N°
222
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 février 1999
RAPPORT
FAIT
au nom
de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des
comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de
résolution présentée en application de l'article 73
bis
du Règlement
sur
:
- la
communication de la Commission au Conseil et au Parlement
européen
sur l'établissement de
nouvelles
perspectives financières
pour la période 2000-2006 (E
1049),
- le
document de travail de la Commission
:
accord
interinstitutionnel sur
la
discipline budgétaire
et l'
amélioration
de la
procédure
budgétaire
(E 1128),
Par M.
Denis BADRÉ,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Alain Lambert,
président
; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude
Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet,
vice-présidents
; Jacques-Richard Delong, Marc Massion,
Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Philippe
Marini,
rapporteur général
; Philippe Adnot, Denis
Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin,
Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean
Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard,
Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne,
Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri
Torre, René Trégouët.
Voir le numéro
:
Sénat
:
164
(1998-1999).
Union européenne.
PRÉAMBULE
Les
propositions d'acte communautaire E1049 et E1128 portent sur deux piliers de
l'avenir du budget européen et, au-delà, de l'avenir de l'Europe.
La seconde de ces propositions (E1128) constitue un document de travail de la
Commission portant nouvel accord interinstitutionnel sur la discipline
budgétaire et l'amélioration de la procédure
budgétaire.
Il s'agit des propositions de la Commission pour renouveler et réformer
l'accord conclu le 29 octobre 1993 entre le Conseil, le Parlement et la
Commission.
Cet accord interinstitutionnel qui avait enrichi un précédent
accord de 1988 contient toutes les dispositions majeures de l'encadrement de la
procédure budgétaire européenne.
Parmi celles-ci, le coeur de l'accord interinstitutionnel réside dans
les perspectives financières. Elles figurent en annexe de l'accord
interinstitutionnel et leur présentation est détaillée,
trop parcimonieusement du reste, dans le premier des documents cités
plus haut (E1049).
La définition des perspectives financières 2000-2006 est un acte
décisif compte tenu de sa nature même. Il ne s'agit pas moins que
de programmer l'évolution des finances publiques européennes pour
chacune des sept années à venir. Le total de la programmation
concerne pas moins de 4.781,4 milliards de francs.
La portée de cette programmation est, en outre, considérable.
Politiquement d'abord, elle dessine les orientations de l'intervention
financière à venir de l'Union Européenne et manifeste
l'expression solennelle de l'accord des Etats membres sur la façon de
construire l'Europe à travers son budget. Institutionnellement ensuite,
l'on peut estimer que, malgré certaines souplesses, la programmation
financière encadre les budgets communautaires tout au long de la
période qu'elle est appelée à couvrir.
Les perspectives financières en cours de négociation marqueront
donc très fortement l'Europe des sept années à venir.
Dans ces conditions, il est heureux que, contrairement à la situation
observée il y a six ans les propositions d'acte communautaire portant
sur l'accord interinstitutionnel et les perspectives financières aient
été transmises au Parlement dans le cadre de l'article 88-4 de la
Constitution.
Rappel
sur la procédure de transmission des actes
portant perspectives
financières
L'accord
interinstitutionnel sur la discipline budgétaire et
l'amélioration de la procédure budgétaire du 29 octobre
1993 n'avait en effet pas été transmis au Parlement
français au titre de l'article 88-4 de la Constitution.
Le Conseil d'Etat avait en effet estimé que les accords
interinstitutinnels, non prévus par le traité de Rome,
n'appartenaient pas à la catégorie des actes communautaires
stricto sensu
de l'article 88-4 de la Constitution.
Cette position n'aurait pu être considérée comme recevable
que si de tels actes n'avaient qu'une valeur déclaratoire
dépourvue de toute portée juridique. Mais il était plus
qu'hasardeux de raisonner ainsi dès lors que la Cour de justice
s'était plusieurs fois appuyée sur de tels accords pour rendre
des décisions dès l'instant où ces accords peuvent,
" si les obligations qui en découlent sont suffisamment
précises et inconditionnelles, être élevés au rang
d'actes destinés à appliquer le traité et rendre
susceptible d'annulation les dispositions dérivées qui leur sont
contraires "
, selon les conclusions d'un avocat général
dans une affaire où était évoquée une
déclaration commune des trois institutions communautaires.
