Les acquis du dispositif des zones franches urbaines (ZFU) doivent être préservés et consolidés
Les
zones franches urbaines créées en application de la loi du
14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance
pour la ville ont fait l'objet de nombreuses critiques de la part du
gouvernement, qui s'est appuyé sur les rapports de l'Inspection
générale des affaires sociales (IGAS), de l'Inspection
générale des finances (IGF) et de l'Inspection
Générale de l'administration (IGA) pour faire le bilan des zones
franches urbaines et des zones de redynamisation urbaine dans un rapport remis
au Parlement.
Votre rapporteur considère que
le dispositif des zones franches
urbaines constitue un outil performant pour permettre de développer
l'activité économique dans les quartiers
défavorisés
. Il souligne cependant que ce dispositif doit
s'inscrire dans le cadre d'un projet global porté par une commune.
L'environnement social et urbain constitue en effet un élément
déterminant dans le choix d'implantation des entreprises. L'inscription
de la zone franche dans un cadre global de la redynamisation du quartier et
dans un grand projet urbain de requalification de l'environnement permet
à la zone franche de produire un " effet de levier " et
d'améliorer la perception du quartier par ses habitants et
vis-à-vis de l'extérieur. Dès lors, la zone franche
participe d'un projet global qui prend en compte l'ensemble des dispositifs de
la politique de la ville. Il existe par exemple une forte
complémentarité entre les ZFU et les grands projets urbains,
puisque ceux-ci ont une vocation structurante qui permet de favoriser
l'intégration des nouvelles entreprises dans les villes.
Une remise en cause de l'efficacité des zones franches
Le
rapport du gouvernement met en valeur les phénomènes d'effet
d'aubaine et de fraude engendrés par le dispositif des zones franches
urbaines, et propose une moralisation du dispositif en vigueur pour en limiter
les effets pervers.
Le conseil interministériel sur la ville (CIV) du 2 septembre 1999 a
arrêté le principe de plusieurs modifications législatives
ou réglementaires qui devraient entrer en vigueur pour l'année
2000 :
- la notion d'emploi exclusif en zone franche urbaine sera
précisée afin d'éviter d'ouvrir droit à
exonération de charges sociales en cas de simple domiciliation de type
boîte aux lettres ou de rattachement fictif à un simple bureau
secondaire ;
- le droit à exonération de charges sociales et de taxe
professionnelle sera supprimé en cas de transfert d'une ZFU à une
autre, afin d'éviter le " nomadisme d'entreprises " ;
- un nombre d'heures minimum de travail hebdomadaire sera fixé pour la
comptabilisation des embauches ouvrant droit à application de la clause
d'embauche locale ;
- la création d'emploi et d'activité sera renforcée en
diminuant le taux d'exonération en cas de simple transfert afin de
limiter les effets d'aubaine et les déplacements d'entreprises
" chasseur de prime " ;
- le droit au régime de faveur ne sera pas ouvert en cas de licenciement
dans l'année précédant le transfert ou l'embauche en
ZFU ;
- une déclaration spécifique des embauches et sorties d'emploi
sera créée afin d'améliorer l'évaluation du
dispositif.
Le coût des zones franches urbaines : un élément important de l'évaluation du dispositif
Le
rapport remis par le gouvernement au Parlement souligne que "
le
coût des dispositifs d'exonération en ZFU et ZRU est en moyenne
relativement élevé, en particulier au regard des implantations
d'emplois dans les quartiers concernés
". Le rapport estime le
coût par emploi implanté à 220.000 francs dans les ZRU et
à 200.000 francs par emploi net implanté pour les ZFU, en
imputant au bénéfice du dispositif le tiers des emplois
implantés.
Votre rapporteur souhaite émettre des réserves sur les
modalités de cette évaluation, qui tend à remettre en
cause les zones franches du fait du coût élevé au regard
des résultats obtenus en terme d'emplois :
- l'évaluation est très incertaine, puisque le tiers des emplois
implantés sont considérés comme des créations
nettes. Or, les données statistiques disponibles ne permettent pas de
vérifier une telle proportion d'emplois
" délocalisés " ;
- les emplois maintenus ne peuvent pas être comptabilisés dans
l'évaluation. Or, ces emplois sont pris en compte pour évaluer
l'impact de la réduction du temps de travail sur l'emploi. Par
conséquent, le gouvernement sélectionne ses critères
d'évaluation selon des objectifs politiques ;
- l'évaluation ne prend pas en compte le coût social du
chômage et de la non-employabilité des personnes
bénéficiant d'un emploi grâce aux zones franches. Or, le
coût réel ne doit pas être évalué de
manière absolue, mais relativement au coût pour la
société d'un plus fort taux de chômage dans ces
quartiers ;
- le coût par emploi net implanté dans la ZFU n'apparaît pas
considérable par rapport au coût d'un emploi-jeune du secteur
public, qui est proche de 150.000 francs.
