ANNEXES
___________
ANNEXE 1
TRAVAUX DE LA COMMISSION DES
LOIS
AUDITIONS
DE LA COMMISSION DES LOIS
Mme
Elisabeth Guigou
, Garde des Sceaux, ministre de la justice
M. Guy Canivet
, Premier président de la Cour de cassation.
M. Jean-François Burgelin
, procureur général
près la Cour de cassation.
M. Jean-Marie Darde
, procureur général près la cour
d'appel d'Amiens.
M. Laurent Le Mesle
, procureur de la République près le
tribunal de grande instance de Nancy.
AUDITION DE MME ELISABETH GUIGOU,
GARDE DES SCEAUX,
MINISTRE
DE LA JUSTICE
Mme Elisabeth Guigou
a tout d'abord
souligné
que le projet de loi relatif à l'action publique en matière
pénale avait pour premier objet de garantir l'impartialité de la
justice. Elle a fait valoir que, ces dernières années, le
sentiment s'était répandu que l'égalité des
citoyens devant la loi n'était pas assurée. Elle a indiqué
que le projet de loi tendait donc à consacrer la fin des instructions
individuelles du garde des sceaux et qu'elle-même n'avait donné
aucune instruction depuis son arrivée à la Chancellerie, sans que
l'Etat se soit pour autant trouvé démuni malgré
l'existence d'affaires sensibles et de situations de crise. Elle a
indiqué que les magistrats avaient dû abandonner une
" culture de soumission " consistant à demander en toutes
circonstances des instructions de la Chancellerie.
Mme le garde des sceaux
a observé que les
instructions individuelles n'avaient pas permis la conduite d'une
véritable politique pénale. Elle a indiqué qu'un tri
était effectué entre les affaires afin de déterminer
celles qui appelaient de telles instructions individuelles et que, si le tri se
faisait parfois en utilisant des critères respectables, il pouvait
également se faire sur la base d'intentions moins avouables.
Mme Elisabeth Guigou
a estimé que la conduite d'une
politique pénale impliquait la mise en oeuvre de directives
générales précises et explicites adressées au
Parquet ainsi qu'une information réciproque entre la Chancellerie et les
parquets. Elle a indiqué qu'elle avait adressé 5 circulaires au
Parquet en 1997, 26 en 1998 et 8 en 1999. Elle a précisé que ces
circulaires étaient moins volumineuses que par le passé, mais
plus précises et explicites. Elle a ainsi fait valoir qu'elle avait
notamment adressé au Parquet des circulaires relatives aux mineurs
délinquants, à l'aide aux victimes, à la lutte contre le
racisme et la xénophobie, aux contrats locaux de sécurité,
à la lutte contre la drogue, aux sectes, à la
sécurité dans les transports publics et aux violences urbaines.
Elle a également observé que l'information du garde des sceaux
par les parquets était une pratique tombée en
désuétude qu'elle s'efforçait de remettre en vigueur. Elle
a précisé que le rôle des parquets généraux
s'était renforcé depuis son arrivée à la
Chancellerie et qu'elle réunissait fréquemment les procureurs
généraux.
Soulignant que les deux dernières années avaient
été marquées par un certain nombre de situations de crise,
par exemple des manifestations d'agriculteurs ou de routiers, des violences
urbaines, la délinquance des mineurs ou l'organisation de la coupe du
monde de football marquée par des menaces terroristes,
Mme le garde
des sceaux
a indiqué que la disparition des instructions
individuelles avait conduit à anticiper ces situations de crise et
à innover dans les réponses qui leur étaient
apportées, par exemple en organisant la présence des procureurs
sur les stades. Elle a fait valoir que la politique pénale serait
désormais rendue publique, qu'elle pourrait donner lieu à une
évaluation précise et que le Parlement serait informé de
manière très complète.
Mme le garde des sceaux
a ensuite présenté
les dispositions les plus importantes du projet de loi. Elle a indiqué
que le ministre de la justice ne pourrait plus donner d'instructions
individuelles, mais qu'il continuerait à adresser aux parquets des
directives générales de politique pénale, et qu'il serait
informé par eux de la conduite de la politique pénale. Elle a
précisé que le garde des sceaux se verrait reconnaître un
droit d'action propre lui permettant de saisir une juridiction dans des cas
où l'intérêt général le commanderait et
où le Parquet n'aurait pas engagé de poursuites. Elle a
souligné que cette action du garde des sceaux serait subsidiaire,
encadrée, personnelle et que le ministre devrait en rendre compte devant
le Parlement, de sorte que sa responsabilité politique serait
engagée.
Mme le garde des sceaux
a fait valoir que les
procureurs généraux assureraient la coordination de l'action des
procureurs et qu'ils seraient garants de l'application de la politique
pénale. Elle a précisé qu'ils pourraient, pour leur part,
donner aux procureurs des instructions écrites, motivées et
versées au dossier, de mettre en mouvement l'action publique.
Mme Elisabeth Guigou
a alors observé que les procureurs
auraient de nouvelles obligations, en particulier celle d'informer les victimes
des motifs ayant conduit à un classement sans suite de leur plainte.
Elle a souligné que les personnes n'ayant pas qualité pour se
constituer partie civile pourraient former un recours contre les classements
sans suite devant le procureur général, puis devant une
commission régionale composée de membres des parquets.
Evoquant le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police
judiciaire,
Mme le
garde des sceaux
a
indiqué qu'elle avait écarté l'idée de rattacher la
police judiciaire au ministère de la justice compte tenu du
caractère irréaliste d'un tel projet. Elle a
précisé que les magistrats seraient davantage associés
à la définition des moyens nécessaires pour la conduite
des enquêtes.
Concluant son propos,
Mme Elisabeth Guigou
, a fait valoir que
les projets de loi qu'elle présentait au Parlement auraient pour effet
de renforcer la responsabilité des magistrats. Elle a ainsi
précisé que les procureurs seraient tenus de motiver les
décisions de classement sans suite et a rappelé que le projet de
loi relatif à la présomption d'innocence contenait des mesures
importantes, telles que la présence d'un avocat en garde à vue ou
la création d'un juge de la détention provisoire, distinct du
juge d'instruction.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, observant que les procureurs
généraux allaient voir leurs pouvoirs accrus, s'est
interrogé sur les moyens de coordination de leurs actions au niveau
national. Il a demandé quand le ministre de la justice serait conduit
à exercer le droit d'action propre prévu par le projet de loi.
M. Christian Bonnet
a indiqué que, si aucune
instruction individuelle n'était plus donnée depuis
juin 1997, cette pratique avait également été celle
de M. Pierre Méhaignerie entre 1993 et 1995.
Mme Dinah Derycke
a souligné la nécessité
que la justice soit plus impartiale et ressentie comme telle par les citoyens.
Elle a rappelé que quelques affaires, certes peu nombreuses, avaient
accrédité l'idée de l'existence d'une justice à
deux vitesses. Elle a fait part de son accord et de celui du groupe socialiste
sur les orientations du projet de loi, tout en observant que ce projet tendait
à modifier des pratiques anciennes et qu'il suscitait encore des
interrogations sur le fonctionnement du nouveau système. Elle a
souhaité savoir jusqu'à quel point les directives
générales de politique pénale pourraient faire l'objet
d'adaptations et a demandé des précisions sur les commissions de
recours en matière de classements sans suite.
M. Robert Bret
a observé que l'application de ce projet
de loi était tributaire de la réforme du Conseil supérieur
de la magistrature et a demandé des précisions sur la date de
réunion du Parlement en Congrès. A propos du contrôle de
l'autorité judiciaire sur la police judiciaire, il a indiqué que
le projet de loi suscitait des inquiétudes chez les officiers de police
judiciaire, qui redoutaient de passer sous le contrôle organique des
magistrats. Il a enfin demandé si le droit d'action propre du ministre
de la justice était conforme au principe constitutionnel de
séparation des pouvoirs.
M. Jacques Larché, président
, observant que la
ministre avait fait allusion à la responsabilité politique du
garde des sceaux dans l'exercice de son droit d'action propre, a rappelé
qu'il n'existait aucun moyen de mettre en cause la responsabilité
politique personnelle d'un ministre et que le droit d'interpellation avait
disparu. Il a indiqué, en outre, que l'article du projet de loi
permettant aux parlementaires de visiter les établissements
pénitentiaires paraissait pour le moins curieux, dans la mesure
où les parlementaires visitaient, depuis bien longtemps, ces
établissements, sans avoir attendu que la loi les y autorise.
Mme Elisabeth Guigou
a tout d'abord précisé que
le ministre de la justice assurait la coordination de l'action des procureurs
généraux et continuerait à le faire. Elle a indiqué
qu'elle adressait des directives aux procureurs généraux et
qu'elle leur demandait des rapports, mais que les magistrats du Parquet
conduisaient l'action publique. Elle a alors observé que la commission
de réflexion sur la justice avait envisagé la création
d'un procureur général de la nation, mais qu'elle avait, à
juste titre, rejeté cette idée. Elle s'est demandé comment
il serait possible de faire mener une partie de la politique pénale par
une personne substituée au garde des sceaux et qui ne détiendrait
aucune légitimité. Elle a rappelé qu'un exemple
récent aux Etats-Unis avait démontré le risque qu'il y
avait à mettre en place des procureurs spéciaux et a noté
que le Gouvernement américain avait décidé de ne pas
proroger la loi sur les procureurs spéciaux. Elle a enfin noté
qu'il existait une autorité de ce type en Espagne et que le ministre de
la justice espagnol lui avait indiqué que ce système
présentait bien des inconvénients.