C'est ainsi qu'on pouvait à bon droit considérer que ces actes
établissaient des normes s'imposant aux institutions communautaires et
correspondant, dans l'esprit des institutions européennes, aux lois de
programme françaises.
Un revirement s'est heureusement produit à l'occasion d'une proposition
de révision des perspectives financières élaborée
par la Commission en 1996. Le Conseil d'Etat a alors estimé que ladite
proposition devait être regardée comme étant une
proposition d'acte communautaire au sens de l'article 88-4 de la Constitution.
A la différence de ce qui s'était passé en 1993, le
Conseil d'Etat, cette fois-ci avait estimé qu'il y avait lieu de saisir
le Parlement français.
Son avis fut le suivant :
" En tant que proposition de décision conjointe du Conseil de
l'Union européenne et du Parlement Européen prise selon la
procédure de l'article 189 B du Traité de l'Union
européenne, la proposition de révision des perspectives
financières doit être regardée comme étant une
proposition d'acte communautaire au sens de l'article 88-4 de la Constitution.
Dès lors que les montants pluriannuels prévus par le
programme-cadre arrêtés selon la procédure de
codécision de l'article 189 B du traité de l'Union
européenne par application des dispositions de l'article 130 I du
même traité doivent, pour être révisés, suivre
la même procédure en application des § 11 et 12 de l'accord
interinstitutionnel du 29 octobre 1993, et être inscrits dans
l'avant-projet de budget que la commission est chargée d'établir
en application de l'article 203 du Traité, lesdites révisions des
perspectives financières dont les montants sont définis, sont de
nature législative : elles peuvent être assimilées en
droit interne à une loi de programme dont les autorisations de programme
sont, en vertu de l'article 33 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, en principe
inscrits dans la partie " services votés " du projet de loi de
finances.
L'on trouvera dans l'encadré qui suit quelques rappels historiques sur
les perspectives financières.
Quelques rappels historiques
Les
perspectives financières constituent une vraie programmation à
moyen terme des dépenses européennes.
Le budget des Communautés européennes s'inscrit, depuis 1989,
dans le cadre d'une programmation pluriannuelle des dépenses
décidée à la suite de l'accord institutionnel du
27 mai 1988.
La genèse de cet accord conclu entre le Conseil, le Parlement et la
Commission peut être trouvée dans la crise budgétaire de
1987. Celle-ci avait opposé le Conseil au Parlement et à la
Commission au sujet du plafond de ressources propres de la Communauté.
La programmation financière des dépenses communautaires,
vulgarisée sous la dénomination de " paquet
Delors I ", était censée permettre de trouver une porte
de sortie à l'impasse budgétaire d'alors. Elle constituait un
compromis au terme duquel :
- la montée en charge programmée des dépenses
communautaires devait s'accompagner d'un plafonnement et d'une meilleure
prédictibilité des contributions des Etats-membres ;
- la classification des différentes dépenses par rubrique
permettait de préserver l'évolution nécessaire des
dépenses obligatoires et les perspectives de renforcement des actions
correspondant à des dépenses non obligatoires.
Le Conseil européen d'Edimbourg du mois de décembre 1992
devait adopter de nouvelles perspectives financières à
horizon 1999, le " paquet Delors II ", consacrées
par l'accord interinstitutionnel du 29 octobre 1993.
Le caractère programmatique des perspectives financières
résulte de ce qu'elles regroupent en six grandes rubriques l'ensemble
des interventions budgétaires de l'Union Européenne pour
l'avenir. Cette caractéristique essentielle doit être
préservée contre les tentatives d'amodiation de la Commission.
Chaque rubrique des perspectives financières est assortie d'un montant
de crédits qui constitue le plafond des dépenses
budgétaires ouvrables chaque année dans le cadre du budget
européen.
