Projet de loi de finances rectificative pour 1998, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture
MARINI (Philippe)
RAPPORT 144 (98-99) - COMMISSION DES FINANCES
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N°
144
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 décembre 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances rectificative pour 1998 , ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE,
Par M.
Philippe MARINI,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
Voir
les numéros :
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Lois de finances rectificatives. |
Mesdames, messieurs,
Le projet de loi de finances rectificative comportait initialement
21 articles. Après première lecture par l'Assemblée
nationale, ce chiffre était porté à 45.
Le Sénat a ajouté 10 articles supplémentaires.
Il a adopté 32 articles sans modification, dont 15 des 24 articles
introduits par l'Assemblée nationale, en application d'une règle
de conduite qui se veut constructive en permanence, malgré des
délais d'examen extrêmement brefs.
Il a modifié 9 articles et en a rejeté 4.
Lors de sa réunion du 16 décembre 1998, la commission mixte
paritaire devait donc examiner 23 articles restant en discussion. Elle a
du constater un désaccord portant sur le fond de la politique
budgétaire du gouvernement, comme au sujet du projet de loi de finances
pour 1999.
Soucieux d'éviter l'augmentation de l'endettement public et de respecter
l'annualité budgétaire, le Sénat souhaitait en effet
limiter la dégradation du déficit primaire pour 1998, en
proposant de financer sur 1999, et à enveloppe constante, des
dépenses nouvelles imputées à l'exercice en cours mais
à dépenser en réalité l'année suivante.
L'Assemblée n'a pas partagé cette analyse, et c'est pourquoi
votre commission considère qu'il n'y a pas lieu de
délibérer une seconde fois sur le présent projet, et vous
proposera une motion tendant à opposer la question préalable.
Votre rapporteur souhaite toutefois détailler les points de
désaccord, et aussi les rapprochements intervenus entre les
assemblées.
I. LES DÉSACCORDS
A. PREMIÈRE PARTIE ET MESURES BUDGÉTAIRES NOUVELLES
L'Assemblée nationale est revenue sur
l'équilibre du
projet de collectif budgétaire défini par le Sénat, qui
souhaitait améliorer le déficit primaire en refusant l'imputation
de certaines dépenses de 1999 sur l'exercice 1998.
Elle a donc rétabli l'excédent du projet de loi à
3,3 milliards de francs (contre 5,2 milliards de francs pour le
Sénat) à l'article d'équilibre (
article premier
),
ainsi que les ouvertures de crédits qui avaient été
refusées par le Sénat aux articles 2 et 3.
B. LES DISPOSITIONS PERMANENTES DE LA DEUXIÈME PARTIE
L'Assemblée nationale a rétabli, en le modifiant
à la marge, l'
article 11
, relatif à une
réforme du droit de bail et de la taxe additionnelle au droit de bail.
Le Sénat avait entendu protester contre cette réforme complexe
mais très imparfaite qui, en vue d'un but louable de simplification,
entraînerait en l'état une double imposition des bailleurs,
taxés deux fois sur les mêmes neuf mois de loyer lors de la mise
en place du nouveau système.
L'Assemblée nationale a également rétabli son texte sur
l'
article 11
bis
, créant une "niche fiscale"
favorable aux contribuables fortement imposés sur le revenu, pour
l'investissement dans les résidences locatives de tourisme
classées dans les zones de revitalisation rurale, sous réserve
d'une précision. Le Sénat avait souhaité étendre la
portée de ce dispositif, tout en limitant le cumul des avantages
fiscaux. Il avait également souhaité supprimer la
réduction de 14 % à 6 % de la déduction
forfaitaire sur les revenus fonciers tirés de la location de ces biens
(
article 11
ter
), considérant que, tout en
réduisant fortement l'avantage fiscal, cette réduction
était dénuée de lien intelligible avec la réduction
d'impôt proposée.
L'Assemblée nationale a tenu ferme sur sa position relative au
régime des allocations pour frais d'emploi des journalistes, dont elle
avait porté le montant de 30.000 à 50.000 francs de la
première partie du projet de loi de finances à la deuxième
partie du projet de loi de finances rectificative
(
article 15
bis
).
