EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Assujettissement à la
" contribution Delalande " des ruptures de contrats de travail des
salariés de plus de cinquante ans ayant adhéré à
une convention de conversion
Objet : Cet article assujettit à la
" " contribution Delalande " les ruptures de contrats de travail
de salariés âgés de plus de cinquante ans ayant
adhéré à une convention de conversion.
I - Le dispositif proposé
La loi n° 87-518 du 10 juillet 1987 modifiant le code du travail et
relative à la prévention et à la lutte contre le
chômage de longue durée a institué une contribution
supplémentaire -dite " contribution Delalande " du nom de
l'auteur de l'amendement qui l'a créée, M. Jean-Pierre Delalande,
député du Val d'Oise- due par l'entreprise au régime
d'assurance chômage de l'UNEDIC en cas de licenciement d'un
salarié de plus de cinquante ans.
Cette cotisation, prévue par l'article L. 321-13 du code du
travail, avait pour objet de mieux protéger ces salariés contre
le licenciement. Son taux était fixé initialement à trois
mois de salaire brut du salarié licencié.
La cotisation fut augmentée une première fois par
l'article 31 de la loi n° 92-722 du 29 juillet 1992 portant
adaptation de la loi n° 88-1088 du 1
er
décembre
1988 relative au revenu minimum d'insertion et relative à la lutte
contre la pauvreté et l'exclusion sociale et professionnelle qui
institue également une modulation de la contribution en fonction de
l'âge du salarié et de la taille de l'entreprise concernée.
Conformément à ce qu'avait annoncé à
l'Assemblée nationale, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la
solidarité, le 10 novembre dernier, cette cotisation a de nouveau
été augmentée à compter du 31 décembre 1998.
L'article D. 321-8 du code du travail fixe le montant de la contribution
en fonction de l'âge du salarié. L'ancien barème applicable
avant la parution du décret n° 98-1201 du 28 décembre
1998 variait de un à six mois du salaire brut : un mois à 50
ou 51 ans, deux mois à 52 ou 53 ans, quatre mois à 54 ans, cinq
mois à 55 ans et six mois pour les salariés âgés de
56 ans et plus.
Le nouveau taux de la contribution, fixé par le décret n°
98-1201 du 28 décembre 1998, est progressif puis dégressif : deux
mois de salaire brut à 50 ans, trois mois à 51 ans, cinq mois
à 52 ans, six mois à 53 ans, huit mois à 54 ans, dix mois
à 55 ans, douze mois à 56 ans et 57 ans, dix mois à 58 ans
et huit mois à 59 ans.
Le nouveau barème témoigne pour l'essentiel d'un doublement -
voire dans certains cas d'un triplement - de la " contribution
Delalande ".
Les entreprises de moins de 50 salariés demeurent assujetties sur le
barème antérieur.
L'article L. 321-13 du code du travail, qui constitue le fondement
législatif de la " contribution Delalande ", prévoit
que toute rupture du contrat de travail d'un salarié d'un âge
déterminé par décret ouvrant droit au versement de
l'allocation d'assurance chômage de l'UNEDIC entraîne l'obligation
pour l'employeur de verser aux ASSEDIC une cotisation dont le montant est
fixé par décret dans la limite de douze mois de salaire brut
calculé sur la moyenne mensuelle des salaires versés au cours des
douze derniers mois travaillés. Ce montant peut varier selon l'âge
auquel intervient la rupture et la taille de l'entreprise concernée.
L'article L. 321-13 du code du travail prévoit en outre que
cette cotisation n'est pas due dans un certain nombre de cas :
1. licenciement pour faute grave ou lourde ;
2. licenciement résultant d'une cessation d'activité de
l'employeur, pour raison de santé ou de départ en retraite, qui
entraîne la fermeture définitive de l'entreprise ;
3. rupture d'un contrat de travail, par un particulier, d'un
employé de maison ;
4. licenciement visé à l'article L. 321-12 du
code du travail, c'est-à-dire à la fin d'un chantier ;
5. démission trouvant son origine dans un déplacement de la
résidence du conjoint, résultant d'un changement d'emploi ou d'un
départ en retraite de ce dernier ;
6. rupture du contrat due à la force majeure ;
7. rupture du contrat de travail d'un salarié qui était,
lors de son embauche intervenue après le 9 juin 1992,
âgé de plus de cinquante ans et inscrit depuis plus de trois mois
comme demandeur d'emploi ;
8. première rupture d'un contrat de travail intervenant au cours
d'une même période de douze mois dans une entreprise employant
habituellement moins de 20 salariés ;
9. licenciement pour inaptitude lorsque l'employeur justifie, par
écrit, de l'impossibilité où il se trouve de donner suite
aux propositions de reclassement du médecin du travail ou lorsque
l'inaptitude à tout poste dans l'entreprise a été
constatée par le médecin du travail.
