EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est aujourd'hui appelé à se prononcer en
deuxième lecture sur le projet de loi portant réglementation des
ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, qu'il a
adopté en première lecture le 10 juin 1999 et que
l'Assemblée nationale a à son tour examiné les 21 et
22 décembre 1999.
Ce projet de loi est destiné à mettre la réglementation
française des ventes volontaires aux enchères publiques en
conformité avec le droit communautaire, la France ayant fait l'objet
d'une procédure d'infraction engagée dès 1995 par la
Commission européenne à la suite d'une plainte
déposée par la société Sotheby's confrontée
au refus des autorités françaises de l'autoriser à
procéder à des ventes aux enchères publiques sur notre
territoire.
Il tend à supprimer le monopole légal des commissaires-priseurs
en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères
publiques, en confiant désormais la réalisation de ces ventes
à des sociétés de forme commerciale,
dénommées " sociétés de ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques ".
Ces sociétés pourront mettre en oeuvre certaines modalités
de vente jusqu'ici interdites aux commissaires-priseurs mais fréquemment
utilisées à l'étranger par les grandes maisons de vente
anglo-saxonnes. Cependant, sont maintenues des garanties assurant la protection
du consommateur nonobstant la disparition de celles qui étaient
liées au statut d'officier ministériel des commissaires-priseurs.
En effet, les sociétés de ventes, dont l'objet sera limité
à l'estimation de biens mobiliers et à l'organisation et la
réalisation de ventes aux enchères publiques, ne pourront acheter
ni vendre pour leur propre compte et seront soumises à l'agrément
d'un conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques,
autorité de surveillance déontologique du marché investie
d'un pouvoir de sanction disciplinaire.
Par ailleurs, le projet de loi organise l'ouverture du marché à
la concurrence européenne en application du principe de la libre
prestation de services.
Enfin, il prévoit une indemnisation du préjudice subi par les
commissaires-priseurs dont le monopole et le droit de présentation
seront désormais réduits au seul secteur des ventes judiciaires.
En première lecture, le Sénat a apporté de très
nombreuses modifications à ce projet de loi, notamment afin de
rechercher une plus grande libéralisation de l'organisation des ventes
et une juste indemnisation des commissaires-priseurs, suivant les propositions
de votre commission des Lois, saisie au fond, ainsi que des commissions des
Affaires culturelles et des Finances, saisies pour avis. Votre rapporteur tient
à cet égard à rendre hommage à la qualité du
travail réalisé par nos excellents collègues
Adrien Gouteyron, président et rapporteur pour avis de la
commission des Affaires culturelles et Yann Gaillard, rapporteur pour avis
de la commission des Finances, sur les aspects particuliers du texte concernant
respectivement, d'une part, le marché de l'art et, d'autre part, le
volet financier et fiscal de la réforme.
Cependant, l'Assemblée nationale, même si elle a adopté
conformes un grand nombre d'articles de caractère technique, est revenue
au texte initial présenté par le Gouvernement sur les
dispositions les plus importantes, ce qui amène votre commission des
Lois à vous proposer de rétablir pour l'essentiel le texte
adopté par le Sénat en première lecture pour les 31
articles sur 68 restant en discussion.
I. LES TRAVAUX DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
Lors de
l'examen du projet de loi en première lecture, votre commission des Lois
a constaté que la suppression du monopole des commissaires-priseurs et
l'ouverture à la concurrence du marché des ventes volontaires de
meubles aux enchères publiques s'accompagnaient, dans le texte
présenté par le Gouvernement, du maintien d'une
réglementation assez stricte de ces ventes dans le souci d'assurer la
protection du consommateur.
Tout en approuvant le maintien des garanties traditionnellement offertes au
consommateur français dans ce domaine, notamment en ce qui concerne la
qualification des personnes habilitées à diriger les ventes, elle
a considéré qu'il convenait de rechercher une plus grande
libéralisation et une simplification de l'organisation des ventes afin
de donner aux nouvelles sociétés de ventes les moyens d'affronter
dans des conditions satisfaisantes la concurrence européenne.
