent des INB-S mais encore faut-il qu'on
dispose d'exutoires réglementaires, ce qui est loin d'être le cas
pour beaucoup d'entre eux.
Les services du Haut Commissaire veillent à leur sortie des centres
dès que cela est possible techniquement et réglementairement
mais, comme on le verra dans la suite du présent rapport, dans de
nombreux cas il n'existe pas, à l'heure actuelle, de solution.
Aux Etats-Unis, où les impératifs de défense sont tout
aussi importants qu'en France, il est possible d'obtenir de nombreux rapports
qui seraient, chez nous, considérés comme strictement
confidentiels. Le programme de "clean up" (voir encadré
ci-après) a été non seulement débattu dans le
détail mais pratiquement déterminé par le Congrès
américain, qui pour cela disposait de tous les renseignements
nécessaires et qui a procédé à de nombreuses
auditions auxquelles aucun responsable n'aurait pu se soustraire.
Le programme américain
Environnement management
(EM) ou "clean up"
Ce programme, lancé en 1989, est destiné
à financer la réhabilitation des sites militaires du
Département de l'énergie (DOE) et la gestion des déchets
radioactifs qui s'y trouvent.
122 sites sont concernés et les déchets qui doivent être
identifiés, triés et reconditionnés appartiennent à
toutes les catégories.
En 1995, la demande de crédits pour ce programme a été de
6 280 millions de dollars dont 83 % étaient
destinés au "clean up" purement militaire, soit environ
28 milliards de francs pour une année !
Ainsi le nettoyage des sites militaires, puis la gestion des déchets qui
y seront récupérés, représentent un montant de
crédits supérieur à ceux qui seront affectés aux
activités de défense proprement dites du DOE.
Selon les responsables de ce programme, la réhabilitation totale des
sites militaires devrait prendre 40 ans et coûter au total de 200
à 300 milliards de dollars.
Ces sommes paraissent absolument exorbitantes mais l'accumulation, dans des
conditions souvent inquiétantes, de déchets radioactifs pose des
problèmes sérieux aussi bien pour les personnes qui travaillent
sur les sites que pour l'environnement en général.
Ainsi, à Savannah River, des cuves contenant du plutonium et d'autres
déchets de haute activité risquent de fuir. A Rocky Flat, des
substances radioactives chimiquement instables doivent être
traitées d'urgence. Quant au plus célèbre de ces sites,
Hanford, il suffit de se référer au compte rendu de la visite de
M. Claude Birraux pour son rapport à l'Office sur la
sûreté des installations nucléaires
3(
*
)
pour se rendre compte de l'importance
et de l'urgence de cette réhabilitation.
Malgré ces considérables efforts financiers, le DOE se heurte
à de nombreuses difficultés techniques et prend du retard sur de
nombreuses opérations.
Il apparaît de plus en plus clairement que tous les problèmes
n'ont pas été correctement évalués au départ
et que les technologies nécessaires pour les résoudre sont encore
souvent loin d'être au point.
Le Département de l'énergie des Etats-Unis publie
régulièrement un inventaire détaillé des
déchets nucléaires entreposés sur l'ensemble des sites
civils mais aussi militaires.
4(
*
)
Le tableau reproduit ci-après donne par exemple pour le site de Hanford,
pour chaque radionucléide, la forme (liquide, boues, ...) et
l'activité (en Curies) des déchets qui se sont accumulés
depuis 1945 dans les installations militaires qui ont produit une grande partie
du plutonium et l'uranium utilisé pour la fabrication des armes
nucléaires américaines.
De la même manière, un rapport publié en 1991 par l'Office
of Technology Assessment du Congrès (aujourd'hui disparu) donne toutes
les indications disponibles sur le volume, l'activité et la localisation
des déchets nucléaires d'origine militaire.
5(
*
)
Pourquoi la très grande transparence qui règne aux Etats-Unis sur
les déchets nucléaires militaires ne serait-elle pas transposable
en France ?
Les déchets qui proviennent de la production ou de l'entretien des armes
actuellement entreposées sur les sites de Marcoule, Pierrelatte et
Valduc, devront un jour rejoindre des sites de stockage, souterrains ou en
surface, dépendant de l'ANDRA et donc purement civils. Il ne serait donc
pas anormal que le "secret défense" soit levé de façon
à ce qu'un inventaire complet de ces déchets puisse être
réalisé et publié dès maintenant.
Je propose donc que la charge de la preuve soit en quelque sorte
renversée : toutes les informations relatives aux déchets et
aux rejets des INB-S doivent devenir publiques, à l'exception de celles
pour lesquelles les responsables du CEA ou du ministère de la
Défense pourront démontrer que leur divulgation risquerait de
nuire gravement aux impératifs de la défense nationale.
