2. La réalité virtuelle

a) Les éléments caractéristiques de la réalité virtuelle

L'image de synthèse est générée par ordinateur. La puissance de calcul de ces derniers a permis d'améliorer la qualité des images au point d'être saisissante de réalisme (ou de surréalisme). Mais l'image de synthèse reste une image, et celui qui la regarde en est le spectateur. Tout change lorsque celui-ci peut intervenir dans l'image, peut modifier les éléments 3 D dans la machine et, par conséquent, peut "commander" l'image qu'il voit. L'image cesse d'être une représentation pour devenir un lieu dans lequel on se déplace. Avec le virtuel, l'homme cesse d'être le spectateur d'une image pour devenir acteur dans l'image . L'image virtuelle repose sur la technique des images de synthèse, mais ajoute l'interaction.

Le passage au virtuel se caractérise habituellement par trois données propres à l'image : l'immersion dans l'image, la navigation dans l'image, l'intervention dans l'image (par l'intervention d'outils extérieurs).

L'immersion dans l'image

C'est la première caractéristique de la réalité virtuelle. L'immersion a été notamment recherchée à travers deux moyens : élargir l'écran ou rapprocher l'écran des yeux, ce qui permet de définir plusieurs types d'immersion :

L' immersion par la surface de l'écran. L'immersion de base, "d'entrée de gamme", est lorsque la personne est devant son écran. Il y a un écran, une souris, un ordinateur : c'est encore la solution courante. Mais un écran d'ordinateur ou de cinéma n'occupe qu'une très faible partie du champ de vision. Cet espace limité crée une distance avec le spectateur et, dès 1950, différentes techniques ont été mises au point pour occuper davantage le champ de vision de façon à ce que le spectateur se sente enveloppé -"pris"- par -et par conséquent dans- l'image. Les premières techniques ont consisté à élargir l'écran (l'écran panoramique-cinémascope occupe 18 à 25 % du champ de vision) jusqu'à 180°, voire 360° ( the cave , la caverne). L'utilisateur se trouve alors dans une bulle, ou plutôt un cube, entouré d'écrans les plus grand possibles. Cette technique, coûteuse, est réservée à des applications industrielles ou de démonstration 7( * ) . Pour les applications courantes, ce type d'immersion est le plus souvent réalisé avec un compromis de trois ou quatre écrans, disposés face à l'utilisateur.

L' immersion par la suppression de la distance. L'autre façon d'occuper le champ de vision, à l'opposé du gigantisme, est de rapprocher l'écran de l'œil. Il y a différents degrés d'immersion :

la lunette stéréoscopique , qui permet de voir en relief en utilisant un écran ordinaire. La lunette comporte un obturateur électronique qui cache successivement l'œil droit et l'œil gauche (jusqu'à 60 images par seconde sur chaque œil). L'image, envoyée successivement sur chaque œil, donne l'impression de relief ;

le casque de réalité virtuelle . Le casque supprime la distance par rapport à l'écran. La personne est immergée dans l'image. Des capteurs, sur le casque, permettent de faire évoluer l'image en fonction de l'orientation de la tête (voir ci-après). Dans ce dernier cas, l'image numérique aborde tout le champ visuel.

L'homme, à ce stade, est encore spectateur, mais entre dans un espace visuel comme dans une pièce. L'image reste, mais l'écran a disparu.

La navigation dans l'image

L'immersion ne sera totale que si le spectateur arrive à se mouvoir dans l'espace, dans l'image. Quand on avance dans une rue, une route, le paysage, l'environnement visuel change. Naturellement, le paysage et l'environnement restent identiques, mais c'est l'image qu'on en a qui évolue au fur et à mesure de la progression : on se déplace dans l'espace et l'image change. La technique du virtuel est identique et donne le même effet : l'image change et donne, à l'observateur, l'impression de se déplacer dans l'espace.