Le Sénat avait supprimé cet article. Votre commission maintenait
sa préférence pour le dispositif adopté par le
Sénat à l'article 2 du projet de loi de finances, consistant
à reporter d'un an encore le régime des abattements
professionnels prévu à l'article 5 de l'annexe IV du
code général des impôts, dans l'attente d'une refonte
complète de ce système dans le droit commun de l'impôt sur
le revenu.
Tout en partageant l'objectif défendu par le gouvernement et
l'Assemblée nationale, votre commission a jugé la méthode
très contestable sur le plan de l'égalité de traitement
devant les charges publiques.
En effet, comment justifier qu'il soit fait
un sort particulier aux journalistes alors que le dispositif actuel comprend
72 professions dont notamment les artistes, pilotes de ligne, chauffeurs
routiers, mannequins, internes des hôpitaux de Paris, certains ouvriers
des industries textiles, etc... et même les ouvriers d'imprimerie de
journaux travaillant la nuit ?
La nécessité de sauvegarder le secret de leurs sources occasionne
probablement des frais qui sont propres aux journalistes. Mais, la plupart des
professions visées par le dispositif actuel subissent également
des sujétions coûteuses qu'il n'est pas toujours possible de
justifier à l'administration fiscale sous forme de notes de frais. Pour
toutes ces professions, y compris les journalistes, les frais aisément
identifiables et quantifiables sont déjà pris en charge par les
organismes employeurs (par exemple ce qui est relatif aux missions occasionnant
un éloignement du domicile).
En outre, il est difficile de justifier qu'il soit fait recours à un
dispositif législatif pour un seul cas, quand tous les autres seraient
réglés par voie règlementaire. Le gouvernement a
d'ailleurs admis, en séance publique à l'Assemblée
nationale, que le problème n'était pas encore résolu pour
toutes les professions.
Dans l'intérêt même de la profession visée par la
sollicitude du législateur, il est apparu au Sénat qu'il
était nécessaire de mettre en place un dispositif juridiquement
plus fiable, et, en attendant, de proroger le temps nécessaire le
dispositif actuel.
L'Assemblée nationale a également rétabli son texte de
première lecture pour l'
article 16
quindecies
relatif aux frais d'assiette perçus par l'Etat sur le produit de la
contribution sociale généralisée (C.S.G.). Le Sénat
avait souhaité faire preuve de cohérence sur ce point, les deux
assemblées ayant voté la suppression de cette perception lors de
l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En outre, l'Assemblée nationale a supprimé un gage voté en
loi de financement de la sécurité sociale, qui était
lié à ce sujet, mais que le Sénat avait rejeté
(
article 16
sedecies
A
nouveau
)
Enfin, l'Assemblée nationale n'a pas retenu le principe de gestion
proposé par votre commission pour le compte d'affectation
spéciale retraçant les cessions de titres publics, interdisant
tout reversement de ces produits au budget général
(
article 17
bis
).
II. LES ACCORDS ENTRE LES DEUX ASSEMBLÉES
Outre
les nombreux accords intervenus entre les deux assemblées,
manifestés par les adoptions d'articles conformes par le Sénat en
première lecture, l'Assemblée nationale s'est rapprochée
des thèses du Sénat sur de nombreux sujets en deuxième
lecture.
Il en a été ainsi de l'
article 12
bis
,
relatif à la prorogation de la période pendant laquelle les
titulaires de contrats d'assurance-vie peuvent les transformer en contrats
investis en actions (contrats dits "DSK") en franchise d'impôt. Le
Sénat préférait une durée supplémentaire
d'un an, l'Assemblée a opté pour six mois, quitte à revoir
le sujet par la suite.
