II. AUDITIONS

A. AUDITION DE M. PIERRE JOXE, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Réunie le mercredi 27 octobre 1999 sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a tout d'abord procédé à l 'audition de MM. Pierre Joxe, premier président de la Cour des Comptes, Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, et Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes , sur le rapport annuel de la cour consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale ..

M. Jean Delaneau, président, a souligné l'importance de l'audition annuelle du Premier président de la Cour des Comptes, sachant la mission qui est celle de la haute juridiction d'assister le Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il a indiqué qu'en application de l'article L. 132-3-1 du code des juridictions financières, la commission avait envoyé à la Cour un premier courrier le 19 mars 1999, demandant à la haute juridiction de recenser les freins ou obstacles s'opposant à une remise accélérée des comptes des organismes de sécurité sociale, et un second courrier, le 25 septembre 1999, sur le rapport de la Cour sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 portant sur l'impact effectif en 1998 des différentes mesures prises par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 et l'analyse de la décomposition définitive de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) 1998.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a observé que le rapport de la Cour rendu public le 15 septembre 1999 était le cinquième rapport rendu au Parlement sur la sécurité sociale et le deuxième rendant compte de l'application d'une loi de financement, en l'occurrence celle de 1998. Il a indiqué que la Cour avait réduit ses délais d'un mois par rapport à l'an dernier. Il a déclaré que la Cour n'avait pas seulement pour mission de contrôler les comptes, mais également d'évaluer les politiques publiques. Il a expliqué que la Cour s'attachait à suivre avec attention les suites données aux recommandations des rapports précédents. Il a précisé que 75 % des recommandations avaient été mises en oeuvre, ce qui constituait un pourcentage intéressant. Il a toutefois noté qu'une des recommandations de la Cour, particulièrement fondamentale, n'était pas mise en oeuvre. Il a ainsi regretté l'impossibilité de suivre l'application des lois de financement à travers les " grandeurs fondamentales de la loi " (objectifs de dépenses par branche, prévisions de recettes par catégorie, ONDAM).

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre de la Cour des Comptes, a présenté les thèmes abordés par le rapport 1999. Il a rappelé que la première partie de ce rapport était relative à l'exécution des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Il a indiqué que ses deuxième et troisième parties traitaient plus particulièrement de la gestion du risque maladie par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et de la politique de ressources humaines et de l'informatique des organismes de sécurité sociale. Il a ajouté que la quatrième partie de ce rapport présentait les résultats des travaux des comités départementaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale (CODEC).

Il a ensuite présenté les réponses écrites aux questions posées par la commission en mars et en septembre 1999.

S'agissant de l'impact des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, il a observé que la Cour disposait d'un faible délai, de l'ordre de quarante-huit heures, pour commenter les comptes. Il a considéré qu'un chiffrage des mesures avait néanmoins été réalisé dans le rapport pour toutes les mesures de loi de financement de la sécurité sociale, en dehors de la substitution entre contribution sociale généralisée et cotisations d'assurance maladie. Il a expliqué que ce chiffrage était très difficile à faire, l'année 1998 ayant été la première année d'entrée en vigueur du système RACINE, mis en place au niveau des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pour ventiler à la source les imputations comptables. Il a regretté que l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale n'ait pas été pour l'instant en mesure de présenter des comparaisons entre l'ancien et le nouveau système. Il a noté que le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale avait chiffré l'opération de substitution à un gain de 5,2 milliards pour les régimes d'assurance maladie.

S'agissant de l'ONDAM, il a noté que la Cour s'était fondée sur les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale de mai 1999, qui s'étaient révélées à peu près exactes. Il a considéré que le commentaire consacré à cette question dans le rapport de septembre 1999 restait valable.

Concernant " les freins à l'accélération de la remise des comptes ", il a rappelé que la construction des comptes de la sécurité sociale s'opérait en trois étapes. La première étape est marquée par la production des comptes des organismes de base. La seconde étape est constituée par l'élaboration, par la Direction de la sécurité sociale, des comptes de l'ensemble des organismes de sécurité sociale. La troisième étape consiste à construire les agrégats de la loi de financement de la sécurité sociale.

Il a considéré que la première étape, autrefois très longue, avait tendance à s'accélérer, au moins pour le régime général. Il a rappelé que les caisses nationales avaient eu, en 1999, six semaines d'avance sur le calendrier 1998. Il a constaté que les difficultés se concentraient désormais sur les deuxième et troisième étapes, puisque trois mois étaient nécessaires à la Direction de la sécurité sociale pour passer de la réception des comptes à la construction des agrégats de la loi de financement.

Concernant la mission interministérielle de réforme de la comptabilité des organismes de sécurité sociale (MIRCOSS), il a observé que les travaux de cette mission, placée sous la responsabilité de M. Alain Déniel, avaient pour objectif d'aboutir à l'adoption d'un plan comptable unique pour les organismes de sécurité sociale. Il a précisé que les propositions de la MIRCOSS seraient connues courant 2000. Il a expliqué que le plan comptable unique, ainsi que les moyens nécessaires pour suivre son application par les organismes de sécurité sociale, nécessiteraient des dispositions législatives, qu'il serait souhaitable de prendre dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001. Dans l'hypothèse où ces dispositions législatives seraient mises en oeuvre en 2001, il faudrait donc attendre 2002 pour pouvoir bénéficier de leurs effets. Il a précisé que la mise à disposition des comptes définitifs de l'année n-1 en mai de l'année n aurait probablement pour conséquence la présentation au début de l'été du rapport de la Cour des Comptes sur l'application de la loi de financement.

