III. LE PROJET DE LOI CONSTITUTIONNELLE SOUMIS AU SÉNAT
Le
projet de loi constitutionnelle soumis au Sénat a été
adopté sans modification par l'Assemblée nationale le 6 avril
dernier.
Ce projet contient un article unique tendant à insérer un article
53-2 dans la Constitution, dont le contenu serait le suivant :
"
La République peut reconnaître la juridiction de la Cour
pénale internationale dans les conditions prévues par le
traité signé le 18 juillet 1998
".
Le choix d'insérer un article 53-2 dans la Constitution paraît
opportun. Le titre VI de la Constitution, dans lequel s'inscrira ce nouvel
article, concerne en effet les " traités et accords
internationaux ". L'article 53 de la Constitution énumère
les traités ou accords qui ne peuvent être ratifiés ou
approuvés qu'en vertu d'une loi, tandis que l'article 53-1, introduit
dans notre Loi fondamentale en 1993
8(
*
)
, concerne la possibilité pour la
République de passer, avec les Etats européens qui sont
liés par des engagements identiques aux siens en matière d'asile
et de protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
des accords déterminant leurs compétences respectives pour
l'examen des demandes d'asile qui leur sont présentées.
Sur le fond, le gouvernement a choisi de présenter un projet
prévoyant la possibilité pour la France d'accepter l'ensemble des
dispositions du statut de la Cour pénale internationale et ne
mentionnant pas explicitement les motifs d'inconstitutionnalité
relevés par le Conseil constitutionnel. De fait, la modification des
articles 68, 68-1 et 26 de la Constitution, relatifs aux immunités dont
bénéficient respectivement le Président de la
République, les ministres et les parlementaires aurait posé des
problèmes complexes. Il aurait en outre été
nécessaire de mentionner explicitement l'acceptation par la France des
pouvoirs d'enquête du procureur de la Cour pénale ainsi que des
règles susceptibles de priver le régime de l'amnistie et le
régime de la prescription de leur effet.
Le choix d'insérer dans la Constitution une disposition
générale est donc compréhensible, même si ce projet
de loi constitutionnelle s'éloigne ainsi des solutions retenues pour les
traités d'Amsterdam et de Maastricht. L'article 88-2 mentionne en effet
les domaines dans lesquels la France peut consentir des transferts de
compétences au profit de l'Union européenne (établissement
de l'union économique et monétaire européenne, libre
circulation des personnes).
Il convient de mentionner que le projet de loi constitutionnelle prévoit
que la France " peut " reconnaître la juridiction de la Cour
pénale internationale.
Le choix de ce verbe vise à tenir
compte du fait que le présent projet de loi constitutionnelle tend
à rendre possible la ratification du traité et non à
autoriser cette ratification. Une loi ordinaire devra autoriser la ratification
du traité signé le 18 juillet 1998 après l'adoption
définitive par le Congrès du Parlement du présent projet
de loi constitutionnelle
. La même solution a été
retenue lors de la révision constitutionnelle préalable à
la ratification du traité d'Amsterdam. L'article 88-2 de la Constitution
prévoit en effet désormais que "
peuvent être
consentis les transferts de compétences...
".
Le projet de loi fait référence à la juridiction de la
Cour pénale internationale et non à sa compétence.
Pourtant, la version française du statut de la Cour ne fait jamais
référence à sa juridiction, mais à sa
compétence. Ainsi, l'article premier du statut stipule :
"
Il est créé une Cour pénale internationale en
tant qu'institution permanente, qui peut exercer sa compétence à
l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une
portée internationale, au sens du présent statut
".
La difficulté que pourrait soulever l'emploi du terme juridiction tient
à ce que ce mot recouvre un grand nombre de significations. La
juridiction est en effet à la fois la "
mission de juger ;
pouvoir et devoir de rendre la justice par application du
droit
"
9(
*
)
et
l'"
organe institué pour exercer le pouvoir de
juridiction
". En l'occurrence, le projet de loi constitutionnelle a
pour objet de reconnaître la compétence et les prérogatives
attribuées à la Cour pénale internationale par le statut.
Quoi qu'il en soit, la rédaction proposée, si elle n'est pas la
plus heureuse, permet de lever l'ensemble des obstacles constitutionnels
à la ratification du traité, ce qui est l'essentiel.
La principale question que pose la rédaction du projet de loi
constitutionnelle est celle de son champ d'application. L'article unique fait
en effet référence à la reconnaissance de la juridiction
de la Cour "
dans les conditions prévues par le traité
signé le 18 juillet 1998
". On peut en déduire qu'il
vise à rendre conformes à la Constitution les dispositions du
statut qui lui ont été déclarées contraires et ne
couvre pas les modifications futures du statut. Toutefois, le statut
lui-même prévoit la possibilité d'amendements au statut
sept ans après son entrée en vigueur. Des amendements aux
dispositions du statut de caractère exclusivement institutionnel sont
même possibles sans attendre le délai de sept ans. Il serait donc
possible de considérer que ces amendements font partie des
"
conditions prévues par le traité du 18 juillet
1998
". Le gouvernement considère néanmoins que la
rédaction du projet de loi n'a pas pour effet de rendre automatiquement
conformes à la Constitution les futurs amendements au statut quels
qu'ils soient. Il est vrai que les stipulations du statut relatives à sa
révision et aux amendements sont très générales et
qu'elles ne permettent pas d'exclure a priori des modifications qui
bouleverseraient l'équilibre du traité tel qu'il a
été soumis au Conseil constitutionnel.