Table 2.16. Representative radionuclide composition (Ci) of current HLW at HANF
|
|
|
|
|
Capsules |
|
Radionuclide |
Liquid |
Sludge |
Salt cake |
Slurry |
90 Sr -90 Y |
137 Cs -137m Ba |
14 C |
1.87E+03 |
|
2.50E+03 |
6.67E+02 |
|
|
55 Fe |
|
|
|
4.75E+03 |
|
|
59 Ni |
|
|
|
9.06E+00 |
|
|
60 Co |
|
3.22E+03 |
|
1.03E+04 |
|
|
63 Ni |
|
3.08E+05 |
|
1.05E+03 |
|
|
79 Se |
|
|
|
6.58E+01 |
|
|
89 Sr |
|
|
|
9.05E-06 |
|
|
90 Sr |
4.13E+05 |
5.10E+07 |
2.20E+06 |
1.09E+07 |
2.45E+07 |
|
90 Y |
4.13E+05 |
5.10E+07 |
2.20E+06 |
1.09E+07 |
2.45E+07 |
|
91 Y |
|
|
|
6.68E-04 |
|
|
93 Zr |
|
9.70E+03 |
|
3.21E+02 |
|
|
93m Nb |
|
8.21E+03 |
|
1.18E+02 |
|
|
95 Zr |
|
|
|
7.10E-03 |
|
|
95 Nb |
|
|
|
1.57E-02 |
|
|
95m Nb |
|
|
|
5.24E-05 |
|
|
99 Tc |
1.79E+04 |
|
|
1.43E+04 |
|
|
103 Ru |
|
|
|
1.64E-09 |
|
|
103m Rh |
|
|
|
1.47E-09 |
|
|
106 Ru |
|
9.81E+00 |
|
3.04E+05 |
|
|
106 Rh |
|
9.81E+00 |
|
3.04E+05 |
|
|
107 Pd |
|
|
|
8.21E+00 |
|
|
110m Ag |
|
|
|
1.64E+01 |
|
|
110 Ag |
|
|
|
2.17E-01 |
|
|
113m Cd |
|
|
|
3.74E+03 |
|
|
113 Sn |
|
|
|
7.92E-02 |
|
|
115m Cd |
|
|
|
2.04E-10 |
|
|
119m Sn |
|
|
|
2.92E+02 |
|
|
121m Sn |
|
|
|
6.39E+01 |
|
|
123 Sn |
|
|
|
1.76E+00 |
|
|
123m Te |
|
|
|
5.99E-06 |
|
|
124 Sb |
|
|
|
4.48E-08 |
|
|
125 Sb |
|
|
|
2.96E+05 |
|
|
125m Te |
|
|
|
7.22E+04 |
|
|
126 Sn |
|
|
|
1.04E+02 |
|
|
126 Sb |
|
|
|
1.46E+01 |
|
|
126m Sb |
|
|
|
1.15E+02 |
|
|
127m Te |
|
|
|
6.68E-01 |
|
|
127 Te |
|
|
|
6.54E-01 |
|
|
129m Te |
|
|
|
8.20E-14 |
|
|
129 I |
|
|
|
2.65E-01 |
|
|
134 Cs |
|
|
|
1.49E+05 |
|
|
Table 2.16 (continued)
|
|
|
|
|
Capsules |
|
Radionuclide |
Liquid |
Sludge |
Salt cake |
Slurry |
90 Sr -90 Y |
137 Cs -137m Ba |
135 Cs |
|
|
|
5.91E+01 |
|
|
137 Cs |
9.80E+06 |
3.61E+06 |
3.65E+06 |
1.62E+07 |
|
5.55E+07 |
137m Ba |
9.27E+06 |
3.41E+06 |
3.46E+06 |
1.53E+07 |
|
5.25E+07 |
141 Ce |
|
|
|
8.29E-13 |
|
|
144 Ce |
|
|
|
4.63E+05 |
|
|
144 Pr |
|
|
|
4.61E+05 |
|
|
144m Pr |
|
|
|
5.54E+03 |
|
|
147 Pm |
|
|
|
6.18E+06 |
|
|
148 Pm |
|
|
|
4.98E-12 |
|
|
148m Pm |
|
|
|
8.84E-11 |
|
|
151 Sm |
|
8.33E+05 |
|
2.03E+05 |
|
|
152 Eu |
|
|
|
5.41E+02 |
|
|
153 Gd |
|
|
|
1.07E-01 |
|
|
154 Eu |
|
|
|
6.75E+04 |
|
|
155 Eu |
|
|
|
9.90E+04 |
|
|
160 Tb |
|
|
|
9.71E-07 |
|
|
234 U |
|
|
|
1.23E+00 |
|
|
235 U |
|
|
|
5.18E-02 |
|
|
236 U |
|
|
|
1.08E-01 |
|
|
238 U |
|
|
|
9.46E-01 |
|
|
237 Np |
2.55E-03 |
|
|
4.51E+01 |
|
|
238 Np |
|
|
|
2.17E-01 |
|
|
238 Pu |
|
|
|
3.67E+02 |
|
|
239 Pu |
|
2.20E+04 |
|
3.28E+03 |
|
|
240 Pu |
|
5.29E+03 |
|
8.85E+02 |
|
|
241 Pu |
|
5.25E+04 |
|
3.35E+04 |
|
|
242 Pu |
|
|
|
8.68E-02 |
|
|
241 Am |
7.36E+02 |
4.53E+04 |
|
5.24E+04 |
|
|
242 Am |
|
|
|
4.31E+01 |
|
|
242m Am |
|
|
|
4.33E+01 |
|
|
243 Am |
|
|
|
7.16E+00 |
|
|
242 Cm |
|
|
|
3.65E+01 |
|
|
244 Cm |
|
1.57E+02 |
|
1.29E+03 |
|
|
|
|
|
|
|
|
|
Total |
1.99E+07 |
1.10E+08 |
1.15E+07 |
6.21E+07 |
4.90E+07 |
1.08E+08 |
|
|
|
|
|
|
|
Specific
|
7.9E-01 |
2.4E+00 |
1.2E-01 |
6.6E-01 |
4.5E+04 |
4.4E+04 |
