II. LE GOUVERNEMENT SEMBLE POUVOIR SE PASSER DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ
Le ministre de l'emploi et de la solidarité avait affirmé son intention, dès son entrée en fonctions, de rénover le dialogue avec les professionnels de santé.
Deux ans et demi après, les relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé libéraux, notamment avec les médecins, sont dans une situation de blocage qui semble durable. La seule exception notable est le secteur du médicament : l'adoption par le Parlement, l'an dernier, d'un mécanisme permanent de taxation des entreprises pharmaceutiques les a, comme prévu, fortement incitées à conclure un accord global de régulation avec le Comité économique du médicament.
Parallèlement, contrairement aux dispositions de la convention d'objectifs et de gestion qui confient à l'assurance maladie la mission d'établir des relations conventionnelles avec l'assurance maladie, l'Etat négocie seul avec des représentants de certaines spécialités médicales des accord séparés, sous la menace d'une baisse des tarifs ou après avoir baissé unilatéralement leurs tarifs.
Le Gouvernement souhaite, dans le projet de loi de financement pour 2000, mettre fin en pratique au système conventionnel, et contribuer à l'éclatement des syndicats de médecins spécialistes.
A. LES RELATIONS CONVENTIONNELLES AVEC LA MAJORITÉ DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ SONT DANS UNE SITUATION DE BLOCAGE
Si plusieurs professions sont encore dotées de conventions, la vie conventionnelle et les dispositifs annuels de régulation afférents sont, soit inexistants, soit demeurent lettre-morte.
1. Les médecins généralistes : une convention sans dispositif de régulation
Par un arrêt du 3 juillet 1998, le Conseil d'Etat avait annulé la convention des médecins généralistes conclue entre l'assurance maladie et le syndicat MG-France et approuvée par l'arrêté interministériel du 28 mars 1997.
Une nouvelle convention a été conclue le 26 novembre 1998 entre les mêmes partenaires : elle a fait cependant l'objet du recours contentieux qui a conduit à son annulation partielle par le Conseil d'Etat le 14 avril 1999.
La principale mesure d'annulation a concerné le dispositif de régulation annuelle des dépenses des médecins généralistes : ce dispositif de reversements devait en effet recevoir des bases légales dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, mais il a été annulé à la suite d'un recours des parlementaires de la majorité sénatoriale et de l'opposition à l'Assemblée nationale (DC n° 98-404 du 18 décembre 1998).
La loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 instituant une couverture maladie universelle a validé les seuls actes individuels n'ayant pas le caractère de sanction pris en application de cette convention.
Certes, la vie conventionnelle entre la CNAMTS et MG-France n'est pas rompue : ainsi, un avenant n° 1 à la convention a été conclu au mois de mai 1999. Il institue une aide pérenne à la télétransmission des feuilles de soins, d'un montant de 40 centimes par feuille de soins télétransmise.
Les dispositions conventionnelles relatives au médecin-référent, elles aussi, sont maintenues.
Aux termes de la convention, le médecin référent est un médecin auquel les patients " abonnés " acceptent de s'adresser en première intention pendant une année. Ce médecin doit respecter une charte de qualité comprenant des garanties professionnelles et des engagements de compétence et de transparence.
Au titre des garanties, il doit assurer la permanence et la continuité des soins, respecter les tarifs conventionnels, pratiquer la dispense d'avance des frais, tenir le document médical de synthèse de son patient et prescrire des équivalents thérapeutiques.
Il doit également respecter un critère d'activité minimale et un critère d'activité maximale exprimé en nombre d'actes qui conditionnent, le premier, son entrée dans l'option, le second, son maintien et sont destinés à garantir une pratique favorable à la délivrance de soins de qualité.
Au titre des engagements de compétence et de transparence, le médecin doit participer chaque année à au moins une action de formation professionnelle continue comprenant un module d'évaluation de ses connaissances et de sa pratique.
Le patient s'engage à consulter en première intention son médecin généraliste référent et à choisir le médecin spécialiste correspondant en concertation avec celui-ci.
Ce dispositif n'a pas, pour l'instant, rencontré un vif succès auprès des médecins libéraux : au 15 août 1999, seuls 5.199 médecins généralistes avaient adhéré à l'option médecin-référent, et 191.373 patients avaient signé un contrat de suivi médical.