Ces plafonds ne sont pas totalement intangibles. Ils peuvent être
modifiés dans le cadre de deux procédures distinctes qui
permettent de faire évoluer la programmation à moyen terme des
crédits d'engagements du budget communautaire.
Les procédures permettant l'évolution de la programmation financière
L'adaptation annuelle
des perspectives financières regroupe :
-
Les ajustements techniques
opérés en amont de la
procédure budgétaire afin de tenir compte de la croissance du PNB
et des prix.
Ils supposent, d'une part, de calculer la ligne agricole qui constitue le
plafond de la rubrique 1 "Politique agricole commune". Celle-ci est
indexée sur les prix et 74 % du taux de croissance réelle.
Ils supposent, d'autre part, de réévaluer les plafonds des autres
rubriques en tenant compte de la croissance du PIB de l'année à
venir et de la dérive des prix telle qu'elle est prévue.
Ces ajustements sont effectués par la Commission et communiqués
aux deux branches de l'autorité budgétaire.
-
Les adaptations liées aux conditions d'exécution
consistent à adapter le montant total des crédits de paiement
en fonction du rythme de consommation des crédits d'engagement.
Les attributions de la Commission dans ce domaine varient selon la nature des
dotations concernées. Généralement, ces propositions
doivent recueillir l'agrément du Conseil et du Parlement qui statuent
à la majorité qualifiée pour l'un et, pour l'autre,
à la majorité des membres qui le composent et des trois
cinquièmes des suffrages exprimés.
Cependant, s'agissant des crédits relatifs aux fonds structurels et aux
fonds de cohésion, la Commission est forte de l'engagement consenti par
le Conseil et le Parlement à l'occasion de l'accord interinstitutionnel
du 29 octobre 1993 d'autoriser le transfert sur les années
ultérieures des dotations non utilisées au cours de l'exercice
précédent, même si ce transfert a pour effet d'augmenter
les plafonds correspondants des dépenses.
La révision des perspectives financières
Elle vise à
" faire face à la nécessité
d'engager des actions non prévues à l'origine dans le respect du
plafond des ressources propres ".
L'accord interinstitutionnel précise qu'
" en règle
générale, une telle proposition de révision doit
être adoptée avant le début de la procédure
budgétaire pour l'exercice ou le premier des exercices concernés
par cette révision "
.
Les règles de majorité sont celles indiquées plus haut
à l'occasion de la présentation de la procédure
d'
" adaptations liées aux conditions
d'exécution "
.
Une règle impérative est posée. Comme on l'a vu,
les
révisions doivent respecter le plafond des ressources propres
.
En revanche, et l'hypothèse n'est pas purement théorique compte
tenu du fait que les plafonds des crédits d'engagement sont
inférieurs au plafond des ressources propres, les révisions
financières peuvent conduire à une augmentation des plafonds des
crédits d'engagement supérieure à ce qu'autorisent les
ajustement techniques examinés plus haut.
L'accord interinstitutionnel de 1993 édicte
quelques principes devant
guider l'exercice de révision.
Il fait d'abord
deux recommandations
qui sont les suivantes :
- il s'agit d'abord de rechercher, si au sein d'une même rubrique, il
existe des possibilités de
réaffectation des dépenses
entre les programmes
qu'elle regroupe sur la base en particulier des
sous-exécutions de crédits escomptables ;
- il s'agit, d'autre part, de rechercher les possibilités de compenser
le relèvement du plafond d'une rubrique par la réduction du
plafond d'une autre rubrique.
Il pose ensuite
deux règles
:
•
aucune révision au titre des dépenses
obligatoires ne peut entraîner une réduction du montant disponible
pour les dépenses non obligatoires ;
•
toute révision doit assurer le maintien d'une
relation ordonnée entre engagements et paiements
.
Si le cadrage financier de l'Union Européenne est donc susceptible de
connaître des modifications en cours de période, force est
d'observer qu'au-delà des simples corrections techniques, les
révisions des perspectives financières sont soumises à des
conditions strictes qui en ont rendu l'utilisation rare dans le
passé.
A l'occasion du nouvel accord interinstitutionnel, la Commission recherche donc
à introduire davantage de flexibilité.
