C. MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS
Cette réforme va représenter une charge de travail supplémentaire pour les magistrats administratifs, et surtout des responsabilités nouvelles.
Cette réforme est exigeante pour l'ensemble des intervenants :
- les requérants et leurs avocats devront faire diligence et argumenter précisément leurs requêtes ;
- l'administration devra former du personnel pour la représenter devant les juridictions administratives statuant en urgence.
Les collectivités locales seront fortement sollicitées et devront sans doute développer des services juridiques étoffés. Il est souhaitable que le corps préfectoral développe en amont le conseil aux collectivités locales, au lieu d'intervenir uniquement a posteriori , lors du contrôle de légalité ;
- le juge administratif devra faire face à un afflux de contentieux .
En effet, l'expérience du contentieux de la reconduite à la frontière a montré qu'une procédure rapide suscitait un recours accru au juge. Actuellement, le tribunal administratif de Paris reçoit environ une centaine de contestations d'arrêtés de reconduite à la frontière par jour et en juge environ une vingtaine. Avec un stock de 2.500 dossiers, il n'est pas en mesure de respecter le délai de quarante-huit heures prévu par le législateur ; ces affaires sont jugées en plusieurs mois ;
- le personnel du greffe du tribunal devra se spécialiser dans le traitement de l'urgence, qui bouleverse les méthodes de travail habituelles.
L'augmentation globale des requêtes devant les tribunaux administratifs, indépendamment de cette réforme, demande des moyens supplémentaires importants. L'étude d'impact du projet de loi ne chiffre pas les besoins des juridictions ; elle se contente de demander " une augmentation significative des emplois de magistrats et de greffes ".
Il ne s'agit pas seulement de maintenir à son niveau actuel la capacité de jugement des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, mais de l'augmenter, sinon le stock d'affaires continuera à augmenter.
D. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
Outre sept amendements d'ordre rédactionnel, votre commission des Lois vous propose douze amendements tendant à :
- limiter à un an la durée de la suspension de l'exécution d'une décision administrative dans les cas où le juge du fond n'aurait pas statué dans ce délai ; il s'agit de ne porter atteinte au caractère exécutoire des décisions administratives que dans la stricte mesure du nécessaire, pour une durée raisonnable ; le juge du fond serait ainsi fortement incité à statuer rapidement ( article 3 ) ;
- supprimer la mention expresse selon laquelle le représentant de l'État dans le département ou dans la région pourrait saisir le juge des référés d'une demande de référé-injonction à l'encontre d'un acte ou d'un agissement d'une collectivité territoriale ( article 4) ;
- supprimer la faculté pour le juge de se ressaisir d'office d'une demande en référé pour la modifier au vu d'éléments nouveaux ; il convient de réserver cette faculté aux parties ; l'auto-saisine du juge n'est pas de nature à améliorer le bon fonctionnement de la justice si elle aboutit à une plus grande insécurité juridique ( article 6 ) ;
- la modification par le même juge des mesures de référé-injonction en matière de libertés fondamentales n'est pas satisfaisante car il ne s'agit pas d'une réelle voie de recours, il est donc nécessaire de prévoir la possibilité de faire appel du référé-injonction devant le président de la section du contentieux du Conseil d'État ; lorsque l'appel sera exercé, le référé injonction ne pourra donner lieu à modification par le même juge ( article 7 ) ;
- organiser une audience publique pour la modification, prévue par l'article 6 du projet de loi, des mesures prononcées au titre du référé suspension ou du référé injonction ; l'audience publique est en effet une garantie pour les justiciables ( article 7 ) ;
- limiter le rejet pour irrecevabilité des demandes de référé aux cas d'irrecevabilité manifeste, conformément à la rédaction de l'article L. 9 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; s'agissant d'une procédure qui déroge au principe du contradictoire, il convient de limiter le risque d'erreur du juge statuant seul ( article 9 ) ;
- limiter à vingt jours la durée pendant laquelle le juge des référés pré-contractuels pourra enjoindre à l'administration de différer la signature du contrat en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence ; ce délai, actuellement réglementaire, mérite de figurer dans la loi car il détermine la portée du pouvoir d'injonction provisoire du juge ( article 10 );
- rappeler que le juge des référés n'examine pas la requête principale tendant à la résolution au fond d'un litige ( article 16 ) ;
- aligner complètement sur le droit commun du référé-suspension les dispositions relatives aux actes des fédérations sportives ( article 17 ) ;
- rendre applicables en Nouvelle-Calédonie les dispositions de l'article 12 du projet de loi, relatives au contrôle de l égalité des actes des communes exercé par le haut-commissaire de la République : suspension de droit commun, suspension d'extrême urgence en cas d'atteinte aux libertés, déféré défense nationale ( trois articles additionnels après l'article 19 ).
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Sous réserve de ces observations et des modifications qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le projet de loi relatif au référé devant les juridictions administratives.