En tout état de cause, il convient de garder à l'esprit que les
amendements au statut devront donner lieu à ratification par les Etats
parties conformément à l'article 121 du statut. Dans ces
conditions, rien ne saurait empêcher le Président de la
République, le Premier ministre, le président de l'une ou l'autre
assemblée ou soixante députés ou soixante sénateurs
de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité à la
Constitution des modifications apportées au statut de la Cour
pénale internationale.
*
Le
présent projet de loi constitutionnelle mérite d'être
approuvé, dans la mesure où il permettra la ratification
prochaine par la France d'un traité qui constitue un progrès
considérable dans la lutte internationale contre l'impunité des
auteurs de crimes contre l'humanité et des crimes de guerre les plus
graves.
Les limitations à la souveraineté de la France
qu'entraînera la mise en place de la Cour pénale internationale
doivent être relativisées. Si par malheur des Français,
quelle que soit leur qualité, venaient à se livrer à des
crimes aussi graves que ceux pour lesquels la Cour pénale aura
compétence, ils seront jugés par des juridictions
françaises. Ce n'est que dans l'hypothèse d'un grave
dysfonctionnement de notre Etat de droit que la Cour pénale recevrait
compétence.
*
* *
Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des Lois vous propose d'adopter sans modification le projet de loi constitutionnelle.
a) Décision n° 98-408 DC du 22 janvier
1999
b) Traité portant statut de la Cour pénale
internationale
Le
Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 décembre 1998,
par le Président de la République et le Premier Ministre,
conformément à l'article 54 de la Constitution, de la question de
savoir si, compte tenu des engagements souscrits par la France, l'autorisation
de ratifier le traité portant statut de la Cour pénale
internationale signé à Rome le 18 juillet 1998 doit être
précédée d'une révision de la Constitution ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant
loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 18,
alinéa 2, 19 et 20 ;
Vu le décret du 2 décembre 1910 portant promulgation de la
Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre,
signée à La Haye le 18 octobre 1907 et le règlement
annexé concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre ;
Vu le décret du 22 août 1928 promulguant le Protocole concernant
la prohibition d'emploi à la guerre des gaz asphyxiants, toxiques ou
similaires et de moyens bactériologiques, signé à
Genève le 17 juin 1925 ;
Vu le décret n° 45-2267 du 6 octobre 1945 portant promulgation
de l'accord entre le Gouvernement provisoire de la République
française et les Gouvernements des Etats-Unis d'Amérique, du
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord, et de l'Union des
républiques socialistes soviétiques concernant la poursuite et le
châtiment des grands criminels de guerre des puissances
européennes de l'axe, signé à Londres le 8 août
1945, ensemble le statut du tribunal militaire international ;
Vu le décret n° 46-35 du 4 janvier 1946 portant promulgation
de la Charte des Nations Unies contenant le statut de la cour internationale de
justice, signée à San-Francisco, le 26 juin 1945 ;
Vu le décret n° 50-1449 du 24 novembre 1950 portant
publication de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide approuvée par l'assemblée
générale des Nations Unies le 9 décembre 1948 ;
Vu le décret n° 52-253 du 28 février 1952 portant
publication de la Convention relative au traitement des prisonniers de guerre,
de la Convention relative à la protection des personnes civiles en temps
de guerre, de la Convention pour l'amélioration du sort des
blessés, des malades et des naufragés des forces armées
sur mer, de la Convention pour l'amélioration du sort des blessés
et des malades dans les forces armées en campagne, signées
à Genève le 12 août 1949 ;
Vu la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964 tendant à
constater l'imprescriptibilité des crimes contre
l'humanité ;
Vu la loi n° 83-1130 du 23 décembre 1983 autorisant
l'adhésion de la République française au protocole
additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif
à la protection des victimes des conflits armés non
internationaux (protocole II), adopté à Genève le 8 juin
1977, ensemble le décret n° 84-727 du 17 juillet 1984 portant
publication de ce protocole ;
Vu la loi n° 87-1134 du 31 décembre 1987 autorisant la
ratification d'une convention sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi
de certaines armes classiques qui peuvent être considérées
comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans
discrimination (ensemble les protocoles I et II), conclue à
Genève le 10 octobre 1980, ensemble le décret
n° 88-1021 du 2 novembre 1988 portant publication de cette
convention ;
Vu la loi n° 90-548 du 2 juillet 1990 autorisant la ratification de
la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New-York
le 26 janvier 1990, ensemble le décret n° 90-917 du 8 octobre
1990 portant publication de cette convention ;
Vu la loi n° 95-1 du 2 janvier 1995 portant adaptation de la
législation française aux dispositions de la résolution
827 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un
tribunal international en vue de juger les personnes présumées