Cette recherche passe d'abord par l'introduction de clauses de
flexibilité autorisant des transferts entre rubriques et d'une
année sur l'autre.
Une flexibilité est organisée entre la rubrique 3 et la rubrique
4. Ainsi, l'autorité budgétaire pourrait, au cours de la
procédure budgétaire, voter des crédits en
dépassement du plafond de la rubrique 3 ou 4 des perspectives
financières pour un montant maximal de 100 millions d'euros, sans
révision des perspectives financières, à condition de
laisser sous la rubrique qui n'est pas concernée par le
dépassement une marge supérieure d'au moins 100 millions
d'euros.
Ce dépassement ne pourrait être effectué, pour
les mêmes besoins, au titre de deux exercices consécutifs.
La flexibilité d'un exercice sur l'autre consisterait à permettre
l'inscription
dans le budget de crédits d'engagement en
dépassement des plafonds des perspectives financières pour un
montant maximum de 500 millions d'euros
, pour couvrir des besoins
précisément identifiés et d'importance politique
significative, à condition qu'une inexécution correspondante des
crédits d'engagement soit constatée au titre de l'exercice
précédent et que le solde d'exécution budgétaire et
le solde global de l'exercice précédent soient au moins
équivalents.
Ces clauses qui sont la réponse de la Commission à l'échec
rencontré par elle lors de sa proposition de révision de 1996
apparaissent inopportunes. Elles entrent en contradiction avec l'article 8
de l'accord interinstitutionnel qui, au nom d'une bonne gestion
financière, demande aux institutions européennes de
dégager des marges sous les plafonds des différentes rubriques
pour pouvoir financer des crédits supplémentaires en cas de
besoin.
Tant parce qu'elles affaiblissent la portée de l'accord politique qui
fonde la programmation financière de l'Union européenne que parce
qu'elles ouvrent la voie à un certain laxisme financier, ces clauses
doivent entre dénoncées.
Cette exigence s'impose d'autant plus que le nouvel accord interinstitutionnel
contient, de surcroît, en germe une réorientation des perspectives
financières en cours de programmation.
Cela résulte de la combinaison de deux clauses.
La première, nouvelle, consiste à prévoir que la
Commission présentera aux deux branches de l'autorité
budgétaire, au plus tard le 1er juillet 2004, un rapport sur la mise en
oeuvre de la ligne directrice agricole, accompagné, le cas
échéant, de propositions appropriées pour une
révision de son mode de calcul à partir de 2005.
La seconde, désormais classique, réserve un sort particulier et
privilègié aux actions structurelles. En effet, le Parlement
européen et le Conseil s'engagent à respecter les dotations en
crédits d'engagement prévues dans les perspectives
financières pour les actions structurelles. Ainsi, pour les actions
structurelles, les plafonds des crédits d'engagement continueraient
d'être considérés, moins comme une contrainte que comme des
objectifs de dépenses. Sans doute, le projet d'accord
interinstitutionnel ne reprend-il pas l'obligation pour l'autorité
budgétaire de transférer sur les années ultérieures
les dotations prévues pour les actions structurelles non
utilisées au cours de l'exercice précédent. Mais, il
prévoit une exception pour les dotations non utilisées au cours
de la première année couverte par les perspectives
financières afin de remédier à un éventuel retard
en début de période :
" A l'occasion de l'exercice
d'adaptation réalisé en 2001 et en cas de retard dans l'adoption
des programmes relatifs aux actions structurelles, les deux branches de
l'autorité budgétaire s'engagent à autoriser, sur
proposition de la Commission, le transfert sur les années
ultérieures, en augmentation des plafonds correspondants de
dépenses, des dotations correspondantes non utilisées au cours de
l'exercice 2000 ".
Les propositions de la Commission pour plus de flexibilité
apparaissent ainsi singulièrement sélectives, le maintien d'un
statut privilégié accordé aux crédits d'actions
structurelles figeant de fait leur programmation financière.