A la demande de M. Jean Delaneau, président, M. Gabriel Mignot a précisé que la commission des comptes de la sécurité sociale ne statuait pas sur ces comptes, mais prenait acte des comptes présentés par la Direction de la sécurité sociale. Il a précisé, en outre, que le compte tendanciel de l'année n + 1 présenté lors de la réunion de septembre de la commission des comptes de la sécurité sociale, recouvrait deux notions différentes : une évolution spontanée des comptes, mais également des anticipations quant aux mesures annoncées par le Gouvernement.

M. Claude Thélot, rapporteur général de la Cour des Comptes, a indiqué que l'année 1998 avait été marquée par le basculement de grande ampleur des cotisations d'assurance maladie vers la contribution sociale généralisée (CSG). Il a noté que ce basculement s'était effectué dans de bonnes conditions et que la structure du financement de la sécurité sociale avait été profondément modifiée. Il a précisé que le prélèvement sur les ménages avait été accru, en raison de la charge plus lourde pesant sur les revenus du patrimoine et sur les revenus de remplacement.

M. Claude Thélot a ensuite insisté sur les difficultés de l'information comptable de la sécurité sociale. Faisant référence aux propos de M. Déniel retranscrits en annexe du rapport de M. Charles Descours " Les lois de financement : un acquis essentiel, un instrument perfectible ", il a considéré que de véritables incertitudes pesaient sur les estimations d'excédents et de déficits, variant considérablement selon qu'elles étaient effectuées en encaissements/décaissements ou en droits constatés. Il a indiqué que si le système RACINE représentait un réel progrès, son effet immédiat avait été de diminuer la compréhension des comptes. Il a considéré que les comptes de la sécurité sociale se trouvaient " au milieu du gué " et que deux à trois années seraient nécessaires pour parvenir à de réelles améliorations. Il a considéré que l'opposabilité d'une information comptable d'une qualité moyenne posait problème. Il a insisté sur les moyens quantitatifs et qualitatifs indispensables à toute réforme dans le domaine de l'information comptable et statistique.

Il a considéré que les outils d'évaluation présentaient une problématique tout à fait similaire. Citant l'exemple de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES), il a estimé que de réels espoirs pouvaient être fondés sur cette agence, mais que du temps serait nécessaire pour que ses travaux prennent de l'importance.

M. Claude Thélot a présenté les grandes lignes du rapport 1999 sur l'assurance maladie. Il a expliqué que ce rapport constituait l'étape d'un travail d'ampleur de la Cour sur ce sujet, s'étalant sur plusieurs années. Il a indiqué que le thème abordé par le rapport 1999 était relatif au comportement, en tant qu'assureur, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Il a estimé qu'une réflexion sur un nouveau dispositif de relations entre les régimes d'assurance maladie et les professionnels de santé était nécessaire. Il a douté de la pertinence de reconduire le système conventionnel. Il a considéré que la CNAMTS n'effectuait pas une gestion du risque. Il a précisé que le régime des sanctions n'était pas adapté.

Abordant la troisième partie du rapport, il a indiqué que la Cour s'était intéressée à l'action sociale menée par les caisses du régime général. Rappelant que les dispositifs en vigueur avaient pour objectif de compléter les prestations légales, il a observé que la conciliation entre la nécessité, d'une part, de s'adapter à la situation particulière des assurés et, d'autre part, le principe d'équité minimale, était une question très importante. Il a noté que cette conciliation pouvait être atteinte par l'intermédiaire des conventions d'objectifs et de gestion signées entre l'Etat et les caisses.

Il a également abordé le problème de la gestion prévisionnelle des effectifs du régime général. Rappelant que 160.000 personnes étaient concernées, il a noté que les personnels devaient faire face à l'évolution extrêmement rapide du progrès technique et à la nécessité de répondre aux besoins des usagers. Il a expliqué que la sécurité sociale avait besoin de personnels qualifiés et d'une meilleure formation de ses agents. Il a regretté que la gestion prévisionnelle des effectifs soit quasiment embryonnaire.

M. Claude Huriet a demandé si la Cour des Comptes était en mesure d'évaluer les effets attendus des mesures inscrites dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale. Il a souhaité connaître le sentiment de la Cour des Comptes sur le système des points ISA, la notion de " région sous-équipée" en matière d'équipements hospitaliers et le rôle dévolu à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES).

Relevant l'observation de la Cour des Comptes selon laquelle l'inadéquation était grande entre l'état actuel des systèmes d'information de la CNAMTS et l'ambition de rendre opposables les données qu'ils produisent, M. Claude Huriet a considéré que le manque de fiabilité des informations disponibles expliquait pour partie le climat de défiance qui caractérisait les relations entre les professionnels de santé, l'Etat et la sécurité sociale. Il a jugé que le système envisagé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, dans lequel la CNAMTS modifiait tous les quatre mois les conditions applicables aux professionnels de santé, ne pouvait guère améliorer la qualité des relations entre les différents acteurs.

En réponse à M. Claude Huriet, M. Gabriel Mignot a rappelé que l'évaluation des effets attendus de mesures inscrites dans la loi n'entrait pas dans la compétence de la Cour des Comptes, laquelle était chargée d'assister le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que l'impact des mesures votées en loi de financement était analysé dans l'annexe b du projet de loi de financement de l'année suivante.

M. Gabriel Mignot a fait observer que le système de sécurité sociale traduisait une masse considérable d'informations, pas toujours de bonne qualité. Il a considéré qu'il n'était pas possible de concevoir un système où les enveloppes globales seraient l'agrégation des opérations individuelles. Il a souligné la nécessité de réfléchir à d'autres modes de relations contractuelles entre les professionnels de santé et la sécurité sociale.

