b) Les conséquences politiques éventuelles
Encadré n° 21
LA DÉMOCRATIE VIRTUELLE
Le virtuel fait vaciller la société, y compris
sur le plan politique. D'une façon générale, le virtuel
entraîne une crise des intermédiaires quels qu'ils soient. Dans le
domaine économique, il n'y a plus besoin de commerces, de vendeurs, ou
de "représentants" qui démarchent le consommateur puisque
celui-ci voit sur l'écran l'image du produit qu'il peut convoiter. Dans
le domaine politique, un phénomène analogue se produit. Le
virtuel, l'organisation en réseau, supprime les relations
hiérarchiques de type vertical et ébranle les
"représentants élus". Non seulement parce que, pour une part
d'entre eux, leur formation et leurs activités les éloignent des
pratiques nouvelles du réseau, mais aussi parce que leur utilité
est remise en cause : comment justifier un intermédiaire alors que le
réseau permet un vote direct sur n'importe quelle question ?
Un fossé se creuse irrémédiablement. Les gouvernants, et
ceux qui les conseillent, s'éloignent des technologies du futur, tandis
que les représentants représentent de moins en moins ceux qui les
maîtrisent. Les deux mondes coexistent en parallèle. Ce clivage a
été plusieurs fois mentionné au cours de la Journée
d'étude organisée par l'Office parlementaire d'évaluation
des choix scientifiques et techniques, le 9 octobre dernier
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)
.
Les institutions perdent leurs assises, ne sont plus en prise avec une partie
de la population qui fonctionne, pense, communique autrement. Les relations
hiérarchiques s'estompent, s'écroulent même, au profit d'un
mode de fonctionnement horizontal entre communautés qui communiquent sur
le réseau.
Aux termes de la Constitution,
" La souveraineté nationale
appartient au peuple qui l'exerce
par ses représentants et par la
voie du référendum
"
(art. 3) et
" Les
partis et groupements politiques concourent à l'expression du
suffrage. "
(art. 4). Ainsi, cette rédaction est-elle à
la fois rendue désuète et confortée par la technique
puisque, d'une part il apparaît à l'évidence que les partis
-ou toute autre forme d'intermédiation- ne sont plus indispensables et
que, d'autre part, on peut parfaitement concevoir qu'à terme les modes
d'organisation des référendums évoluent en liaison avec
les nouvelles possibilités techniques.
Les représentants élus sont, pour la plupart, fragilisés
par cette évolution. Mais, en parallèle, une nouvelle forme de
démocratie directe se met en place. Beaucoup espèrent même
que les citoyens qui délaissent le débat politique vont revenir
à l'action politique grâce à l'intérêt qu'ils
trouveront dans l'accès aux images et les possibilités de vote en
direct.
Naturellement, la représentativité de ces votes peut, elle aussi,
être remise en cause. Au moins dans un avenir proche, cette formule est
exclue, ne serait-ce que parce qu'une immense majorité -qui sont tout
autant citoyens que les
internautes
- ne saurait utiliser l'outil. Il
s'agit plutôt d'une nouvelle forme de pétition. Mais
l'évolution paraît inévitable.
De nouvelles formes de communication jettent les bases d'une nouvelle
démocratie sans représentants mais avec un dialogue
inégalé car chacun s'exprime quand il veut et sur ce qu'il veut.
Nous n'en savons aujourd'hui guère plus, mais la démocratie
virtuelle à l'ère Cyber exigera tôt ou tard que la
démocratie représentative née de la liberté de la
presse fasse, à son tour, sa révolution.