Si ces projets d'aménagement doivent être dénoncés,
il est en revanche, loisible de se féliciter que le projet d'accord
interinstitutionnel rappelle que les interventions budgétaires de
l'Union sont dépendantes de l'existence d'une base légale. La
Commission a toutefois présenté une proposition permettant
d'inscrire des crédits susceptibles d'être exécutés
sans acte de base. Il s'agirait :
- des crédits relatifs à des projets pilotes de nature
expérimentale visant à tester la faisabilité d'une action
et son utilité. Les crédits d'engagement y afférents ne
pourraient être inscrits au budget que pour deux exercices
budgétaires et leur montant total ne pourrait excéder 32
millions d'euros ;
- des crédits relatifs à des actions destinées à
préparer des propositions en vue de l'adoption de futures actions
communautaires. Les crédits d'engagement y afférents ne
pourraient être inscrits au budget que pour trois exercices
budgétaires au maximum. Le montant total des lignes nouvelles
concernées ne pourrait dépasser 30 millions d'euros par exercice
et le montant total des crédits effectivement engagés au titre
des actions préparatoires ne pourrait excéder 75 millions d'euros.
Cette proposition a fait l'objet d'un accord de principe de la part du Conseil
et du Parlement européen. Le niveau des crédits concernés
demeure assez élevé mais, dans l'ensemble, la proposition de la
Commission peut être considérée comme plus satisfaisante
que la pratique observée jusqu'alors.
Une programmation réalisée sur le fil du rasoir :
La programmation financière 2000-2006 proposée par la Commission
se caractérise par quelques grands traits.
Elle est réalisée dans le cadre d'un maintien du système
actuel des "ressources propres" avec, en particulier, un plafond
inchangé par rapport à la programmation en cours de 1,27 % du PIB
communautaire.
Elle concerne l'Europe des 15 et ne prend qu'indirectement en compte
l'élargissement à de nouveaux Etats membres conformément
aux recommandations du Conseil.
Pour autant, la programmation présentée par la Commission est
profondément marquée par la perspective de
l'élargissement. Les crédits consacrés par les 15 à
la préparation des candidats à l'adhésion à l'Union
Européenne sont isolés au sein de trois des grandes rubriques du
budget, les rubriques agricole, d'actions structurelles et d'aide
extérieure :
21,8 milliards d'euros seraient consacrés à cette
préparation soit 3% de l'ensemble des crédits disponibles.
Surtout, l'exercice de la Commission est sous-tendu par la volonté de
démontrer sur la base d'une estimation de la charge budgétaire
résultant de l'élargissement, que les crédits
nécessaires aux 15 Etats membres laisseraient une marge suffisante pour
financer l'adhésion des nouveaux membres sans dépasser le plafond
inchangé des ressources propres.
Cette démonstration suppose remplies un grand nombre de conditions parmi
lesquelles l'acceptation des réformes proposées par la
Commission. Même si elles sont empreintes d'une grande continuité,
voire d'un certain immobilisme, les perspectives financières ici
examinées ne sont en effet pas établies sur la base d'une
prolongation, sans changements, du cadre des actions communautaires.
Les principales modifications apportées à ce cadre concernent la
politique agricole commune, les " actions structurelles " et, sans que la
Commission le démontre vraiment, les politiques internes.
L'appréciation des nouvelles perspectives financières est donc
indissociable de celle des réformes envisagées tout comme celle
de leur capacité à répondre au défi de
l'élargissement suppose d'accorder quelque crédit à
l'évaluation de l'impact financier de ce dernier. Mais, elle est
également dépendante de la réalisation du scénario
macro-économique qui leur est sous-jacent dont il faut apprécier
l'importance avant d'entrer dans le vif du sujet.
La Commission table sur une croissance en volume de 2,5 % l'an en moyenne,
assortie d'une inflation de 2 % soit une croissance nominale pour les 15 de 4,5
% par an.