responsables de violations graves du droit international humanitaire commises
sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 ;
Vu la loi n° 96-432 du 22 mai 1996 portant adaptation de la
législation française aux dispositions de la résolution
955 du Conseil de sécurité des Nations Unies instituant un
tribunal international en vue de juger les personnes présumées
responsables d'actes de génocide ou d'autres violations graves du droit
international humanitaire commis en 1994 sur le territoire du Rwanda et,
s'agissant de citoyens rwandais, sur le territoire d'Etats voisins ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
-- Sur le contenu de l'engagement international soumis au conseil
constitutionnel :
Considérant que le traité, signé à Rome le 18
juillet 1998, porte création de la Cour pénale internationale et
en définit le statut ; qu'il précise que cette Cour, de
caractère permanent et dotée de la personnalité juridique
internationale, peut exercer sa compétence à l'égard des
crimes les plus graves, commis par des personnes physiques, qui touchent
l'ensemble de la communauté internationale et qui, suivant les termes du
préambule du traité, sont de nature à menacer " la
paix, la sécurité et le bien-être du monde " ;
que le traité indique que la Cour, qui peut exercer ses fonctions et ses
pouvoirs sur le territoire des Etats parties, " est complémentaire
des juridictions criminelles nationales " ; qu'il stipule que la Cour
" est liée aux Nations Unies par un accord qui doit être
approuvé par l'Assemblée des Etats parties au présent
statut, puis conclu par le Président de la Cour au nom de
celle-ci " ; qu'il incombera à l'Assemblée des Etats
parties d'adopter, à la majorité des deux tiers de ses membres,
le règlement de procédure et de preuve la concernant ;
Considérant que la Cour, qui aura son siège à La Haye, aux
Pays-Bas, " Etat hôte ", est composée en particulier
d'une section préliminaire, d'une section de première instance et
d'une section des appels ; que les juges, au nombre de dix-huit au moins,
sont élus par l'Assemblée des Etats parties, pour un mandat de
neuf ans ; que la section des appels est composée du
président et de quatre juges, la section de première instance et
la section préliminaire étant, quant à elles,
composées de six juges au moins ; que les fonctions judiciaires de
la Cour sont exercées dans chaque section par des chambres ; que
les juges exercent leurs fonctions en toute indépendance et ne sont pas
rééligibles ; qu'ils adoptent, à la majorité
absolue, le règlement nécessaire au fonctionnement quotidien de
la Cour ;
Considérant que les autres organes de la Cour sont le bureau du
procureur et le greffe ; que le bureau du procureur, composé du
procureur, qui le dirige, et des procureurs adjoints, " agit
indépendamment en tant qu'organe distinct au sein de la
Cour " ; que les procureurs sont élus par l'Assemblée
des Etats parties et exercent leurs fonctions pendant neuf ans ; qu'ils ne
sont pas rééligibles ; qu'enfin, le greffe, dirigé
par un greffier, est responsable des aspects non judiciaires de
l'administration et du service de la Cour ;
Considérant qu'un Etat partie ou le Conseil de sécurité
agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies peut
déférer au procureur une situation dans laquelle des crimes
relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été
commis ; qu'en outre, le procureur peut ouvrir une enquête au vu de
renseignements concernant les mêmes crimes si la chambre
préliminaire, après examen des éléments
justificatifs qu'il a recueillis, lui en donne l'autorisation ;
Considérant que la chambre préliminaire, après ouverture
d'une enquête, est seule compétente pour prendre, sur
requête du procureur, des mesures restrictives ou privatives de
liberté, telles que la délivrance d'un mandat d'arrêt ou
d'une citation à comparaître ; que ladite chambre dispose
d'un pouvoir général de suivi des enquêtes et poursuites
diligentées par le procureur ; que ce pouvoir s'exerce notamment en
matière de preuve, s'agissant de recueillir, d'examiner ou de
vérifier certains éléments de preuve aux fins d'un
procès à la demande du procureur ou à celle de la personne
poursuivie ; que, dans un délai raisonnable après la remise
de la personne à la Cour, il appartient à la chambre
préliminaire de confirmer éventuellement les charges sur
lesquelles le procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en
jugement ; qu'elle tient à cette fin une audience, en
présence du procureur et de la personne concernée, au cours de
laquelle elle s'assure qu'" il existe des preuves suffisantes donnant des
raisons sérieuses de croire que la personne a commis chacun des crimes
qui lui sont imputés " ; qu'à défaut de telles
preuves, elle peut soit ne pas confirmer lesdites charges, soit demander au
procureur une modification des charges ou un supplément
d'enquête ;
Considérant que le procès ne commence devant la chambre de
première instance qu'après la confirmation des charges ;
qu'en cas de verdict de culpabilité, la chambre de première
instance fixe la peine à appliquer ; qu'il peut être fait
appel de la décision ainsi rendue devant la chambre d'appel qui a les
mêmes pouvoirs que la chambre de première instance ; que la
chambre d'appel peut annuler ou modifier la décision ou la condamnation
