II. LA NÉCESSITÉ D'UN DISPOSITIF JURIDIQUE PLUS EFFICACE
Ce
dispositif s'est révélé insuffisant puisqu'il n'a pu
véritablement enrayer l'aggravation de la pollution en
Méditerranée.
Aussi, vingt ans après la mise en place, le système de Barcelone
méritait-il d'être adapté, d'une part afin
d'intégrer les avancées reconnues par la Communauté
internationale lors de la Conférence de Rio et, d'autre part, de
renforcer, à la lumière de l'expérience,
l'efficacité des mécanismes existants.
Les modifications proposées font l'objet de quatre conventions. La
première amende la convention pour la protection de la mer
Méditerranée contre la pollution. Les deux autres touchent
respectivement au protocole relatif à la protection de la mer
Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique et au
protocole relatif à la prévention de la pollution par les
opérations d'immersion effectuées par les navires et
aéronefs. Enfin, un nouveau protocole relatif aux aires
spécialement protégées est destiné à se
substituer au protocole qui avait déjà été
adopté en 1982 sur ce sujet.
Ces changements ne bouleversent pas l'économie générale du
système de Barcelone : même amendé, l'accord-cadre se
limite aux principes généraux tandis que les protocoles fixent
des obligations plus précises.
A. LES ADAPTATIONS À L'ACCORD-CADRE : LA PRISE EN COMPTE DES APPORTS DE LA CONFÉRENCE DE RIO
L'accord-cadre a déterminé (art. 16) les
conditions
dans lesquelles il peut être modifié : l'adoption
d'amendements requiert la majorité des trois quarts des pays signataires
de la convention. La conférence des plénipotentiaires s'est ainsi
accordée pour modifier seize des vingt-neuf articles de la convention et
pour introduire, en outre, dix nouveaux articles.
Les amendements adoptés sont de trois sortes. Les premiers prennent en
compte les développements intervenus dans le droit de l'environnement
depuis l'adoption de la convention en 1976. D'autres élargissent les
obligations de caractère général fixées par ce
texte. D'autres enfin, précisent l'organisation administrative et
financière des actions conduites par les parties contractantes.
1. La prise en compte des progrès du droit de l'environnement
Le droit
de l'environnement a connu, depuis la signature de la convention de Barcelone
-qui, on l'a rappelé, avait marqué une première
avancée- plusieurs progrès liés notamment à la
conclusion de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10
décembre 1982 et surtout à la Conférence des Nations unies
sur l'environnement et le développement (CNUED) réunie à
Rio en 1992. Ces acquis, ainsi d'ailleurs que les avancées, obtenus
à la faveur de la mise en oeuvre du Plan d'action pour la
Méditerranée, sont rappelés dans le préambule
-modifié- de la convention.
Les amendements intègrent principalement les grands principes reconnus
par la déclaration de Rio :
- le principe de précaution : l'absence de certitude scientifique
absolue de la nocivité d'un produit ne peut servir de prétexte
pour différer l'adoption de mesures efficaces pour prévenir la
dégradation de l'environnement ;
- le principe de " pollueur payeur " ;
- la réalisation d'études d'impact sur l'environnement lorsque
des activités par ailleurs soumises à autorisation menacent de
présenter de graves conséquences sur le milieu marin ;
- la mise en oeuvre des meilleures techniques disponibles et des
méthodes d'action les plus adaptées à la protection de
l'environnement.
2. L'extension des obligations de caractère général
Les
amendements élargissent les obligations existantes de quatre
manières :
- alors que les dispositions précédentes prévoyaient
principalement la prévention et la réduction de la pollution
liée aux navires, à l'exploitation du milieu marin ou aux
activités terrestres, la nouvelle rédaction envisage
l'
élimination
de ces formes de pollution, même si elle
nuance aussitôt cette obligation en précisant " dans toute la
mesure du possible " ;
- une nouvelle disposition prévoit l'obligation pour les Etats parties
de prendre les mesures nécessaires pour protéger et
préserver la
diversité biologique
du bassin
méditerranéen (art. 9A) ;
- un nouvel article reconnaît également un
droit d'accès
à l'information et à la participation du public
;
- l'article 12, dans sa formulation initiale, prévoyait que les parties
s'engageaient à coopérer pour élaborer des
procédures en matière de responsabilités et de
réparation des dommages liés à la pollution du milieu
marin " aussitôt que possible " ; la nouvelle
rédaction supprime cette dernière mention et reconnaît
ainsi que les conditions sont aujourd'hui réunies pour engager sans
délai la coopération dans ce domaine.
