II. LES CRÉDITS DU MINISTÈRE POUR 2000

Les crédits du ministère de l'emploi s'établissent, pour 2000, à 122,06 milliards de francs, soit une progression de 2,3 % par rapport à 1999, à structure constante.

Les dépenses du budget de l'emploi sont à hauteur de 8,1 % consacrées aux moyens de fonctionnement, et de 91,4 % aux dépenses d'intervention. Le montant des dépenses en capital n'est que de 561,78 millions de francs, soit 0,5 % de l'ensemble des crédits.

Le titre III comporte l'essentiel des moyens de gestion de la politique de l'emploi : il s'agit des crédits de fonctionnement du ministère du travail et de l'Agence nationale pour l'emploi, qui s'élèvent à 9,95 milliards de francs.

Le titre IV regroupe les crédits du ministère consacrés aux mesures pour l'emploi, qu'il s'agisse de la formation professionnelle, de l'insertion des jeunes, des aides apportées aux publics en difficulté ou de la lutte contre le chômage. Ces crédits s'établissent à 111,54 milliards de francs.

Le titre V retrace les investissements pris directement en charge par l'Etat. La dépense concerne presque exclusivement les services déconcentrés. 74,3 millions de francs sont inscrits sur ce titre.

Le titre VI retrace les subventions d'investissement accordées dans le cadre des contrats de plan Etat-régions, ainsi qu'à l'AFPA 5( * ) et à l'ANPE 6( * ) soit 487,48 millions de francs.

III. LA CONJONCTURE ET L'INTERVENTION DE L'ÉTAT EXPLIQUENT L'AMÉLIORATION DE LA SITUATION DE L'EMPLOI

A. L'AMÉLIORATION DE LA SITUATION DU MARCHÉ DU TRAVAIL

En termes quantitatifs, l'amélioration de la situation de l'emploi est indéniable, et votre rapporteur spécial s'en réjouit.

Selon une étude récente de l'INSEE 7( * ) , le nombre de chômeurs a diminué de 302.000 personnes en deux ans, depuis juin 1997. Selon la définition du BIT 8( * ) , la France comptait 2.932.000 chômeurs en juin 1999, soit un taux de chômage de 11,3 % de la population active. Les chiffres du mois de septembre font même état d'un taux de chômage de 11,1 %.

La croissance de l'emploi a débuté au milieu de l'année 1996, s'est amplifiée à la fin de l'année 1997 et s'est poursuivie en 1998, cette année ayant vu la création de 372.000 emplois. L'emploi a progressé de 1 %, soit 134.000 créations, au cours du premier semestre 1999.

Toutefois, cette amélioration de la situation de l'emploi résulte, en grande partie, d'une conjoncture économique favorable, et de l'intervention de l'Etat sur le marché du travail, par la création d'emplois non marchands.

B. UNE SITUATION QUI DEMEURE PRÉOCCUPANTE

En réalité, la situation de l'emploi, en France, demeure préoccupante, pour au moins trois raisons principales.

D'abord, les créations d'emplois non marchands sont nombreuses, en raison de l'objectif que s'est fixé le gouvernement de recruter, à terme, 350.000 emplois jeunes, le financement de 300.000 contrats étant d'ores et déjà prévu pour 2000. Un tel dispositif ne peut, bien-sûr, que contribuer à améliorer l'emploi des jeunes, traditionnellement plus touchés par le chômage.

En second lieu, il existe des catégories particulièrement fragiles, qui bénéficient de la bonne conjoncture économique, mais dans une mesure moindre que l'ensemble de la population active. Les jeunes, les salariés de plus de 50 ans, les chômeurs de longue durée, ou les salariés les moins qualifiés restent plus fragiles sur le marché du travail.

Ainsi, une récente enquête de l'INSEE a montré que les inégalités continuaient de s'accroître, alors que le phénomène bien connu aux Etats-Unis sous le nom de " working poors ", des personnes vivant en état de pauvreté alors qu'elles travaillent, prend de l'ampleur en France.

Enfin, et surtout, les " bons " chiffres de l'emploi mis en avant avec insistance par le gouvernement doivent être relativisés au regard des comparaisons internationales.