Les divers contentieux concernant la convention ont retardé la négociation d'une annexe annuelle à la convention fixant l'objectif de dépenses et les tarifs : les tarifs applicables en 1998 ont été reconduits, et aucun objectif n'a été fixé pour 1999. Surtout, même si un objectif avait été fixé, la convention généralistes ne comportant aucun dispositif tendant à assurer son respect, elle n'aurait pas eu d'impact sur le volume de dépenses réalisées.
2. Les médecins spécialistes : pas de convention, et un règlement conventionnel minimal partiellement annulé
La convention des médecins spécialistes conclue entre l'assurance et l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) et approuvée, le 28 mars 1997, a été annulée par le Conseil d'Etat le 26 juin 1998. Depuis, aucune convention n'a été conclue. Les relations entre les caisses et les médecins sont donc régies par le règlement conventionnel minimal pris par arrêté interministériel du 10 juillet 1998. Celui-ci a été modifié, au mois de juillet 1999, afin d'y introduire une aide à la télétransmission des feuilles de soins identique à celle qui a été prévue par l'avenant n° 1 à la convention des médecins spécialistes.
En l'absence d'instances paritaires, il n'y a pas de vie conventionnelle avec les médecins spécialistes. Et le Conseil d'Etat a annulé, au cours de l'été, une partie du règlement conventionnel minimal des médecins spécialistes.
3. La vie conventionnelle des chirurgiens-dentistes est bloquée depuis la décision ministérielle du 26 juin 1998
La convention nationale avec les chirurgiens-dentistes en vigueur depuis le 2 juin 1997 a marqué une étape importante dans l'évolution du secteur dentaire. Elle a permis, dans le cadre d'un objectif de santé publique et d'amélioration de l'accès aux soins, la mise en place de dispositifs innovants.
D'abord elle a institué un programme de prévention bucco-dentaire intégralement pris en charge par l'assurance maladie en faveur d'adolescents de 15 à 18 ans et prévoyant un examen annuel et, si nécessaire, des soins consécutifs.
Cette campagne de prévention a démarré le 1 er septembre 1998 et a concerné 1.250.000 bénéficiaires potentiels de 15 et 16 ans. Au 31 décembre 1998, le taux national de participation de ces adolescents s'élevait à 29,6 %.
Ensuite, la convention avait prévu une revalorisation de la nomenclature en ce qui concerne les soins conservateurs. Elle devait intervenir en trois étapes.
Deux de ces étapes de revalorisation de la nomenclature ont été mises en oeuvre au 1 er juillet 1997 et au 1 er janvier 1998. Mais la troisième a été suspendue par un arrêté ministériel du 26 juin 1998 pris dans le cadre d'un plan de mesure de maîtrise des dépenses ambulatoires.
Enfin, la convention fixait des honoraires de référence pour les prothèses les plus courantes
En matière prothétique, la convention a ainsi prévu trois tarifs plafonds qui seraient rendus applicables concomitamment aux mesures de revalorisation de la nomenclature. Seule la première étape a été réalisée au 1 er juillet 1997. Les deux étapes suivantes, prévues au 1 er juillet 1998 et au 1 er septembre 1999, n'ont pas pu être appliquées compte tenu de l'arrêté ministériel du 26 juin 1998.
Cette mesure ministérielle a paralysé très fortement la vie conventionnelle tant au plan national que local durant tout le second semestre 1998 et le premier semestre 1999 se traduisant, conformément aux consignes syndicales, par un boycottage des réunions conventionnelles et du dispositif de prévention bucco-dentaire.
Votre rapporteur avait souligné, l'an dernier, le caractère inopportun de l'arrêté ministériel du 26 juin 1998. Il avait été pris, contre l'avis de l'assurance maladie, au motif d'une augmentation des dépenses qui n'était que conjoncturelle.
Depuis, la situation est bloquée : le président du syndicat signataire de la convention, la CNSD, a indiqué à votre rapporteur, lors de son audition, qu'il n'avait pas réussi à obtenir un rendez-vous avec le ministre depuis l'entrée en fonctions de cette dernière.
4. Les relations conventionnelles avec les sages-femmes menacées, en 1999, par un projet d'arrêté ministériel
La dernière convention nationale qui avait été signée le 20 janvier 1995 et approuvée par un arrêté du 31 mars 1995, faisait suite à un vide conventionnel de plusieurs années. Elle a concrétisé l'engagement de la profession dans le dispositif de maîtrise de l'évolution des dépenses de soins obstétricaux pris en charge par l'assurance maladie.