3. Des précisions de caractère administratif ou financier
La
dernière série de modifications vise à confier de
nouvelles responsabilités au secrétariat (assumé par le
Programme des Nations unies pour l'environnement) au regard notamment de
l'information du public. Elles prévoient par ailleurs trois autres
innovations :
- l'approbation d'un budget programme ;
- l'organisation d'un bureau composé des parties contractantes ;
- la possibilité d'admettre des observateurs aux réunions et
conférences des parties.
B. LES AMENDEMENTS AUX PROTOCOLES : LA DÉFINITION D'ENGAGEMENTS PLUS PRÉCIS ET PLUS CONTRAIGNANTS
1. Les amendements au protocole relatif à la protection de la Méditerranée contre la pollution d'origine tellurique
Les
amendements adoptés par la Conférence des
plénipotentiaires de Syracuse les 6 et 7 mars 1996 modifient de
manière substantielle le texte initial de ce protocole. Le recours
à une autorisation parlementaire, alors même qu'une telle
procédure ne s'appliquait pas au texte initial, traduit l'importance des
modifications dont certains touchent en effet directement au domaine de la loi.
Elles s'inspirent des grands principes fixés à la
conférence de Rio, comme en témoigne l'adjonction d'une nouvelle
annexe relative aux critères pour la définition des meilleures
techniques disponibles et de la meilleure pratique environnementale. Elles
prennent également en compte les dispositions du Programme d'action
mondial pour la protection du milieu marin contre la pollution due aux
activités terrestres, adopté à Washington en 1995.
Les amendements recherchent trois effets.
D'une part, ils visent à
élargir le champ des obligations
souscrites par les parties contractantes. Ainsi, alors que le protocole initial
distinguait dans deux annexes séparées les substances dangereuses
vouées à l'élimination et celles justifiant seulement un
effort de réduction, la nouvelle rédaction pose le principe
général de l'
élimination
des substances
tout
en précisant à l'annexe I les substances à éliminer
en priorité (en particulier les polluants organiques persistants, pour
l'essentiel produits dérivés du chlore -dont le DDT et la
dioxine-, les métaux lourds et leurs composés, les substances
radioactives, y compris leurs déchets si ceux-ci " ne sont pas
conformes aux principes de la radioprotection définis par les
organisations internationales compétentes en tenant compte de la
protection du milieu marin ", les cyanures et les fluorures).
En outre, la lutte contre la pollution ne s'applique plus seulement à la
zone maritime ; elle a été étendue à
"
l'ensemble des bassins versants
du territoire des parties
contractantes se déversant dans la zone de la mer
Méditerranée ".
De la sorte, la lutte contre la pollution s'applique à tous les rejets,
directs ou indirects, qui atteignent les cours d'eau-et leurs affluents- se
jetant dans la Méditerranée.
Les amendements visent, en second lieu, à
préciser les
méthodes d'action
. C'est ainsi que l'article 5 ne vise plus
seulement des programmes nationaux ou régionaux mais aussi des
"
plans d'action
", les premiers comme les seconds
contenant désormais des " mesures et des calendriers
d'application
".
Par ailleurs, au chapitre de la coopération scientifique et technique,
il est désormais prévu de promouvoir le
transfert des
technologies
de production propres.
En troisième lieu, les amendements posent aussi de manière plus
précise les
conditions de contrôle
des engagements
souscrits dans le cadre du protocole. Ainsi, au-delà du principe
d'autorisation déjà retenu pour les rejets dangereux, l'article 6
modifié prévoit la mise en place d'un
système
d'inspection
par les autorités compétentes afin de s'assurer
du respect de la réglementation et de la définition d'un
régime de sanction approprié.
Le régime de sanction est fixé dans le cadre de la
législation nationale : l'accord ne prévoit pas de sanction
à l'encontre des Etats qui manqueraient à leurs obligations.
Toutefois, la responsabilité civile d'un Etat pourrait être
recherchée si un dommage découlait de la non-exécution
d'un engagement ainsi contracté.
De manière plus générale, l'obligation est faite aux
parties contractantes de rendre compte tous les deux ans des mesures
adoptées, des résultats obtenus et, le cas échéant,
des difficultés rencontrées.
