2. La conception et l'aménagement d'un site : l'image de synthèse au service de l'urbanisme et de l'architecture
De même que le prototype était une étape du processus de production industrielle, le plan et la maquette sont les outils actuels des grands travaux d'aménagement. La réalité virtuelle se situe dans le prolongement de ces techniques en apportant, là encore, des fonctions nouvelles.
a) Présentation
L'image de synthèse permet de montrer ce qui n'existe
pas encore mais qui peut être calculé. Les infrastructures, les
bâtiments, l'urbanisme, se prêtent parfaitement aux images de
synthèse puisque tout projet repose sur les plans, c'est-à-dire
des calculs et de la géométrie. L'image de synthèse permet
de montrer en 2 D ou en 3 D ce qui était
présenté jusque là sous forme de maquette et/ou de plan.
Le principe
Le principe est simple : la modélisation 3 D est la transcription
tridimensionnelle d'un objet dans un système informatique. Le travail de
base consiste à réaliser une "modélisation
numérique de terrain" (MNT). Chaque point dans l'espace est
repéré par ses trois coordonnées x, y, z (situation
géographique et hauteur). En reliant ces points on obtient un
modèle dit "fil de fer" que les techniques de visualisation permettent
d'habiller en dotant les facettes des textures adéquates, donnant ainsi
un rendu fidèle du paysage. Les éléments du projet sont
pris en compte de façon analogue. L'ensemble n'est plus
représenté sous forme de carte, mais constitue une maquette
virtuelle qui n'est plus un objet de carton ou de balsa, mais une
représentation graphique visualisable sur écran. La
modélisation est parfaitement adaptée aux études
d'aménagement puisqu'on peut modéliser un département, une
ville, un quartier, un ouvrage d'art ou un immeuble.
L'image de synthèse est l'aboutissement d'une chaîne de travail
entièrement informatisée où géomètres,
urbanistes, ingénieurs, architectes, designers... utilisent
quotidiennement des logiciels de calculs.
Naturellement, ce qui est possible au niveau général d'un
quartier l'est plus encore au niveau d'un immeuble, d'une usine, d'un magasin,
d'un musée, qui doivent faire face à des contraintes comparables
: construction, aménagement, esthétique, déplacement des
individus...
L'image de synthèse tend par conséquent à être
utilisée pour la réalisation de projets d'aménagement,
extérieurs et intérieurs, d'usines ou de bureaux. Car
l'aménagement intérieur se prête lui aussi parfaitement
à l'utilisation des images de synthèse, que ce soit pour tester
l'aménagement ou l'éclairage d'un musée, d'un sous-marin
ou d'un supermarché... Le cabinet OVUM cite notamment le cas d'une
nouvelle génération de supermarchés avec multifonctions
dans lesquels le client serait à la fois acheteur, gestionnaire (prise
en compte des rabais, tickets de réduction...), caissier... La
disposition des stands et des matériels a été
testée en réalité virtuelle.
Comparaison entre maquette virtuelle et plan papier ou maquette
objet
La maquette virtuelle sur écran présente des avantages majeurs
par rapport aux outils traditionnels de représentation, à la fois
dans la qualité de la représentation et dans la souplesse
d'utilisation. Quelques limites doivent néanmoins être
évoquées.
Une représentation complète et dynamique
Le premier avantage concerne le
contenu
de la
représentation. La maquette objet représente
nécessairement un objet physique. Certains projets se prêtent mal
à une représentation matérielle (aménagements
souterrains, très grandes surfaces...). Au contraire, la
modélisation s'applique à tout élément
matériel, mais aussi à des données abstraites, telles que
flux de circulation, déplacements de personnes...
La maquette virtuelle permet aussi de représenter un
projet
global
dans ses différentes composantes. Les projets d'urbanisme
sont de plus en plus complexes et associent des métiers de plus en plus
nombreux (architectes, urbanistes, paysagers, équipementiers ou mobilier
urbain). L'expérience montre que ces différentes corporations
éprouvent parfois quelques difficultés à travailler
ensemble pour présenter en commun un projet unique. La
modélisation et sa traduction par l'image font précisément
la synthèse des différents projets puisque chacun peut travailler
sur le même document, voir, suivre et comprendre les propositions du
voisin.
Le troisième avantage est de fournir une représentation
dynamique.
L'image de synthèse permet de
représenter l'évolution d'un projet dans le temps. Ainsi, des
logiciels de "vieillissement" des plantations permettent de visualiser
l'évolution d'un aménagement paysager dans les dix, quinze, vingt
ans..., y compris en fonction des saisons...
Une souplesse d'utilisation inégalable
Le premier avantage est
physique
. La maquette virtuelle tient sur
une disquette, alors qu'une maquette traditionnelle exige un espace pour sa
création, sa présentation, son stockage. Plus la maquette
physique est grande, moins elle est transportable.
Le deuxième avantage est que la maquette virtuelle n'a
pas
d'échelle
. Tout peut être représenté
à l'échelle de son choix, avec une vue aérienne globale ou
en circulant dans une rue, fut-elle souterraine.
Le troisième avantage est que la maquette virtuelle permet de
tester immédiatement
et
indéfiniment
des projets alternatifs, des options, des variantes. Le fichier de
base, qui forme la maquette de base, peut être modifié à
l'infini, permet de visualiser les étapes successives d'un projet, le
mélange entre infrastructures existantes et constructions à
venir...
Limites
Le facteur coût ne peut être évacué, mais
dépend des utilisations prévisibles. Quand une maquette est
conçue pour servir à étudier des projets complexes ou
très étalés dans le temps, le coût est relatif. Pour
donner un ordre de grandeur, une maquette (bois, plastique...) de
1 m
2
coûte environ 50.000 F. C'est le coût
d'une heure de navigation dans une maquette virtuelle sur 1 hectare.
Il peut également y avoir quelques déceptions par rapport aux
attentes. La maquette virtuelle reste aujourd'hui une image imposée,
avec une interactivité immédiate faible. Même si cela est
techniquement possible, l'opérateur ne peut pas encore, à sa
guise, modifier l'image comme s'il modifiait la taille d'une construction, la
largeur d'une voie ou d'un trottoir, les emplacements de panneaux... Toutes ces
opérations, réalisables en temps réel avec la
réalité virtuelle, restent encore inaccessibles ou demandent un
temps de calcul encore trop long pour pouvoir être
représentées instantanément. De surcroît, la
simulation reste dépendante des modèles et, par
conséquent, ne simule pas tout. Ainsi, le projet d'utilisation des
images de synthèse dans l'aménagement du Stade de France n'a pas
été mené à terme. Il s'agissait, à
l'origine, d'une étude sur le flux de circulation des spectateurs entre
l'entrée du stade et les sièges. Mais la relative lourdeur
d'élaboration des outils de simulation (entrée des
données), le manque d'informations et de modèles sur les
comportements précis des usagers et le coût de l'étude ont
arrêté le projet.
Enfin, les habitudes doivent être prises en compte. Les décideurs
d'aujourd'hui sont encore habitués aux maquettes classiques qui
permettent d'avoir une appréciation d'un seul coup d'œil. La
"navigation" dans l'image n'est pas aisée pour tout le monde. Les
projets présentés en images restent également un peu
abstraits pour beaucoup de responsables qui reconnaissent la performance
technologique du virtuel, mais sont rassurés par le réel.