Or, le texte régissant les relations entre les caisses et les sages-femmes est arrivé à échéance le 2 avril 1999.
Sur proposition de la CNAMTS, considérant l'ancienneté de la rédaction du texte actuel, les partenaires ont souhaité, à l'unanimité, que la convention soit totalement revue et mise à jour. Plusieurs rencontres se sont tenues au début de l'année 1999.
Le projet de convention était en cours d'achèvement lorsqu'un projet d'arrêté de modification des dispositions de la Nomenclature générale des actes professionnels (NGAP) a été lancé dans les circuits décisionnels : il a été examiné par la Commission de l'assurance maladie de la caisse nationale le 9 mars 1999. Les sages-femmes ont fait alors savoir que ces modifications ne correspondaient, ni à leur attente, ni aux négociations menées en Commission permanente de la NGAP, ni aux engagements ministériels vis-à-vis de leur profession.
Ce projet visait à revaloriser des actes essentiellement réalisés par les médecins et gageait le surcoût par les économies réalisées sur la préparation à l'accouchement, réalisée par les sages-femmes...
Les deux syndicats ont souhaité, dans ce contexte, suspendre les négociations conventionnelles et des entrevues ont été demandées aux pouvoirs publics.
Ce conflit qui opposait la profession au projet d'arrêté de modification des dispositions de la Nomenclature générale des actes professionnels concernant, notamment les actes de suivi des grossesses et d'obstétrique, a provisoirement cessé. En effet, suite aux protestations de la profession, le ministère a fait connaître qu'il retirait le projet précité pour sa partie concernant les sages-femmes, et que la modification de la nomenclature visant les actes de ces professionnelles serait réexaminée en Commission permanente de la Nomenclature dès la rentrée.
A l'issue des rencontres, qui ont donc pu reprendre en juin 1999, entre les caisses nationales et les deux syndicats représentatifs de la profession, les parties ont validé un projet de texte conventionnel.
5. Pas d'accord tripartite, en 1999, fixant l'objectif d'évolution des dépenses des directeurs de laboratoires d'analyses de biologie
Après l'échec des négociations tripartites entre les syndicats, les caisses et l'Etat, l'exercice 1999 a été marqué par l'absence d'accord tripartie fixant l'objectif opposable d'évolution des dépenses.
L'Etat a donc pris un arrêté de substitution baissant de 2,2 % la valeur des tarifs afin de récupérer une partie de la dette de la profession due au titre du dépassement de l'objectif 1998. Cette baisse est intervenue après le constat de l'illégalité du mécanisme de reversement prévu dans la loi de 1991 et dans la convention.
L'absence d'accord annuel a provoqué un vide conventionnel, aucun syndicat n'étant habilité à renégocier la convention parvenue à échéance, qui a été reconduite tacitement.
6. Echec des négociations tripartites entre l'Etat, l'assurance maladie et les cliniques en 1999
Depuis 1992, des négociations se déroulent chaque année entre l'Etat, les caisses nationales d'assurance maladie et les syndicats représentatifs des cliniques privées afin de fixer un objectif quantifié national visant à maîtriser les dépenses relatives à l'hospitalisation privée. Pour la première fois, en 1999, cette régulation macro-économique n'a pu être gérée de façon partenariale.
En effet, compte tenu notamment de l'importance du dépassement constaté au titre de l'exercice 1998, les négociations entre les trois partenaires n'ont pu aboutir. L'accord tripartite n'ayant pu être conclu, un arrêté interministériel, fixant les tarifs a été pris le 28 avril 1999.
Cet arrêté comporte deux parties, en fonction du statut juridique des établissements concernés :
• pour les établissements de santé privés entrant dans le champ de l'OQN, l'effet net sur les tarifs est de - 1,95 % à compter du 1 er mai 1999.
Ce taux intègre notamment :
- le dépassement 1998 (- 1,97 %),
- la reconduction d'un fonds d'aide aux contrats afin de permettre aux agences régionales de l'hospitalisation, dans le cadre des contrats d'objectifs et de moyens, d'accompagner les établissements répondant de manière pertinente aux besoins sanitaires de la population ainsi qu'aux conditions de sécurité et de qualité des soins (0,33 %),
- l'effet volume,
- la minoration temporaire des tarifs visant à financer une partie du dépassement 1998 (- 0,91%),
- la réintégration tarifaire temporaire au titre du dépassement 1997 (0,57 %).
