b) Applications
Les applications des images de synthèse peuvent porter
sur des projets d'aménagement en zone rurale ou en zone urbaine, sur des
études d'impact ou de tracé, sur la réalisation d'ouvrages
d'art (routes, ponts), ou sur l'aménagement d'un quartier ou d'un
immeuble. Matra Cap Systèmes a développé un outil
spécifique de "géographie virtuelle" pour l'étude d'impact
des pylônes à haute tension, dit
"Evelyne"
(évaluation visuelle de l'esthétique des lignes). Le
système permet de mélanger l'image de terrain et le projet
d'implantation de pylônes. Électricité de France a
déjà acheté dix stations de travail : le coût
unitaire se situe entre 200 et 350.000 francs.
Concernant le coût et le délai, tout dépend de la
disponibilité des images... Lorsque l'image n'existe pas, il faut
d'abord recueillir les données, commander les images SPOT ou un passage
aérien, il faut compter environ un mois. Dès que les
données existent, la production de modèle numérique de
terrain (MNT) de base (représentation en fil de fer + texture) est
réalisée en quelques heures : la finition, avec prise en compte
des maisons, routes, pylônes..., demande une semaine.
Cette technique devrait être plus répandue. D'une part, ce qui
coûte cher, c'est la confection des bases de données. Les enjeux
sont importants et les Américains, pour contrer le satellite
Hélios
, envisagent un satellite civil à haute
résolution qui permettrait de réduire considérablement le
coût des images en vendant des MNT sur Internet.
D'autre part, pour tous les projets touchant l'environnement, la phase
d'études est la plus importante. La technique ancienne de photomontage
permettait de se rendre compte de l'aspect visuel, mais n'avait aucun
caractère scientifique, et était parfois contre-productive car le
mot de "montage" renvoyait à l'idée de manipulation. La
modélisation est un outil d'aide à la conception, à la
concertation et à la décision.
L'image de synthèse peut aussi être utilisée pour des
opérations d'aménagement ou de grandes opérations
d'urbanisme.
Encadré n°6
" L'IMAGINIÉRIE ROUTIÈRE "
OU L'UTILISATION DE L'IMAGE DE SYNTHÈSE DANS UN PROJET ROUTIER
Pour apprécier l'adéquation d'un projet routier
ou autoroutier, on a eu recours depuis fort longtemps à des maquettes
physiques ou des photomontages ; il est possible aujourd'hui de faire appel
à de l'imagerie de synthèse et à des maquettes virtuelles
interactives.
Les maquettes virtuelles
La maquette virtuelle part d'un
modèle numérique de
terrain
(MNT) que les techniques de visualisation permettent
d "'habiller ", donnant ainsi un rendu fidèle de la
topographie du terrain naturel du paysage. Les éléments du projet
sont pris en compte de façon analogue. Il est alors possible de
visualiser ce que sera le projet réalisé : on dispose ainsi de
"photomontages" sur écran, qui peuvent naturellement être
transférés sur papier et de moyens de restitution "3D" qui
peuvent atteindre la même précision géométrique que
les plans traditionnels. C'est l'art de l'infographiste (choix des textures et
de l'habillage) qui donnera le degré plus ou moins affiné de
réalisme visuel : le dosage idéal doit se situer aux alentours de
80 % de géométrie et de 20 % de sens artistique.
La croissance continue des capacités des calculateurs
spécialisés autorise maintenant l'interactivité de
l'imagerie de synthèse ; les images correspondant à des points de
vue variés peuvent être affichées à l'écran
en temps quasi réel et il est ainsi possible de se "déplacer dans
l'image du projet et du paysage. On aboutit ainsi à une véritable
simulation et, de cette façon, on peut "conduire" sur une
infrastructure
virtuelle, au volant d'une voiture virtuelle que l'on transforme
instantanément en hélicoptère pour passer sous un viaduc
ou sur un tunnel.
Les utilisations
La première utilisation est d'ordre technique. La simulation
permet de valider les options, d'optimiser certains aspects du tracé, de
comparer des aménagements paysagers, d'affiner les implantations de
signalisation ou d'équipements de sécurité,
d'étudier la répartition des flux de circulation aux abords des
gares de péage. . Elle constitue de ce fait un outil
supplémentaire à la disposition du projeteur. Elle peut
également être couplée à des postes de conduite
automobile reproduisant les mouvements et les réactions des
véhicules pour l'apprentissage de la conduite
La seconde utilisation concerne la concertation : la simulation permet de
présenter le projet de manière plus directement
compréhensible qu'un dossier de plans et de profils. La situation est
ainsi à la portée de tous et permet l'utilisation d'un langage
commun. Les différentes options peuvent être exposées et
débattues, depuis les variantes importantes jusqu'aux détails
d'aménagement. Des exemples récents montrent que ce type de
simulation est un outil de concertation très efficace.
