b) La publicité virtuelle
Il s'agit là d'une tout autre
application des images de synthèse, souvent absente des études
anglo-saxonnes sur le sujet.
Présentation générale
Le numérique et la diffusion par satellite constituent une
véritable rupture dans le monde des médias avec une
internationalisation du flux des images et une croissance sans
précédent du nombre d'images. Cette disponibilité, cette
offre d'images, va modifier le comportement du téléspectateur qui
sera de moins en moins passif devant son écran, de moins en moins
fidèle à une chaîne ou à une émission
(
zapping
).
Ce comportement du téléspectateur concerne directement la
publicité. On sait aujourd'hui que le téléspectateur
zappe
la publicité sur les chaînes gratuites, ne veut pas
de publicité sur les chaînes payantes. L'"écran
publicitaire", et notamment le spot 30 secondes, forme reine de la
publicité des années 1980, a vécu. Il est donc
indispensable de réfléchir désormais à de nouvelles
formes de publicité.
Le
sponsoring
sportif est l'une de ces évolutions puisque la
publicité sur le joueur ou sur les lieux de la compétition est
incorporée à l'événement, intégrée
à l'image et, par conséquent,
inzappable
. D'autres pistes
sont possibles : telle que la multiplications des coupures publicitaires au
sein des émissions (aux États-Unis, les films sont coupés
jusqu'à 10 fois) ou la publicité dite interactive, imposée
à celui qui cherche un renseignement ou un service sur un réseau
(Minitel, Internet, ...), mais aucune n'a encore l'audience de la
publicité sportive : l'audience d'un match de football de Coupe d'Europe
est de 8 à 15 millions de personnes.
De là est née l'idée d'une publicité ciblée
par public et par pays.
SYMAH Vision, filiale du groupe Lagardère (Matra), a
développé le système
EPSIS
qui est un logiciel de
traitement d'images en direct destiné à la publicité et,
plus particulièrement, au parrainage sportif, qui permet de substituer
en direct une image de synthèse à une image réelle. Trois
pays travaillent actuellement sur des procédés comparables : la
France, les États-Unis et Israël. Aux États-Unis, la
pratique est aujourd'hui courante.
Encadré n° 9
LA PUBLICITÉ OU LE PARRAINAGE VIRTUEL (*)
La technique de substitution d'images en
direct
EPSIS est un logiciel de substitution d'images fixes (type panneau
publicitaire) en direct. Cette substitution suit deux étapes bien
distinctes.
Première étape. Le traitement de l'image
. Il y a
d'abord une phase de "repérage" : il faut filmer en vidéo le
terrain d'"origine", traduire la vidéo en numérique, identifier
de façon très précise les lieux et les objets (panneaux
publicitaires), dont l'image devra être modifiée. Ensuite, il faut
"prendre le contrôle" de ces objets : l'ordinateur doit les
repérer dans un flux d'images continu à partir d'un certain
nombre de points caractéristiques, les suivre (ou "traquer"), analyser
leur mouvement dans le champ de l'image. La difficulté suivante est de
parvenir à "traiter les obstacles" entre le panneau et la caméra,
à faire abstraction des autres images qui peuvent brouiller ou masquer
l'image à changer. Il est relativement facile de modifier une image
isolée dans un plan (exemple : banderoles en hauteur à
l'arrivée d'un tour cycliste), il est beaucoup plus difficile de
modifier cette image masquée en partie par des mouvements d'objets
(voiture passant devant un panneau au bord d'un circuit, ...) ou de
personnes (joueur de tennis mobile devant une publicité de fond de
court, ...). Enfin, il faut remplacer l'image du panneau réel, sur
le site de l'événement, par une image de synthèse, par
hypothèse différente de l'image réelle et adaptée
à différents pays (voir ci-après).