• Les établissements anciennement soumis aux prix de journée préfectoraux subissent, quant à eux, un ajustement négatif de leur tarif de 2,05 % à partir du 1 er mai 1999.
Ce taux prend en compte :
- le dépassement 1998 (- 1,99%),
- l'effet volume (0,80 %),
- l'effet report des tarifs (0,33 %),
- la minoration temporaire des tarifs visant à financer une partie du dépassement 1998 (- 0,91 %).
Plusieurs recours contre cet arrêté ont été formés devant le Conseil d'Etat. Les établissements de santé privés qui les ont introduits invoquent notamment le fait que les objectifs quantifiés régionaux, qui devaient entrer en vigueur au 1 er janvier 1998, ne seraient pas mis en oeuvre.
Ce nouveau contexte s'est traduit par une restriction des relations entre l'assurance maladie et les représentants des établissements privés. En effet, l'accord national tripartite n'ayant pas été conclu, la commission nationale des contrats -qui vise, en tripartisme, à organiser les évolutions du secteur- ne s'est pas réunie au cours de l'année 1999.
7. En revanche, des avancées dans les relations conventionnelles avec les auxiliaires médicaux
L'année 1998 avait été marquée par des négociations tarifaires difficiles qui ont retardé la négociation des dispositifs de régulation des dépenses.
En effet, les auxiliaires médicaux attendaient des revalorisations plus importantes que celles qui leur étaient proposées, compte tenu du ralentissement de la progression de leurs dépenses en 1997.
En revanche, après cette période difficile, l'année 1999 s'est caractérisée par des avancées pour la majorité des conventions.
• Orthoptistes
La lettre-clef AMY a été revalorisée de 1,33 % en avril 1999. En outre, une nouvelle convention a été signée et approuvée par le ministère. Elle prévoit la négociation annuelle d'un objectif indicatif d'évolution des dépenses, fixé à 2,9 % en 1999. Si cet objectif n'est pas opposable et n'entraîne pas de reversement de la profession, son respect conditionne les revalorisations tarifaires de l'exercice suivant.
Les partenaires conventionnels ont également transmis à l'ANAES un référentiel de bonne pratique et décidé de la constitution d'un groupe de travail chargé d'élaborer un dispositif de suivi individuel de l'activité des professionnels, à l'instar de la convention des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes.
Par ailleurs, le programme de formation continue conventionnel fonctionne régulièrement : il permet à près d'un tiers de la profession de bénéficier chaque année de stages agréés par la commission paritaire nationale.
Enfin, l'inscription à la Nomenclature de la " rééducation de la basse vision " est à l'étude. Acte permettant aux personnes âgées de se maintenir plus longtemps à domicile, cette rééducation constitue une priorité de la Commission permanente de la nomenclature. Son inscription a fait l'objet de négociations préalables avec les représentants de la profession, afin que l'inscription ne provoque pas une forte hausse des dépenses.
• Orthophonistes
Trois avenants à la convention sont en cours de négociation.
Le premier viserait à instituer une aide à la télétransmission. Les parties sont d'ores et déjà d'accord sur le principe d'un forfait qui serait versé annuellement à chaque professionnel télétransmettant ses feuilles de soins.
Le second concerne le suivi de l'activité individuelle des orthophonistes. Toute activité atypique serait signalée par les caisses aux commissions paritaires départementales, qui pourraient entendre les professionnels concernés, et, le cas échéant, proposer aux caisses des sanctions.
La négociation en cours porte sur les critères d'une " activité atypique ".
Enfin, le troisième projet d'avenant est relatif à la formation continue conventionnelle.
• Infirmiers
L'objectif indicatif d'évolution des dépenses a été négocié à 2,9 % en 1999. Par ailleurs, une revalorisation tarifaire des actes techniques de 6 % a été accordée en 1999. Elle faisait suite à l'absence de revalorisation en 1998, alors que les infirmiers avaient respecté leur objectif d'évolution des dépenses.