Evoquant le droit d'action propre du ministre de la justice prévu par le
projet de loi, elle a indiqué que ce droit d'action pourrait être
utilisé, par exemple, lorsqu'un procureur refuserait de poursuivre des
commandos anti-I.V.G ou des fonctionnaires qui détiendraient des
documents classés secret défense en dehors des règles
prévues, lorsqu'un procureur refuserait de poursuivre une entreprise
pratiquant des ventes d'armes illégales, enfin pour l'application du
nouveau délit de bizutage. Elle a fait valoir qu'il n'existait certes
pas de possibilité de mettre en cause la responsabilité
personnelle d'un ministre, mais que l'utilisation par le garde des sceaux de
son droit d'action propre serait rendue publique et qu'une utilisation abusive
de cette prérogative poserait naturellement des difficultés au
Gouvernement.
Mme le garde des sceaux
a donné acte à
M. Christian Bonnet que M. Pierre Méhaignerie
s'était en effet interdit de donner des instructions individuelles.
Evoquant l'adaptation des directives générales de politique
pénale, elle a souligné qu'elle était destinée
à faire en sorte que chaque procureur général puisse tenir
compte des circonstances locales. Elle a ainsi constaté que la
législation sur la protection des animaux coexistait avec des traditions
locales d'organisation de corridas ou de combats de coqs. Elle a
souligné que ces adaptations ne pourraient naturellement pas consister
en une application fortement divergente de directives relatives à des
sujets aussi importants que la lutte contre le racisme. A propos des
commissions régionales de recours contre les classements sans suite,
elle a indiqué que le ressort de compétence n'était pas
déterminé et qu'il convenait qu'un équilibre soit
trouvé entre la nécessité que ces commissions ne soient
pas trop éloignées des justiciables et la nécessité
qu'elles ne soient pas trop proches des magistrats du Parquet ayant pris la
décision de classement.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux
,
ministre de la
justice
, a ensuite indiqué qu'elle n'avait pas d'informations sur la
date de réunion du Parlement en Congrès, mais a
précisé que le Président de la République avait
fait savoir que la réunion du Congrès serait possible lorsque
chaque assemblée aurait examiné en première lecture le
projet de loi sur la présomption d'innocence et le projet de loi relatif
à l'action publique en matière pénale. Elle a
rappelé que le dépôt de deux projets de loi organique
était conditionné par l'adoption du projet de loi
constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature et a
souligné que l'un des projets de loi organique contiendrait des
dispositions importantes relatives à la responsabilité des
magistrats. Elle a noté qu'une concertation était en cours sur
des dispositions, telles qu'une limitation de la durée d'exercice des
fonctions de chef de juridiction et la possibilité pour les citoyens de
saisir des commissions de recours, afin de dénoncer des comportements
professionnels inadmissibles des magistrats.
Evoquant les craintes des officiers de police judiciaire,
Mme le garde des sceaux
a rappelé que le code
de procédure pénale prévoyait déjà
explicitement que le procureur dirigeait l'activité des officiers et
agents de police judiciaire dans le ressort du tribunal. Elle a souligné
l'importance de la formation donnée aux officiers de police judiciaire
pour l'exercice de leur mission de police judiciaire. Elle a indiqué que
dans nombre de cas, la coopération entre autorité judiciaire et
police judiciaire fonctionnait de manière satisfaisante.
A propos du droit d'action propre du garde des sceaux,
Mme Elisabeth Guigou
a estimé qu'il ne porterait pas
atteinte au principe de séparation des pouvoirs, dans la mesure
où il ne concernait que la poursuite et non l'instruction ou le
jugement. Elle a rappelé que le juge administratif sanctionnait
régulièrement le Gouvernement, sans que personne ne s'en
scandalise, et a souligné que certains fonctionnaires pouvaient mettre
en mouvement, d'ores et déjà, l'action publique et qu'il
n'existait pas de raison de refuser ce droit au garde des sceaux.
Enfin, à propos des visites de parlementaires dans les
établissements pénitentiaires,
Mme le
garde des sceaux
a rappelé qu'elle s'était
opposée à cet amendement présenté à
l'Assemblée nationale, mais qu'elle était favorable au
développement d'un regard extérieur sur le fonctionnement des
établissements pénitentiaires. Elle a estimé qu'une telle
mesure pourrait avoir des effets positifs si chacun respectait un code de bonne
conduite, dans la mesure où toute visite dans un établissement
pénitentiaire impliquait une réorganisation de la
détention.
M. Jacques Larché, président,
s'est
interrogé sur le calendrier d'adoption de la réforme
constitutionnelle, des projets de loi ordinaire en cours de discussion et des
projets de loi organique non encore déposés. Il a souligné
qu'il existait au Parlement une tradition forte consistant à s'efforcer
de parvenir à un accord sur certains projets de loi très
importants. Il a rappelé que cela avait été le cas sur des
textes tels que la réforme du code pénal ou l'abolition de la
peine de mort et a fait valoir que les projets de loi sur la présomption
d'innocence et sur l'action publique en matière pénale
méritaient également qu'un accord soit recherché entre les
deux assemblées. Il s'est toutefois interrogé sur les chances du
Sénat de voir retenues dans une proportion suffisante ses propositions
pour qu'un tel accord soit effectivement envisageable. Il s'est
inquiété du fait que la deuxième lecture du projet de loi
relatif à la présomption d'innocence n'aurait lieu qu'à la
fin du mois de janvier à l'Assemblée nationale.
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,
a indiqué qu'elle souhaitait que les projets de loi qu'elle avait
déposés fassent l'objet du plus large accord possible et a
indiqué qu'elle ferait tout pour que ces textes soient approuvés
par l'Assemblée nationale et le Sénat. Elle a toutefois
indiqué que le Gouvernement ne pourrait accepter certains des
amendements adoptés par le Sénat sur le projet de loi relatif
à la présomption d'innocence. Elle a ainsi estimé que la
responsabilité pénale des élus locaux était un
sujet fondamental, mais qu'il convenait d'éviter de régler cette
question en donnant le sentiment d'un rétablissement des
privilèges de juridiction. Elle a souhaité que des solutions
innovantes soient recherchées.
M. Jacques Larché, président
, a alors
indiqué que les amendements adoptés par le Sénat à
propos de la responsabilité pénale des élus locaux
n'avaient en aucun cas pour objet d'établir une immunité des
élus puisque des poursuites demeureraient possibles, et qu'on ne pouvait
parler de privilège de juridiction, cette expression visant
exclusivement le recours à des juridictions spéciales.
M. Christian Bonnet
a alors souligné que l'ancien maire
d'Ouessant venait d'être traîné devant les tribunaux parce
qu'un enfant s'était tué à vélo il y a quelques
années sur un sentier côtier. Il a constaté que la mise en
cause de cet élu était ressentie par une large fraction de la
population comme incompréhensible.
Mme Elisabeth Guigou
a déclaré partager
l'inquiétude de M. Christian Bonnet, mais a souhaité que des
solutions applicables à tous les justiciables soient recherchées.
Elle a rappelé qu'elle avait mis en place une commission,
présidée par M. Jean Massot et chargée de
réfléchir à cette question, et a indiqué que des
problèmes similaires se posaient pour d'autres catégories de
personnes, par exemple les enseignants, pour qui elle avait mis en place une
mission de réflexion spécifique.
M. Maurice Ulrich
a alors fait valoir que le texte
adopté par le Sénat sur la présomption d'innocence devait
naturellement être amélioré au cours de la navette. Il a
toutefois exprimé le regret que la seconde lecture de ce projet de loi
ne soit envisagée que tardivement à l'Assemblée nationale.
Il a souhaité que des indications concernant le résultat des
travaux de la commission sur la responsabilité pénale des
élus locaux puissent être données avant la fin de
l'année et a fait valoir qu'il serait utile que le Sénat puisse
savoir rapidement si les amendements les plus importants qu'il a adoptés
sur le projet de loi relatif à la présomption d'innocence avaient
quelques chances de retenir l'attention du Gouvernement,
particulièrement sur la garde à vue, la mise en examen et la
détention provisoire.
M. Nicolas About
a indiqué que les situations des
élus et des enseignants ne pouvaient être comparées. Il a
estimé qu'un enseignant accompagnant un groupe d'élèves
n'était pas dans la même situation que des élus tenus pour
responsables globalement de tous les événements survenant sur un
territoire.
M. Pierre Fauchon, rapporteur,
a rappelé que
l'Assemblée nationale avait remplacé dans le projet de loi les
orientations générales de politique pénale par des
directives générales de politique pénale. Rappelant que la
notion de directive évoquait directement le droit communautaire, il
s'est interrogé sur la portée normative de ces textes et a
souhaité connaître les conséquences du non-respect de ces
documents.
Mme Elisabeth Guigou
a indiqué que la commission
présidée par M. Massot devrait rendre son rapport avant la
fin de l'année. Elle a souligné qu'il existait au moins un point
commun entre la situation des élus locaux et celle des enseignants,
à savoir le recours excessif à la mise en cause de la
responsabilité pénale plutôt qu'à d'autres formes de
responsabilité.
A propos des orientations ou directives de politique pénale,
le garde
des sceaux
a indiqué qu'elles n'avaient pas de caractère
normatif et ne participaient pas du pouvoir réglementaire. Elle a
rappelé que les procureurs généraux pouvaient les adapter.
Elle a estimé qu'en cas de non-respect de ces orientations, le pouvoir
disciplinaire pourrait s'exercer, mais qu'il serait sans doute difficile de le
mettre en oeuvre lorsqu'un procureur ne respecterait pas pour la
première fois un texte, dans la mesure où le non-respect d'une
circulaire générale pourrait sans doute être
justifié, par exemple en invoquant les circonstances locales. Elle a
observé que dans l'ancien système, le garde des sceaux
était démuni face à un procureur refusant d'obéir
à une instruction individuelle.