En outre, l'employeur qui conclut avec l'Etat une convention d'allocation
spéciale de préretraite (ASFNE) et qui en propose le
bénéfice aux salariés concernés est dispensé
du versement de la " contribution Delalande ".
La contribution est due au moment de l'ouverture du droit au versement de
l'allocation chômage. Lorsqu'un des salariés est reclassé
sous contrat à durée indéterminée dans les trois
mois suivant l'expiration du délai-congé prévu en cas de
rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié,
l'employeur peut demander aux ASSEDIC le remboursement de la
" contribution Delalande " qu'il a acquittée.
L'article premier de la présente proposition de loi assujettit à
la " contribution Delalande " les ruptures de contrats de travail des
salariés qui adhèrent à une convention de conversion.
La cotisation n'était pas due auparavant dans ce cas puisque
l'entrée en convention de conversion n'est juridiquement pas
considérée comme une période de chômage et n'ouvre
donc pas droit à une allocation du régime d'assurance
chômage.
D'origine conventionnelle, le dispositif des conventions de conversion a
été mis en place en compensation de la suppression de
l'autorisation administrative de licenciement. Il a été
consacré et généralisé par la loi du
30 décembre 1986 relative aux procédures de licenciement. Le
dispositif (articles L. 321-5 à L . 321-15 et
article L. 322-3 du code du travail) a fait l'objet de plusieurs
modifications. Il est mis en oeuvre dans le cadre du régime d'assurance
conversion géré par l'UNEDIC. Il a été
prorogé plusieurs fois, en dernier lieu par une convention du
1
er
janvier 1997 pour une durée de trois ans, jusqu'au
31 décembre 1999.
La convention de conversion est, pour le salarié, un droit inscrit dans
le code du travail. Les entreprises, quelle que soit leur taille, doivent en
effet proposer à l'ensemble des salariés concernés par une
procédure de licenciement économique, quel que soit leur nombre,
la possibilité d'adhérer à une convention de conversion
afin de les aider à se reclasser. Conçue pour prévenir le
chômage de longue durée, la convention de conversion consiste dans
la prise en charge individualisée et immédiate, durant une
période de six mois, des salariés licenciés pour motif
économique.
Pour pouvoir bénéficier d'une convention de conversion, le
salarié doit être âgé de moins de 57 ans,
être apte physiquement à l'exercice d'un emploi et avoir au moins
deux ans d'ancienneté dans son emploi
9(
*
)
.
En cas d'adhésion à la convention de conversion, le contrat de
travail est rompu d'un commun accord entre les parties. La rupture qui ne
comporte pas de préavis ouvre droit au versement d'une indemnité
dont le montant correspond à l'indemnité de licenciement
légale ou conventionnelle qu'il aurait perçue s'il avait
effectué son préavis et du solde de ce qu'aurait
été l'indemnité de préavis si celui-ci avait
été supérieur à deux mois (les deux premiers mois
contribuant à financer l'allocation de conversion). Le salarié
n'est cependant pas inscrit comme demandeur d'emploi. Il est, en effet,
considéré comme stagiaire de la formation professionnelle
continue et bénéficie d'une allocation spécifique de
conversion, différente de l'allocation d'assurance chômage,
pendant la période de conversion, c'est-à-dire jusqu'à son
reclassement et au maximum pendant six mois. Il reçoit une allocation
égale à 83,4 % du salaire antérieur pendant les deux
premiers mois puis à 70,4 % pendant les quatre mois suivants. La
durée de cette allocation est validée au titre de l'assurance
vieillesse et des assurances complémentaires.
Le financement de l'allocation spécifique de conversion est
assuré par l'employeur du salarié qui adhère à la
convention de conversion et par le régime d'assurance chômage. La
participation de l'employeur correspond au montant équivalant aux deux
mois d'indemnité de préavis qu'il aurait versés au
salarié si celui-ci n'avait pas adhéré à la
convention de conversion. En cas de licenciement de moins de dix
salariés dans un délai de trente jours, un quart de la
participation peut être pris en charge par l'Etat. L'employeur verse
également une participation forfaitaire aux frais de fonctionnement de
4.500 francs par adhérent.