Les arrêtés publiés en mars et les travaux en cours visent à revaloriser les actes techniques mal rémunérés ainsi que les soins spécialisés pour les malades lourds.
Les partenaires conventionnels préparent à l'heure actuelle la mise en oeuvre d'un " Projet de soins infirmiers ".
Ce projet, non encore approuvé par le ministère, répondrait à un double objectif
- revaloriser, par l'octroi d'une certaine autonomie vis-à-vis des médecins prescripteurs, le rôle propre des infirmiers dans l'évaluation de l'état de dépendance des personnes âgées ;
- assurer une transparence dans la prise en charge des séances de soins infirmiers (soins et hygiène) afin de recentrer les remboursements de l'assurance maladie sur des soins de qualité.
• Masseurs-kinésithérapeutes
Une revalorisation tarifaire de 1 % et un avenant relatif à l'aide à la télétransmission, sont en cours d'approbation ministérielle. Cet avenant vise à rémunérer le service rendu par les masseurs-kinésithérapeutes qui télétransmettent des feuilles de soins : pour 60 % de feuilles transmises, les professionnels recevraient un forfait de 1.800 francs.
En outre, constatant l'obsolescence de la NGAP datant de 1972, les partenaires conventionnels se sont mis d'accord sur la nécessité de réduire les volumes excessifs de certains actes en échange d'une revalorisation d'actes utiles actuellement mal cotés.
Cette refonte s'inscrit également dans le cadre de la réforme de la relation entre prescripteurs et prescrits, ces derniers devant disposer à terme de davantage d'autonomie pour déterminer le nombre de séances de rééducation adéquates à l'état des patients.
Cependant, la réglementation ne permettant pas encore la fixation du nombre de séances par les auxiliaires médicaux, la profession n'est pas en mesure d'assumer une totale responsabilité de l'évolution des volumes d'actes : la refonte de la nomenclature ne s'appuie donc pas encore sur un dispositif de régulation économique.
Les masseurs-kinésithérapeutes, dont les revenus individuels sont en baisse à cause de l'absence de régulation démographique, sont hostiles à une réforme à coût constant.
8. Enfin, l'institution d'un mécanisme de taxation automatique de l'industrie pharmaceutique a permis la conclusion d'un accord
Le Parlement a adopté, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, un article 31 instituant à titre permanent une contribution due par les entreprises pharmaceutiques en cas de dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
Cette taxe comporte plusieurs taux qui croissent très fortement avec le dépassement des dépenses par rapport à l'ONDAM, et comporte des effets de seuils massifs :
Taux d'accroissement (T) du chiffre d'affaires par rapport à l'ONDAM |
Taux de la contribution sur le chiffre d'affaires |
ONDAM < T ONDAM + 1 point |
0,15 % |
ONDAM + 1 point < T ONDAM + 2 points |
0,65 % |
ONDAM + 2 points < T ONDAM +4 points |
1,3 % |
ONDAM + 4 points < T ONDAM +5,5 points |
2,3 % |
T > K + 5,5 points |
3,3 % |
Le texte adopté par le Parlement a prévu que les entreprises conventionnées avec le Comité économique du médicament seraient exonérées du paiement de cette contribution, à condition que cette convention :
- fixe les prix de tous les produits de la gamme de l'entreprise ;
- comporte des engagements de l'entreprise portant sur le chiffre d'affaires de chacun des produits dont le non-respect entraîne, soit un ajustement des prix, soit le versement d'une remise.
Après que les pharmaciens d'officines ont conclu, l'an dernier, avec l'Etat, deux protocoles d'accords, un accord sectoriel a été signé le 9 juillet 1999 entre le Comité économique du médicament et le Syndicat national de l'industrie pharmaceutique. Il a vocation à couvrir la période 1999-2002.
Cet accord institue, afin d'assurer un meilleur suivi des dépenses de médicaments, un groupe paritaire de concertation. Son objectif sera, non seulement de garantir la régularité d'un suivi, mais aussi de mieux établir les conséquences des modifications de périmètre des dépenses remboursées et non remboursées au sein du chiffre d'affaires de l'industrie.
Un autre groupe de travail paritaire permanent aura pour mission d'étudier la progression du marché des médicaments génériques.
L'accord prévoit plusieurs engagements de l'industrie, dont la mise en oeuvre d'échanges informatisés d'informations avec les pouvoirs publics, l'élaboration d'une charte de qualité de la visite médicale et d'outils d'aide à la prescription permettant de favoriser un bon usage du médicament.