ou ordonner un nouveau procès devant une chambre de première
instance différente ;
Considérant que les peines d'emprisonnement prononcées par la
Cour sont exécutées dans un Etat désigné par
celle-ci sur la liste des Etats ayant fait savoir qu'ils sont disposés
à recevoir des condamnés ; que, si aucun Etat n'est
désigné, la peine est exécutée " dans un
établissement pénitentiaire fourni par l'Etat
hôte " ; que la Cour contrôle l'exécution des
peines d'emprisonnement ;
-- Sur les normes de référence applicables :
Considérant que le peuple français a, par le préambule de
la Constitution de 1958, proclamé solennellement " son attachement
aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels
qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789,
confirmée et complétée par le préambule de la
Constitution de 1946 " ; qu'il ressort, par ailleurs, du
préambule de la Constitution de 1946 que la sauvegarde de la
dignité de la personne humaine contre toute forme d'asservissement et de
dégradation est un principe de valeur constitutionnelle ;
Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de
l'homme et du citoyen énonce que " le principe de toute
souveraineté réside essentiellement dans la nation " ;
que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier
alinéa, que " la souveraineté nationale appartient au peuple
qui l'exerce par ses représentants et par la voie du
référendum " ;
Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame,
dans son quatorzième alinéa, que la République
française se " conforme aux règles du droit public
international " et, dans son quinzième alinéa, que
" sous réserve de réciprocité, la France consent aux
limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation
et à la défense de la paix " ;
Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre,
comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de
" traités ou accords relatifs à l'organisation
internationale " ; qu'en vertu de l'article 55 de la Constitution de
1958 : " Les traités ou accords régulièrement
ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une
autorité supérieure à celle des lois, sous réserve,
pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre
partie " ;
Considérant qu'il résulte de ces textes de valeur
constitutionnelle que le respect de la souveraineté nationale ne fait
pas obstacle à ce que, sur le fondement des dispositions
précitées du préambule de la Constitution de 1946, la
France puisse conclure des engagements internationaux en vue de favoriser la
paix et la sécurité du monde et d'assurer le respect des
principes généraux du droit public international ; que les
engagements souscrits à cette fin peuvent en particulier prévoir
la création d'une juridiction internationale permanente destinée
à protéger les droits fondamentaux appartenant à toute
personne humaine, en sanctionnant les atteintes les plus graves qui leur
seraient portées, et compétente pour juger les responsables de
crimes d'une gravité telle qu'ils touchent l'ensemble de la
communauté internationale ; qu'eu égard à cet objet,
les obligations nées de tels engagements s'imposent à chacun des
Etats parties indépendamment des conditions de leur exécution par
les autres Etats parties ; qu'ainsi, la réserve de
réciprocité mentionnée à l'article 55 de la
Constitution n'a pas lieu de s'appliquer ;
Considérant, toutefois, qu'au cas où ces engagements contiennent
une clause contraire à la Constitution, mettent en cause les droits et
libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux
conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale,
l'autorisation de les ratifier appelle une révision
constitutionnelle ;
Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au
Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité
portant statut de la Cour pénale internationale signé à
Rome le 18 juillet 1998 ;
-- Sur le respect des dispositions de la constitution relatives a la
responsabilité pénale des titulaires de certaines qualités
officielles :
Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 27 du statut :
" Le présent statut s'applique à tous de manière
égale, sans aucune distinction fondée sur la qualité
officielle. En particulier, la qualité officielle de chef d'Etat ou de
gouvernement, de membre d'un gouvernement ou d'un parlement... n'exonère
en aucun cas de la responsabilité pénale au regard du
présent statut, pas plus qu'elle ne constitue en tant que telle un motif
de réduction de la peine " ; qu'il est ajouté, au 2 de
l'article 27, que " les immunités ou règles de
procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la
qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit
international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence
à l'égard de cette personne " ;
Considérant qu'il résulte de l'article 68 de la Constitution que
le Président de la République, pour les actes accomplis dans
l'exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison,
bénéficie d'une immunité ; qu'au surplus, pendant la
durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut
être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice, selon les
modalités fixées par le même article ; qu'en vertu de
l'article 68-1 de la Constitution, les membres du Gouvernement ne peuvent