. Perspectives d'action
D'ores
et déjà les Etats membres se sont engagés dans le cadre
d'un " Programme d'actions stratégiques visant à combattre
la pollution due à des activités menées à
terre ", à éliminer avant 2005 les eaux usées des
villes et agglomérations urbaines de plus de 100 000 habitants et
à réduire de moitié, d'ici 2005 (et à
éliminer avant 2010) le rejet dans les fleuves et en mer de douze
composés toxiques persistants et non biodégradables dont le
protocole fixe la liste. Ce programme rend ainsi véritablement
contraignants les engagements prévus par le protocole de 1976.
Le programme d'actions stratégiques prévoit d'autres types
d'initiatives :
- la mise en place dans les villes de plus de 100 000 habitants de
systèmes de collecte, réduction à la source et
élimination des déchets solides urbains conformes aux normes
écologiques ;
- l'élaboration prochaine d'une " stratégie
méditerranéenne de gestion des déchets
dangereux " ; ceux-ci, en effet, apparaissent trop souvent
mélangés à des eaux usées municipales ou à
des déchets solides, stockés dans de mauvaises conditions de
sécurité ou encore éliminés à la suite
d'opérations d'immersion illégales -le protocole tellurique
précise du reste, quatorze secteurs d'activités industrielles
où la réduction de la pollution constitue une priorité.
Ce programme d'actions stratégiques a été
élaboré sur la base d'un inventaire, pays par pays, des sources
de pollution tellurique, afin de mieux dégager les actions prioritaires.
.
Un ordre juridique national conforme aux obligations du
protocole
La ratification des amendements n'appellera pas de modifications de notre
législation sur l'eau ou en matière d'" installations
classées " et de déchets. En effet, la loi n° 92-3 du 3
janvier 1992 sur l'eau soumet au régime d'autorisation ou de
déclaration les rejets dans les cours d'eau. Elle planifie la
réduction des pollutions par les programmes de travail des agences de
l'eau et généralise les schémas d'aménagement et de
gestion des eaux à l'ensemble des bassins versants français.
Quant aux produits et substances dangereux la réglementation
communautaire (principalement la directive 96/61/CE du 24 septembre 1996
relative à la prévention et à la réduction
intégrées de la pollution, et la directive 98/8/CE du 16
février 1998 relative aux produits biocides) anticipe sur les
obligations souscrites par les parties contractantes dans le cadre du protocole
amendé.
2. Protocole relatif à la prévention de la pollution de la Méditerranée par les opérations d'immersion effectuées par les navires et aéronefs
A
l'instar des amendements apportés au protocole précédent,
les modifications décidées, le 10 juin 1995, au protocole relatif
à la pollution en Méditerranée par immersion renforcent
les obligations des parties contractantes à un double titre : elles
posent le principe général d'interdiction de l'immersion et
d'interdiction absolue de l'incinération en mer.
.
Le principe général d'interdiction d'immersion
Les opérations d'immersion sont de manière générale
régies par deux grandes séries de textes :
- la convention régionale pour la prévention de la pollution
marine par les opérations d'immersion effectuées par les navires
et aéronefs, signée à Oslo le 15 février 1972 ;
- la convention mondiale sur la prévention de la pollution des mers
résultant de l'immersion des déchets, signée à
Londres le 29 décembre 1974, et la résolution sur
l'incinération en mer, adoptée à Londres le 12 octobre
1978.
Ces accords distinguent les déchets ou substances
considérés comme dangereux, interdits d'immersion à ce
titre, et les autres déchets ou substances jugés moins nocifs et
soumis à une obtention de permis.
Le protocole du 16 février 1976 s'inscrit dans ce cadre. Il
définit dans une annexe (I) les matières interdites à
l'immersion et dans une autre annexe (II) les substances et déchets dont
l'immersion est subordonnée à la délivrance
préalable d'un permis spécifique.
Toutefois, la nécessité d'un cadre juridique plus contraignant
s'est progressivement imposée. Ainsi, en 1990, pour la première
fois, une déclaration conjointe des ministres de l'environnement de la
mer du Nord a posé pour la première fois le principe
d'interdiction de l'incinération en mer à compter du 31
décembre 1994. La convention mondiale de Londres de 1972 a par ailleurs
été profondément remaniée en 1996 et reprend
désormais le principe de l'interdiction de l'incinération en mer.