En concluant,
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de
la justice
, a estimé que la pratique des instructions avait
été dévoyée dans des cas rares, mais
spectaculaires, et qu'il convenait expressément de dissiper tout
soupçon. Elle a souligné que la disparition des interventions
politiques dans le fonctionnement de la justice légitimerait un
renforcement du contrôle interne et externe de la magistrature.
AUDITION DE M. GUY CANIVET,
PREMIER PRÉSIDENT DE LA
COUR DE CASSATION
M. Guy Canivet
a indiqué que ses
observations
sur le projet de loi, qui concerne principalement les relations du Parquet avec
la Chancellerie, auraient essentiellement trait aux répercussions du
texte sur le fonctionnement des juridictions de jugement.
Il a fait valoir que l'indépendance du Parquet aurait une certaine
incidence sur celle des juridictions de jugement, dans la mesure où on
reprocherait moins facilement aux magistrats du siège de suivre, le cas
échéant, les réquisitions d'un ministère public
plus indépendant.
M. Guy Canivet
a
considéré que le projet
de loi renforcerait la transparence des orientations générales de
la politique pénale, puisque celles-ci seraient définies
publiquement par le ministre de la justice et que leur exécution serait
contrôlée par le Parlement, destinataire d'un rapport annuel.
M. Guy Canivet
a souligné que les procureurs
généraux, indépendants du ministre de la justice,
disposeraient parallèlement d'une autorité renforcée sur
les procureurs de la République de leur ressort, évoquant en
particulier leur pouvoir d'instruction, et se demandant si un équilibre
satisfaisant avait été trouvé.
Il s'est interrogé sur l'autorité qui resterait au garde des
sceaux, réduite aussi bien pour la nomination que pour le
déroulement de la carrière des magistrats du Parquet, son pouvoir
étant alors essentiellement limité aux questions disciplinaires.
M. Guy Canivet
a estimé que le renforcement du
contrôle du procureur de la République sur la police judiciaire
serait une conséquence logique de son rôle dans la mise en oeuvre
de la procédure pénale, relevant cependant que l'absence de tout
pouvoir de sanction limiterait la portée de cette innovation.
M. Guy Canivet
,
évoquant ensuite la
possibilité de mise en mouvement de l'action publique qui serait
reconnue au ministre de la justice, a estimé que cette disposition,
conséquence logique de l'indépendance du Parquet, n'aurait qu'un
impact limité à certaines affaires, en cas de carence du
ministère public dans la mise en oeuvre de la politique pénale.
Evoquant ensuite les dispositions relatives aux classements sans suite des
poursuites, contraignant le procureur de la République à motiver
sa décision,
M. Guy Canivet
a souligné que, dans
la plupart des cas, cette obligation aurait une portée limitée,
les classements résultant le plus souvent de l'absence d'identification
de l'auteur de l'infraction.
Il a fait valoir, à ce sujet, que la question centrale non
traitée par le projet de loi portait sur l'accueil du plaignant dans les
services de police, dont les dépositions restaient trop
fréquemment sans suite.
M. Guy Canivet
a considéré que la
procédure de recours contre les classements sans suite, si elle pouvait
contribuer à tempérer le renforcement de l'autonomie du Parquet,
risquait cependant d'être à la source d'un alourdissement de la
procédure judiciaire dans son ensemble.
Enfin, il a évoqué le risque de redondance des commissions de
recours, composées de magistrats des ministères publics des cours
d'appel du ressort.
En réponse à
M. Pierre Fauchon, rapporteur,
M. Guy Canivet
a considéré que la
juridictionalisation du recours contre les décisions de classement sans
suite n'aurait pas une influence excessive sur les décisions des
juridictions de jugement, car les magistrats du siège sauraient
sauvegarder leur indépendance habituelle.
Il a souligné, en revanche, que cette nouvelle procédure pourrait
susciter une confusion pour les justiciables, qui ne distingueraient pas
toujours clairement la procédure sur le classement du jugement au fond.
Il a aussi estimé qu'il n'était pas nécessaire d'ouvrir
aux personnes ayant qualité pour se constituer partie civile une
possibilité de recours contre les classements sans suite.
M. Jacques Larché, président,
s'est
interrogé sur l'impact de la procédure de recours contre les
classements sans suite, 75 à 80 % de ces classements étant,
en fait, motivés par l'encombrement des juridictions.
M. Pierre
Fauchon,
rapporteur,
a estimé que l'absence d'identification
d'une personne susceptible d'être mise en cause provenait
généralement d'une recherche insuffisante.
En réponse à
M. Maurice Ulrich
,
M. Guy Canivet
a constaté que l'influence du Conseil
supérieur de la magistrature concernant la nomination des magistrats du
Parquet résultera de l'impossibilité pour le ministre de la
justice de procéder à une nomination sans l'avis conforme de ce
conseil.
AUDITION DE M. JEAN-FRANCOIS BURGELIN,
PROCUREUR
GÉNÉRAL PRÈS LA COUR DE CASSATION
M. Jean-François Burgelin
a estimé
que
le projet de loi, se situant dans l'évolution historique, favorisait
l'émergence d'un réel pouvoir judiciaire se substituant à
l'autorité judiciaire à laquelle se réfère
l'article 66 de la Constitution, par un réel pouvoir judiciaire.
Il a cité parmi les multiples facteurs ayant favorisé la
montée du pouvoir judiciaire le doublement du nombre des magistrats en
quarante ans, la création de l'Ecole nationale de la Magistrature,
l'esprit de corps parmi les magistrats et leur syndicalisation, la
judiciarisation de la société, le développement des
affaires politico-judiciaires et les divers renforcements législatifs
des attributions des juges.
M. Jean-François Burgelin
a relevé que les
magistrats avaient progressivement pris conscience de l'utilité de
certaines compétences qu'ils détenaient déjà sans y
avoir fréquemment recours, comme le placement sous contrôle
judiciaire ou la mise en liberté sous caution.
Il a ajouté que les juges avaient été conduits à
écarter l'application de certaines lois nationales, en raison de
dispositions du Traité de Rome ou de la Convention européenne des
droits de l'homme.
M. Jean-François Burgelin
a considéré que
les médias et de l'opinion publique avaient aussi encouragé
l'émergence d'un pouvoir judiciaire.
Il a rappelé que les magistrats du siège échappaient
à l'autorité du pouvoir exécutif, y compris pour leur
nomination, tandis que la situation des magistrats du Parquet apparaissait
ambiguë, les textes, appuyés par la tradition, prévoyant
leur soumission hiérarchique au garde des sceaux, alors que depuis deux
ans et demi, la ministre de la justice s'était engagée à
ne plus donner d'instruction dans les dossiers individuels.
M. Jean-François Burgelin
a cité parmi les
pouvoirs du garde des sceaux maintenus vis-à-vis du Parquet, celui de
donner des instructions sur la politique pénale, l'obligation faite au
Parquet de lui rendre compte de l'application de ces instructions et la
nomination des magistrats du Parquet, rappelant toutefois que la garde des
sceaux s'était engagée à ne procéder à
aucune nomination contre l'avis du Conseil supérieur de la magistrature.
Il a considéré que si le Parquet faisait partie intégrante
de l'autorité judiciaire, il relevait encore largement du pouvoir
hiérarchique du ministre de la justice.
M. Jean-François Burgelin
s'est déclaré
favorable aux orientations générales du projet de loi, estimant
que l'opinion publique doutait de l'indépendance du Parquet et croyait
trop souvent que le ministère public agissait sur instruction.
Il a considéré néanmoins que le projet de loi n'allait pas
jusqu'au bout de sa logique qui impliquerait le remplacement des liens du
Parquet avec le Gouvernement par l'établissement de liens avec une autre
autorité étatique, en raison de sa fonction d'application de la
loi.
A l'appui de cette observation,
M. Jean-François Burgelin
a évoqué
l'existence de forces centrifuges au sein des Parquets, qui avaient souvent
leurs propres pratiques, le problème se trouvant accentué par le
souhait de nombreux magistrats d'être nommés dans leur
région d'origine.
Il a craint que l'autonomie des Parquets par rapport à toute
autorité étatique n'aggrave l'inégalité des
citoyens devant l'application de la loi.
M. Jean-François Burgelin
a considéré que
la lutte contre le terrorisme nécessitait l'existence d'une
autorité nationale pouvant donner des instructions applicables à
l'ensemble du territoire, rappelant que la 14ème section du Parquet de
Paris, spécialisée dans les affaires de cette nature, n'avait que
des compétences concurrentes à celles des autres Parquets.
Il a observé que le traitement des conflits sociaux à
caractère national ou des affaires à dimension internationale
supposait nécessairement l'intervention d'une autorité
supérieure nationale pour diriger l'action publique.
Se référant aux exemples du Portugal, de l'Espagne, de la
Norvège et de plusieurs pays d'Europe de l'Est, il a
préconisé l'institution d'une autorité étatique non
gouvernementale pour contrôler la bonne exécution des instructions
définissant l'action publique, se demandant toutefois si une telle
réforme n'apparaîtrait pas prématurée pour certains.
M. Patrice Gélard
s'est interrogé sur la
lisibilité du projet de loi, relevant en particulier que l'opinion
publique ne doutait de l'indépendance du ministère public que
pour le traitement de certaines affaires particulières, mais
considérait que, dans la justice quotidienne, les magistrats du Parquet
demeuraient libres.
Il s'est inquiété de l'insuffisante responsabilisation des
magistrats du Parquet et du fonctionnement du système
hiérarchique, l'autonomie ne facilitant pas la mise en oeuvre d'une
politique pénale cohérente et lisible.