M. Claude Thélot , rapporteur général, a dit partager l'analyse de M. Claude Huriet sur l'ANAES. Il a jugé que cet organisme accomplissait un travail de bonne qualité et qu'il convenait de le laisser poursuivre sa mission d'évaluation et d'accréditation, en prenant garde à ne pas multiplier les tâches qui lui étaient confiées. Evoquant la question des points d'indice synthétique d'activité (ISA), il a considéré que les fortes disparités entre hôpitaux au sein de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) nécessitaient une étude approfondie, que la Cour des Comptes s'apprêtait d'ailleurs à lancer. S'agissant de la répartition des dotations hospitalières entre régions, il a constaté l'extrême diversité des situations, et a souligné que les modalités concrètes de répartition des moyens ne favorisaient pas la réduction des coûts et la recherche d'une plus grande équité entre les régions.

M. Jean Chérioux a souligné à son tour la très grande diversité de situations existant entre les différents établissements de l'AP-HP. Il a craint une déstabilisation de certains services de pointe de l'AP-HP par l'application de la méthode des points ISA et s'est interrogé sur la pertinence de cet indicateur.

M. Jean Chérioux a considéré que la mission de la Cour des Comptes était difficile par sa nature même puisque l'appréciation portée sur l'impact des mesures votées conduisait souvent à émettre un jugement sur des décisions politiques approuvées par le Parlement.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Pierre Joxe a souligné qu'il était facile de faire l'évaluation d'une politique en comparant les résultats obtenus par rapport aux objectifs assignés et aux moyens affectés. Après avoir rappelé que la Cour des Comptes n'avait aucune légitimité à accomplir une autre tâche que ce qui lui était demandé par le Parlement, il a souligné que les études parfois controversées de la Cour, notamment celle portant sur l'allocation de garde d'enfant à domicile, s'étaient généralement bornées à constater que l'objectif affiché par le législateur n'avait pas été respecté.

M. Pierre Joxe a jugé qu'il y avait un travail important de pure comptabilité à accomplir en matière de finances sociales. Il a fait valoir que ces dernières étaient encore loin d'avoir atteint la qualité et la fiabilité des finances de l'Etat, en raison notamment de l'absence de normes. Il a considéré que le système était aujourd'hui hybride, puisqu'il reposait en partie sur la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances.

En réponse à M. Jean Chérioux, M. Gabriel Mignot a souligné qu'une étude sur la validité des points ISA constituait un travail comptable très complexe, qui nécessitait un examen détaillé et des moyens très lourds. Il a considéré que le problème soulevé par M. Jean Chérioux était réel et que la Cour des Comptes s'était pour le moment limitée à constater que les établissements de l'AP-HP étaient globalement mieux dotés que les autres.

M. Pierre Joxe a rappelé que les moyens de la Cour des Comptes étaient limités : cette juridiction ne comportait au total que 200 personnes dont 35 pour la sixième chambre en charge du contrôle des finances sociales.

M. André Vézinhet s'est félicité que la CSG soit allée dans le sens d'une plus grande justice sociale. Il a souhaité connaître les recommandations de la Cour sur la répartition de la dotation globale hospitalière entre régions et au sein même des régions. Notant que la Cour s'était prononcée en faveur du Programme de médicalisation du système d'information (PMSI), il a fait part de son expérience de vingt-cinq ans de président de conseil d'administration d'un centre hospitalier universitaire (CHU) : le PMSI est unanimement critiqué dans les CHU, la correction des points ISA ne s'avérant pas suffisante. Il a considéré que le véritable problème était de donner les moyens aux CHU pour développer leurs actions de recherche. Enfin, il s'est interrogé sur la possibilité, par la Cour des Comptes, de chiffrer les économies qu'apporterait le développement des actions de prévention des soins.

M. Gabriel Mignot a confirmé qu'il était tout à fait nécessaire de développer les actions de prévention. Il a regretté que peu d'études soient menées en France aujourd'hui sur le sujet. Il a reconnu que le PMSI était un outil perfectible, mais que ce programme représentait néanmoins un progrès par rapport à l'absence de toute unité de mesure. Il a considéré que le problème des CHU ne pouvait pas être distinct de celui de la formation médicale, actuellement trop concentrée.

M. François Autain a douté de la pertinence de l'affectation au budget de l'Etat des droits sur les tabacs. Il a considéré que le produit de ces droits devait financer le coût sanitaire occasionné par le tabagisme. Evoquant un rapport récent montrant l'importance du coût social de l'alcoolisme, il s'est interrogé sur les transferts financiers entre l'Etat et la sécurité sociale.

M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des Comptes, a estimé qu'il était désormais nécessaire d'établir un budget consolidé des collectivités publiques, correspondant à l'ensemble des prélèvements obligatoires. Il a considéré que la question de l'affectation des droits sur les tabacs à l'Etat ou à la sécurité sociale était finalement secondaire. Il a observé que la définition d'une véritable politique de santé publique était, en revanche, essentielle. Il a estimé qu'il était impossible de " répondre à toutes les demandes " et qu'il était nécessaire d'effectuer des choix, ce qui pose des problèmes éthiques. Il a précisé que cette politique de santé publique était, pour l'instant, définie de manière implicite.

Faisant part de son attachement à la régionalisation de la politique de santé, M. Claude Huriet s'est interrogé sur le rôle joué, dans ce cadre, par les chambres régionales des comptes.

M. Pierre Joxe a estimé qu'il était tout à fait envisageable de donner aux chambres régionales des comptes le soin de contrôler les agences régionales de l'hospitalisation (ARH).

En conclusion, il a considéré qu'il faudrait encore beaucoup de temps pour disposer de comptes sociaux précis et fiables.

B. AUDITION DE M. JEAN-MARIE SPAETH, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAMTS)

La commission, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , a poursuivi son programme d' auditions sur le projet de loi n° 1835 (AN) de financement de la sécurité sociale pour 2000 .

