III. LA RÉFORME DES SOCIÉTÉS DE CRÉDIT FONCIER ET DES OBLIGATIONS FONCIÈRES
A. PRÉSENTATION DE LA RÉFORME
Cette réforme, bien que d'aspect très technique, revêt
une grande importance.
En effet, il convient d'y voir deux enjeux distincts :
- le premier est
la création d'un véritable marché
d'obligations foncières français
, élément de la
modernisation des marchés financiers et, par conséquent, de
l'attractivité de la place de Paris.
- le second est l'articulation de cette réforme
avec la cession
annoncée du Crédit foncier de France.
1. Le contexte : la faiblesse du marché hypothécaire français par rapport à ses concurrents européens
a) Le marché hypothécaire français
L'encours des crédits à l'habitat en France
s'élève à 2.288 milliards de francs fin 1997, dont la
très grande majorité sont des crédits hypothécaires
(prêts aidés et prêts libres), les autres prêts
étant des prêts cautionnés.
Cependant, les encours totaux d'emprunts obligataires émis pour le
refinancement de crédits hypothécaires (y compris l'immobilier
professionnel) représentent 17% seulement des crédits
hypothécaires, soit 380 milliards de francs.
Ces emprunts obligataires sont représentés par trois types
d'instruments :
-
les obligations foncières émises par le Crédit
foncier de France.
Le Crédit foncier de France a émis,
jusqu'en septembre 1995, des titres affectés qui offrent un
privilège sur les prêts distribués, d'après la loi
sur les obligations foncières de 1852. L'encours de ces obligations
foncières représente 9,5% du montant total des crédits au
logement, soit 217 milliards de francs.
-
les obligations émises par la Caisse de refinancement
hypothécaire (CRH)
représentent 3,5% du total des encours
liés au crédit au logement, soit 78,6 milliards de francs. La CRH
est un intervenant indirect, puisqu'elle ne prête pas à des
particuliers, mais à des établissements de crédit qui sont
ses actionnaires. Elle émet des billets de mobilisation (ou billets
hypothécaires) garantis par des créances éligibles au
marché hypothécaire. La CRH assure sur le marché
obligataire le refinancement des billets de mobilisation souscrits par ses
actionnaires.
-
les obligations classiques
représentent 84,4 milliards de
francs.
-
la titrisation
représente environ 1,5% du refinancement des
crédits à l'habitat, soit 34 milliards de francs.
Le refinancement obligataire ne représentant que 17% des crédits
hypothécaires, les autres moyens de refinancement sont : les livrets A
et B, le livret d'épargne populaire, le plan d'épargne-logement,
ou encore le refinancement bancaire (dépôts, emprunts).
Le marché du refinancement obligataire français des crédits à l'immobilier au 31/12/97
Obligations foncières (CFF) |
217 |
Marché hypothécaire (CRH) |
78,6 |
Obligations classiques |
84,4 |
Total |
380 |
Titrisation |
34 |
(en milliards de francs)
b) Le marché allemand : le "modèle" des Pfandbriefe
En
Allemagne, le montant total des crédits à l'habitat atteint
6.207 milliards de francs fin 1997, contre 2.288 milliards de francs en
France. Les crédits hypothécaires sont financés à
hauteur de 22,1% par des obligations foncières (Hypothekenpfandbriefe),
pour un total de 1.374 milliards de francs (380 milliards de francs en France).
Le reste est assuré par un refinancement bancaire.
Il existe en fait deux catégories de Pfandbriefe : les
Hypothekenpfandbriefe (HP)
pour les prêts hypothécaires,
résidentiels ou commerciaux, et les
Öffentlichepfandbriefe
(OP)
pour les prêts au secteur public. Les
Öffentlichepfandbriefe représentent 5.630 milliards de francs soit
plus des trois quarts de l'encours total.
Ainsi, le marché des Pfandbriefe allemands représente au total
7.000 milliards de francs, soit près de 40% du marché
obligataire allemand. Il s'agit du plus grand marché hypothécaire
de l'Union européenne.
L'encours des Pfandbriefe allemands au 31/12/97
Hypothekenpfandbriefe (HP) |
Pfandbriefe hypothécaires |
1.374 |
Öffentlichepfandbriefe (OP) |
Pfandbriefe publics |
5.630 |
Total |
Pfandbriefe |
7.004 |
(en milliards de francs)
Le marché obligataire allemand (au 30.08.98)
Pfandbriefe (HP et OP)
|
38%
|
Emissions du secteur public |
30% |
Obligation étrangères |
13% |
Obligations bancaires |
12,8% |
Obligations d'institutions spéciales |
6% |
Obligations industrielles |
0,2% |
c) La concurrence européenne impose à la France de rattraper son retard
La
création d'un véritable marché d'obligations
foncières français est devenue un enjeu important, pour
plusieurs raisons.
Tout d'abord, le marché obligataire hypothécaire européen
représente désormais un volume financier très
significatif. Fin 1997, le stock d'obligations hypothécaires
représentait 3.238 milliards de francs dans l'Union européenne,
les émissions s'élevant à 598 milliards de francs.
Il s'agit d'un marché dynamique : sa croissance annuelle a
été de 7,1% entre 1990 et 1996. Cependant, tous les pays ne
connaissent pas la même progression : alors que l'Italie, l'Allemagne et
les Pays-Bas enregistraient des hausses comprises entre 9% et 11%, le
marché français n'augmentait que de 1,6% par an.
Le marché hypothécaire français reste aujourd'hui
très faible. Les marchés de crédits hypothécaires
anglais et allemands représentent les deux tiers du marché
européen. Le marché hypothécaire allemand (qui peut donc
donner lieu à émission d'obligations foncières)
représente 60% du PIB, contre seulement 20% en France.
De nombreux pays européens, au premier rang desquels l'Allemagne, font
des efforts pour internationaliser leurs produits.
Il apparaît donc parfaitement légitime de créer un grand
marché français de refinancement obligataire
sécurisé.