Limites
La simulation interactive est encore une technique relativement onéreuse
: un ordre de grandeur de 0,5 à 1 million de francs doit être
envisagé par exemple pour monter et habiller la maquette virtuelle
(modèle de terrain et intégration de variantes de projet
où l'on respecte fidèlement la géométrie) d'une
zone de quelques kilomètres dont le coût de réalisation
serait de l'ordre de la centaine de millions de francs. Ces coûts sont
évidemment susceptibles de baisser compte tenu de l'évolution des
matériels informatiques spécialisés et de la
diversification des bibliothèques de logiciels accessibles, mais
resteront néanmoins relativement élevés, compte tenu de
leur faible durée d'amortissement : on assistera d'ailleurs plus
à une augmentation de la puissance qu'à une baisse spectaculaire
des prix.
Par ailleurs, la puissance de conviction de l'image est telle qu'il faut
éviter d'en profiter pour donner un caractère faussement
attractif à tel ou tel aspect d'un projet. Le risque étant de
susciter l'adhésion du public en annihilant l'esprit critique.
Encadré n°7
L'IMAGE DE SYNTHÈSE AU SERVICE DES GRANDES OPÉRATIONS D'URBANISME : L'EXEMPLE DE L'AMÉNAGEMENT DE LA DÉFENSE
L'aménagement de la Défense est une
opération d'urbanisme exceptionnelle par sa taille (plus de 800
hectares), sa situation géographique (aux portes de Paris), son type
d'aménagement (concentration d'immeubles verticaux, de bureaux ou
d'habitations), ses contraintes (perspectives architecturales dans l'alignement
des grands monuments de Paris, circulation...). Malgré ces
spécificités fortes, qui ne se trouvent réunies dans
aucune autre opération de ce type (l'aménagement de l'Ile Seguin
à Boulogne Billancourt qui sera la dernière grande
opération d'urbanisme de l'Ile-de-France de la fin du siècle, ne
concerne que 40/50 hectares), l'aménagement de la Défense permet
d'apprécier le rôle croissant des images de synthèse en
matière d'urbanisme.
La circulation automobile a été l'un des problèmes
techniques majeurs, dans la mesure où la Défense est aussi un
nœud de communication aux abords de Paris nécessitant des voies de
circulation sur plusieurs niveaux et la juxtaposition de voies rapides et de
voies de distribution. La fluidité du trafic a été
recherchée en 1992 au travers de la construction d'un très grand
échangeur souterrain fonctionnant sur le principe du vortex (processus
de tourbillonnement avec un vide au milieu).
Les outils traditionnels ne permettaient pas de rendre compte des projets
présentés. Les plans étaient vite incompréhensibles
en raison de la superposition de niveaux différents, les maquettes
étaient mal adaptées à des projets souterrains couvrant
une surface étendue. Il a donc été décidé de
travailler à partir d'images de synthèse.
La première étape a consisté à réaliser un
fichier informatique du site. Chaque hectare a été
repéré par 300 points, définis par leurs trois
coordonnées dans l'espace : localisation (x, y), hauteur (z), et mis en
mémoire. Le coût de fabrication d'un fichier varie de 720 F (pour
les sites de petite dimension) à 400 F l'hectare (pour les zones
supérieures à 140 hectares). Pour 850 hectares, le
coût a été de 340.000 F.
La deuxième étape a consisté à étudier un
projet précis. Le fichier fonctionne comme une bibliothèque dans
laquelle il est possible de puiser pour étudier tel ou tel secteur.
L'étude peut porter sur n'importe quelle partie, de n'importe quelle
taille. Le fichier représente le site actuel, qu'il peut être
possible de modifier à l'infini pour tester tel ou tel projet
architectural en 3 D. Ce travail peut être rendu en image fixe
2 D (tirage papier comme un plan) ou peut être exploré sur
commande sur écran. La navigation dans un projet architectural a un
coût de 50.000 F l'heure.
Le fichier informatique et sa traduction, l'image de synthèse, ont
été utilisés à deux reprises : une première
fois en 1992 pour l'aménagement d'un échangeur routier
souterrain, puis en 1994 pour l'aménagement d'immeubles (bureaux et
habitations) le long de l'autoroute A14. Jusqu'à présent, le
fichier a été utilisé à des fins purement
techniques, pour comparer des projets architecturaux, et non à des fins
de communication, la définition de l'image adaptée à un
usage professionnel étant insuffisante pour une présentation
grand public.