B. PRENDRE LA MESURE DES NOUVEAUX POUVOIRS DU JUGE
Ce projet de loi donnerait au juge administratif des référés statuant en urgence des pouvoirs lui permettant d'être aussi efficace que le juge civil des référés.
Pourtant, il n'est pas question, en donnant ces pouvoirs au juge administratif des référés, de nier la différence entre les deux ordres de juridiction.
Les magistrats administratifs ont une culture administrative. Ils font davantage référence aux libertés publiques, alors que le juge judiciaire protège en premier lieu la liberté individuelle. Surtout, ils ont l'habitude de manier un droit inégalitaire : l'administration ne peut être assimilée à un particulier dans la mesure où elle agit dans l'intérêt général.
a) La suspension de l'exécution d'une décision administrative
En assouplissant considérablement les conditions d'octroi du sursis à exécution des décisions administratives, le présent projet de loi permet une utilisation plus fréquente de la suspension, au vu de critères qui ne sont pas précisément définis dans la loi, à savoir une situation d'urgence et un " doute sérieux " quant à la légalité de la décision attaquée.
Or, eu égard au principe fondamental du caractère exécutoire des décisions administratives, il ne paraît pas souhaitable de confier au juge un pouvoir sans limite.
En particulier, le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales s'est accompagné en 1982 du remplacement de la tutelle de l'Etat sur les collectivités locales par un contrôle de légalité a posteriori , fondé sur le principe que les actes des autorités décentralisées sont exécutoires de plein droit dès leur publication ou leur notification aux intéressés et leur transmission au représentant de l'État dans le département ou la région.
Votre commission des Lois vous proposera de limiter dans le temps les effets de la suspension, afin de faire prévaloir l'efficacité de l'action publique . Impartir au juge un délai pour statuer sur la requête au fond, lorsque son caractère urgent est bien établi, permet d'attirer l'attention sur la lenteur avec laquelle le juge administratif statue au fond.
Il serait en effet regrettable que des projets entrepris dans un but d'intérêt général puissent être mis en échec par des recours devant la juridiction administrative sans examen au fond alors qu'en première instance les tribunaux administratifs statuent dans un délai de deux ans.
Si l'urgence constatée justifie des mesures provisoires, votre commission propose que le juge du fond statue dans un délai d'un an, sous peine de mettre fin à la suspension prononcée en référé.
En tout état de cause les recours abusifs devront être sanctionnés au référé comme dans les procédures au fond.