2°/ UN PROGRÈS IMPORTANT : L'EXTENSION DE L'INVENTAIRE DE L'ANDRA AUX SITES MILITAIRES
La loi du 30 décembre 1991 sur la gestion des
déchets radioactifs, très largement inspirée par le
premier rapport de l'Office sur ce sujet, a prévu que l'Agence nationale
pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) serait, entre autres
tâches, chargée de
"répertorier l'état et la
localisation de tous les déchets radioactifs se trouvant sur le
territoire national"
.
En 1997, l'ANDRA a publié son cinquième rapport et on peut
maintenant juger de l'importance de cette disposition, apparemment anodine,
mais qui a permis de restaurer une certaine confiance envers les
autorités chargées du nucléaire et qui a très
largement contribué à désamorcer un grand nombre de
polémiques qui n'auraient pas manqué de se développer sans
cet effort de transparence.
Grâce à ces rapports, les choses sont plus claires et l'on peut
désormais considérer que la quasi-totalité des
déchets radioactifs sont décrits, répertoriés et
localisés avec précision.
On peut regretter que la Commission des Communautés, d'habitude si
prompte à se saisir de tous les problèmes, parfois même
hors de ses compétences, ne rende pas ce type d'inventaire obligatoire
dans tous les pays membres de l'Union européenne.
Les trois premiers rapports de l'ANDRA étaient très largement
incomplets puisqu'ils ne comportaient aucune indication sur les sites
militaires alors que les INB-S dépendant du CEA y figuraient.
Cette anomalie a été corrigée dans l'édition de
1996, pour laquelle les établissements relevant directement du
ministère de la Défense nationale ont établi des fiches de
synthèse sur l'ensemble de leurs déchets radioactifs. Seul le
site de Mururoa continue à échapper à ce recensement, mais
cette question sera développée dans la deuxième partie du
présent rapport.
Alors qu'en 1996, le rapport de l'ANDRA avait identifié 29 sites
relevant de la Défense nationale où des déchets
radioactifs sont stockés, l'édition de 1997 en recense 45.
L'importance de ces différents stockages est très variable
puisqu'ils peuvent receler soit quelques vieux instruments luminescents, soit
des résidus de retraitement de très haute activité.
Bien que non classée comme site militaire dans l'inventaire de l'ANDRA,
il faut également citer la décharge de classe 1 de
Pontailler-sur-Saône, où sont entreposées, de façon
conforme à la réglementation, les boues provenant de la station
d'épuration du Centre de Valduc dont les activités sont presque
uniquement militaires.
Comme on peut le constater dans l'inventaire de l'ANDRA, près de la
moitié de ces sites de stockage ne contiennent en fait que des
déchets faiblement radioactifs constitués de boussoles et de
dispositifs de visée nocturne dont les cadrans étaient peints
avec de la peinture au radium et au tritium pour faciliter la vision nocturne.
Tous ces matériels radioluminescents, dont l'usage est aujourd'hui
abandonné, devraient être bientôt regroupés dans un
établissement centralisateur à Saint-Priest.