A son initiative, le Sénat a adopté un certain nombre
d'amendements poursuivant cet objectif.
A. UNE PLUS GRANDE LIBÉRALISATION DE L'ORGANISATION DES VENTES
Constatant que les
nouvelles modalités de vente
autorisées par le projet de loi risquaient de se révéler
inopérantes pour permettre aux nouvelles sociétés de
ventes françaises d'affronter la concurrence si elles restaient
enfermées dans un cadre réglementaire trop rigide, le
Sénat a adopté plusieurs amendements tendant à en
faciliter la mise en oeuvre, suivant les propositions conjointes de vos
commissions des Lois et des Affaires culturelles :
- à l'
article 8
, il a allongé de 8 à
15 jours le délai dans lequel pourrait avoir lieu la
vente de
gré à gré
d'un bien déclaré non
adjugé à l'issue des enchères, en précisant
toutefois que le dernier enchérisseur devrait être informé
de cette transaction qui ne pourrait se faire à un montant
inférieur à celui de la dernière enchère, ou, en
cas d'absence d'enchères, au montant de la mise à prix ;
- il a simplifié les
articles 11 et 12
qui permettent
aux sociétés de ventes de consentir à leurs clients des
garanties de prix
et des
avances
, en supprimant l'obligation de
recourir à un organisme d'assurance ou un établissement de
crédit, ainsi que la limitation du montant de l'avance à
40 % de l'estimation du bien.
De plus, le Sénat a pris en compte le développement actuel des
ventes aux enchères réalisées par l'intermédiaire
du réseau
Internet
. Afin d'éviter que l'incertitude
relative au régime juridique applicable à ces ventes ne leur
permette d'échapper à toute réglementation, il a
souhaité préciser explicitement que les ventes aux
enchères réalisées à distance par voie
électronique seraient soumises aux dispositions du présent projet
de loi (
article 2 bis
).
Par ailleurs, le Sénat a simplifié la réglementation
applicable aux locaux d'exposition et de vente (
article 6
) ainsi
qu'à la publicité (
article 10
). Il a en outre
assoupli la procédure applicable en cas de
défaut de
paiement
par l'adjudicataire, en rendant facultative la remise en vente
à la folle enchère de l'adjudicataire défaillant :
ainsi, celle-ci n'interviendra que sur la demande du vendeur, en l'absence de
laquelle la vente sera résolue de plein droit, sans préjudice de
dommages et intérêts dus par l'adjudicataire défaillant
(
article 13
).
Toujours dans un souci de simplification et de rapprochement avec les
règles applicables à l'étranger, le Sénat a
proposé d'étendre à l'ensemble des actions engagées
à l'occasion des ventes de meubles aux enchères publiques la
limitation à 10 ans du délai de
prescription
prévue par le projet de loi pour les seules actions en
responsabilité civile, tout en précisant que le point de
départ de la prescription serait constitué par le fait
générateur du dommage, à savoir l'adjudication ou la
prisée selon le cas (
article 27
).
Pour ce qui concerne les
experts
, le Sénat a
précisé clairement l'absence d'obligation pour les
sociétés de ventes de faire appel à un expert
agréé si elles souhaitent s'assurer le concours d'un expert
(
article 28
). Il a limité l'étendue de la
responsabilité solidaire de l'expert agréé à ce qui
relève de son activité (c'est-à-dire l'estimation et la
définition des qualités substantielles du bien mis en vente),
cette responsabilité ne pouvant être mise en cause pour une faute
concernant l'organisation même de la vente (
article 30
).
Enfin, il a supprimé les sanctions pénales prévues par
l'
article 34
en cas d'infraction par un expert agréé
à l'interdiction d'acheter ou de vendre pour son propre compte, car
cette disposition aurait conduit à traiter plus sévèrement
les experts agréés que les sociétés de ventes, et
des sanctions disciplinaires sont déjà prévues dans cette
éventualité.