Convenant qu'il n'était pas possible de revenir sur le statut de
magistrat conféré aux procureurs et substituts,
M. Patrice Gélard
a estimé néanmoins
nécessaire de maintenir un lien particulier entre ces derniers et une
autorité nationale.
Enfin,
M. Patrice Gélard
a observé que
l'impossibilité pour le garde des sceaux de donner des instructions dans
des dossiers individuels n'empêcherait pas les contacts informels.
M. Jean-Jacques Hyest
a douté de la logique des
dispositions du projet de loi selon lesquelles, d'une part, interdiction serait
faite au garde des sceaux de donner des instructions dans les dossiers
individuels et, d'autre part, capacité lui serait donnée de
mettre en mouvement l'action publique en l'absence de poursuites pénales
par le Parquet.
M. Christian Bonnet
a demandé à M. Burgelin
si son intervention pouvait être résumée ainsi : le
projet de loi tend à consacrer un phénomène
irréversible, des garde-fous sont nécessaires que le Sénat
pourrait utilement mettre en place. Il a exprimé son inquiétude
sur la volonté de plus en plus fréquente des magistrats d'exercer
leurs fonctions dans leur région d'origine.
M. Robert Badinter
a demandé si les procureurs des
tribunaux consultaient la direction des affaires criminelles du
ministère de la justice sur les aspects juridiques complexes de
certaines affaires et l'expérience des autres Parquets.
Il a estimé indispensable que l'autonomie du Parquet, qui ne devait pas
être confondue avec l'indépendance, soit contenue afin de
préserver une unité de direction de la politique pénale.
M. Robert Badinter
a déploré que dans l'attente
du vote par le Congrès du projet de loi constitutionnelle sur le Conseil
supérieur de la magistrature, les hauts magistrats du Parquet soient
toujours nommés en Conseil des ministres comme les préfets.
Il s'est interrogé sur l'autorité compétente pour nommer
un éventuel procureur général de la République,
évoquant des irrégularités constatées par le
Tribunal constitutionnel lors de la nomination du procureur
général de la Couronne en Espagne, et sur
l'éventualité d'un contrôle juridictionnel de cette
nomination.
M. Robert Badinter
s'est inquiété de ce qu'un
procureur général de la République acquerrait des pouvoirs
plus importants que le ministre de la justice, échappant au
contrôle parlementaire sans que sa responsabilité puisse
être mise en cause.
M. Jacques Larché, président,
a
considéré qu'il fallait distinguer l'avis des médias sur
l'orientation générale du projet de loi de celui de l'opinion
publique en général.
Il a rappelé que la décision de convoquer le Parlement en
Congrès appartenait au Président de la République et a
indiqué comprendre son souhait de connaître préalablement
les orientations qui seraient retenues pour les projets de loi concernant la
présomption d'innocence et l'action publique en matière
pénale.
M. Robert Badinter
a considéré que cette logique
devrait conduire à attendre de connaître l'ensemble des
dispositions législatives proposées pour réformer la
justice, y compris celles concernant la responsabilité des magistrats,
avant de convoquer le Congrès, réaffirmant cependant qu'il en
souhaitait une convocation plus rapide.
Répondant aux différents orateurs,
M. Jean-François Burgelin
a considéré que
la confusion de l'opinion publique entre les fonctions des magistrats du
siège et celles des magistrats du Parquet avaient été
voulue à l'origine, jamais remise en cause depuis deux siècles et
qu'elle était facilitée par l'unité de carrière des
magistrats du siège et du Parquet, les uns et les autres étant
formés au sein d'une même Ecole nationale de la magistrature.
Il a considéré que ce système pouvait apparaître
atypique par rapport à celui mis en place dans différents pays de
l'Union européenne, en particulier au Royaume-Uni, ajoutant que
l'harmonisation des législations européennes conduirait
très certainement à une plus grande différenciation des
carrières.
M. Jean-François Burgelin
a toutefois estimé
nécessaire de préserver une certaine proximité entre
magistrats du siège et magistrats du Parquet, et de ne pas trop
assimiler ces derniers aux fonctions de police afin de préserver la
culture de respect de la liberté individuelle propre aux magistrats.
Rappelant ses fonctions de président de la formation disciplinaire du
Conseil supérieur de la magistrature compétente à
l'égard des magistrats du Parquet, il a exposé qu'en moyenne
chaque année, six sanctions étaient prononcées à
l'encontre de magistrats du Parquet et douze à l'encontre de magistrats
du siège, précisant toutefois qu'elles étaient
généralement motivées par des manquements dans la vie
privée et rarement par des motifs professionnels.
M. Jean-François Burgelin
a estimé qu'il serait
souhaitable de dépasser une réticence traditionnelle à
sanctionner certaines fautes professionnelles caractérisées,
citant en particulier les exemples de jugements non motivés ou de trop
fréquents classements sans suite.
Il a considéré logique la possibilité qui serait reconnue
par le projet de loi au garde des sceaux de mettre en mouvement l'action
publique, le Gouvernement ne pouvant pas être privé de toute
possibilité d'agir.
M. Jean-François Burgelin
a
estimé que cette mise en mouvement revêtirait un caractère
exceptionnel et respecterait le principe de la séparation des pouvoirs.
Il a fait valoir que la tendance croissante à la nomination de
magistrats dans leur région d'origine constituait une
réalité contre laquelle il serait difficile de lutter, beaucoup
d'entre eux privilégiant une telle affectation à un choix de
carrière et il s'est inquiété de la valorisation exclusive
de la mobilité comme critère de qualité professionnelle.
Au sujet de l'institution éventuelle d'une autorité
étatique indépendante du gouvernement chargée de
contrôler la mise en oeuvre de la politique pénale,
M. Jean-François Burgelin
a fait valoir qu'à
l'instar du système néerlandais, cette autorité pourrait
éventuellement être collégiale. Il a souligné que la
désignation de cette autorité devrait associer, selon des
modalités à définir, le Président de la
République, les présidents des assemblées parlementaires
et le Conseil supérieur de la magistrature, pour un mandat de cinq ans
non renouvelable. Il a estimé que ce personnage ou cette autorité
devrait être inamovibles, sauf cas de maladie ou d'impossibilité
d'exercer ses fonctions.
Enfin, il a estimé que si l'institution judiciaire dans son ensemble
n'était pas populaire auprès de l'opinion publique, il en allait
différemment de l'action de certains juges dans des affaires
déterminées.
AUDITION DE M. JEAN-MARIE DARDE,
PROCUREUR
GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL D'AMIENS
M.
Jean-Marie Darde
a indiqué que la Conférence des procureurs
généraux, organe informel, s'était prononcé
à la quasi-unanimité en faveur des dispositions du projet de loi.
Soulignant que la rupture du lien entre le Parquet et la Chancellerie avait
été engagée depuis plusieurs années, il a
relevé que les parquets rendaient compte à la Chancellerie des
affaires qui pouvaient présenter un intérêt mais qu'en
revanche, ils ne recevaient pas d'instructions négatives tendant
à l'arrêt des poursuites.
M. Jean-Marie Darde
a par ailleurs précisé que la
suppression des instructions individuelles prévues par le projet de loi
était également inscrite dans les faits depuis quelques
années. Il a néanmoins fait observer que dans la pratique la
distinction entre les instructions générales envisagées
par le projet de loi et les instructions individuelles qui seraient
prohibées pourrait s'avérer délicate.
Puis, relevant que les procureurs généraux pourraient donner des
instructions de poursuivre mais pas d'instructions de ne pas poursuivre,
M. Jean-Marie Darde
a indiqué que certains procureurs
généraux avaient regretté l'interdiction des instructions
négatives dans la mesure où ils ne pourraient prévenir
d'éventuels excès de zèle, lesquels pourraient aboutir
à des différences de traitement entre les justiciables. Il a
néanmoins précisé que la majorité des procureurs
généraux approuvait la prohibition des instructions
négatives.
Abordant le problème des classements sans suite,
M. Jean-Marie Darde
a fait observer que les parquets
informaient d'ores et déjà de leur décision les victimes.
Après avoir relevé qu'une commission interrégionale
pourrait être saisie des décisions de classement confirmés
par les parquets généraux, il a, à titre personnel,
considéré que cette commission devrait être composée
exclusivement de procureurs généraux afin de respecter le
principe hiérarchique qui régit le fonctionnement des parquets.
Il s'est enfin interrogé sur l'article premier bis nouveau
inséré par l'Assemblée nationale, faisant observer que
cette disposition aboutirait à ce qu'une association reconnue
d'utilité publique bénéficie de droits plus importants
qu'une partie civile personne privée dans la mise en oeuvre de la
procédure d'appel.
Puis, répondant à
M. Pierre Fauchon
, rapporteur, qui
s'inquiétait des risques de distorsion dans les appréciations des
parquets compte tenu de la nouvelle organisation qui résulterait du
projet de loi,
M. Jean-Marie Darde
a fait valoir que les instructions
générales de politique pénale, auxquelles les parquets
devraient se soumettre, fixeraient un cadre. Il a en outre relevé que
dans la pratique les procureurs généraux disposaient de marges de
manoeuvres limitées qui tenaient compte essentiellement du contexte
local et que le risque de distorsion entre les pratiques des parquets
était limité au niveau des procureurs généraux,
lesquels bénéficiaient d'une expérience professionnelle
comparable. Il a enfin fait observer que l'homogénéité des
pratiques des parquets était également liée au
problème de la réforme de la carte judiciaire et du statut des
magistrats.