A première vue, il peut paraître quelque peu dérisoire de
recenser ainsi des stockages de vieux matériels autrefois d'usage
courant et contenant 5 à 6 Gigabecquerels (1 GBq =
10
9
Becquerels), et de les mettre sur le même plan que
celui de Marcoule où les colis de verre de retraitement
représentent à eux seuls 286 000 Térabecquerels
(1 TBq = 10
12
Becquerels).
Il n'empêche que grâce à l'effort de classification
exigé par l'inventaire de l'ANDRA, tous les déchets, même
relativement peu dangereux, ont été identifiés et qu'ils
vont être regroupés et stockés convenablement. Au moment
où de nombreuses installations militaires vont être fermées
et abandonnées définitivement, il n'était pas inutile de
faire cet état des lieux. De multiples exemples en France mais surtout
à l'étranger nous ont montré dans le passé que la
mémoire des stockages de déchets se perd très facilement,
et que des objets radioactifs qui auraient dû être isolés
définitivement se retrouvent entre les mains d'enfants ou de
ferrailleurs inconscients du danger.
Dans la suite du présent rapport, il ne sera fait état que des
sites où l'activité des déchets impose de prendre des
précautions tout à fait particulières pour leur gestion.
L'inventaire de l'ANDRA se devait, quant à lui, d'être aussi
exhaustif que possible pour prévenir toute possibilité de
contamination mais aussi pour éviter la répétition de
prétendus "scoops" sur les dangers des déchets cachés.
En ce qui concerne les déchets de faible ou moyenne activité
constitués de matériels de visée et de boussoles
réformés, il serait souhaitable que le regroupement
envisagé sur un seul site de stockage, spécialement
aménagé pour les recevoir, soit accéléré de
façon à ce que le prochain inventaire de l'ANDRA présente
une situation plus lisible de la réalité des déchets
d'origine militaire.
3°/ LA MISE EN PLACE DU "PLAN DÉCHETS" DE LA DAM
Depuis près de six ans, le CEA s'est doté d'une
direction des déchets destinée à mettre en oeuvre le plan
d'assainissement des sites, l'Administrateur général de
l'époque, M. Philippe Rouvillois, ayant estimé à
juste titre qu'il s'agissait là d'une mesure tout à fait
prioritaire.
Grâce à l'obstination du premier responsable de cette nouvelle
direction, M. Robert Lallement, le plan d'assainissement a
été rapidement opérationnel, en particulier pour le
traitement des déchets anciens, qui n'avaient pas toujours, dans les
premières années d'existence du CEA, fait l'objet d'une gestion
très rigoureuse.
A raison de 400 MF de crédits par an, le programme prévu a
été respecté, si bien que les grandes opérations de
rattrapage devraient être terminées en l'an 2000.
En raison du cloisonnement entre les activités civiles et militaires du
CEA, la Direction des déchets n'a cependant pas été
chargée de la gestion des déchets de la DAM sauf quand ceux-ci
quittent le CEA pour aller en stockage définitif à l'ANDRA ou en
entreposage temporaire à Cadarache en attendant un éventuel
stockage en couches géologiques profondes.
La DAM, bien qu'autonome, a toutefois participé à l'effort
général d'assainissement des sites nucléaires. Dès
1986, un "plan déchets" a défini les grandes lignes d'une
politique globale de gestion des déchets radioactifs et planifié
à moyen et à long terme la mise en place des moyens
matériels nécessaires.
Le programme de la DAM a été élaboré sous la forme
d'un plan quinquennal glissant, révisé annuellement, autour des
grands objectifs suivants :
- extraire des déchets, avant de les stocker, le maximum
d'émetteurs alpha ;
- ne produire, autant que possible, que des déchets "A"
stockables
en surface dans le centre de l'Aube de l'ANDRA ;
- minimiser les volumes et optimiser le remplissage des fûts
destinés au stockage ;
- exclure totalement toute production de déchets non
transportables ;
- ne plus accepter de solutions temporaires.
Pour que ces objectifs puissent être atteints, il a fallu que l'ensemble
des opérateurs dans les différents sites acceptent de profondes
mutations dans leurs méthodes de travail et qu'ils procèdent
notamment au tri à la source de tous les éléments
radioactifs récupérables dans les déchets.
Même si la quantité de déchets à traiter par la
DAM n'a aucune mesure avec celle qui est produite par les centrales
nucléaires, les problèmes posés par la gestion de ces
déchets n'en sont pas moins réels et doivent faire l'objet d'un
traitement sérieux.
Comme il ne m'était pas matériellement possible de visiter la
totalité de ces sites, j'ai décidé, pour cette
première enquête, de me limiter aux installations où sont
entreposés les déchets les plus encombrants et les plus
actifs : Marcoule, Valduc, l'Ile Longue, Pierrelatte, Cadarache et
Bruyères-le-Châtel.