L'évaluation du coût par emploi net implanté dans les zones
franches ne permet donc pas de porter un jugement sur l'efficacité du
dispositif. De plus, votre rapporteur considère que la réussite
des zones franches ne peut être évaluée à l'aune de
ce seul critère.
Votre rapporteur souhaite en effet rappeler que
les zones franches ne
constituent pas prioritairement un outil au service de la création
d'emplois, mais vise au rééquilibrage de l'activité
économique en faveur des quartiers défavorisés
. En
conséquence, les délocalisations d'emplois vers les zones
franches participent largement aux objectifs visés par le dispositif,
dans la mesure où celles-ci ne résultent pas d'une
démarche de " chasseur de primes " à court terme.
Les critères de réussite de la zone franche semblent donc avoir
été modifiés par le gouvernement, qui souhaite
réduire les exonérations fiscales accordées pour les
emplois délocalisés en zone franche. Or, votre rapporteur
rappelle que les objectifs fixés par le gouvernement de l'époque
portaient sur la création de 7.000 emplois en cinq ans. Actuellement,
25.000 emplois nouveaux ont été créés dans
l'ensemble des zones franches.
Votre rapporteur dénonce donc l'évaluation des
résultats des zones franches, qui est basée exclusivement sur la
création nette d'emplois, et ne tient pas compte de la
multiplicité des objectifs recherchés, et considère que
cette approche marginalise la contribution des zones franches à la
politique de la ville.
Des conclusions tempérées par la disparité des résultats et les difficultés de l'évaluation du dispositif
Le
rapport du gouvernement souligne la forte disparité des résultats
selon les zones franches, et l'existence de problèmes liés
à l'offre foncière, qui détermine souvent les
possibilités d'implantation d'entreprises de plus de dix
salariés. Il indique également que l'impact de la zone franche
sur le maintien d'entreprises qui n'auraient pas pu survivre sans mesures
d'allégements fiscaux et sociaux, en particulier les commerçants
et artisans de proximité, n'est pas mesurable.
Le rapport note également que certaines communes ont
réalisé en 1997 et 1998 des aménagements pour favoriser
l'implantation d'entreprises dans leur ZFU, qui commencent à produire
leurs effets, et dont les résultats ne seront mesurables
qu'ultérieurement.
Concernant le coût des ZFU, il est précisé que
l'augmentation des recettes fiscales, aujourd'hui compensée par l'Etat,
pourrait également être prise en considération, puisque
" on peut considérer qu'une partie significative des
implantations par créations nettes d'entreprises se maintiendra en ZFU,
y compris après l'extinction du régime de faveur et sera source
de recettes fiscales supplémentaires durables pour les communes
concernées ".
La sortie du dispositif de zone franche
Votre rapporteur se félicite que le gouvernement n'ait pas souhaité remettre en cause l'existence des zones franches et ait assuré que les entreprises bénéficieront des exonérations jusqu'au terme défini par la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. Le gouvernement multiplie cependant les critiques du dispositif, sans aborder réellement la question de la sortie de celui-ci. Or, pour des entreprises industrielles dont l'implantation nécessite des investissements importants, la question de la sortie du dispositif peut s'avérer déterminante dans leur choix de localisation.
Les maires sont unanimes quant à la contribution des zones franches à l'amélioration des conditions de vie dans leur commune
Les
effets d'aubaine sont le propre de tout dispositif d'incitation fiscale
.
Selon les maires des communes où sont implantées les zones
franches, les cas de fraude mis en exergue par le rapport
présenté au Parlement constituent des cas isolés qui sont
en général rapidement identifiés. Les maires soulignent en
effet l'efficacité des contrôles de l'URSSAF et la vigilance des
communes qui souhaitent recueillir les bénéfices des
implantations d'entreprises, et n'ont donc aucun intérêt à
tolérer des situation de fraude ou de détournement du dispositif.
Les maires insistent également sur les conséquences positives de
la zone franche sur le désenclavement des quartiers, l'environnement
urbain, et l'image du quartier défavorisé.