être jugés pour les crimes et délits commis dans l'exercice
de leurs fonctions que par la Cour de justice de la République ;
qu'enfin, les membres du Parlement, en vertu du premier alinéa de
l'article 26 de la Constitution, bénéficient d'une
immunité à raison des opinions ou votes émis dans
l'exercice de leurs fonctions, et, en application du deuxième
alinéa du même article, ne peuvent faire l'objet, en
matière criminelle ou correctionnelle, hors les cas de flagrance ou de
condamnation définitive, d'une arrestation ou de toute autre mesure
privative ou restrictive de liberté qu'avec l'autorisation du bureau de
l'assemblée dont ils font partie ;
Considérant qu'il suit de là que l'article 27 du statut est
contraire aux régimes particuliers de responsabilité
institués par les articles 26, 68 et 68-1 de la Constitution ;
-- Sur le respect des principes constitutionnels applicables au droit penal
et a la procédure pénale :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 5, la Cour
pénale internationale a compétence à l'égard du
crime de génocide, des crimes contre l'humanité, des crimes de
guerre et du crime d'agression ; qu'elle ne pourra toutefois exercer
effectivement sa compétence à l'égard du crime d'agression
que lorsque celui-ci aura été défini par un nouveau
traité portant révision du statut, conformément aux
articles 121 et 123 ;
Considérant que l'article 6 énumère les actes qui,
" commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un
groupe national, ethnique, racial ou religieux ", peuvent être
retenus sous la qualification pénale de " crime de
génocide " ; que l'article 7 précise, quant à
lui, les actes qui, " commis dans le cadre d'une attaque
généralisée ou systématique lancée contre
une population civile et en connaissance de cette attaque ", peuvent
être qualifiés pénalement de " crimes contre
l'humanité " ; qu'enfin, l'article 8 indique que la Cour a
compétence à l'égard des " crimes de guerre " et
en dresse la liste ; que figurent en particulier dans celle-ci les crimes
qui " s'inscrivent dans un plan ou une politique ou lorsqu'ils font partie
d'une série de crimes analogues commis sur une grande
échelle " ;
Considérant qu'aux termes de l'article 29 du statut : " Les
crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent
pas " ; qu'aucune règle, ni aucun principe de valeur
constitutionnelle, n'interdit l'imprescriptibilité des crimes les plus
graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ;
Considérant que l'article 66 affirme la présomption d'innocence
dont bénéficie toute personne jusqu'à ce que sa
culpabilité ait été établie devant la Cour ;
qu'il incombe au procureur de prouver la culpabilité de
l'accusé ; qu'en application de l'article 67, celui-ci
bénéficie de la garantie de " ne pas se voir imposer le
renversement du fardeau de la preuve ni la charge de la
réfutation " ;
que sont en conséquence
respectées les exigences qui découlent de l'article 9 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'il résulte de l'article 22 du statut qu'une
personne n'est pénalement responsable que si son comportement constitue,
au moment où il se produit, un crime relevant de la compétence de
la Cour ; que la définition d'un crime est d'interprétation
stricte et ne peut être étendue par analogie ; que l'article
25 définit les cas de responsabilité pénale individuelle
susceptibles de donner lieu à condamnation ; qu'en application de
l'article 30, nul n'est pénalement responsable à défaut
d'intention et de connaissance accompagnant l'élément
matériel du crime ; que, par ailleurs, les articles 31 à 33
énumèrent les motifs d'exonération de la
responsabilité pénale pouvant être retenus ; qu'ainsi,
le statut fixe précisément le champ d'application des
incriminations comme des exonérations de responsabilité
pénale et définit les crimes, tant dans leur
élément matériel que dans leur élément
moral, en termes suffisamment clairs et précis pour permettre la
détermination des auteurs d'infractions et éviter
l'arbitraire ; que sont également de nature à éviter
l'arbitraire la motivation, exigée par l'article 74 du statut, de la
décision rendue par la chambre de première instance, ainsi que la
motivation de l'arrêt de la chambre d'appel prévue par l'article
83 ;
que ces stipulations respectent le principe de
légalité des délits et des peines qui découle des
articles 7 et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du
citoyen ;
Considérant qu'il résulte du 1 de l'article 11 que la Cour n'est
compétente qu'à l'égard des crimes commis après
l'entrée en vigueur du statut ; que l'article 24 pose le principe
de " non-rétroactivité
ratione personae
" et
celui de l'application immédiate du droit le plus favorable ; qu'il
est ainsi satisfait au principe de non-rétroactivité de la loi
pénale plus sévère qui résulte de l'article 8 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 89 du statut, la
Cour peut présenter à l'Etat sur le territoire duquel est
susceptible de se trouver une personne, quelle que soit sa nationalité,
une demande d'arrestation et de remise, et solliciter à cette fin la
coopération de cet Etat ; que, lorsqu'elle présente une
telle demande, la Cour se trouve dans l'exercice de ses compétences
telles que définies par les articles 5 à 13 du statut, s'agissant
de situations qui ont été déférées au