L'évolution du présent protocole s'inscrit dans ce mouvement
général.
Le nouveau principe général de l'interdiction d'immersion inspire
les principales modifications apportées au présent
protocole :
- Le titre du protocole a été modifié afin de
compléter l'objectif de prévention par celui de
l'
élimination
de la pollution par opération
d'immersion ; de même, l'article premier précise que les
parties doivent prendre toutes les mesures appropriées non seulement
pour prévenir et réduire les opérations d'immersion, comme
cela était déjà prévu, mais aussi d'
" éliminer dans toute la mesure du possible " la pollution en
Méditerranée liée à de telles opérations.
- Le nombre de produits qui peuvent être immergés sous
réserve de la délivrance préalable d'un permis
spécial est réduit de sorte que la nécessité d'en
définir la liste dans le cadre d'une annexe ne s'impose plus. Ces
produits -dont ont été exclus tous les métaux
désormais frappés d'interdiction- sont
énumérés à l'article 4 modifié. Il convient
de signaler que parmi les différents produits visés
-matériaux de dragage, déchets de poisson, plates-formes,
matières géologiques inertes, navires- ces derniers devraient
entrer dans le régime général d'interdiction à
compter du 31 décembre 2000.
Il convient en outre de remarquer, au titre de l'élargissement du champ
des interdictions, que les immersions elles-mêmes sont entendues dans un
sens plus large et désignent non plus seulement le rejet
délibéré dans la mer des déchets ou le sabordage de
navires et aéronefs, mais aussi le " dépôt et
l'enfouissement délibérés".
Dans la mesure où les immersions sont soumises à un régime
d'interdiction ou, pour des cas limités, à l'octroi
préalable d'un permis spécial, le principe de la
délivrance préalable d'un permis général
prévu dans la précédente rédaction du protocole
pour toutes les substances qui ne figuraient pas en annexe, n'a plus lieu
d'être.
- L'article 7 pose le principe de
l'interdiction absolue de
l'incinération en mer
.
C. UNE AVANCÉE NOTABLE : LA RECONNAISSANCE D'AIRES PROTÉGÉES D'IMPORTANCE MÉDITERRANÉENNE
Les
modifications apportées au protocole relatif aux aires
spécialement protégées de la Méditerranée
ont revêtu, aux yeux des parties contractantes, une ampleur telle qu'elle
justifiait en fait la rédaction d'un nouveau protocole. Ampleur qui, du
reste, se signale moins par le nombre des amendements proposés que par
le
changement d'échelle
du niveau de protection reconnu
souhaitable. En effet, les zones protégées peuvent se trouver non
seulement dans les eaux territoriales mais aussi, désormais, en
haute
mer
. En outre, la nécessité d'une protection a
été reconnue dans de
nouveaux domaines
(biodiversité des espèces animales et végétales
sauvages).
Enfin, les ASPIM peuvent bénéficier d'une
reconnaissance
internationale
plus large que les aires spécialement
protégées.
.
Le dispositif de droit existant
Le premier protocole relatif aux aires spécialement
protégées de la Méditerranée a été
adopté en 1982 dans le cadre du Programme des mers régionales du
PNUE. Ce protocole invitait les parties riveraines de la
Méditerranée à créer des zones
protégées côtières et marines dans la largeur de la
mer territoriale et instituait un répertoire des aires
protégées, géré par le PNUE (le Centre de Tunis).
Les Etats signataires reconnaissaient ainsi une double
nécessité :
- préserver pour la zone maritime, à l'exemple des initiatives
déjà entreprises sur le continent, les ressources naturelles,
d'une part, et les sites les plus remarquables et sensibles pour leur valeur
biologique et écologique, d'autre part ;
- coopérer entre Etats riverains pour parvenir à des approches
identiques en matière de gestion d'espaces marins et côtiers,
d'où la notion de réseaux d'espaces protégés,
points d'appui pour l'échange d'expériences, notamment en
matière de gestion.
Précurseur à maints égards, le protocole de 1982 a
constitué la première pierre d'un dispositif international
appelé à s'étoffer. Il a inspiré ainsi largement
les protocoles adoptés ultérieurement en Afrique orientale et
dans les Caraïbes. Toutefois, ces textes intègrent également
de nouvelles avancées en matière de protection de
l'environnement, principalement dans deux domaines. D'une part, ils prennent en
compte, au-delà de la préservation des aires marines et
côtières, la nécessité de protéger la
biodiversité des espèces animales et végétales
sauvages. D'autre part, ils étendent leur champ d'application à
la zone économique exclusive des 200 miles - le protocole de 1982
s'appliquait aux seules eaux territoriales des parties (12 miles).