Elle a tout d'abord entendu M. Jean-Marie Spaeth , président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

M. Jean-Marie Spaeth s'est félicité que, quatre ans après la réforme constitutionnelle instituant les lois de financement de la sécurité sociale, les questions de santé et d'assurance maladie soient désormais sorties de la clandestinité, ce qui constitue un progrès de la démocratie. Il a également indiqué qu'un plan de refondation du système de soins avait été adopté par le conseil d'administration de la CNAMTS au mois de juillet après qu'elle ait ouvert pendant plusieurs mois un large débat, relayé dans toute la France par les organismes locaux d'assurance maladie.

Evoquant la situation de l'assurance maladie, M. Jean-Marie Spaeth a constaté les effets positifs de la croissance économique sur les recettes, estimant toutefois que la croissance faisait " baisser la fièvre " mais ne traitait pas le " foyer infectieux ". S'il est normal en effet que les dépenses de santé progressent, il n'est pas acceptable qu'une telle progression ne s'organise pas autour d'objectifs de santé, alors que tant de besoins sanitaires ne sont pas satisfaits.

Il a ainsi fait part de sa crainte que le Parlement ne reçoive pas, au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, les explications médicales du dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) voté pour 1999 ; il a indiqué à titre d'exemple que ce dépassement correspondait à peu près aux crédits qui seraient nécessaires pour supprimer toute participation de l'assuré aux dépenses dentaires ou prothétiques.

M. Jean-Marie Spaeth a ainsi estimé qu'il n'existait pas d'autre domaine où les décisions financières prises par le Parlement ne viennent pas appuyer des choix politiques. Plus encore, le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui est soumis à l'examen du Parlement propose un changement de méthode de calcul, les objectifs de dépenses d'assurance maladie étant désormais calculés à partir des dépenses réelles constatées l'année précédente et non plus des dépenses votées par le Parlement au titre de ladite année.

M. Jean-Marie Spaeth a affirmé qu'au-delà de ce qui pourrait n'apparaître que comme une question de méthodologie comptable, c'était un véritable choix politique qui était proposé au Parlement, celui de ne pas tirer les conséquences du dépassement des objectifs de dépenses. Il a considéré qu'il n'était pas admissible, lorsque l'on " remettait les pendules à l'heure ", comme proposait de le faire le Gouvernement, de ne pas dire ouvertement ce que l'on faisait des comptes dépassés ainsi soldés.

M. Jean-Marie Spaeth a pris acte de l'annonce faite par le Gouvernement de clarifier les responsabilités respectives de l'Etat et de l'assurance maladie, constatant toutefois à la lecture du projet de loi que la marge était grande entre cette volonté et sa traduction juridique. Ce décalage a conduit la CNAMTS, dans une démarche constructive, à proposer aux parlementaires des amendements à ce projet de loi afin de donner corps à la volonté du Gouvernement.

Evoquant la possibilité ouverte à la CNAMTS, par le projet de loi, de modifier par accord ou unilatéralement les tarifs des professionnels ou la cotation de leurs actes tous les quatre mois, il a considéré que la variation d'un tarif pouvait, ponctuellement, être utile mais qu'elle ne saurait constituer une politique et ne répondait pas à une volonté de réforme structurelle dont nul ne niait pourtant la nécessité. En outre, en contraignant la CNAMTS à des rendez-vous normatifs, dont il fixe tant le rythme que le contenu avec quelque trente syndicats professionnels, le projet de loi accaparait la vie conventionnelle sur des sujets purement financiers et comptables.

M. Jean-Marie Spaeth a en outre considéré que l'organisation du suivi de l'objectif de dépenses délégué proposé par le Gouvernement portait en germe un carcan paralysant, empêchant toute réactivité de l'assurance maladie. Aussi, il a annoncé que la CNAMTS proposait un amendement dont le contenu était animé par une démarche de simplification.

Craignant en outre que la faculté offerte à la CNAMTS de décider unilatéralement de mesures financières pénalisantes pour les professionnels risquait de décourager tout investissement des syndicats dans une démarche contractuelle, il a proposé plusieurs amendements tendant à donner de la visibilité aux partenaires conventionnels pour que ceux-ci puissent s'engager en sachant à l'avance, plutôt qu'a posteriori, ce qui se passerait en l'absence d'accords conventionnels. Ces amendements concernent les aspects financiers, bien sûr, mais aussi l'ensemble des dispositions conventionnelles. C'est pourquoi M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'il proposait d'étendre à toutes les professions de santé le principe d'un règlement conventionnel minimal, conformément à un engagement pris par le Gouvernement dans la convention d'objectif et de gestion conclue avec l'assurance maladie. En particulier, pour les médecins du secteur 2, M. Jean-Marie Spaeth a affirmé que le plafonnement des dépassements devait être une obligation et non une faculté.

M. Jean-Marie Spaeth a également souhaité que l'assurance maladie puisse réellement exercer la responsabilité qui lui est confiée sur l'objectif de dépenses délégué. Or, celui-ci comporte un certain nombre de dépenses sur lesquelles elle n'aura aucun moyen direct d'action : il s'agit en particulier des prescriptions établies par les médecins hospitaliers et réalisées en ville, comme les prescriptions de transport sanitaire. Pour des raisons de cohérence, M. Jean-Marie Spaeth a donc émis le voeu que ces dépenses soient exclues de l'objectif délégué à la CNAMTS.

Evoquant la partition des responsabilités entre l'hospitalisation et les soins de ville réalisée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Marie Spaeth a estimé qu'elle ne correspondait pas à une réalité médicale et ne pourrait donc perdurer. Néanmoins, au-delà de cette partition apparente, il a rappelé que les agences régionales de l'hospitalisation étaient constituées à parité par les représentants de l'Etat et de l'assurance maladie, et que les contributions de cette dernière étaient déterminantes pour l'action de ces agences.