La technique est extrêmement lourde : sur chaque image, il faut
identifier l'objet, le capter et le suivre sur l'image suivante. Chaque image
représente 600 x 400 pixels, soit 240.000 points, il y a 25 images par
seconde, soit 6 millions de pixels à traiter par seconde. Cette
opération est réalisée par 512 processeurs travaillant en
parallèle. La puissance totale est de 40 giga flop, soit une puissance
comparable à celui du
Cray
, l'ordinateur de calcul du C.E.A. La
réalisation du procédé a demandé 3 ans de recherche
(1990/1993), 2 ans d'industrialisation (1993/1995) et 100 millions de francs
d'investissements.
Deuxième étape. La diffusion
. Le
procédé s'intercale entre la prise de vue, sous la
responsabilité unique du réalisateur local, et la diffusion par
satellite. L'organisateur de l'événement reste le maître
d'œuvre de l'organisation et du partage du marché publicitaire. Il
faut prévenir les annonceurs "terrain" qu'il y aura une publicité
virtuelle en plus à l'image. Il n'y a aucun obstacle juridique à
la mise en place de publicités virtuelles. Il suffit d'ajouter des
clauses aux contrats.
Perspectives commerciales
Le procédé offre un potentiel commercial considérable.
Deux utilisations sont possibles : on peut soit substituer une publicité
à une autre, en changeant la marque en fonction du public visé
(
Darty
en France,
Mars
en Grande-Bretagne,
Volkswagen
en
Allemagne, publicité en arabe , en japonais, ...), soit ajouter une
publicité ou un parrainage virtuel qui n'existait pas sur le site. Cette
forme est la plus prometteuse. Il est ainsi parfaitement possible
d'insérer des publicités virtuelles sur les surfaces des terrains
de football (le nom de la marque apparaît sur le terrain comme si le
gazon avait été tondu plus ras ou dans un autre sens.
Le procédé est une application commerciale nouvelle d'images de
synthèse, parfaitement adaptée aux changements de comportements
des téléspectateurs puisque la publicité est
intégrée dans l'image de l'événement, donc
inzappable
et adaptée au public visé.
Après 5 ans de travaux (1990/1995), le procédé
EPSIS
a été utilisé à quatre reprises en
1996. Dans trois cas sur quatre, il s'agissait de substituer des panneaux
publicitaires pendant une course automobile (tour d'Espagne, course
Mercedez/BMW en Allemagne, course du Castelet en France). Pour la
première utilisation en 1994, la publicité pour la bière
espagnole "
Águila
", visible sur le site et sur les écrans
espagnols, a été transformée en publicité pour la
bière "
Amstel
" sur les écrans T.V. des pays d'Europe du
Nord. Une autre utilisation a porté sur un tournoi de tennis.
Contrairement aux cas précédents, la publicité
modifiée en fond de court était en partie masquée par
l'image mobile du joueur. Cette opération, réalisée en
1996, a constitué une première mondiale. Elle a été
reconduite en 1997 avec, également pour la première fois au
monde, deux substitutions simultanées (publicité "Gaz de France"
sur le court en France, EMB -filiale de Gaz de France- sur les écrans en
Allemagne et "Gaz Metropolitan" au Canada).
Le procédé peut modifier la publicité sur les sites
eux-mêmes. En effet, si ces procédés se
développaient, on peut imaginer soit que les publicités sur le
site soient des publicités purement locales (pour un grand magasin, une
chaîne de meubles, ...), soit même que les stades redeviennent
vierges de toute publicité (conformément à l'idéal
olympique et la charte de Coubertin), puisque des publicités
commerciales virtuelles apparaîtraient à l'image sur
l'écran au moment de leur diffusion télé.
(*) La qualification de "publicité" ou de "parrainage"
est
débattue. Voir, sur ce point, le chapitre III C, p. ...
Les annonceurs reconnaissent tout l'intérêt de la technique qui
permet un ciblage plus fin, par pays et par zone, mais il y a encore des
réticences. Le marché du
sponsoring
sportif
représente néanmoins 15 milliards de francs en Europe. La
technique de substitution d'images va même pousser le marché
publicitaire en multipliant les annonceurs sur un même
événement. Le chiffre d'affaires réalisé en 1997
est de l'ordre de 10 millions de francs, dont la
quasi
totalité
à l'exportation. SYMAH Vision pense récupérer ses
investissements en 3 ou 4 ans.