CHAPITRE VI :
L'ORGANISATION DES RELATIONS DE TRAVAIL DANS LE
RÉSEAU DES CAISSES D'ÉPARGNE
ARTICLE 16
Les modalités de
négociation des accords collectifs nationaux
Commentaire : Le présent article transforme la
commission paritaire nationale (CPN) en simple instance de négociation
des accords collectifs nationaux des caisses d'épargne. Par ailleurs, il
gèle le champ d'application du statut du personnel des caisses
d'épargne à son périmètre existant.
Le présent article reprend en les aménageant les dispositions des
articles 16 et 17 de la loi du 1
er
juillet 1983 concernant
l'organisation des relations de travail dans le réseau des caisses
d'épargne.
Rappelons que l'article 15 de la loi du 1
er
juillet 1983 renvoie
à une commission paritaire nationale (CPN), dont la composition est
fixée par l'article 16 de ladite loi, le soin de négocier les
accords collectifs qui constituent le statut du personnel. Cette commission
comprend, à l'heure actuelle, 28 membres dont 14 représentants
des employeurs, désignés par la direction du CENCEP et 14
représentants du personnel, désignés par les organisations
syndicales, en proportion des résultats obtenus dans chaque
collège à la dernière élection au conseil de
discipline national. Les sièges sont répartis entre les
collèges proportionnellement à leur importance respective. Les
organisations syndicales qui ont recueilli au moins 5 % des suffrages
reçoivent au moins un siège.
En vertu de l'article 17 de la même loi, la CPN conclut des accords par
décisions prises à la majorité des trois quarts des
membres présents. Lorsqu'une des parties demande une modification au
statut et en cas de désaccord persistant pendant deux années, les
parties s'en remettent à une formation arbitrale nommée par les
ministres de l'économie et du travail.
Le présent article maintient l'existence de la CPN mais modifie le
mode de désignation des représentants des salariés et
réduit ses compétences.
Chaque organisation syndicale représentative au sens de l'article
L. 132-2 du code du travail, disposera désormais d'un siège
(six sur quatorze sont ainsi répartis), les autres étant
attribués en fonction des résultats obtenus à la
dernière élection professionnelle nationale. Les organisations
représentatives évoquées sont les grandes centrales
syndicales reconnues représentatives au niveau national
conformément à l'article L. 133-2 du code
précité, les syndicats affiliés aux dites organisations et
les syndicats qui ont fait la preuve de leur représentativité
dans le champ d'application de la convention ou de l'accord,
c'est-à-dire au sein de l'entreprise. 5 sièges sur 14 devraient
ainsi être attribués aux syndicats nationaux (CFDT, CGT, FO, CGC,
CFTC) et un au syndicat unifié.
Les huit sièges restants seront répartis en fonction des
résultats obtenus à l'élection pour le conseil de
discipline nationale qui est en pratique la seule instance sociale élue
au niveau du groupe des caisses d'épargne. Cela ne devrait toutefois pas
modifier l'équilibre des forces au sein de la CPN.
Par ailleurs, la CPN ne serait plus qu'une instance de négociation des
accords collectifs applicables aux entreprises du réseau des caisses
d'épargne.
Elle n'aurait plus mandat de conclure des accords.
En
conséquence, le présent article ne reprend pas à son
compte le premier alinéa de l'article 17 de la loi de 1983 qui
prévoyait que la commission conclut des accords par décisions
prises à la majorité des trois quarts des membres présents.
Il convient de noter que même si la solution proposée par le
présent article se rapproche du droit commun, elle en diffère en
ce qu'elle maintient une Commission paritaire nationale alors que dans le droit
commun, les accords collectifs n'ont pas nécessairement à
être discutés au sein d'une instance paritaire.
Votre commission vous proposera toutefois de maintenir le principe d'une
commission paritaire nationale qui peut contribuer à faciliter le
dialogue sociale, mais de supprimer l'article 17, qui concerne le mode de
dénonciation des accords.
Par ailleurs, et il est très important de le souligner, le
présent article précise que pour le futur,
les salariés
des filiales et organismes communs qui sont déjà couverts par une
convention collective adaptée à leur activité n'ont pas
à se voir appliquer la convention collective des caisses
d'épargne et de prévoyance.
Est ainsi supprimé un des freins majeurs à la croissance externe
du groupe. En effet, l'article 15 de la loi du 1
er
juillet 1983
précitée dispose que le statut du personnel résultant d'un
ensemble d'accords collectifs s'applique à l'ensemble des entreprises du
réseau, à leur filiales et à leurs organismes communs. Cet
article avait été rédigé pour éviter que les
caisses n'aient la tentation de filialiser leurs activités pour remettre
en cause les avantages consentis au personnel.
Or, comme le souligne à très juste titre Raymond Douyère
dans son rapport au premier ministre, cette clause a eu jusqu'à
présent pour conséquence d'alourdir le prix d'une acquisition
externe en ajoutant au prix de l'acquisition d'une filiale, celui de
l'extension à ses personnels d'un statut onéreux en terme de
rémunérations et d'avantages sociaux.
Il est probable que la menace d'une " contagion " des accords
collectifs régissant les caisses d'épargne n'a pas
été étrangère à la décision des
caisses d'épargne d'abandonner la tentative de rachat du CIC en 1996,
même si telle n'a pas été la raison invoquée.