procureur ou pour lesquelles le procureur a ouvert une enquête de sa
propre initiative ; que la demande d'arrestation et de remise vise soit
une personne qui a déjà été reconnue coupable par
la Cour, soit une personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt
délivré par la chambre préliminaire et dont, aux termes de
l'article 58, il y a de " bonnes raisons de croire " qu'elle " a
commis un crime relevant de la compétence de la Cour ", son
arrestation étant justifiée par l'un des motifs
énoncés au b) du 1 de l'article 58 ; qu'eu égard
à la finalité de la remise et aux garanties de procédure
mises en oeuvre par la Cour, il n'est porté atteinte à aucun
principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle ;
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 59, il est
procédé, conformément à la législation de
l'Etat qui reçoit la demande, à l'arrestation provisoire ou
à l'arrestation et à la remise ; que la personne
arrêtée est déférée sans délai
à l'autorité judiciaire de l'Etat qui s'assure,
conformément à sa législation, notamment de la
régularité de l'arrestation et du respect des droits de
l'intéressé ; que l'autorité judiciaire
compétente peut décider la mise en liberté de la personne
concernée ; qu'est assuré le respect des droits de la
défense dès la procédure initiale devant la Cour et
pendant le procès lui-même ; qu'en particulier, selon
l'article 55, la personne interrogée soit par le procureur, soit par les
autorités judiciaires nationales peut être assistée
à tout moment par le défenseur de son choix ou un
défenseur commis d'office ; que seule la chambre
préliminaire de la Cour peut délivrer les mandats
nécessaires, notamment les mandats d'arrêt ; que la personne
remise à la Cour peut demander sa mise en liberté provisoire en
attendant d'être jugée ; qu'il résulte des
dispositions de l'article 60 que la chambre préliminaire
réexamine périodiquement sa décision de mise en
liberté ou de maintien en détention ; qu'elle s'assure que
la détention avant le procès ne se prolonge pas de manière
excessive à cause d'un retard injustifiable qui serait imputable au
procureur ; que la chambre de première instance, en vertu de
l'article 64, " veille à ce que le procès soit conduit de
façon équitable et avec diligence, dans le plein respect des
droits de l'accusé " ; que le procès est public, sous
réserve de la faculté pour la chambre de première instance
de prononcer le huis clos en raison de circonstances
particulières ; que la sentence est prononcée en audience
publique ; que les exigences constitutionnelles relatives au respect des
droits de la défense et à l'existence d'une procédure
juste et équitable, garantissant l'équilibre des droits des
parties, sont ainsi satisfaites ;
Considérant que l'article 23 précise qu'une personne qui a
été condamnée par la Cour ne peut être punie que
conformément aux dispositions du statut ; que les peines pouvant
être prononcées contre une personne déclarée
coupable d'un crime sont fixées par l'article 77 ; qu'en cas de
verdict de culpabilité, la peine est arrêtée en tenant
compte, conformément aux dispositions des articles 76 et 78, des
conclusions et éléments de preuve pertinents
présentés au procès
,
de la gravité du
crime et de la situation personnelle du condamné ; que ces
règles n'encourent aucune critique d'inconstitutionnalité et sont
en particulier conformes aux principes de nécessité et de
légalité des peines ;
Considérant que les juges composant la Cour exercent leurs fonctions en
toute indépendance, les articles 40 et 48 du statut prévoyant
à cet effet les incompatibilités et les immunités
nécessaires ; que, par ailleurs, les juges qui sont affectés
à la section des appels ne peuvent siéger dans d'autres
sections ; que les articles 41 et 42 du statut fixent la procédure
selon laquelle peuvent intervenir la décharge et la récusation
des juges ainsi que des procureurs ; qu'enfin, l'article 46 prévoit
la procédure selon laquelle un membre de la Cour peut être
privé de ses fonctions en cas de faute lourde ou de manquements graves
à ses devoirs ; qu'est ainsi satisfaite l'exigence
d'impartialité et d'indépendance de la Cour ;
Considérant que, suivant les dispositions des articles 81 à 83 du
statut, il peut être fait appel de certaines décisions de la
chambre préliminaire et des décisions rendues par la Cour dans la
formation de chambre de première instance ; qu'une procédure
de révision d'une décision sur la culpabilité ou la peine
est par ailleurs instaurée par l'article 84 ; que l'article 85
institue en outre une procédure d'indemnisation des personnes victimes
d'une arrestation ou d'une mise en détention illégales, ainsi que
des personnes ayant subi une peine en raison d'une condamnation
ultérieurement annulée ; qu'en cas d'erreur judiciaire grave
et manifeste, une indemnité peut également être
accordée ; que l'article 68 du statut oblige la Cour à
prendre toutes les mesures de nature à assurer la sécurité
et le respect de la vie privée des victimes et des témoins,
notamment en dérogeant au principe de la publicité des
débats s'agissant de l'audition de personnes vulnérables ;
que l'article 75 précise que la Cour établit des " principes
applicables aux formes de réparation... à accorder aux
victimes " ; que, sur cette base, elle pourra déterminer, dans