Enfin, M. Jean-Marie Spaeth a abordé la contribution au financement des allégements de charges accordés aux entreprises décidée par les pouvoirs publics dans le cadre de la réduction du temps de travail, prévue par l'article 2 du projet de loi. Il a rappelé que l'ensemble des organismes sociaux s'était élevé contre cette contribution, car il n'était pas admissible que les ressources de l'assurance maladie, de l'assurance vieillesse ou du chômage soient détournées de leur finalité au profit de mesures sans rapport avec leur raison d'être qui était, pour l'assurance maladie, l'amélioration de l'état sanitaire de la population.

M. Jean-Marie Spaeth a affirmé que les représentants des assurés sociaux et des financeurs qu'étaient les partenaires sociaux ne pouvaient admettre cette remise en cause de la loi de juillet 1994, qui avait été une étape importante dans la clarification des comptes sociaux en ce qu'elle avait posé le principe général de la compensation par le budget de l'Etat de toutes les exonérations de charges qu'il décidait.

Au moment où le Parlement doit décider du montant des dépenses d'assurance maladie auquel chacun souhaite pouvoir donner le plus rapidement possible un contenu médical, M. Jean-Marie Spaeth s'est demandé comment il était possible d'engager cette démarche de médicalisation nécessaire du débat financier et, dans le même temps, proposer un détournement de la finalité de ces mêmes dépenses.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a affirmé, en introduction, qu'il proposerait à la commission et au Sénat d'adopter une position cohérente avec celle qui venait d'être exprimée par M. Jean-Marie Spaeth, notamment sur l'article 2 du projet de loi.

Il a demandé au président du conseil d'administration de la CNAMTS si sa position sur l'article 2 du projet de loi serait maintenue si le Gouvernement renonçait à effectuer une ponction sur les ressources de l'UNEDIC pour financer les conséquences de la réduction du temps de travail. Il l'a également interrogé sur l'absence de prise en considération par le Gouvernement du plan stratégique de la CNAMTS dans les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a souhaité que M. Jean-Marie Spaeth précise la position de la CNAMTS sur le mécanisme de régulation des dépenses médicales, et lui dise si elle était opposée aux rendez-vous des quatrième et huitième mois de l'année, ou au principe des lettres-clés flottantes ou encore si elle était opposée à ces deux dispositions du projet de loi.

Enfin, constatant que, si le projet de loi de financement de la sécurité sociale était adopté en l'état, l'Etat serait responsable de la régulation des secteurs de l'hospitalisation publique, de l'hospitalisation privée, du médicament et du tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS), il s'est étonné des termes de cette " clarification des responsabilités " annoncée par le Gouvernement.

Répondant à M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, M. Jean-Marie Spaeth a exposé les raisons qui avaient conduit la CNAMTS à proposer un plan stratégique de refondation de l'assurance maladie. Il a affirmé qu'au cours des trente dernières années la responsabilité économique avait toujours pesé sur les seuls assurés sociaux et que cette concentration de la responsabilité économique, à travers l'augmentation de leur participation financière, avait créé un phénomène d'exclusion. C'est le constat de cette exclusion qui a rendu nécessaire l'institution d'une couverture maladie universelle.

M. Jean-Marie Spaeth a regretté que les professionnels de santé aient réussi à accréditer l'idée selon laquelle toute responsabilité économique mise à la charge des médecins constituerait une sanction à leur encontre. Il a affirmé que le plan stratégique avait été conçu en partant de l'idée qu'il n'était plus possible de continuer à gérer le système de soins de manière segmentée, sans perspective d'avenir répondant aux besoins sanitaires des assurés sociaux. Il a toutefois considéré que plusieurs des propositions de ce plan stratégique relevaient du domaine réglementaire ou n'auraient pas eu leur place dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Spaeth a affirmé que la CNAMTS était hostile à la fixation par la loi de dates fixes pour des rendez-vous infra-annuels et qu'elle estimait que l'institution de lettres-clés flottantes ne pouvait tenir lieu de politique structurelle et empêcherait toute signature d'accords conventionnels par les syndicats.

Evoquant le partage des responsabilités entre l'Etat et la CNAMTS, il a indiqué que depuis de longues années les pouvoirs accordés à la CNAMTS étaient en grande partie virtuels. Il a rappelé que, depuis deux ans, des représentants de l'assurance maladie siégeaient au Comité économique du médicament.

Admettant qu'il ne niait pas que les nouveaux pouvoirs accordés à la CNAMTS par le projet de loi pouvaient constituer, au moins en partie, un piège pour l'assurance maladie, M. Jean-Marie Spaeth a considéré qu'il était rare qu'une institution se voie confier sans arrière-pensée des pouvoirs par une autre institution. Il a toutefois rappelé que la segmentation que propose le Gouvernement entre hospitalisation et soins de ville était artificielle et qu'un tel système ne pouvait être que très transitoire.

Il a estimé qu'il appartenait au Parlement d'affirmer des priorités sanitaires et de dire s'il préférait que les crédits de l'assurance maladie soient affectés, par exemple, plutôt aux cures thermales ou plutôt à l'hôpital ou plutôt au traitement de la maladie de Parkinson. Il a en effet considéré que de tels choix n'étaient pas effectivement réalisés actuellement, sauf en " catimini ". Rappelant les termes d'un récent communiqué de presse du ministère de l'emploi et de la solidarité sur les cures thermales selon lequel elles participaient de la " tradition " et du " bien-être " des Français, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'il avait écrit au ministre en lui demandant de définir la notion de " bien-être " à l'usage des médecins-conseil de l'assurance maladie chargés de contrôler le recours aux cures thermales.