Alors que, selon l'OCDE, la France, en 1999, devrait afficher un taux de chômage de 11,3 % sur l'ensemble de l'année, ce taux s'établit à 10,1 % dans l'ensemble de l'Union européenne, à 9,5 % dans l'ensemble des pays européens de l'OCDE et à 7,1 % pour l'OCDE dans son ensemble. Quant aux Etats-Unis, leur taux de chômage devrait s'élever à 4,2 %.

Le tableau ci-dessous montre, du reste, que le chômage n'est pas un phénomène européen. Le Royaume-Uni devrait avoir un taux de chômage de 6,7 % en 1999, et les Pays-Bas de 3,9 %.

Le graphique ci-dessous montre que la situation de la France, comparée au plan international, devrait perdurer en 2000.

Un autre élément suscite l'interrogation de votre rapporteur.

Les chiffres du chômage reposent sur l'exploitation des statistiques relatives aux demandeurs d'emploi des catégories 1 (personne sans emploi, immédiatement disponible, qui recherche effectivement un emploi à durée indéterminée à plein temps) et 6 (demandeur d'emploi exerçant une activité occasionnelle ou réduite de plus de 78 heures dans le mois).

Il faut espérer que certains demandeurs d'emploi ne sont pas " sortis " des catégories 1 et 6 et reclassés dans les autres catégories (ce sont les radiations des fichiers de l'ANPE), afin de pouvoir afficher des statistiques de l'emploi flatteuses.

C. UNE POLITIQUE DE L'EMPLOI INAPPROPRIÉE

L'appréciation de la situation de l'emploi en France ne saurait être, et n'est d'ailleurs pas, seulement nationale. Des organisations internationales sont amenées, chaque année, à analyser ou à émettre un avis sur la politique de l'emploi conduite dans notre pays. Or, ces analyses ou avis sont loin d'être toujours flatteuses.

C'est le cas des institutions de l'Union européenne.

La Commission européenne a adopté, en septembre 1999, le Rapport conjoint sur l'emploi 1999 , qui repose sur une analyse des rapports de mise en oeuvre des plans d'action nationaux 1998 soumis par les Etats membres et des mesures prises au niveau national pour la mise en oeuvre des lignes directrices pour l'emploi de 1999. Il s'agit, par conséquent, de la première évaluation des résultats obtenus dans le cadre de chaque plan d'action national.

Le rapport comporte deux parties : la première offre une vue d'ensemble comparative des résultats des Etats membres en matière d'emploi ; la seconde présente la situation de l'emploi dans chacun des Etats membres de l'Union européenne.

La Commission européenne a ainsi établi les grandes lignes de l'emploi en Europe, dont l'évolution est favorable.

Elle estime notamment que " les résultats de l'Union européenne dans son ensemble en matière d'emplois s'améliorent, mais les progrès sont variables suivant les Etats membres ". En effet, en 1998, l'UE a atteint un taux de croissance de 2,9 % et engendré 1,8 million d'emplois. Pour la première fois depuis 1990, l'emploi a progressé dans tous les Etats membres, " bien que cette augmentation ait été pratiquement négligeable en Allemagne ". La croissance de l'emploi dans l'UE s'est ainsi accompagnée d'une diminution constante du chômage qui est tombé à 9,9 % de la main-d'oeuvre en 1998, cette tendance se poursuivant en 1999.

Toutefois, la Commission européenne se montre assez critique sur plusieurs aspects des politiques de l'emploi.

Elle souligne notamment que " d'importants défis structurels persistent sur les marchés du travail des Etats membres ". Le taux d'emploi dans l'Union reste faible : avec 61 %, il accuse toujours un retard considérable par rapport à celui de nos principaux partenaires commerciaux, les Etats-Unis et le Japon, le faible taux d'activité concernant en particulier les femmes jeunes et les personnes d'un certain âge. Quant au chômage de longue durée, il " reste un problème persistant et grave, qui touche 5,2 millions de personnes en 1998 ".

La Commission formule d'autres critiques, en particulier : la lenteur de la réforme des systèmes d'indemnisation du chômage, l'absence d'objectifs et le manque de précision des initiatives visant à améliorer l'esprit d'entreprise.