Données économiques de base
Milliards d'euros-prix 1999 |
1999 |
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
||
PNB Quinze |
7.804,3 |
7.999,4 |
8.199,4 |
8.404,4 |
8.614,5 |
8.829,8 |
9.050,6 |
9.276,9 |
||
PNB nouveaux Etats-membres |
|
|
|
291,9 |
303,6 |
315,7 |
328,4 |
341,5 |
||
PNB TOTAL |
|
|
|
8.696,3 |
8.918,1 |
9.145,6 |
9.378,9 |
9.618,3 |
||
Prévisions de croissance |
2000-2001 |
2002-2006 |
||||||||
PNB Quinze |
2,5 % |
2,5 % |
||||||||
PNB nouveaux Etats-membres |
4,0 % |
4,0 % |
||||||||
PNB Communauté élargie |
|
2,6 % |
||||||||
|
2,0 % |
2,0 % |
Source : Document 1049
Ces perspectives ne sont pas irréalistes. Mais, elles tranchent avec le
tempo de l'évolution économique en Europe au cours de la
présente décennie marquée par une croissance moyenne de
1,5 % l'an entre 1991 et 1996.
Il n'est donc pas sans intérêt d'apprécier les propositions
financières au regard d'une variante économique où le taux
de croissance serait inférieur de un point au taux retenu par la
Commission.
Dans une telle hypothèse, les plafonds des crédits de paiement
exprimés en % du PIB prendraient les valeurs suivantes.
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
1,28 |
1,29 |
1,28 |
1,25 |
1,23 |
1,22 |
1,21 |
La marge disponible sous les ressources propres évoluerait alors comme indiqué ci-après en point de PIB :
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
- 0,01 |
- 0,02 |
+ 0,01 |
+ 0,02 |
+ 0,04 |
+ 0,05 |
+ 0,06 |
Des
réaménagements de crédits devraient alors intervenir en
début de période afin de respecter le plafond des ressources
propres. Si la situation financière des 15 s'améliorerait par la
suite, le financement de l'élargissement deviendrait très tendu.
En effet, celui-ci suppose d'abord l'existence d'une marge confortable sous la
ligne directrice agricole.
Or, une baisse du rythme de croissance du PIB à 1,5 % réduirait
l'augmentation de la ligne directrice agricole indexée rappelons-le sur
74 % de la croissance en volume du PIB.
L'équilibre des dépenses agricoles serait le suivant :
|
2000 |
2001 |
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
Ligne directrice agricole |
45.702 |
46.204 |
46.713 |
47.997 |
47.716 |
48.272 |
48.802 |
Dépenses agricoles |
41.813 |
43.952 |
44.825 |
45.407 |
44.773 |
43.991 |
43.298 |
dont PAC réformée |
36.545 |
38.730 |
39.655 |
40.287 |
39.700 |
38.946 |
38.307 |
A Marge |
3.889 |
2.252 |
1.888 |
1.820 |
2.973 |
4.281 |
5.504 |
B Marge des perspectives de la Commission |
4.237 |
2.968 |
2.995 |
3.323 |
4.897 |
6.639 |
8.312 |
Ecart (A-B) |
- 348 |
- 716 |
- 1.107 |
- 1.503 |
- 1.924 |
- 2.358 |
- 2.808 |
Mobilisation de la marge du fait de l'élargissement |
- |
- |
1.600 |
2.030 |
2.450 |
2.930 |
3.400 |
La marge
disponible sous la ligne directrice agricole en serait réduite et les
besoins résultant de l'élargissement tendraient à
assécher le disponible pour les 15.
Les disponibilités financières réservées au
financement de l'élargissement évolueraient quant à elles
comme suit :
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
816 |
1.656 |
3.363 |
4.267 |
5.199 |
contre l'équilibre suivant prévu par la Commission :
2002 |
2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
1.280 |
3.300 |
5.680 |
8.060 |
10.470 |
En cumulé, l'écart serait de 13.490 millions d'euros. Le total des financements disponibles serait alors juste équivalent au total des crédits nécessaires à l'élargissement. Toutes les marges seraient consommées.
*
* *
La
programmation 2000-2006 apparaît ainsi insuffisamment inspirée du
principe de précaution.
C'est d'autant plus regrettable qu'à bien des égards elle
traduit un certain immobilisme des options européennes, repoussant
à plus tard une révision pourtant nécessaire compte tenu
des évolutions du contexte de la construction européenne.