Une mise à jour s'imposait. Elle a conduit à la conclusion d'un
nouveau protocole, le 10 juin 1995, complété le 24 novembre 1995
par trois annexes. Ce dispositif est destiné à se substituer au
texte de 1982.
Le protocole s'articule autour de quatre volets.
.
Le
premier volet
concerne la création d'aires
spécialement protégées. Il reprend les principales
dispositions du précédent protocole et les précise sur
certains points.
Les aires spécialement protégées ont pour objectif de
sauvegarder les écosystèmes marins et côtiers, leur
diversité biologique, ainsi que les habitats marins nécessaires
à la survie, la reproduction et la restauration des espèces
animales et végétales en danger.
Les aires se caractérisent par le renforcement des mesures de protection
(réglementation relative au passage des navires, à l'introduction
de toute espèce non indigène à l'aire spécialement
protégée, réglementation ou interdiction de toute
activité d'exploitation, de la pêche et de la chasse etc.). Elles
bénéficient en outre, en principe, d'un plan de gestion
destiné à fixer " le cadre juridique institutionnel ainsi
que les mesures de gestion et de protection applicables ".
.
Le deuxième volet innove avec la création des aires
spécialement protégées d'importance
méditerranéenne autrement dit " ASPIM "
Quand une zone présente un caractère particulier au regard de
l'environnement méditerranéen, elle peut entrer dans la
catégorie des aires spécialement protégées
d'importance méditerranéenne.
Les ASPIM présentent une double avancée par rapport aux simples
" aires spécialement protégées ".
En premier lieu, si elles peuvent naturellement porter sur des zones marines et
côtières soumises à la souveraineté ou à la
juridiction des parties -et couvrir en conséquence des zones
déjà logiquement déclarées " aires
spécialement protégées "- , elles peuvent aussi
concerner des zones situées en tout ou partie en haute mer. Cette
extension permet ainsi de surmonter l'obstacle que constitue l'absence de zone
économique exclusive en Méditerranée pour assurer une
protection efficace de l'environnement.
En second lieu, le statut d'" ASPIM " engage davantage la
responsabilité des Etats que celui d'" aire spécialement
protégée ". Tandis que la constitution d'une aire
spécialement protégée, même si elle est
encouragée par la présente convention, requiert une
procédure strictement nationale, l'inscription d'une zone sur la liste
des ASPIM suppose -après examen par le Centre d'activités
régionales pour les aires spécialement protégées-
un consensus des parties contractantes. Celles-ci approuvent également
les mesures de gestion applicables à la zone. La modification du
régime juridique ou la suppression de la zone requiert également
une " procédure similaire à celle observée pour sa
création et son inscription sur la liste ". Elle suppose en
conséquence une décision prise par consensus. En contrepartie,
les parties s'engagent à respecter l'ensemble des mesures de protection
de la zone. L'intérêt d'un tel engagement est évident, en
particulier pour les zones situées en haute mer. En outre, le plan de
gestion est communiqué aux organisations internationales
compétentes. La disposition vise principalement l'
Organisation
maritime internationale
(OMI) dont le siège se trouve à
Londres et cherche ainsi à sensibiliser, au-delà du cercle des
pays signataires, l'ensemble des pays parties à ces organisations, de
sorte que les bateaux du pays tiers doivent tenir compte eux aussi des
obligations que se seront assignées les parties riveraines.
.
Le
troisième volet
de l'accord porte, comme les autres
protocoles relatifs aux mers régionales, sur les mesures nationales
concertées pour la protection et la conservation des espèces
animales et végétales. L'annexe II du protocole définit la
liste des espèces en danger ou menacées.
.
Le protocole comprend enfin un
dernier volet
consacré au
renforcement du cadre institutionnel de coopération.
Chaque partie désigne un point focal national chargé
d'établir la liaison avec le centre d'activités régionales
créé pour les aires spécialement protégées.
Ces points focaux nationaux doivent en principe se réunir
régulièrement. Ils permettent d'harmoniser les démarches
en matière scientifique et technique pour l'application du protocole. Le
ministère de l'environnement représente pour la France, le point
focal national institué par le protocole.