La France ne se situe pas parmi les Etats européens ayant accompli le plus de progrès en matière d'emploi, en dépit d'un contexte économique très favorable.

La Commission européenne formule un
avis passable sur la politique française de l'emploi , dans les termes suivants :

" Le net décollage de la croissance économique observé en 1997 s'est poursuivi en 1998, avec une hausse du PIB de 3,2 % et une forte croissance de l'emploi atteignant 1,3 %. Bien qu'ayant augmenté, le taux d'emploi, à 60,8 %, reste en dessous de la moyenne de l'UE. Les taux d'emploi des travailleurs les plus âgés sont toujours particulièrement faibles. Le chômage (11,7 % en 1998) diminue, mais continue de dépasser la moyenne de l'UE. A 5,1 %, le chômage de longue durée reste élevé. Le chômage des jeunes a reculé, mais le passage de l'école au monde du travail demeure difficile.

Le plan d'action national français de 1999 poursuit et renforce la stratégie conçue en 1998. Il vise à augmenter le potentiel de croissance, à renforcer l'intensité d'emploi de la croissance et à faire profiter toute la population des bénéfices de celle-ci. Cependant, sur de nombreux sujets problématiques, tels que la participation des catégories les plus âgées, seule une première ébauche d'action a été entreprise et les mesures adoptées pour renverser la tendance anticipée ne sont pas encore suffisantes. Enfin, les problèmes rencontrés par les jeunes devraient être abordés de manière plus efficace ".


En clair, la croissance a été insuffisamment mise à profit pour réduire le chômage en France.

En outre, la Commission européenne se montre sceptique sur la pertinence des " bonnes pratiques " proposées par la France
au titre de la mise en oeuvre de son plan d'action national, à savoir la réduction négociée du temps de travail et la programme " Nouveaux services - emplois jeunes ".

En ce qui concerne les " 35 heures ", la Commission note : " Pour mesurer les retombées de la réduction du temps de travail sur l'emploi, il faut enregistrer les créations et les pertes d'emplois entraînées par la réorganisation des entreprises. le résultat net dépendra principalement de l'évolution des salaires et des gains de productivité et ne deviendra donc visible qu'à moyen terme. Il convient en outre de tenir compte du coût budgétaire des emplois créés ou préservés ".

Du reste, l'amélioration de la situation de l'emploi en Europe infirme la thèse du gouvernement français selon laquelle la réduction du temps de travail serait déterminante dans l'embellie du marché de l'emploi, notre pays étant le seul à emprunter cette voie.

S'agissant des emplois jeunes, elle estime qu'ils " ont contribué au recul du chômage des jeunes en 1998 " , mais que " la survie de ces postes, une fois qu'aura pris fin le soutien financier des pouvoirs publics, dépendra de la capacité du programme à générer des emplois économiquement viables ".

Le marché du travail au Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, le taux d'activité des personnes de 16 ans ou plus est sensiblement plus élevé qu'en France (63 % contre 56 %). Le taux de chômage y est au contraire plus bas (respectivement 7 % et 12 %). 49 % des personnes en France (y compris les militaires du contingent) et 58 % au Royaume-Uni (où la conscription n'existe pas) ont un emploi.



Avec, en toile de fond ces trois données, une étude de l'INSEE souligne que le temps partiel est " beaucoup plus répandu " au Royaume-Uni qu'en France, mais il y est davantage la conséquence d'un choix que d'une contrainte.