En réponse à M. Jacques Larché, président, qui
s'interrogeait sur les possibilités de recours contre des
décisions de classements sans suite, lesquelles étaient le plus
souvent motivées par l'absence d'identification de l'auteur des faits,
M. Jean-Marie Darde
a estimé que de tels recours devraient
être relativement rares dans la mesure où dans la plupart des cas
la partie civile avait la possibilité de déclencher l'action
publique.
Après avoir fait observer que dans la mise en oeuvre d'un droit de plus
en plus complexe, les procureurs de la République ne disposaient pas
tous des mêmes moyens,
M. Robert Badinter
a souhaité savoir
s'ils recueillaient des informations auprès de la direction des affaires
criminelles et des grâces ou par l'intermédiaire des procureurs
généraux.
En réponse,
M. Jean-Marie Darde
a indiqué que les
substituts et procureurs de la République formulaient leurs demandes par
l'intermédiaire des procureurs généraux. Il a fait
état du souhait de la direction des affaires criminelles et des
grâces de mettre en place un système informatique de
documentation. Il a précisé que les procureurs
généraux eux-mêmes pouvaient soumettre des questions
complexes à cette direction ou au service de la chancellerie
chargé des questions européennes.
M. Robert Badinter
a alors fait valoir que la Chancellerie devait
constituer un foyer d'informations pour les parquets et faciliter leur
concertation. Il s'est par ailleurs demandé s'il ne serait pas
préférable de maintenir la possibilité pour les procureurs
généraux de donner des instructions négatives aux parquets
afin d'éviter des excès de zèle.
En réponse,
M. Jean-Marie Darde
, constatant que la
hiérarchie exercée par les procureurs généraux sur
les parquets n'avaient plus la même nature qu'autrefois, a
considéré qu'une modification statutaire et une limitation dans
le temps de l'exercice des fonctions de chef de juridiction pourraient
constituer une réponse adaptée.
M. Robert Badinter
s'est enfin interrogé sur la définition
de la notion " d'intérêt suffisant " envisagée
par le projet de loi pour le recours contre les décisions de classement
sans suite.
AUDITION DE M. LAURENT LE MESLE
PROCUREUR DE LA
RÉPUBLIQUE
PRÈS LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANCY
M .
Laurent Le Mesle
a tout d'abord indiqué qu'il avait exercé
préalablement les fonctions de sous-directeur à la direction des
affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.
Il a souligné l'importance du maintien par le projet de loi d'un lien
entre le pouvoir exécutif et les parquets, compte tenu des pouvoirs
importants confiés aux procureurs.
Il a observé que le projet de loi prévoyait la possibilité
pour le garde des sceaux de donner des instructions générales que
les procureurs généraux devraient relayer auprès des
procureurs de la République. Il a fait valoir que les procureurs
généraux et les procureurs de la République devraient
établir chaque année un rapport sur l'exécution de ces
orientations générales et a estimé que ces rapports
pourraient avoir une grande utilité à condition de ne pas devenir
des exercices purement formels.
M. Laurent Le Mesle
a ensuite noté que le renforcement des
pouvoirs des procureurs généraux était également
une évolution positive. Il a rappelé que les procureurs
généraux pouvaient actuellement donner des instructions
individuelles, mais qu'ils n'étaient que l'intermédiaire du
ministre de la justice, le projet de loi tendant à leur accorder en
propre ce pouvoir de donner des instructions. Il en a déduit que le
risque que certaines affaires importantes ne soient pas poursuivies serait
réduit en conséquence, dans la meure où il faudrait alors
une volonté concertée du procureur et du procureur
général.
A propos des instructions individuelles données par le garde des sceaux,
M. Laurent Le Mesle
a fait valoir qu'elles avaient été
extrêmement rares au cours des dernières années, mais qu'il
existait un dialogue entre la direction des affaires criminelles et des
grâces et les procureurs généraux à propos
d'affaires individuelles. Il a observé que, dans la mesure où
elles existaient, les instructions individuelles " anormales " ou
même contraires à l'honneur n'empruntaient pas par
définition les circuits traditionnels et ne passaient pas par la
direction des affaires criminelles et des grâces. Il s'est
déclaré très attaché aux dispositions du projet de
loi prévoyant l'information du ministre de la justice par les procureurs
généraux et l'obligation pour le garde des sceaux de rendre
compte devant le parlement. Évoquant le droit d'action propre du garde
des sceaux prévu par le projet de loi, il a estimé que cette
disposition pourrait constituer une garantie contre l'inertie de tel ou tel
parquet.
M. Jacques Larché, président
, a observé que le
projet de loi tendait à transférer du ministre aux procureurs
généraux le pouvoir de donner des instructions individuelles et a
fait valoir que si la légitimité du ministre était
incontestable, on pouvait s'interroger sur celle des procureurs
généraux.
M. Laurent Le Mesle
a alors rappelé que les procureurs
généraux resteraient nommés par le chef de l'Etat sur avis
conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Il a indiqué
que, pour sa part, il se serait accommodé du maintien de la
possibilité pour le ministre de la justice de donner des instructions
uniquement de poursuivre, et a relevé que le projet de loi ne
prévoyait également pour les procureurs généraux
que le droit de donner des instructions de poursuite. Il a alors fait valoir
que le pouvoir le plus important du procureur n'était pas le pouvoir de
poursuivre, une juridiction étant ensuite appelée à se
prononcer, mais bien la capacité de classer des affaires. Il a
observé qu'il s'agissait là d'un pouvoir d'opportunité,
s'exerçant en dehors de la règle de droit, celle-ci
prévoyant sans plus de précisions que le procureur
apprécie la suite à donner aux plaintes et dénonciations.
Il en a déduit que le pouvoir des procureurs généraux
serait relatif par rapport à celui des procureurs et qu'il
n'était en conséquence pas nécessairement utile
d'accroître leur légitimité par rapport à celle des
autres magistrats.
M. Robert Badinter
s'est déclaré convaincu de la
nécessité qu'un dialogue perdure entre la direction des affaires
criminelles et des grâces et les magistrats du parquet et a estimé
qu'il s'agirait de l'une des clés de la réussite du nouveau
système.
M. Laurent Le Mesle
a indiqué qu'une évolution positive
s'était produite au cours des dernières années. Il a
observé que les procureurs généraux étaient
fréquemment reçus à la chancellerie, mais que les
procureurs ne l'avaient pas été pendant longtemps. Il a
estimé que des réunions régulières des magistrats
du parquet à la chancellerie étaient fondamentales pour assurer
l'unité de la politique pénale. Il a souligné qu'il
appartenait à la chancellerie de donner aux procureurs une culture, une
pratique et une approche des problèmes communs. Il a fait valoir que ces
réunions régulières présentaient une importance
plus grande encore que les circulaires générales du garde des
sceaux, lesquelles risquaient de n'avoir plus d'impact si elles devenaient trop
nombreuses.
M. Laurent Le Mesle
s'est en revanche déclaré
réservé à l'égard du mécanisme de recours
contre les classements sans suite. Il a estimé que, contrairement
à une idée répandue, les commissions de recours seraient
fréquemment saisies et s'est déclaré
préoccupé par la multiplication du nombre de dénonciations
qui lui étaient adressées. Il a rappelé que les
requérants recevraient une réponse du procureur de la
République, puis pourraient exercer un recours normal auprès du
procureur général et que les commissions de recours seraient
appelées à connaître des décisions de rejet du
recours par le procureur général. Il a indiqué que le
système était extrêmement lourd et qu'il
privilégiait fortement les personnes n'ayant pas directement subi un
préjudice par rapport aux victimes. Il a observé que la plainte
avec constitution de partie civile était très contraignante pour
la victime et que celle-ci préférait que l'action publique soit
engagée par le procureur de la République.
M. Jacques Larché, président,
a alors observé que
le nombre de dénonciations anonymes augmentait de manière
préoccupante. Il a regretté que le Sénat, lors de l'examen
du projet de loi renforçant la protection de la présomption
d'innocence et les droits des victimes, n'ait pas adopté un amendement
visant à interdire l'utilisation des dénonciations anonymes sauf
à l'égard de certaines infractions.
Évoquant les dispositions du présent projet de loi relatives au
contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire,
M.
Laurent Le Mesle
s'est déclaré très attaché
à la direction par le procureur de l'exercice de la police judiciaire,
rappelant que la direction de la police judiciaire relevait pour sa part du
ministère de l'intérieur. Il a indiqué que les relations
entre autorité judiciaire et police judiciaire étaient souvent
bonnes, mais que des difficultés pouvaient notamment se poser quant
à l'affectation des moyens. Il a estimé que les dispositions du
projet de loi sur ce point risquaient de ne rien changer à la situation
actuelle puisqu'elles ne revêtaient aucun caractère contraignant.
Il a estimé très intéressante la proposition de la
commission de réflexion sur la justice tendant à prévoir
la présence de magistrats de haut niveau au sein des directions
concernées par l'exercice de la police judiciaire. Il a en outre
jugé souhaitable la création d'une inspection de la police
judiciaire ou l'association de l'inspection générale des services
judiciaires aux enquêtes concernant les officiers ou agents de police
judiciaire.
EXAMEN EN COMMISSION
M.
Pierre Fauchon, rapporteur
, a tout d'abord observé que le projet de
loi comportait trois parties très inégales, visant respectivement
à réorganiser la relation hiérarchique entre le Parquet et
le ministère de la justice, à améliorer les garanties
offertes aux citoyens face aux classements sans suite, enfin à renforcer
le contrôle de l'autorité judiciaire sur la police judiciaire.