M. Dominique Leclerc s'est étonné que M. Jean-Marie Spaeth fasse porter sur les parlementaires la responsabilité de l'absence de priorité sanitaire dans les lois de financement de la sécurité sociale. Il a regretté que l'assurance maladie cherche à encadrer l'évolution des dépenses par des enveloppes sectorielles alors que l'on constate dans la réalité de nombreux transferts d'activités de l'hôpital vers la ville. Il lui a demandé quelle était l'évolution des coûts de gestion de l'assurance maladie.

M. Louis Souvet a demandé à M. Jean-Marie Spaeth comment financer les allégements de charges décidés par le Gouvernement dans le cadre de la politique de la réduction du temps de travail. Il l'a également interrogé sur les conséquences des dispositions du projet de loi prévoyant la motivation des prescriptions d'arrêt de travail par les médecins.

M. Serge Franchis a évoqué les reports de charges entre l'hôpital et la médecine de ville et leur manque de transparence. Il a également estimé que les usagers devraient être responsables, mais que la gratuité des soins n'incitait pas toujours à la prise de conscience de la nécessité de cette responsabilité.

M. Lucien Neuwirth s'est félicité du contenu de la proposition n° 16 du plan stratégique de la CNAMTS concernant les soins palliatifs. Constatant que l'assurance maladie avait consacré, cette année, 50 millions de francs à la prise en charge des dépenses de formation des bénévoles participant aux soins palliatifs et à l'accompagnement, il lui a demandé s'il serait favorable au vote d'une disposition législative tendant à pérenniser ce financement.

Répondant aux orateurs, M. Jean-Marie Spaeth a évoqué la question de la réduction du temps de travail, affirmant que celui qui décidait de la mise en place d'une aide aux entreprises devait en trouver le financement et l'assumer par lui-même. Il a affirmé être tout à fait conscient de l'ampleur des transferts d'activités entre l'hôpital et la ville, comme il existait aussi des transferts dans l'autre sens, de la ville vers l'hôpital, et indiqué qu'il était difficile de disposer d'outils performants pour en évaluer l'ampleur. Il a nié toute agression à l'égard du Parlement concernant la définition de priorités sanitaires et réaffirmé qu'il appartenait à l'Etat de définir certaines règles, notamment celles qui président à la définition du panier de biens et services remboursables par l'assurance maladie.

Evoquant les coûts de gestion administrative de la CNAMTS, il a affirmé qu'ils représentaient environ 5,5 % de ses dépenses et rappelé, d'une part, qu'avec l'informatisation progressive de la transmission des feuilles de soins, l'assurance maladie devait gérer à la fois des feuilles de soins électroniques et des feuilles de soins sur un support papier et, d'autre part, que chaque fois que les dépenses de santé augmentaient, l'assurance maladie avait de plus en plus de feuilles de soins à traiter.

Evoquant la question des dépenses hospitalières, M. Jean-Marie Spaeth a estimé qu'une réforme instituant une tarification par pathologie serait de nature à induire une plus grande transparence. Il a enfin répondu à M. Lucien Neuwirth en affirmant que l'ambition de la CNAMTS était de pérenniser des financements qu'elle accorde aux associations intervenant dans l'accompagnement des malades en définissant des critères et des objectifs sanitaires auxquels ces associations devraient répondre.

C. AUDITION DE M. BERNARD CARON, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Caron, président du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

M. Bernard Caron a estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 compliquait encore davantage le financement de la sécurité sociale. Il a indiqué qu'en raison de l'article 2 portant création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, le conseil d'administration de l'ACOSS avait émis un avis négatif, les représentants de l'Union professionnelle artisanale (UPA) s'abstenant. Il a comparé la simplicité du bulletin de paie de l'après-guerre, où quatre retenues étaient présentes, à la difficulté de lecture du bulletin de paie d'un salarié d'aujourd'hui : il a souligné notamment la complexité de la contribution sociale généralisée (CSG), parfois non déductible et parfois déductible.

Il a rappelé que le système " Racine ", qui ventile les imputations comptables au niveau des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et qui a été mis en place depuis le 1 er janvier 1998 par l'ACOSS, représentait un grand progrès par rapport au système précédent, où la ventilation était effectuée au niveau national, de manière forfaitaire et évaluative. Il a observé toutefois que les URSSAF recevaient des chèques globaux des entreprises déclarantes et que la ventilation était effectuée a posteriori. Il a précisé que l'URSSAF de Paris venait de rejoindre le système informatique national et que ce basculement était notamment à l'origine de crédits non affectés, dont le montant est estimé à 15 milliards de francs pour 1998.

Evoquant les différents mécanismes de réductions de charges sociales, il a déploré l'existence de quarante assiettes déclaratives différentes de cotisations sociales. Il a observé que cette complexité représentait un risque d'insécurité juridique et pénalisait les déclarants. Il a considéré que la gestion des exonérations de sécurité sociale représentait une charge très importante, l'exonération étant variable en fonction du contrat de travail et de l'horaire pratiqué par le salarié.

S'agissant de la gestion des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux (PAM), il a indiqué que le système prévu allait rendre nécessaire une interconnexion des systèmes informatiques de l'ACOSS et de la CNAMTS, par ailleurs en pleine évolution.

Il a observé que l'ACOSS disposait pourtant d'un taux de recouvrement supérieur à celui des services fiscaux, avec un taux d'erreur réduit. Il a constaté que l'ACOSS menait une course éperdue pour adapter sans cesse ses systèmes d'information à une législation et une réglementation toujours plus complexes.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que la simplification était un objectif partagé par l'ensemble des membres du conseil de surveillance de l'ACOSS. Il s'est interrogé sur les simplifications possibles en matière d'exonération de cotisations sociales, sur l'accélération du délai de remise des comptes sociaux, sur la compensation par l'Etat des aides attribuées dans le cadre de la loi du 13 juin 1998 et sur l'applicabilité des dispositions relatives aux PAM.