Le temps partiel est pratiqué au Royaume-Uni par " une personne sur quatre ayant un emploi, contre une sur six en France " , souligne l'institut dans un numéro d' INSEE Première intitulé Le marché du travail en France et au Royaume-Uni. La différence est forte pour les jeunes (32 % des jeunes actifs de moins de 25 ans ayant un emploi travaillent à temps partiel au Royaume-Uni contre 24 % en France) mais l'est plus encore chez les personnes proches de la retraite (32 % des actifs occupés de plus de 50 ans au Royaume-Uni contre 18 % en France). " Dans un pays comme dans l'autre " , poursuit l'INSEE, " les femmes, quel que soit leur âge, demeurent les plus concernées ". " Une grande partie des actifs qui travaillent à temps partiel au Royaume-Uni trouve peut-être dans cette forme d'emploi un moyen de concilier vie professionnelle et vie privée. De fait, une minorité occupe un tel emploi faute d'en avoir trouvé à temps complet " constate l'étude. Alors que le temps partiel est plus répandu au Royaume-Uni, la proportion des personnes ainsi employées, faute d'avoir obtenu un travail à temps complet, y est beaucoup plus faible : 12 % des personnes à temps partiel contre 31 % en France. Dans l'ensemble de la population ayant un emploi, la proportion de personnes occupées à temps partiel à défaut d'un temps complet est plus élevée en France : 5,1 % contre 3,1 % au Royaume-Uni. Quant au temps partiel correspondant au souhait de la personne ou à une impossibilité personnelle de travailler à temps complet, il est beaucoup plus répandu au Royaume-Uni. En particulier, 41 % des femmes britanniques exercent ce type de temps partiel contre 22 % en France.

" Contrairement à ce qui se passe en France, le taux de chômage des femmes au Royaume-Uni est moins fort que celui des hommes , et cela, quel que soit l'âge " , note l'institut.



" On peut tenter d'expliquer cette spécificité par différentes raisons telles que le système d'inscription au chômage et de son indemnisation en vigueur au Royaume-Uni, mais aussi la possibilité de trouver plus facilement un emploi par le biais du temps partiel " , poursuit l'étude. " En effet, la pratique du temps partiel - particulièrement répandue chez les femmes - pourrait faciliter le passage de l'inactivité à l'emploi " . La nature de l'emploi recherché par les chômeurs tend à confirmer cette dernière hypothèse. Pour obtenir un emploi, les chômeurs britanniques focalisent moins leurs recherches exclusivement sur un travail à temps complet. Ainsi, seulement 17,5 % de ces chômeurs recherchent uniquement un travail à temps complet (30,1 % des Français) et 13,9 % souhaitent exercer exclusivement un travail à temps partiel (contre 5,6 % des Français). Mais, qu'ils soient britanniques ou français, environ les deux tiers des chômeurs sont prêts à abandonner leurs exigences pour occuper un emploi, le plus souvent en s'orientant vers le temps partiel. Celui-ci semble ainsi représenter une alternative pour sortir du chômage , estime l'INSEE.

Au Royaume-Uni, l'emploi est moins concentré sur la tranche d'âge 25-54 ans : 73 % des actifs occupés se situent dans cette tranche d'âge contre 84 % en France. " Il y a ,à la fois, plus de jeunes ayant un emploi et plus de personnes de 55 ans ou plus qui continuent à travailler " , note l'INSEE. La séparation entre le monde du travail et celui des études apparaît par ailleurs plus nette en France qu'en Grande-Bretagne . Les Britannique qui suivent des études sont davantage présents sur le marché du travail que leurs homologues français. Il y a, au Royaume-Uni, à la fois davantage de personnes qui poursuivent des études initiales tout en travaillant, et davantage de personnes qui reprennent des études ou une formation ont un emploi, contre 6 % en France.

Autre caractéristique : au Royaume-Uni, les inactifs à la marge de l'activité sont beaucoup plus nombreux qu'en France. Les inactifs forment un groupe assez hétérogène qui comprend des étudiants, des retraités et des femmes au foyer, etc. Au Royaume-Uni comme en France, la majorité des inactifs (respectivement 85 % et 96 %) ne souhaitent ni ne recherchent un emploi. Les autres inactifs (2.558.000 au Royaume-Uni et 843.000 en France ) se trouvent en marge de l'activité, soit parce qu'ils cherchent ou souhaitent un emploi mais ne sont pas disponibles , soit parce qu'ils souhaitent travailler, sont disponibles, mais ne cherchent pas d'emploi. L'étude note que les inactifs à la marge de l'activité, disponibles et souhaitant un emploi mais n'en recherchant pas pour des raisons personnelles ou liées à leur appréciation du marché du travail, sont six fois plus nombreux au Royaume-Uni qu'en France .

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