ses décisions, l'ampleur des dommages et des préjudices subis par
les victimes, et rendre, contre une personne condamnée, une ordonnance
indiquant la réparation qu'il convient d'accorder ; que
l'indemnité allouée pourra être versée par un fonds
créé au profit des victimes par l'Assemblée des Etats
parties ; que l'ensemble de ces règles est conforme à la
Constitution ;
-- Sur le respect des conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale :
• En ce qui concerne la complémentarité entre la Cour
pénale internationale et les juridictions nationales :
Considérant que les dispositions du dixième alinéa du
préambule et de l'article 1er du statut disposent que la Cour " est
complémentaire des juridictions criminelles nationales " ; que
cette complémentarité implique, ainsi qu'il résulte des
dispositions des articles 17 et 20 du statut, qu'une affaire est jugée
irrecevable par la Cour soit lorsqu'elle " fait l'objet d'une
enquête ou de poursuites de la part d'un Etat ayant compétence en
l'espèce ", soit, lorsqu'après enquête, " cet
Etat a décidé de ne pas poursuivre la personne
concernée ", soit, enfin, lorsque cette dernière " a
déjà été jugée pour le comportement faisant
l'objet de la plainte soumise à la Cour " ; qu'il
résulte par ailleurs de l'article 18 que le procureur notifie à
l'Etat concerné qu'une enquête est en voie d'être ouverte ou
est ouverte et que, pour sa part, l'Etat peut informer la Cour qu'il ouvre ou a
ouvert une enquête pour des actes en rapport avec les renseignements qui
lui ont été notifiés ; qu'à sa demande, l'Etat
se voit confier le soin de l'enquête, sauf si la chambre
préliminaire autorise le procureur à la conduire ;
Considérant cependant que, nonobstant le principe de
complémentarité, le 1 de l'article 17 permet à la Cour de
connaître d'une affaire en cas de manque de volonté de l'Etat de
mener véritablement à bien les poursuites ou lorsque le
même manque de volonté de l'Etat conduit celui-ci à
décider de ne pas poursuivre ; que le 2 de l'article 17
précise les critères s'imposant à la Cour pour
déterminer s'il y a manque de volonté d'un Etat ; qu'un tel
manque de volonté ne pourra être retenu que si la procédure
a été engagée " dans le dessein de soustraire la
personne concernée à sa responsabilité
pénale ", ou si " la procédure a subi un retard
injustifié " démentant " l'intention de traduire en
justice la personne concernée ", ou enfin lorsque " la
procédure n'a pas été ou n'est pas menée de
manière indépendante ou impartiale mais d'une manière qui,
dans les circonstances, dément l'intention de traduire en justice la
personne concernée " ; que, de plus, aux termes de l'article
20 du statut, dans le cas où la personne concernée a
déjà été jugée par une autre juridiction
pour un comportement visé à l'article 5, la Cour pourra
également juger cette personne si la procédure devant la
juridiction nationale " avait pour but de soustraire la personne
concernée à sa responsabilité pénale " ou
" n'a pas été...menée de manière
indépendante ou impartiale...mais d'une manière qui, dans les
circonstances, démentait l'intention de traduire
l'intéressé en justice " ;
Considérant, en outre, que la Cour pourra juger une affaire recevable
lorsque l'Etat compétent est dans l'incapacité de mener
véritablement à bien l'enquête ou les poursuites, ou
lorsque la décision de ne pas poursuivre est l'effet de cette même
incapacité ; que, selon le 3 de l'article 17, cette
incapacité correspond à l'hypothèse où
" l'Etat n'est pas en mesure, en raison de l'effondrement de la
totalité ou d'une partie substantielle de son propre appareil judiciaire
ou de l'indisponibilité de celui-ci, de se saisir de l'accusé, de
réunir les éléments de preuve et les témoignages
nécessaires ou de mener autrement à bien la
procédure " ;
Considérant, d'une part, que les stipulations du traité qui
apportent des restrictions au principe de complémentarité de la
Cour par rapport aux juridictions criminelles nationales, dans les cas
où l'Etat partie se soustrairait délibérément aux
obligations nées de la convention, découlent de la règle
"
Pacta sunt servanda
", en application de laquelle tout
traité en vigueur lie les parties et doit être
exécuté par elles de bonne foi ; que ces dispositions fixent
limitativement et objectivement les hypothèses dans lesquelles la Cour
pénale internationale pourra se déclarer compétente ;
que, par suite, elles ne méconnaissent pas les conditions essentielles
d'exercice de la souveraineté nationale ;
Considérant, d'autre part, que les stipulations qui permettent
également à la Cour de se reconnaître compétente
dans l'hypothèse de l'effondrement ou de l'indisponibilité de
l'appareil judiciaire national ne sauraient davantage méconnaître
les conditions essentielles d'exercice de la souveraineté
nationale ;
Considérant, en revanche, qu'il résulte du statut que la Cour
pénale internationale pourrait être valablement saisie du seul
fait de l'application d'une loi d'amnistie ou des règles internes en
matière de prescription ; qu'en pareil cas, la France, en dehors de
tout manque de volonté ou d'indisponibilité de l'Etat, pourrait
être conduite à arrêter et à remettre à la
Cour une personne à raison de faits couverts, selon la loi
française, par l'amnistie ou la prescription ; qu'il serait, dans