Revenant sur les possibilités de simplification, M. Bernard Caron a proposé que l'édiction d'une nouvelle réglementation abroge de manière automatique un dispositif existant. Il a considéré qu'il était nécessaire de trancher sur la déductibilité ou la non-déductibilité de la CSG. Evoquant les débats sur une progressivité éventuelle de la CSG, il a regretté la confusion entre cotisations et impôts. Il a remarqué que l'on voulait faire assumer à la CSG un rôle que ne remplit pas aujourd'hui l'impôt sur le revenu.

Il a souhaité que l'ACOSS se concentre sur ses missions de base. Il a observé que les demandes réitérées de simplification formulées par l'ACOSS auprès de la direction de la sécurité sociale n'avaient pas été suivies d'effets. Il a estimé que les dispositifs d'exonération de cotisations sociales relatifs à l'aménagement du territoire (zones franches urbaines, zones de revitalisation urbaine, zones de redynamisation rurale) devaient être transformés en subventions inscrites au budget de l'Etat.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé que le " versement transport " était pris en charge par les URSSAF, alors que ces sommes n'étaient pas du tout affectées à la sécurité sociale.

Concernant les délais, M. Bernard Caron a déclaré que l'ACOSS disposait désormais d'un tableau de bord mensuel du recouvrement, à travers la réunion de la commission de trésorerie. Il a estimé que l'ACOSS n'était pas responsable des dépenses, qui ne sont connues que par les seules caisses. Il a observé que des progrès avaient été réalisés, mais que l'effort devait être poursuivi. Il a insisté sur l'hétérogénéité des différents modes de comptabilisation présentés aux parlementaires : comptes nationaux, comptes de la commission des comptes de la sécurité sociale, comptes de la loi de financement. Il a précisé que les comptes de la commission des comptes et les comptes de la loi de financement restaient en encaissements/décaissements, alors que les caisses du régime général disposaient désormais de comptes en droits constatés. Il a estimé qu'il était nécessaire d'homogénéiser les systèmes comptables des organismes de sécurité sociale, en adoptant le plan comptable de droit commun.

M. Bernard Caron a indiqué que l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, imposant la compensation intégrale des mécanismes d'exonération de charges sociales, avait été correctement appliqué pour les aides relevant de la loi du 13 juin 1998. Il a estimé que ce mécanisme de compensation, mis en place par la loi du 25 juillet 1994, était sain et permettait une meilleure compréhension des différents flux financiers. Il a observé qu'à l'inverse le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales créé par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, par le croisement de flux financiers dans tous les sens, était d'une rare complexité.

Il a rappelé que l'analyse des allégements de charges sur les bas salaires reposait sur le postulat de départ que le coût du travail non qualifié était trop élevé en France, en raison des charges sociales. Il a estimé que l'impact sur l'emploi de tels allégements était difficile à évaluer. Il a observé que le problème des emplois qualifiés se posait de plus en plus et que la politique des salaires serait considérablement freinée pour les cadres moyens. Il a considéré que le danger des délocalisations de centres d'activité était réel.

S'agissant des cotisations des PAM, il a précisé que le mécanisme serait appliqué par les URSSAF, mais que la conséquence serait probablement une baisse du taux de recouvrement des cotisations.

M. André Jourdain a souhaité connaître des évaluations concernant la délocalisation des emplois qualifiés.

M. Bernard Caron a observé que la problématique statistique était la même que celle du travail clandestin et qu'il ne disposait pas de chiffres. Il a indiqué qu'en raison de cette impossibilité statistique, ses déclarations pouvaient être jugées " alarmistes ", mais qu'une observation de type micro-économique permettait de confirmer qu'il s'agissait d'un problème bien réel, notamment entre la France et la Grande-Bretagne.

D. AUDITION DE M. FRANÇOIS DE PAILLERETS, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE LA SANTÉ EN 1999, ET M. MARC BRODIN, PRÉSIDENT DE CETTE CONFÉRENCE POUR 2000

Enfin, elle a entendu M. François de Paillerets, président de la Conférence nationale de la santé en 1999, et M. Marc Brodin, président de cette Conférence pour 2000 .

M. François de Paillerets a d'abord exposé les grandes lignes du rapport établi par la Conférence nationale de la santé en 1999. Celle-ci a notamment étudié les questions sanitaires induites par le vieillissement, en tentant de repérer les obstacles qui avaient conduit à ce que des idées très répandues ne parvenaient pas à déboucher sur des mesures concrètes.

M. François de Paillerets a estimé que la France devait mettre à profit le répit démographique de cinq années dont elle bénéficiait pour apporter une réponse aux principales difficultés qui seraient induites par le vieillissement de la population. Il a particulièrement insisté sur la nécessité de réhabiliter l'image de la personne âgée, de soutenir les démarches sanitaires entreprises dans le cadre de réseaux de soins et de mieux prendre en charge la dépendance des personnes âgées.

Evoquant la résorption des inégalités inter et intra-régionales de répartition de l'offre de soins, il a affirmé que la Conférence nationale de santé renouvelait sa proposition d'instituer des enveloppes financières régionales transversales dont pourraient bénéficier l'hospitalisation comme la médecine de ville et, surtout, les réseaux.