Le rapporteur a souligné que la question des relations entre la
chancellerie et le Parquet donnait lieu à débat depuis bien
longtemps et que le projet de loi ne contestait pas le principe de la
hiérarchisation du Parquet, tout en modifiant sensiblement
l'organisation de cette hiérarchie. Il a rappelé que l'article 36
du code de procédure pénale permettait actuellement au ministre
de la justice de dénoncer aux procureurs généraux les
infractions à la loi pénale et de leur enjoindre d'engager ou de
faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente des
réquisitions qu'il jugeait opportunes. Il a indiqué que ce texte
était généralement interprété comme
empêchant le ministre de la justice de donner des instructions de
classement.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a alors fait valoir que ce système
était aujourd'hui critiqué et que le Gouvernement souhaitait
mettre fin à l'idée selon laquelle les instructions
données par le ministre de la justice seraient de nature politique. Il a
précisé que le projet de loi tendait tout d'abord à
supprimer la rédaction actuelle de l'article 36 du code de
procédure pénale et à interdire expressément au
ministre de la justice de donner des instructions dans les affaires
individuelles.
Le rapporteur a observé que trois dispositions tendaient à
réaffirmer, en contrepartie, la hiérarchisation du Parquet et les
responsabilités du ministre. Il a indiqué que le pouvoir de
donner des instructions individuelles était transféré du
ministre de la justice aux procureurs généraux, qui se verraient
investis d'un pouvoir fort. Il a souligné que le projet de loi tendait
à reconnaître au ministre la possibilité de définir
des orientations générales de politique pénale,
naturellement dans le cadre de la loi pénale votée par le
Parlement. Il a noté que ces orientations seraient envoyées aux
procureurs généraux, qu'elles pourraient faire l'objet
d'adaptations, qu'elles seraient diffusées aux procureurs mais aussi au
public et que leur mise en oeuvre donnerait lieu chaque année à
des rapports des procureurs et des procureurs généraux. Il a
enfin précisé que le ministre devrait rendre compte de
l'application de la politique pénale devant le Parlement et que cette
déclaration pourrait donner lieu à un débat. Il a
estimé que cette dernière disposition était une
évolution importante.
Le rapporteur a enfin fait valoir que le projet de loi tendait à
reconnaître au ministre de la justice le droit de mettre lui-même
en mouvement l'action publique.
Citant le mot du poète " Dichtung und Wahrheit ",
c'est-à-dire " poésie et vérité ", le
rapporteur a estimé que le projet de loi relevait plus, à
certains égards, de la poésie que de la vérité. Il
a indiqué que la suppression des instructions individuelles
écrites et versées au dossier ne mettrait pas fin au
soupçon concernant l'intervention du politique dans les affaires
judiciaires et qu'il était parfois possible de faire comprendre beaucoup
de choses par un simple geste. Il en a conclu qu'il ne fallait guère se
faire d'illusions à propos des instructions de nature politique,
rappelant que les instructions anormales ne passaient jamais par des canaux
normaux.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a alors estimé qu'une vision
optimiste du projet de loi pouvait laisser penser que la chancellerie ne
donnerait plus d'instructions individuelles tout en demeurant informée
du déroulement des affaires et en donnant toute l'assistance technique
nécessaire aux membres du Parquet. Il a déclaré ne pas
partager cet optimisme, observant que, d'ores et déjà, les
procureurs se sentaient seuls et qu'ils ne recevaient que fort peu
d'informations de la chancellerie. Il a exprimé la crainte que ce projet
de loi, joint à la tendance actuelle des magistrats de vouloir exercer
leurs fonctions dans leur région d'origine, n'aboutisse à une
" balkanisation " et à une régionalisation de l'action
publique. Il a fait valoir que le projet de loi ne pouvait conduire qu'à
un renforcement de l'autonomie des magistrats, qui étaient d'ores et
déjà convaincus qu'ils n'avaient à agir qu'en fonction de
leur conscience. Il a enfin fait valoir que le désengagement de la
chancellerie pourrait provoquer, en contrepartie, un renforcement du pouvoir du
ministère de l'intérieur.
Le rapporteur a estimé que le Sénat ne pouvait se contenter
d'exprimer son scepticisme face au projet de loi, mais qu'il lui revenait de se
montrer constructif. Il a indiqué que le maintien du texte en vigueur
pourrait être aisément justifié, mais que le Sénat
mènerait un combat inutile en choisissant cette solution et qu'il ne
parviendrait vraisemblablement pas à faire comprendre un tel choix par
l'opinion publique.
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a alors proposé, en observant que
cette idée lui avait été inspirée par
M. Christian Bonnet, qu'à tout le moins, le ministre de la
justice conserve le pouvoir de donner des instructions individuelles dans les
affaires relatives à la sûreté de l'Etat, et
singulièrement en matière de terrorisme. Il a estimé que,
dans les autres affaires, le ministre ne désirant plus assumer ses
prérogatives, il était souhaitable de mettre en place une
autorité indépendante du pouvoir politique chargée de
coordonner l'action publique.
Le rapporteur a rappelé que l'Espagne, le Portugal et la Grande-Bretagne
connaissaient d'ores et déjà de tels systèmes. Il a
indiqué qu'en Grande-Bretagne, les affaires concernant la
sûreté de l'Etat relevaient du ministre de la justice, les autres
d'un directeur des poursuites publiques.
Il a proposé qu'un procureur général de la
République soit nommé pour cinq ans par le Chef de l'Etat sur une
liste de trois noms proposés par le Conseil supérieur de la
magistrature. Il a précisé que son mandat ne serait pas
renouvelable et qu'il pourrait être mis fin à ses fonctions sur
décision du Conseil supérieur de la magistrature.
Le rapporteur a alors indiqué que ce procureur général de
la République pourrait, pour sa part, donner les instructions
écrites, motivées et versées au dossier que le ministre de
la justice se refusait désormais à donner. Il a indiqué
que cette solution prenait pleinement en compte la volonté du
Gouvernement de mettre fin au soupçon relatif au caractère
politique des instructions individuelles, tout en évitant un risque de
" balkanisation " de l'action publique.
Au cours du débat qui a suivi l'exposé du rapporteur,
M. Christian Bonnet
a regretté que l'Etat
délaisse de plus en plus ses attributs régaliens. Il a
rappelé que les pouvoirs de l'Etat étaient de plus en plus
enserrés entre ceux de l'Union européenne et ceux des
collectivités locales. Il a noté que les lois trouvaient en outre
de plus en plus leur origine dans des faits et que le Parlement se trouvait
aujourd'hui conduit à examiner un amendement " Michelin " ou
un projet de loi " Himalaya ".
Rappelant que Paul Valéry avait écrit qu'un homme
compétent est un homme qui se trompe suivant les règles,
M.
Christian Bonnet
a constaté que le législateur
compétent était désormais celui qui
légiférait selon l'air du temps. Approuvant les propositions
formulées par le rapporteur, il a considéré qu'il
était impensable d'abandonner aux procureurs généraux
l'ensemble des décisions concernant l'action publique dans des affaires
mettant en cause l'Etat, en particulier en matière de terrorisme.
M. Patrice Gélard
a approuvé la solution proposée
par le rapporteur, tout en regrettant que le système actuel soit remis
en cause. Il a observé que le projet de loi ne prévoyait rien
à propos de la responsabilité des procureurs et que, d'ores et
déjà, chaque procureur, chaque substitut agissait comme bon lui
semblait. Il a estimé nécessaire de lier l'entrée en
vigueur du présent texte à l'adoption du projet de loi organique
concernant le statut de la magistrature.
M. Jacques Larché, président
, a rappelé
que Mme Elisabeth Guigou s'était déclarée attachée
à ce que les décisions du Conseil supérieur de la
magistrature deviennent publiques. Il a rappelé qu'il existait bien
quelques décisions disciplinaires du Conseil supérieur de la
magistrature mais qu'elles ne sanctionnaient que des affaires privées.
M. Lucien Lanier
a observé que le projet de loi donnait des
pouvoirs considérables aux procureurs généraux et que l'on
pouvait craindre, à la limite, une réapparition des Parlements de
province d'Ancien régime. Il s'est déclaré favorable
à la création d'une autorité permettant un contrôle
de l'action des procureurs généraux et s'est demandé si ce
rôle ne pourrait pas être exercé par le procureur
général près la cour de Cassation.
M. Charles Jolibois
a souligné que l'idée de lier
l'application du projet de loi relatif à l'action pénale à
l'adoption du projet de loi organique sur le statut des magistrats
n'apporterait que des garanties minimes, le Sénat n'ayant qu'une prise
limitée sur le contenu de la loi organique.
M. Jean-Jacques Hyest
s'est déclaré ouvert aux
évolutions nécessaires concernant le fonctionnement de la
justice, mais a estimé préoccupante la situation actuelle. Il a
rappelé que la mobilité des magistrats tendait à devenir
lettre morte et que le projet de loi engageait le Parquet dans une voie
très incertaine. Il a fait valoir que, pour les citoyens, le procureur
était le représentant de l'Etat, en partageant le sentiment que,
d'ores et déjà, le Parquet n'était pas dirigé. Il a
rappelé que dans certains pays fédéraux, notamment en
Allemagne, la lutte contre le terrorisme avait été
entravée par la difficulté de coordonner l'action publique et
s'est demandé s'il était opportun, pour la France, de suivre un
tel chemin. Il a enfin estimé singulier que le ministre puisse mettre en
mouvement l'action publique, considérant qu'il s'agissait là
d'une prérogative du Parquet. Il a estimé
préférable que le ministre donne des instructions quand le
Parquet ne remplit pas son office.