ces conditions, porté atteinte aux conditions essentielles d'exercice de
la souveraineté nationale ;
• En ce qui concerne la coopération internationale, l'assistance
judiciaire et les pouvoirs du procureur :
Considérant que l'article 54 du statut définit les devoirs et
pouvoirs du procureur en matière d'enquêtes ; qu'il doit,
pour mener celles-ci, demander la coopération des Etats ; qu'il
peut également enquêter sur le territoire d'un Etat ; que,
dans une telle hypothèse, il doit se conformer soit aux stipulations du
chapitre IX relatif à la coopération internationale et à
l'assistance judiciaire, soit à celles du d) du 3 de l'article 57 ;
Considérant qu'il résulte du chapitre IX précité
que la Cour est habilitée à adresser des demandes de
coopération et d'assistance aux Etats parties ; que les Etats font
droit à ces demandes conformément aux procédures
prévues par leur législation nationale, notamment en ce qui
concerne l'identification et l'interrogatoire des personnes, le rassemblement
d'éléments de preuve, l'exécution des perquisitions et des
saisies ; qu'ainsi qu'il ressort de l'article 93, si l'exécution
d'une mesure particulière d'assistance est interdite dans l'Etat requis
en vertu d'un principe juridique fondamental d'application
générale dans cet Etat, ce dernier n'est pas tenu d'apporter
l'assistance demandée dans la forme sollicitée par la Cour, mais
doit engager des consultations avec celle-ci ; qu'en application du
même article, un Etat peut rejeter totalement ou partiellement une
demande d'assistance de la Cour si elle a pour objet la divulgation
d'éléments de preuve ou la production de documents touchant
à la sécurité nationale, dont la protection est par
ailleurs assurée par l'article 72 ; que les articles 94 et 95 du
statut prévoient des procédures de sursis à
exécution des demandes d'assistance formulées auprès des
Etats ; que l'ensemble de ces stipulations garantissent le respect des
conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale;
Considérant que le d) du 3 de l'article 57 ne permet au procureur,
autorisé par la chambre préliminaire, de prendre certaines
mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat, sans s'être
assuré de la coopération de celui-ci, que dans le cas où
aucune autorité ou composante compétente de l'appareil judiciaire
national n'est disponible pour donner suite à une demande de
coopération ; que, dès lors, ces stipulations ne sauraient
porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la
souveraineté nationale;
Considérant, en revanche, qu'en application du 4 de l'article 99 du
statut, le procureur peut, en dehors même du cas où l'appareil
judiciaire national est indisponible, procéder à certains actes
d'enquête hors la présence des autorités de l'Etat requis
et sur le territoire de ce dernier ; qu'il peut notamment recueillir des
dépositions de témoins et " inspecter un site public ou un
autre lieu public " ; qu'en l'absence de circonstances
particulières, et alors même que ces mesures sont exclusives de
toute contrainte, le pouvoir reconnu au procureur de réaliser ces actes
hors la présence des autorités judiciaires françaises
compétentes est de nature à porter atteinte aux conditions
essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ;
• En ce qui concerne l'exécution des peines prononcées par
la Cour pénale internationale :
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 103 du
statut, l'Etat qui se déclare disposé à recevoir des
personnes condamnées par la Cour pénale internationale peut
assortir son acceptation de conditions qui doivent être
agréées par la Cour ; que ces dernières peuvent
être " de nature à modifier sensiblement les conditions ou la
durée de la détention " ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que la France, en
se déclarant disposée à recevoir des condamnés,
pourra subordonner son accord à des conditions portant notamment sur
l'application de la législation nationale relative à
l'exécution des peines privatives de liberté ; qu'elle
pourra en outre faire état de la possibilité d'accorder aux
personnes condamnées une dispense de l'exécution des peines,
totale ou partielle, découlant de l'exercice du droit de
grâce ; que, dès lors, les stipulations du chapitre X du
statut, relatives à l'exécution des peines, ne portent pas
atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté
nationale, non plus qu'à l'article 17 de la Constitution;
Considérant qu'aucune des autres stipulations du traité soumis au
Conseil constitutionnel au titre de l'article 54 de la Constitution n'est
contraire à celle-ci ;
Considérant que, pour les motifs énoncés ci-dessus,
l'autorisation de ratifier le traité portant statut de la Cour
pénale internationale exige une révision de la
Constitution ;
D E C I D E
:
Article premier
. -- L'autorisation de ratifier le
traité portant statut de la Cour pénale internationale exige une
révision de la Constitution.
Article 2
. -- La présente décision sera
notifiée au Président de la République, ainsi qu'au
Premier ministre, et publiée au
Journal officiel
de la
République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa
séance du 22 janvier 1999, où siégeaient : MM. Roland
DUMAS, Président, Georges ABADIE, Michel AMELLER, Jean-Claude COLLIARD,
Yves GUENA, Mme Noëlle LENOIR, M. Pierre MAZEAUD et Mme Simone VEIL.