Du son côté, le Comité économique du médicament s'engage à ce que tout laboratoire dont le dossier d'enregistrement a reçu un avis favorable du CSP de l'Agence européenne du médicament puisse déposer immédiatement une demande de prix.
Surtout, l'accord comporte des dispositions importantes tendant à favoriser la maîtrise de l'évolution des dépenses.
Ainsi, le Comité économique du médicament fixera chaque année, sur la base de l'ONDAM soins de ville, des objectifs annuels d'évolution du chiffre d'affaires par catégorie de médicaments remboursables.
L'accord prévoit que, pour être exonératoires du versement de la contribution légale, les laboratoires devront individuellement s'engager, auprès du Comité économique, dans un système de remises : ces remises seront versées en cas de dépassement du chiffre d'affaires autorisé de l'entreprise, sans pouvoir excéder la moitié de ce dépassement, ou bien si l'évolution du chiffre d'affaires de l'ensemble des entreprises pour une classe thérapeutique de médicaments est supérieure à l'objectif fixé par le Comité économique en début d'année.
L'accord prévoit toutefois des diminutions des remises, notamment pour les entreprises qui mettent sur le marché des médicaments innovants ou qui fabriquent des médicaments génériques.
Il offre enfin la possibilité de transformer ces remises en déremboursement, sur proposition commune de l'ensemble des entreprises exploitant les médicaments concernés, ainsi qu'une possibilité de conversion en baisse de prix.
Il est bien évidemment trop tôt pour dresser un bilan d'application de cet accord, les conventions individuelles entre les laboratoires et le Comité économique du médicament qui en découlent étant en cours de négociation. Il en est de même pour le processus engagé par le ministère depuis le mois d'avril 1999 concernant la réévaluation des spécialités pharmaceutiques remboursées. Votre Commission regrette cependant la publication en amont de toute décision, dans le journal Le Monde, de résultats partiels de cette procédure de réévaluation.
B. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE CONSACRE, EN DROIT, LA FIN DES RELATIONS CONVENTIONNELLES GLOBALES
Au lieu de tenter de favoriser le dialogue conventionnel, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, en son article 17, définit un nouveau cadre pour ces relations conventionnelles, exclusivement comptable, et dans lequel rien n'est plus à négocier : l'ajustement se fait automatiquement, par des lettres-clés flottantes.
En outre, un amendement adopté à l'Assemblée nationale donne les bases légales à des accords purement sectoriels, par spécialité médicale : il s'attaque directement à l'existence même des syndicats de médecins spécialistes.
1. L'article 17 définit des conventions dans lesquelles plus rien n'est à négocier
L'article 17 procède à une réécriture complète des articles du code de la sécurité sociale qui définissent le cadre légal des relations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé : médecins généralistes et spécialistes, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, auxiliaires médicaux, infirmières, masseurs-kinésithérapeutes et directeurs de laboratoires privés d'analyses.
Alors que les dispositions en vigueur avaient été adoptées, profession par profession, en fonction de la spécificité des conditions d'exercice, l'article 17 prévoit, pour toutes les professions, un contenu identique de l'annexe annuelle conclue chaque année à la suite du vote de l'ONDAM par le Parlement.
Au lieu de promouvoir une maîtrise médicalisée des dépenses de santé, cette annexe annuelle ne jouera que sur les prix.
En effet, à partir d'un objectif fixé pour chaque profession (un objectif étant fixé pour les médecins généralistes, d'une part, et pour les médecins spécialistes, d'autre part) et correspondant aux dépenses remboursables au titre de leurs seuls honoraires, à l'exclusion des prescriptions, l'annexe fixe les tarifs correspondants.
Outre cette régulation des tarifs, l'annexe peut modifier, dans la limite de 20 %, les cotations des actes fixées par le pouvoir réglementaire : les partenaires conventionnels peuvent donc agir sur les deux déterminants des prix, les tarifs et la cotation des actes.
Votre Commission n'approuve pas cette intrusion limitée des partenaires conventionnels dans les cotations : elle estime que ces cotations doivent être intégralement fixées, soit par le pouvoir réglementaire, soit par les partenaires conventionnels. Chacune de ces solutions comporte certes des inconvénients, mais qui sont bien moindres que ce partage des rôles 80 %/20 %. Un des inconvénients majeurs de ce système est qu'il n'encourage pas l'adaptation permanente des cotations en fonction de l'évolution des pratiques et des techniques médicales.