Décision de la commission : votre commission vous propose
d'adopter le présent article sans modification.
ARTICLE 17
L'exercice du droit d'opposition
Commentaire : Le présent article supprime le vote
à la majorité des trois quarts au sein de la Commission paritaire
nationale et instaure un droit d'opposition au profit des organisations
syndicales qui regroupent plus de la moitié des quatorze membres
représentant le personnel à la CPN.
A l'heure actuelle, l'article 17 de la loi du 1
er
juillet 1983
précise que la CPN conclut des accords par décisions prises
à la majorité des trois-quarts des membres présents et que
lorsqu'une des deux parties demande une modification au statut, en cas de
désaccord persistant pendant deux années, les parties s'en
remettent à une formation arbitrale désignée par les
pouvoirs publics.
En 1983, le législateur a en effet souhaité mettre en place un
mécanisme qui, tout en garantissant le principe de l'adhésion
d'une majorité des personnels aux accords, évitait les risques de
blocage (recours à l'instance arbitrale en cas de désaccord). La
pratique de l'unanimité, jusqu'alors en vigueur au sein de la CPN avait
jusque là eu pour conséquence de limiter les possibilités
d'accord.
Or, la règle de la majorité des trois-quarts s'est
avérée nuisible au dialogue social en favorisant une logique de
blocage, comme l'illustrent les échecs des négociations sur la
prime de bilan ou sur la formation professionnelle. Elle incite en outre les
partenaires à se figer sur leurs positions, la responsabilité de
la décision incombant, en cas d'échec des négociations,
à la formation arbitrale désignée par les pouvoirs
publics. Elle a enfin incité les partenaires à conclure des
accords locaux plutôt que nationaux, ce qui a creusé les
écarts entre les personnels d'une caisse à l'autre.
Aussi,
le présent article propose-t-il de renoncer à la
majorité des trois-quarts sans pour autant opter franchement pour le
droit commun
. Il prévoit ainsi que dans un délai de quinze
jours à compter de la signature d'un accord collectif national par les
employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives,
les organisations syndicales dont les représentants à la CPN
constituent plus de la moitié des 14 membres représentant le
personnel peuvent s'opposer à l'entrée en vigueur de cet accord.
L'opposition est formulée par écrit et motivée. Elle est
notifiée à la CNCEP et aux organisations syndicales signataires.
Est conforme au droit commun le fait que les accords négociés au
sein de la CPN sont signés par les employeurs et une ou plusieurs
organisations syndicales représentatives. En outre, en cas de
dénonciation, les accords collectifs resteraient en vigueur pendant le
délai d'un an après dénonciation (contre deux ans
actuellement). Passé ce délai et sauf nouvel accord, le texte
dénoncé cesserait de s'appliquer, sous réserve du maintien
des avantages individuels acquis. Aussi est-il inutile de convoquer une
commission arbitrale, comme le prévoyait la loi de 1983.
De même, comme dans le droit commun, à défaut d'exercice du
droit d'opposition dans les quinze jours ouvert par la signature par
l'employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives
siégeant à la CPN, l'accord collectif national devient applicable
de plein droit, soit jusqu'à son terme normal, soit, s'il est à
durée indéterminée, jusqu'à sa dénonciation
par les parties signataires dans les conditions de droit commun prévues
à l'article L. 132-8 du code du travail.
S'écarte toutefois du droit commun le fait que le droit d'opposition
créé par le présent article s'applique à l'ensemble
des accords signés
. En effet, dans le droit commun du travail
(article L. 132-7 du code du travail), le droit d'opposition est
limité aux seuls avenants de révision qui
" réduisent ou suppriment un ou plusieurs avantages individuels
ou collectifs dont bénéficient les salariés en application
de la convention ou de l'accord qui les fondent "
.
Par ailleurs, dans le droit commun, le droit d'opposition est ouvert aux
syndicats qui ont recueilli les voix de plus de la moitié des
électeurs
inscrits
lors des dernières
élections professionnelles. Le présent article calcule la
majorité requise pour exercer le droit d'opposition sur la base du
nombre de délégués du personnel siégeant à
la CPN et ne donc prend en compte que les
suffrages exprimés
, ce
qui rend l'opposition plus aisée que dans le droit commun (le taux de
participation aux élections professionnelles est d'environ 60 %).
On notera que dans son rapport au premier ministre, Raymond Douyère
préconisait la mise en oeuvre des règles de droit commun. Cette
solution lui apparaissait logique, simple, lisible et naturelle,
" si
l'on considère la faiblesse des arguments militant en faveur du maintien
d'une spécificité des caisses d'épargne sur ce
point ".
C'est également la position de votre commission qui vous proposera en
conséquence de supprimer le présent article
. Elle rappelle
toutefois qu'aucune modification des règles de négociation
collective n'entraîne par elle-même de remise en cause des accords
collectifs et des accords locaux régissant actuellement le statut du
personnel.
Votre rapporteur rappelle par ailleurs que l'article 29 du présent
projet prévoit de maintenir l'ancienne procédure de
dénonciation des accords collectifs pour les conventions qui auraient
été dénoncées avant la date de publication de la
loi.
Décision de la commission : votre commission vous propose de
supprimer le présent article.