Le salarié en convention de conversion bénéficie d'un
bilan d'évaluation et d'orientation et d'actions de formation. A cet
effet, des unités techniques de reclassement (UTR) ont été
mises en place au sein de l'ANPE. Elles sont chargées d'assurer
l'accompagnement et le reclassement des adhérents à la
convention. Ceux-ci peuvent également recourir aux cellules de
reclassement éventuellement mises en place par les entreprises ayant
procédé à leur licenciement. Après la
réalisation d'un bilan avec le salarié, les actions à
engager en vue d'un reclassement sont déterminées (sessions de
recherche d'emploi, sensibilisation à la création d'entreprise,
évaluation en milieu de travail,...) et des actions de formation, dont
la durée ne doit pas excéder 300 heures, peuvent être
proposées. En 1996, 52 % des adhérents ont
bénéficié d'une formation. Pour plus de 40 % d'entre eux,
il s'agissait d'une formation technique assurée par un organisme de
formation.
Le présent article premier insère un nouvel alinéa dans
l'article L. 321-13 du code du travail afin de prévoir que la
" contribution Delalande " est due également pour chaque
rupture de contrat de travail intervenue du fait de l'adhésion d'un
salarié à une convention de conversion.
Cet alinéa précise également que le montant de cette
cotisation tient compte de la participation de l'entreprise au financement de
la convention de conversion. Cette disposition vise, selon le rapporteur de
l'Assemblée nationale, à permettre au pouvoir
réglementaire de moduler de manière spécifique le montant
de la cotisation dans ce cas : le montant de celle-ci pouvant être
d'autant plus réduit que la participation de l'entreprise au financement
de la convention de conversion est importante.
Cette rédaction est pour le moins imprécise et peut
s'interpréter de deux façons : soit, la
référence se fait sur la base de l'article D. 322-2 du code du
travail, qui détermine la participation de l'entreprise au sens large du
terme, préavis du salarié y compris, soit l'interprétation
se fait plus stricte et la participation de l'entreprise se limite au forfait
de 4.500 francs.
II - La position de votre commission
Cet article a été longuement analysé par votre rapporteur
dans l'exposé général du présent rapport. On se
contentera par conséquent de rappeler ici brièvement les raisons
qui motivent l'opposition de votre commission à cette disposition.
Votre commission a jugé qu'aucun élément précis ne
permettait de conclure aujourd'hui à un contournement massif par les
entreprises de la contribution Delalande par l'utilisation du dispositif de la
convention de conversion.
Même si des abus peuvent se produire ça et là chez certains
employeurs peu scrupuleux, ils ne sauraient justifier à eux seuls une
sanction collective qui frapperait la totalité des entreprises.
Votre commission s'est refusé en outre à condamner l'utilisation
des conventions de conversion, qui constituent un outil précieux d'aide
au reclassement, pour les salariés âgés de plus de 50 ans.
Elle a considéré par conséquent que la véritable
origine de cet article - et de l'ensemble de la proposition de loi - tenait
davantage à des impératifs politiques - visant à assurer
la cohésion de la majorité gouvernementale - qu'à de
réels motifs de fond.
Elle a enfin exprimé la crainte que cette proposition de loi qui
entendait préserver l'emploi ne constitue en définitive un
véritable frein à l'emploi, notamment pour les salariés
âgés de 45 à 50 ans.
Pour ces raisons, votre commission vous propose d'adopter un amendement de
suppression de cet article.
Art. 2
Assujettissement à la
" contribution Delalande " des licenciements de salariés ayant
refusé le bénéfice d'une préretraite
ASFNE
Objet : Cet article étend le champ de la
" contribution Delalande " aux licenciements de salariés ayant
refusé le bénéfice d'une préretraite dans le cadre
du Fonds national de l'emploi.
I - Le dispositif proposé
L'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du travail
prévoit que l'employeur qui conclut avec l'Etat une convention
d'allocation spéciale du FNE et qui en propose le bénéfice
aux salariés concernés est dispensé du versement de la
" contribution Delalande ".
Dans le cadre d'un plan social, une entreprise peut conclure avec l'Etat une
convention d'allocation spéciale du Fonds national de l'emploi (ASFNE)
permettant à des salariés âgés de
bénéficier d'un retrait anticipé du marché du
travail tout en percevant une allocation spécifique jusqu'à la
liquidation de leur pension de retraite. Cette disposition évite
à ceux-ci d'être licenciés pour motif économique.