Le présent protocole appelle deux observations complémentaires.
En premier lieu, la France a joint une déclaration interprétative
à l'instrument d'approbation de ce texte. Cette déclaration vise
à renforcer deux aspects importants du nouveau dispositif. D'une part,
elle cherche à insister sur la nécessité d'assurer la
reconnaissance internationale la plus large possible aux ASPIM en rappelant que
le protocole s'inscrit dans le cadre du programme d'action 21 de Rio et
notamment des principes prévus au point 17-30. Cette dernière
disposition rappelle en effet que les Etats, soucieux de remédier
à la dégradation du milieu marin, agissent sur le plan individuel
ou régional
et
dans le cadre de l'OMI. D'autre part, la
déclaration élargit le champ d'application de la règle du
consensus puisque, pour la France, le consensus doit également
prévaloir pour toute modification du plan de gestion d'une ASPIM.
En second lieu, les quatre Etats membres de l'Union européenne (la
France, la Grèce, l'Italie et l'Espagne) ont rappelé, dans une
déclaration conjointe annexée au protocole, que toute disposition
relative à la protection des espèces relève de la
Communauté européenne en vertu de la compétence exclusive
qui lui revient dans le domaine de la pêche.
En la matière, cependant, l'harmonisation des positions ne devrait pas
soulever trop de problèmes dans la mesure où la Communauté
européenne est partie à la convention.
.
Les perspectives de création d'aires
spécialement protégées d'importance
méditerranéenne en France.
Quel bénéfice notre pays peut-il attendre de l'institution
ASPIM ? Ce nouveau cadre juridique favorisera-t-il la création de
nouvelles zones protégées ? Dans ce domaine, la France a
déjà pris la mesure de la nécessité de
préserver les milieux naturels et les espèces qui y vivent. Cette
préoccupation s'est traduite en particulier par une politique de
réappropriation du littoral par la puissance publique sous les auspices
du Conservatoire du littoral et la création de parcs nationaux. Aussi,
le nouveau cadre juridique fourni par le protocole permettra-t-il surtout de
conférer une reconnaissance internationale à des initiatives
engagées indépendamment de la conclusion du présent
protocole. Certaines zones protégées du territoire national
pourraient dès lors être proposées comme ASPIM. Encore
devront-elles présenter un caractère véritablement
exceptionnel tant du point de vue de leur diversité biologique que de
leur importance au seins de l'écosystème marin. Le parc national
de Port Cros, la réserve naturelle de Scandola (Corse) -futur parc
national- pourraient répondre à ces conditions.
De même, dans un cadre bilatéral, la mise en place prochaine du
parc international marin dans les Bouches de Bonifacio entre la France et
l'Italie, pourrait-elle bénéficier de la reconnaissance
internationale apportée par les ASPIM.
A ce jour, toutefois, l'initiative la mieux à même d'entrer dans
la catégorie des ASPIM reste la création du sanctuaire pour les
mammifères marins en Méditerranée, créé par
la France de concert avec l'Italie et la Principauté de Monaco. Ce
sanctuaire a pour objectif de préserver les populations de
cétacés (1000 baleines et 25 000 dauphins) dans une zone comprise
entre la presqu'île de Giens, le nord de la Sardaigne et le sud de la
Toscane -soit quelque 83 000 km2 de superficie marine (y compris en
haute mer).
Les trois Etats ont pris dans le cadre de cet accord un double engagement :
- coopérer pour mieux connaître et surveiller l'état des
populations de mammifères marins et évaluer les risque auxquels
elles peuvent se trouver confrontées ;
- faire respecter, par leurs ressortissants et les navires battant leur
pavillon, plusieurs règles propres à permettre à ces
espèces d'évoluer normalement dans leur aire de
répartition (en particulier, l'interdiction totale, à compter du
1
er
janvier 2002, de l'utilisation et de la détention de
filets maillants dérivants). La coordination de l'action entre les trois
Etats incombera à un comité de gestion et à un organe
scientifique et technique au sein duquel les représentants des milieux
socio-économiques et les organisations non gouvernementales seront
associés aux scientifiques.
Par ailleurs, des discussions pourront être engagées avec
l'Espagne pour la création en continuité de l'aire
protégée dans le bassin corso-liguro-provençal d'un
sanctuaire pour les mammifères marins dans une zone sensible autour des
Baléares.