Au-delà de cette action sur les prix, l'article 17 prévoit que tous les professionnels de santé libéraux pourront, à titre individuel, accepter de limiter leur volume d'activité en signant des " contrats de bonne pratique " : en contrepartie, ils bénéficieront d'un meilleur taux de prise en charge de leurs cotisations sociales par l'assurance maladie.
Les tarifs étant fixés par l'annexe annuelle conclue entre l'assurance maladie et les professionnels de santé, rien n'est pourtant définitif.
Le projet de loi prévoit en effet des rendez-vous au quatrième et au huitième mois, à la suite desquels, en cas d'augmentation des dépenses, les tarifs peuvent être modifiés.
Certes, la fiction de relations conventionnelles normales est maintenue : ce sont les professionnels eux-mêmes qui signeront, avec l'assurance maladie, les " annexes infra-annuelles " diminuant leurs tarifs.
Etant précisé que, s'ils ne signent pas, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et au moins une autre Caisse nationale auront l'obligation légale (cf. art. L. 162-15-2, II) de diminuer unilatéralement les tarifs.
Et si l'assurance maladie elle-même ne se soumet pas à cette obligation, ou si le Gouvernement juge que les mesures qu'elle a prises ou signées sont insuffisamment restrictives, c'est un arrêté ministériel qui viendra diminuer les tarifs.
Quelle marge d'action reste-t-il pour les partenaires conventionnels ? Quel syndicat de professionnels de santé acceptera de signer des tarifs qui pourront être modifiés au quatrième et au huitième mois de l'année ?
Et, si ces arguments ne pouvaient être compris par le Gouvernement s'agissant de professionnels libéraux, imaginerait-on qu'une entreprise puisse baisser ainsi les salaires de son personnel, aux quatrième et huitième mois de l'année en fonction de l'état conjoncturel de son carnet de commandes ?
De telles dispositions légales sont de nature à dissuader durablement les professionnels de santé d'entrer dans le jeu conventionnel.
2. En complément, un amendement adopté à l'Assemblée nationale s'attaque directement à l'existence des syndicats représentatifs de l'ensemble des médecins spécialistes
Une fois les professionnels de santé dissuadés d'entrer dans un cadre global de relations conventionnelles, il ne restait plus qu'à encourager la division en prévoyant la possibilité d'accords partiels.
Le Gouvernement s'est chargé, dans le texte initial du projet de loi, du premier volet. C'est l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Claude Evin, qui a pris la responsabilité du second.
Il a en effet légalisé la possibilité d'accords partiels, dans tous les cas, qu'une convention ait été ou non signée.
En l'absence de convention, l'assurance maladie et une organisation syndicale nationale de médecins d'une spécialité ou d'un groupe de spécialités médicales peuvent conclure un " protocole " comportant tous les éléments d'une annexe annuelle, les tarifs et les modifications de cotation des actes autorisées dans la limite de 20 %, ainsi que toute mesure de nature à garantir le respect de l'objectif.
Et, même lorsqu'une convention médicale est en vigueur, s'il n'y a pas eu d'accord sur le contenu d'une annexe entre l'assurance maladie et les syndicats de médecins spécialistes signataires, un tel protocole peut être conclu.
Du côté des médecins, ce " protocole-annexe " peut être signé :
- soit par un syndicat représentant une spécialité ou un groupe de spécialités adhérant à l'un des syndicats représentatifs de l'ensemble des médecins-spécialistes signataires de la convention... ;
- soit par un syndicat catégoriel appartenant à un syndicat représentatif de l'ensemble des médecins spécialistes non signataire de la convention.
Ainsi seraient attisées les rivalités entre grands syndicats représentatifs de l'ensemble des médecins spécialistes.
Ainsi seraient aussi ouvertes les surenchères et les rivalités entre les différentes spécialités.
Votre commission estime très dangereuse cette réforme qui contribuera à éloigner de façon durable les professionnels de santé libéraux du dialogue conventionnel avec les pouvoirs publics. Ni notre système public d'assurance maladie, ni d'ailleurs le Gouvernement n'ont à y gagner.