b) Les règles applicables à la publicité télévisée
Toute publicité télévisée est
soumise au visa du Bureau de vérification de la publicité qui
applique un certain nombre de règles professionnelles ainsi que le
décret n° 92-280 du 27 mars 1992. Comme dans le premier
cas, il y a totale imbrication entre règles professionnelles et
dispositions réglementaires. L'exemple qui suit est
particulièrement intéressant parce qu'il traduit, à notre
connaissance, l'une des premières réactions d'une profession
à l'utilisation -jugée en l'espèce inacceptable- d'images
de synthèse. L'affaire concerne une campagne de publicité
d'Amnesty International à partir des images, reconstituées en
images de synthèse, des incidents de la place Tien An Men à
Pékin.
Encadré n° 25
TIEN AN MEN VIRTUEL
ET LA RÉPONSE DU BVP À AMNESTY INTERNATIONAL
A l'occasion de la venue en France du Premier ministre
chinois, M. Li Peng en avril 1996, Amnesty international fait réaliser
par la société
Buf Compagnie
, un film publicitaire
destiné à la télévision, à partir de l'une
des plus grandes photos symbole des dix dernières années : un
jeune, immobile, face aux chars de l'armée chinoise, place Tien An Men,
en juin 1989. Dans ce film, intégralement réalisé en
images de synthèse, le char s'arrête quelques instants devant le
jeune homme, puis avance, contrairement à ce qui s'est passé
réellement ce jour là. Le
spot
est censé illustrer
les atteintes aux droits de l'homme en Chine.
Comme toutes les publicités télévisées, ce film est
soumis au contrôle du BVP, association de la loi de 1901 qui regroupe des
annonceurs et représentants des différents médias. Le BVP
exerce, en quelque sorte, un contrôle
a priori
des
publicités télévisées. Il a hérité
des attributions de l'ancienne Commission de visionnage qui réunissait
des représentants de la RFP, du CSA... Il est chargé de veiller
au respect des dispositions du décret n° 92-280 du 27 mars 1992
fixant les principes généraux concernant le régime
applicable à la publicité et au parrainage.
Ce décret dispose notamment :
Art. 3 -
" La publicité doit être conforme
aux exigences de véracité, de décence et de respect de la
dignité de la personne humaine. Elle ne peut porter atteinte au
crédit de l'État. ".
Art. 4 - " La publicité doit être exempte de
toute discrimination en raison de la race, du sexe ou de la nationalité,
de toute scène de violence
(...)
".
Art. 5 - " La publicité ne doit contenir aucun
élément de nature à choquer les convictions religieuses,
philosophiques ou politiques des téléspectateurs. ".
Le BVP, saisi pour avis par Amnesty international, donne un avis
négatif. Il déconseille le projet de publicité qui :
" 1. ne paraît pas pouvoir être
considéré comme un message d'intérêt
général tel que ceux diffusés dans le cadre des campagnes
des organisations caritatives,
2. paraît être de nature à jeter le discrédit
sur le gouvernement en exercice d'un État étranger ayant
établi des relations diplomatiques avec d'autres États,
3. paraît de nature à être jugé contraire aux
dispositions de l'article 5 du décret du 27 mars 1992,
(ce)
projet contenant des éléments de nature à choquer les
convictions politiques des téléspectateurs. "
Amnesty international renonce alors à présenter ce projet aux
chaînes de télévision dont certaines appartiennent à
des groupes fortement impliqués sur le marché chinois pour
d'autres activités.
L'association présente alors son film dans d'autres cadres, pour
dénoncer notamment une censure manifeste à l'occasion de la
visite du Premier ministre chinois (au cours de laquelle fut signé un
important contrat de livraison d'Airbus...). Le film, de très grande
qualité technique, sera primé à plusieurs occasions lors
de festivals professionnels.
En appliquant de façon stricte un code de déontologie
appuyé sur un texte réglementaire, le BVP, association
privée, a réglé, inconsciemment, le premier cas de
manipulation d'informations d'envergure réalisée grâce au
traitement d'images.
A noter que si le film en question n'avait pas été une
publicité télévisée, aucun contrôle
préalable n'aurait été réalisé. La diffusion
aurait alors relevé de la seule responsabilité éditoriale
des chaînes.
Ainsi, si, dans la plupart des cas, l'utilisation d'images de synthèse
n'appelle pas d'observations particulières, lorsque l'image touche
à l'information, quelques précautions ont paru utiles aux
professionnels intéressés. D'autres professions, amenées
à utiliser ces technologies, pourraient utilement s'en inspirer.
Dans un tout autre domaine, l'intervention de la puissance publique est
même attendue. C'est notamment le cas lorsque l'image de synthèse
set utilisée pour promouvoir ou présenter un projet (dans le
domaine commercial, architectural...).
" La puissance de
conviction de
l'image est telle qu'il faut éviter d'en profiter pour donner un
caractère faussement attractif à tel ou tel aspect d'un projet :
l'image virtuelle doit rester objective et non publicitaire (le
"beau" -ou le
"laid"- ne doit pas supplanter le "vrai"), le risque étant
de susciter
l'adhésion du public en annihilant l'esprit critique (cela vaut aussi
bien pour les partisans que pour les détracteurs d'un projet). Il serait
souhaitable que la puissance publique définisse des critères de
qualité (ou un système de référence technique) pour
que les fournisseurs de prestations de réalité virtuelle et les
utilisateurs respectent une déontologie suffisamment
encadrée "
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