M. François de Paillerets a ensuite dressé le bilan du fonctionnement de la Conférence nationale de santé instituée voici quatre ans par les ordonnances portant réforme de la sécurité sociale. Il s'est félicité que la Conférence nationale de santé ait pu constituer le cadre d'un véritable dialogue entre des professionnels venant de secteurs très différents qui ne sont pas habitués à échanger et estimé que ce dialogue avait permis la diffusion d'une véritable culture de santé publique. Il a également affirmé qu'un nombre significatif de propositions formulées par la Conférence avait reçu une traduction législative ou budgétaire.

M. François de Paillerets a toutefois reconnu que les membres de la Conférence nationale de santé, comme les parlementaires, ressentaient une indéniable frustration de n'avoir pas su trouver une bonne articulation entre leurs travaux respectifs. Citant l'exemple de la prise en charge du diabète qui avait fait l'objet de propositions de la part de la Conférence nationale de santé, il a ainsi regretté qu'elle n'ait pas disposé des instruments nécessaires pour en chiffrer le coût, ni pour donner une argumentation chiffrée concernant les économies importantes que leur mise en oeuvre aurait pu induire à terme.

M. François de Paillerets a toutefois affirmé que la Conférence nationale de santé, unanime, avait décidé de retenir désormais une approche médico-économique pour ses travaux et qu'elle avait ainsi décidé d'étudier la question de la définition du panier de soins remboursable par l'assurance maladie. Il a indiqué que cette nouvelle orientation nécessitait, pour être valablement retenue, le renforcement des capacités d'expertise de la Conférence nationale de la santé. Il a enfin affirmé que celle-ci devrait être capable de définir à la fois ce qui était souhaitable, ce qui était faisable et, enfin, ce qui était acceptable financièrement par la Nation.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a d'abord rappelé qu'il avait été très favorable, depuis 1996, à la création d'une Conférence nationale de la santé. Il a déclaré avoir été frappé, à la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du rapport qui lui est annexé, de l'absence de toute référence aux travaux, et même à l'existence de la Conférence. Il a observé que le rapport de la Conférence nationale de santé n'avait été remis au Parlement, selon la procédure officielle de dépôt qu'une seule fois, en 1996, et a regretté que, cette année, la commission des affaires sociales ait dû demander une transmission du rapport au ministère des affaires sociales. Il a estimé que ces carences reflétaient le peu de cas que faisait le Gouvernement des travaux de la Conférence nationale de santé. Il a fait siens les propos de M. François de Paillerets sur la nécessaire médicalisation de l'ONDAM. Evoquant les propos du président de la Conférence nationale de santé sur la prestation spécifique dépendance ou sur les inégalités inter-régionales, il a indiqué qu'ils confirmaient ce que pensaient déjà les parlementaires. Il a en revanche déclaré apprécier les propositions de la Conférence nationale de santé sur la prise en charge du diabète et estimé qu'elles correspondaient à l'attente des parlementaires.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que le Gouvernement avait annoncé une loi de modernisation du système sanitaire et que la commission des affaires sociales solliciterait la Conférence nationale de la santé pour en préparer la discussion.

M. Jean-Louis Lorrain a souhaité attirer l'attention des représentants de la Conférence nationale de la santé sur les insuffisances de la prise en charge des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ou sujettes à des pratiques additives.

M. Francis Giraud a déclaré son opposition à une approche exclusivement comptable des questions de santé. Il a estimé nécessaire de définir une politique de santé et indiqué que, dans ce cadre, les experts devaient s'engager afin que le politique puisse prendre les meilleures décisions. Il s'est également interrogé sur la nécessité de réformer la formation initiale des médecins.

M. Guy Fischer a rappelé qu'il avait bien accueilli la mise en place de conférences régionales de santé, institutions qui pourraient permettre d'aider à la satisfaction de nouveaux besoins de santé. Faisant référence aux conditions d'adoption des schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROSS), il a toutefois regretté l'insuffisante prise en considération des propositions formulées.

Répondant aux intervenants, M. François de Paillerets s'est d'abord déclaré très déçu par l'absence de transmission au Sénat du rapport de la Conférence nationale de santé. Il a fait siens les propos de M. Jean-Louis Lorrain et a affirmé, comme l'avait fait M. Francis Giraud, que la France avait un retard considérable dans la définition d'une politique de santé. A titre personnel, il a estimé regrettable que les universitaires médecins soient uniquement recrutés sur des critères scientifiques.

M. Marc Brodin a estimé que la Conférence nationale de santé avait assuré la promotion d'une analyse des questions de santé par ses déterminants. Il a constaté, environ les deux tiers des membres de cette Conférence étant des professionnels de santé, qu'une telle approche ne reflétait pourtant pas celle par laquelle ils envisageaient habituellement les questions de santé. Il a indiqué que la Conférence nationale de la santé étudierait la question du panier de soins remboursable par l'assurance maladie qui détermine, avec les comportements et les facteurs environnementaux, l'état sanitaire de la population. Il a déclaré que pendant environ deux années, la Conférence analyserait la situation actuelle, en France et en Europe, et étudierait les critères actuels d'admission dans ce panier de soins. Il a aussi annoncé son intention de travailler sur la prévention, le tiers des actes en médecine de ville pouvant être considéré comme relevant d'une démarche de prévention secondaire, c'est-à-dire de dépistage.

Evoquant la question de l'expertise, M. Marc Brodin a affirmé que la Conférence nationale de la santé avait demandé de pouvoir s'adresser à d'autres équipes que celles du Haut comité de santé publique. Il a ainsi cité des organismes, comme l'INSERM, qui, au fil des années, avait peu à peu cessé de travailler sur des sujets médico-économiques.

M. Marc Brodin a enfin estimé qu'il appartenait au Gouvernement et au Parlement, plutôt qu'à la Conférence nationale de la santé, de définir les priorités sanitaires.

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