Cette modification s'opère par l'utilisation d'une manette ou d'une commande permettant d'avancer dans la maquette numérique qui modifie l'image en conséquence, en fonction du point de vue où l'on est censé se trouver dans le monde virtuel. Les techniques les plus modernes permettent également de modifier l'image sans commande expresse, par simple analyse des rotations de la tête ou des yeux (voir ci-après les périphériques du virtuel). A ce stade, l'homme cesse d'être un spectateur pour devenir acteur dans l'image .

L'intervention dans l'image

C'est le stade ultime de l'interactivité, lorsque l'homme modifie le monde 3 D à son gré, en temps réel, lorsque l'image du résultat est recalculée et que finalement , il crée, recrée ainsi un monde en images. Pour certaines applications, il peut être intéressant d'agir sur le monde 3 D, d'intervenir, de modifier l'image à son gré de faire bouger ou disparaître tel objet, d'en ajouter d'autres. Cette action peut avoir lieu par commande sur clavier (le symbole lié à la souris d'ordinateur est amené sur l'objet souhaité qui, dès lors, est "saisi" et prêt à être déplacé dans l'image).

L'autre forme d'intervention sur l'image passe par les "gants de capture" (voir ci-après) qui reproduisent sur l'écran les gestes de la main. A ce stade, l'homme a totalement cessé d'être un simple spectateur d'une image mais intervient directement dans le contenu de l'image, modifiable à son gré : l'homme est entré dans l'univers du virtuel .

Interactivité en temps réel et immersion suffisante sont les caractéristiques majeures de la réalité virtuelle 8( * ) qui permettent de la distinguer d'autres techniques voisines, elles aussi dérivées des images de synthèse.

Distinction entre réalité virtuelle et technologies voisines

 

Animation

CAO

Multimédia

Réalité virtuelle

Interactivité

limitée

limitée

limitée

totale

Immersion

non

non

non

oui

Plate-forme

station

station

PC

PC ou station

Délai de réaction

délai

délai bref

délai

temps réel

Source OVUM, Virtual Reality , 1995

Encadré n° 5

LE PASSAGE DE L'IMAGE DE SYNTHÈSE À LA RÉALITÉ VIRTUELLE

Image de synthèse = Image générée par ordinateur

La modélisation et le rendu graphique permettent de créer l'image d'un monde qui semble parfaitement réaliste. L'homme est spectateur de l'image sur un écran.

Image de synthèse + interactivité

L'image, aussi réaliste que possible dans le temps de calcul imparti,, répond aux ordres de l'utilisateur, qui manipule l'objet graphique sur un écran. L'homme cesse d'être spectateur, il devient acteur dans -et de- l'image sur un écran.

Réalité virtuelle = image de synthèse + stimulation des canaux sensoriels

En réalité virtuelle, l'utilisateur ne se limite pas à voir ou manipuler un objet graphique sur un écran, mais il peut aussi éprouver les sensations du toucher (par des mécanismes de retour d'effort), entendre les bruits. Les différents organes sensoriels (ouïe, vue, toucher) sont stimulés. L'écran a changé de fonction. Il n'est plus le support et un moyen de visualisation d'une image, mais devient " une fenêtre à travers laquelle on pénètre pour accéder à un nouveau monde " . L'homme entre dans l'univers du virtuel. Cette étape ultime où tous les sens sont sollicités est cependant encore inaccessible avec les techniques d'aujourd'hui.

Les développements futurs : les "univers virtuels"

Avec les univers virtuels, on quitte le seul domaine de l'image, c'est-à-dire de la simulation/stimulation visuelle, pour aborder la simulation/stimulation des autres sens. L'interactivité est développée et le réalisme des situations est total. L'image virtuelle n'est plus une simple illusion visuelle, mais peut être explorée, touchée grâce à des procédés de retour d'effort.

La multiplication des signaux peut faire croire à l'homme qu'il est dans un monde réel. " Un système de réalité virtuelle est la réalisation d'un monde qui n'a aucune réalité physique, mais donne à l'utilisateur, par excitation adéquate de tout son système sensoriel, une sensation avec l'impression parfaite d'être en interaction avec un monde physique " 9( * ) .

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