M. Robert Badinter
a tout d'abord noté que la question des
rapports entre la chancellerie et les parquets était
évoquée depuis très longtemps dans les milieux judiciaires
et qu'elle avait donné lieu à de nombreux colloques. Il a
estimé que l'autorité ministérielle s'était
écrasée en hélicoptère sur les pentes de l'Himalaya
et que l'on n'y pouvait rien changer. Il s'est déclaré partisan
de donner aux magistrats du Parquet des garanties fortes sur le
déroulement de leur carrière et a souhaité que le projet
de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature
puisse être adopté dans les meilleurs délais. Il a
indiqué qu'il aurait préféré que les conditions de
nomination des procureurs et des procureurs généraux soient
purement et simplement alignées sur les conditions de nomination des
magistrats du siège.
M. Robert Badinter
a alors estimé que, dans un monde où se
développait la criminalité organisée nationale et surtout
internationale, l'exercice de l'action publique impliquait unité,
hiérarchie et responsabilité. Soulignant qu'il était
possible de s'interroger sur l'importance de la criminalité
organisée dans la future Europe élargie, il a affirmé
qu'il était de la responsabilité du garde des sceaux d'exercer
l'action publique et qu'il devait en être responsable devant l'opinion
publique.
Notant que Charles Péguy avait déclaré qu'il était
bien d'avoir les mains propres, pourvu qu'on ne se coupe pas les mains,
M.
Robert Badinter
a estimé que cette responsabilité du ministre
en matière d'action publique n'était pas dans l'air du temps. Il
a constaté qu'il n'était pas possible de répéter
impunément pendant des années que les instructions de la
chancellerie étaient un mal sans que cela ait des conséquences
sur la mentalité et la culture des magistrats. Il a fait valoir que les
nouveaux magistrats étaient convaincus que, seule, leur conscience
devait dicter leurs choix et que les procureurs généraux
n'avaient qu'une autorité de principe sur les procureurs, ces derniers
n'ayant eux-mêmes qu'une autorité de principe sur les substituts.
Il a indiqué que la magistrature évoluait d'une culture de
soumission à une culture de concertation.
M. Robert Badinter
a ensuite fait valoir que nous vivions dans une
démocratie d'opinion et qu'il était impossible de l'ignorer. Il a
rappelé qu'en 1998, selon un sondage, 16 % seulement des citoyens
estimaient que la magistrature était indépendante à
l'égard du pouvoir politique.
Evoquant la solution proposée par le rapporteur,
M. Robert Badinter
a estimé qu'elle n'avait pas le
mérite de l'originalité. Il a rappelé que l'exemple
anglais n'était pas comparable, le directeur des poursuites étant
nommé par l'Attorney général, ministre de la justice. Il a
indiqué que le véritable exemple était celui du Fiscal
général espagnol et a rappelé que la Cour
constitutionnelle espagnole avait déjà eu l'occasion d'annuler
une décision du conseil des ministres relative au choix de cette
personnalité. Il a souligné qu'en France, l'idée de
créer un procureur général de la République avait
été défendue par l'association professionnelle des
magistrats.
M. Robert Badinter
a déclaré qu'il était impossible
de retenir la solution proposée par le rapporteur, observant que ce
nouveau personnage aurait la maîtrise complète des poursuites et
des classements, tout en n'ayant aucune responsabilité. Il a fait valoir
que le projet de loi tendait simplement à inscrire dans la loi les
propositions de la commission de réflexion sur la justice, à
savoir la définition d'orientations générales de politique
pénale par le ministre de la justice, l'absence d'instructions
individuelles du ministre, le maintien d'une concertation et d'échange
d'informations entre les parquets et la chancellerie. Il a conclu son propos en
observant qu'il existait des situations où nul ne pouvait exercer la
responsabilité de la décision en matière d'action
publique, hors le pouvoir politique. Il a estimé que, face à
certains actes terroristes ou à des situations telles qu'une prise
d'otages, le ministre devrait pouvoir donner des instructions écrites et
versées au dossier. Il a enfin fait valoir qu'un procureur ou un
procureur général n'avait pas à assumer des
décisions aussi lourdes.
M. Robert Bret
s'est déclaré favorable à
l'orientation de la réforme proposée par le Gouvernement, mais a
indiqué avoir des interrogations sur la méthode proposée.
Il a observé que la société française doutait,
qu'elle était en crise, en manque de repères. Il a fait valoir
que s'il ne fallait pas légiférer en fonction d'une opinion, il
était nécessaire de tenir compte de l'évolution de la
société. Il a souhaité que le législateur prenne
désormais toujours en compte le développement de l'Union
européenne ainsi que la mondialisation. Il a enfin estimé que la
solution proposée par le rapporteur n'aurait pour effet que de
créer de nouvelles difficultés.
En réponse à M. Robert Badinter,
M. Maurice Ulrich
a
souligné qu'il était facile de réduire la situation
psychologique actuelle à quelque épisode exotique passé,
mais que d'autres comportements, tout aussi contestables, avaient pu être
observés. Il a souhaité savoir si M. Robert Badinter
considérait que la nécessité, pour le ministre de la
justice, d'intervenir dans certaines circonstances, notamment face à des
actes de terrorisme, impliquait la remise en cause de l'adage : " la
plume est serve mais la parole est libre ".
M. Robert Badinter
a alors souligné que ce principe, auquel on
pouvait attacher une valeur constitutionnelle, existait depuis l'origine du
Parquet, que l'audience était vivante et modifiait la conviction de
chacun et qu'il ne convenait pas de supprimer la liberté de parole du
Procureur.
M. Jacques Larché, président
, a rappelé
que l'adage " la plume est serve mais la parole est libre "
était lié au pouvoir hiérarchique.
Répondant aux orateurs,
M. Pierre Fauchon, rapporteur
,
a indiqué qu'il avait regretté pendant la préparation de
son rapport, de ne pas disposer du projet de loi organique sur le statut de la
magistrature. Il a estimé cohérent que le Président de la
République attende de connaître l'ensemble des
éléments relatifs au futur statut du Parquet pour réunir
le Parlement en Congrès sur le projet de loi constitutionnelle relatif
au Conseil supérieur de la magistrature.
Le rapporteur a ensuite noté qu'aucun orateur n'avait soutenu le projet
de loi présenté par le Gouvernement. Il a estimé
contradictoires certains propos de M. Robert Badinter et a
remarqué qu'il était difficile d'affirmer à la fois que
l'intervention du ministre de la justice dans la politique d'action publique
était absolument nécessaire, qu'elle n'était cependant pas
dans l'air du temps et qu'il ne fallait surtout pas, malgré
l'impossibilité que le ministre conserve son rôle actuel,
créer une nouvelle autorité chargée d'assumer ce
rôle. Il a en outre noté qu'il était conduit à
formuler des propositions parce que l'actuel garde des sceaux refusait
d'assumer une mission jugée essentielle par M. Robert Badinter.
Le rapporteur a déclaré que, toujours, lorsqu'une institution
nouvelle était proposée, certains prédisaient
l'échec inévitable. Il a fait valoir que l'indépendance de
la Banque de France n'avait pas conduit au cataclysme annoncé par
certains. Il a enfin souligné que la France n'était pas l'Espagne
et qu'elle était capable de mettre en place un système qui lui
soit propre.
M. Robert Badinter
a indiqué que la demande d'examiner la
nécessité éventuelle de rompre les liens entre le Parquet
et le Gouvernement avait été exprimée à l'origine
par le Président de la République.
M. Patrice Gélard
a observé que le système
proposé par le rapporteur ne fonctionnait pas qu'en Espagne ou en
Grande-Bretagne, mais aussi aux Pays-Bas et au Japon.
La commission a ensuite examiné les amendements présentés
par le rapporteur.
A l'
article premier
(attributions du ministre de la justice), elle a
adopté un amendement tendant à remplacer dans le texte
proposé pour l'article 30 du code de procédure pénale
le mot " directives " par le mot " orientations ".
M. Pierre Fauchon, rapporteur
, a indiqué que les
circulaires de politique pénale n'avaient pas de valeur normative et que
le terme d' " orientations ", qui figurait dans le projet de loi
initial paraissait plus clair, à cet égard, que celui de
" directives ".
La commission a adopté un amendement tendant à compléter
le texte proposé pour l'article 30 du code de procédure
pénale afin de prévoir la possibilité pour le ministre de
la justice de donner des instructions individuelles dans les affaires
concernant les infractions visées aux titres premier et II du
livre IV du code pénal. Le rapporteur a fait valoir que le
Sénat se devait de demander solennellement au garde des sceaux de
conserver ses responsabilités dans les affaires mettant en cause la
sûreté de l'Etat.
M. Patrice Gélard
s'est demandé s'il ne faudrait
pas faire référence à toutes les affaires ayant une
implication en matière de relations internationales.
M. Jacques Larché, président
, a observé
qu'on ne pouvait définir les pouvoirs du ministre qu'en prenant en
compte des infractions précises.
M. Robert Badinter
s'est opposé à l'amendement, soulignant que l'intervention du
ministre pouvait être indispensable, non face à certaines
infractions quelle que soit leur gravité, mais face à certaines
situations dans lesquelles l'intérêt national peut être mis
en cause.
M. Charles Jolibois
s'est demandé s'il ne
conviendrait pas que le ministre de la justice conserve également le
pouvoir de donner des instructions individuelles en matière de trafic de
stupéfiants.
La commission a ensuite adopté un amendement supprimant le texte
proposé pour l'article 30-1 du code de procédure
pénale, relatif au droit d'action propre du ministre de la justice. Le
rapporteur a fait valoir qu'au cours des auditions auxquelles il avait
procédé, toutes les personnes entendues avaient qualifié
de singulière cette intervention personnelle du garde des sceaux. Il a
indiqué que les exemples donnés par la ministre concernant
l'utilisation de ce pouvoir propre n'apparaissaient pas convaincants.