Pour en bénéficier, le salarié doit adhérer
volontairement à la convention s'il remplit les conditions d'âge
(au moins 57 ans, par dérogation 56 ans), d'ancienneté
dans l'entreprise (au moins un an), de durée de cotisation (au moins
10 ans d'appartenance à un ou plusieurs régimes de
sécurité sociale) et ne plus exercer d'activité
professionnelle.
Il perçoit alors une allocation qui s'élève à
65 % du salaire antérieur de référence pour la part
du salaire inférieure au plafond de sécurité sociale et
à 50 % pour la part du salaire comprise entre une et deux fois ce
plafond. Il perçoit cette allocation jusqu'à 60 ans ou
au-delà, pour atteindre le nombre de trimestres de cotisation requis
afin de bénéficier de la retraite à taux plein mais au
plus tard à 65 ans.
Le salarié et son employeur contribuent tous deux au financement de
l'allocation. La participation du salarié est égale à la
part de l'indemnité conventionnelle dépassant le montant de
l'indemnité légale de licenciement ou, si elle est
supérieure, celui de l'indemnité conventionnelle de départ
ou de mise à la retraite. Elle est plafonnée forfaitairement. La
participation financière de l'employeur au dispositif ASFNE est un
élément-clé de la négociation avec la Direction
départementale du travail, de l'emploi et de la formation
professionnelle. Elle est fixée en fonction de la qualité du plan
social, de la taille de l'entreprise et de la capacité contributive de
l'entreprise : ces taux sont en général compris entre
12 % et 15 % pour les entreprises de moins de 500 salariés, et
entre 15 % et 23 % pour celles de 500 salariés et plus,
ou appartenant à un groupe d'importance nationale.
Le présent article propose une nouvelle rédaction de
l'avant-dernier alinéa de l'article L. 321-13 du code du
travail afin de prévoir que la " contribution Delalande "
n'est pas due dans le cas où le salarié bénéficie
d'une allocation spéciale de préretraite du FNE.
Cette nouvelle rédaction de l'alinéa signifie
a contrario
que le refus par le salarié de la proposition de préretraite
assujettit l'employeur au versement de la " contribution Delalande ".
II - La position de votre commission
Cet article a été longuement analysé par votre rapporteur
dans l'exposé général du présent rapport. On se
contentera par conséquent de rappeler ici brièvement les raisons
qui motivent l'opposition de votre commission à cette disposition.
Votre commission a relevé que les affirmations des initiateurs de la
proposition de loi concernant d'éventuels abus n'étaient
étayées par aucun élément précis.
Elle a souligné que le nombre des refus de préretraite FNE
était extrêmement faible : il concernait une soixantaine de
salariés par an pour un total de plus de 20.000 entrées annuelles
en conventions d'ASFNE.
Après avoir constaté que le refus du salarié pouvait, dans
certains cas, être motivé par une indemnisation au titre de
l'assurance chômage plus avantageuse que la préretraite, votre
commission a estimé que le nombre des refus susceptibles de
résulter d'une éventuelle pression de l'employeur était,
dans l'hypothèse la plus pessimiste, de l'ordre de quelques dizaines
à peine.
Dans ces conditions, votre commission s'est refusé à une
intervention législative destinée uniquement à sanctionner
quelques très rares abus éventuels.
Elle vous propose par conséquent d'adopter un amendement de
suppression de cet article.
Art. 3
Date d'application des articles premier
et 2
Objet : Cet article prévoit que les articles
premier et 2 sont applicables pour toutes les ruptures de contrat de travail
intervenant à compter du 1
er
janvier 1999.
I - Le dispositif proposé
Cet article prévoit que les dispositions de la présente loi
entreront en vigueur, de manière rétroactive, au
1
er
janvier 1999.
Le rapporteur de l'Assemblée nationale justifie cet article en arguant
de la nécessité d'éviter que des entreprises ne profitent,
afin d'échapper au paiement de la " contribution Delalande ",
du délai d'adoption de la proposition de loi pour multiplier les
départs en convention de conversion.
II - La position de votre commission
Par coordination avec les amendements qu'elle propose aux articles premier et 2
de la présente proposition de loi,
votre commission vous propose
d'adopter un amendement de suppression de cet article.
Elle considère de surcroît que cet article introduit une
rétroactivité qui poserait en pratique de redoutables
problèmes d'application et serait vraisemblablement source de nombreux
contentieux.