M. Jean-Pierre Schosteck
a fait valoir que ce droit d'action
était l'expression du remords d'avoir abandonné le droit de
donner des instructions individuelles.
M. Jacques Larché, président
, a souligné
que le garde des sceaux avait indiqué que ce droit d'action engagerait
sa responsabilité. Il a rappelé que, sous la
V
e
République, il n'existait aucun moyen d'engager la
responsabilité politique personnelle d'un ministre.
La commission a enfin adopté trois amendements de coordination et un
amendement de conséquence tendant à supprimer l'information du
Parlement sur l'application du droit d'action propre du ministre de la justice.
Après l'article premier
, la commission a examiné un
amendement tendant à insérer un
article additionnel
afin
d'insérer un chapitre premier ter composé de quatre
articles 30-3 à 30-6 dans le titre premier du
livre premier du code de procédure pénale, relatif au
procureur général de la République. Le rapporteur a
souligné que celui-ci veillerait à la cohérence de
l'exercice de l'action publique et coordonnerait l'action des procureurs
généraux.
Il a précisé que le procureur général de la
République pourrait donner des instructions individuelles aux procureurs
généraux et qu'il devrait adresser chaque année au
Président de la République et au ministre de la justice un
rapport sur son activité. Il a observé qu'il serait
désigné par le Président de la République sur une
liste de trois personnalités proposées par le Conseil
supérieur de la magistrature et que son mandat, d'une durée de
cinq ans, ne serait pas renouvelable. Il a enfin indiqué qu'il pourrait
être mis fin aux fonctions du procureur général de la
République en cas d'empêchement ou de manquement grave aux
obligations de sa charge, sur décision du Conseil supérieur de la
magistrature, prise sur proposition du ministre de la justice.
M. Jacques Larché, président
, a indiqué que la
nomination du procureur général de la République serait
nécessairement un acte soumis à contreseing, les actes ne donnant
pas lieu à un tel contreseing étant limitativement
énumérés à l'article 19 de la Constitution.
M. Patrice Gélard
a souhaité que la
décision de mettre fin aux fonctions soit prise par le Conseil
supérieur de la magistrature mais que, par respect du
parallélisme des formes, elle donne lieu à une décision
formelle du Président de la République qui aurait alors
compétence liée.
La commission a alors adopté l'amendement ainsi modifié.
La commission a adopté un amendement de suppression de
l'
article premier bis
(droit pour les associations de demander
au procureur de faire appel sur l'action publique). Le rapporteur a
estimé contestable de permettre à certaines associations de faire
pression sur le procureur pour qu'il fasse appel. Il a fait valoir que toutes
les parties civiles pourraient revendiquer le même droit.
La commission a adopté un amendement de suppression de
l'
article premier ter
(pourvois dans l'intérêt de
la loi) tendant à modifier l'article 620 du code de
procédure pénale, afin de fixer des délais pour l'examen
par la Cour de Cassation des pourvois dans l'intérêt de la loi.
A l'
article 2
(attributions du procureur général
près la cour d'appel), outre quatre amendements de coordination, la
commission a adopté un amendement tendant à compléter le
texte proposé pour l'article 36 du code de procédure
pénale afin de prévoir que le procureur général
prend des réquisitions écrites conformes aux instructions qui lui
sont données soit par le ministre de la justice soit par le procureur
général de la République.
La commission a adopté un amendement tendant à supprimer la
disposition du texte proposé pour l'article 37 du code de
procédure pénale interdisant explicitement aux procureurs
généraux de donner des instructions faisant obstacle à la
mise en mouvement de l'action publique. Le rapporteur a indiqué que
cette précision n'était pas indispensable, la phrase
précédente n'autorisant que les seules instructions d'engager des
poursuites ou de saisir la juridiction compétente de réquisitions
écrites.
La commission a adopté un amendement tendant à modifier le
premier alinéa du texte proposé pour l'article 37-2 du code
de procédure pénale, afin de permettre au procureur
général de la République, comme au ministre de la justice,
d'être informés sur les affaires individuelles.
Enfin, la commission a examiné un amendement tendant à
compléter le texte proposé pour l'article 37-2 du code de
procédure pénale, afin de prévoir que les procureurs
généraux communiquent leur rapport au procureur
général de la République. A la suite d'une intervention de
M. Jacques Larché, président
, la commission a
estimé préférable que les rapports des procureurs
généraux soient transmis au procureur général de la
République par le ministre de la justice. Elle a adopté
l'amendement ainsi modifié.
A l'
article 3
(attributions du procureur de la République),
la commission a adopté deux amendements de coordination.
La commission a ensuite examiné par priorité un amendement
tendant à réécrire l'
article 5
(recours contre
les classements sans suite) du projet de loi.
M. Pierre Fauchon,
rapporteur
, a indiqué que le chapitre II du projet de loi
tendait à renforcer les garanties offertes aux citoyens face aux
classements sans suite. Il a précisé que le projet de loi
prévoyait la notification et la motivation des décisions de
classement et qu'il organisait, dans son article 5, un recours contre ces
décisions. Il a observé que cet article tendait à
permettre aux personnes n'ayant pas qualité pour se constituer partie
civile de faire un recours contre les décisions de classement
auprès du procureur général, puis, en cas de
réponse négative ou d'absence de réponse, devant une
commission interrégionale composée de magistrats du Parquet.
Le rapporteur a estimé qu'il était contestable de limiter le
droit d'intenter un recours hiérarchique aux seules personnes n'ayant
pas qualité pour se constituer partie civile. Il a souligné que
le recours devant les commissions interrégionales était lourd et
complexe. Il a donc proposé, d'une part d'ouvrir le recours
hiérarchique à tous et de l'inscrire après l'article du
code de procédure pénale relatif à la motivation des
décisions de classement, d'autre part, de supprimer le second
échelon du recours.
Le rapporteur a enfin souhaité que le terme de classement sans suite ne
soit plus employé dans le code de procédure pénale et dans
le projet de loi, observant que les alternatives aux poursuites
n'étaient pas des classements et encore moins des classements sans
suite. Il a proposé de remplacer la référence aux
décisions de classement par une référence aux
décisions de ne pas poursuivre.
La commission a alors adopté l'amendement proposé par le
rapporteur.
A l'
article 3
(attributions du procureur de la République),
la commission a ensuite adopté un amendement de coordination ainsi que
deux amendements tirant les conséquences de l'amendement adopté
à l'article 5.
Avant l'article 4
, la commission a adopté un amendement de
conséquence tendant à modifier l'intitulé du
chapitre II afin qu'il ne fasse plus référence aux
classements sans suite, mais aux décisions de ne pas poursuivre.
A l'
article 4
(notification et motivation des classements sans
suite), la commission a adopté un amendement tendant à modifier
le texte proposé pour l'article 40-1 du code de procédure
pénale, afin de remplacer la référence à la
décision de classement par une référence à la
décision de ne pas poursuivre.
Elle a également adopté un amendement tendant à supprimer
la précision selon laquelle la motivation des décisions de ne pas
poursuivre doit être faite en distinguant les considérations de
droit et de fait. Le rapporteur a fait valoir qu'en pratique les motivations
données par les procureurs ne distingueraient pas réellement les
considérations de droit et les considérations de fait.
A l'
article 6
(prise en compte des directives
générales de politique pénale dans l'activité de la
police judiciaire), la commission a adopté un amendement de coordination.
A l'
article 7
(renforcement des attributions du procureur de la
République en matière de police judiciaire), outre un amendement
de coordination, la commission a adopté deux amendements tendant
à supprimer les deux derniers alinéas de cet article. Le
rapporteur a constaté que ces alinéas prévoyaient que le
procureur et les services de police ou de gendarmerie définissaient d'un
commun accord les moyens à mettre en oeuvre en cas d'enquête
longue ou complexe et qu'ils se tenaient informés des moyens à
mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs fixés par les orientations
générales de politique pénale. Il a fait valoir que ces
dispositions n'apportaient rien au droit positif et donnaient même le
sentiment que le procureur et les services de police et de gendarmerie
étaient placés sur un pied d'égalité.
Par coordination avec les décisions prises à l'article 7, la
commission a adopté un amendement de suppression de
l'
article 9
(droit de regard du juge d'instruction sur les moyens
mis en oeuvre en cas de commission rogatoire).
Après l'article 10
, la commission a adopté un
amendement tendant à insérer un
article additionnel
pour
prévoir que les enquêtes relatives au comportement d'officiers ou
d'agents de police judiciaire dans l'exercice d'une mission de police
judiciaire associent l'inspection générale des services
judiciaires au service d'enquête compétent et peuvent être
ordonnées par le ministre de la justice.
M. René-Georges Laurin
a souhaité savoir si la
gendarmerie serait concernée par cette mesure.
M. Jean-Jacques Hyest
a alors fait valoir qu'il existait une
inspection de la police nationale, ainsi qu'une inspection de la gendarmerie,
et que l'amendement du rapporteur avait pour objet d'associer l'inspection des
services judiciaires aux inspections concernant l'ensemble des officiers de
police judiciaire, qu'ils soient policiers ou gendarmes.
A l'
article 11
(coordinations et dispositions diverses), la
commission a adopté six amendements de conséquence avec la
décision de supprimer le droit d'action propre du garde des sceaux.
A l'
article 12
(application dans les territoires d'outre-mer, en
Nouvelle-Calédonie et dans la collectivité territoriale de
Mayotte), la commission a adopté un amendement tendant à
remplacer la référence aux territoires d'outre-mer par une
référence à la Polynésie française et aux
îles Wallis et Futuna.
La commission a alors
approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi
modifié.