Il en a été également ainsi de
l'
article 15
bis
A
, relatif à l'ouverture
de buvettes distribuant des boissons alcoolisées lors de manifestations
sportives locales. Compte tenu des réserves émises sur ce sujet
par les spécialistes de santé publique, le Conseil d'Etat et
notre commission des affaires sociales, votre commission avait souhaité
limiter à 5 le nombre de dérogations annuelles pour les
groupements sportifs locaux, même si elle juge nécessaire la
ressource financière correspondante pour les clubs. L'Assemblée
nationale a porté ce chiffre à 10, malgré la
préférence du gouvernement pour la solution du Sénat.
L'Assemblée nationale a également donné son accord au
Sénat sur l'
article 15
ter
, révisant le
régime juridique des allocations pour frais d'emploi au regard du
contrôle fiscal. Le gouvernement a toutefois obtenu que les allocations
ainsi exonérées et exemptées de contrôle ne soient
pas fixées par voie réglementaire.
Comme le Sénat, l'Assemblée nationale a souhaité limiter
les effets de la réduction des droits de mutation à titre
onéreux votée en loi de finances sur les SAFER, en les
exonérant dans certaines conditions de taxe sur la publicité
foncière (
article 16
decies
), après que
le gouvernement eut détaillé la manière dont il entendait
appliquer le dispositif et supprimé le gage.
L'Assemblée nationale a fait preuve de réserves
compréhensibles à l'égard de
l'
article 16
sedecies
, qui autorise dans certaines
conditions les entreprises d'assurance à déduire de leur
résultat imposable les provisions pour pertes de gestion sur les
contrats d'assurance-vie. Votre commission s'était prononcée
favorablement sur cet article, qui constitue une application d'un principe
posé par elle lors de l'examen de la situation du secteur des
assurances
1(
*
)
, selon lequel les règles
prudentielles et fiscales doivent coïncider. L'Assemblée a
objecté que le peu de temps dont elle disposait pour examiner ce
dispositif, ainsi que l'impact de celui-ci sur l'exercice 1999, justifiait ses
réserves. Toutefois, à la suite des explications données
par le Secrétaire d'Etat au budget, elle a admis ce dispositif.
L'Assemblée nationale a également adopté sans modification
l'
article 16
octodecies
, qui, à l'initiative du
gouvernement, supprime un gage resté dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
Au sujet des collectivités locales, l'Assemblée a donné
son accord sur l'
article 19
ter
, inséré
par le Sénat, accordant aux collectivités une souplesse pour
l'imputation comptable en section d'investissement des dépenses de moins
de 4.000 francs. Elle a également adopté conforme
l'
article 22
, relatif à une validation de taxes d'urbanisme
que le Sénat avait complétée, ainsi que
l'
article 24
, relatif à un transfert de
propriété de barrages alsaciens de l'Etat au département
du Haut-Rhin, au sujet duquel le Sénat avait souhaité
préciser que la remise en état des ouvrages devait
précéder le transfert.
Sur le douloureux sujet de la remise de dette aux Etats touchés par le
cyclone " Mitch " (
article 25
), l'Assemblée s'est
ralliée à la rédaction du Sénat, modifiée
à l'initiative du gouvernement, pour s'assurer de l'exhaustivité
de la remise des dettes. Votre commission a en effet admis l'explication selon
laquelle le gouvernement ignorait dans le détail le montant des
créances de l'Etat, et qu'il préférait en
conséquence libeller la remise en termes généraux
plutôt que de mentionner des chiffres, selon l'hypothèse retenue
pour la rédaction initiale de l'article 25. Votre commission
n'avait pas douté de la conformité de l'objectif poursuivi par le
gouvernement avec les voeux du Président de la République. Mais
elle avait effectivement émis un doute sur l'exhaustivité de ces
chiffres.
L'Assemblée a aussi adopté conforme l'
article 26
,
relatif à la revalorisation des rentes viagères entre
particuliers.
Outre ces accords que l'on peut qualifier de complets, votre commission
considère que sur trois sujets le désaccord n'est que ponctuel et
que le débat pourra progresser à l'avenir.
Il en est ainsi de l'
article 11
quater
,
inséré à l'initiative de votre commission, que
l'Assemblée nationale a jugé prématuré, et relatif
à une exonération partielle de droits de mutation à titre
gratuit pour les logements loués dans des conditions
"intermédiaires", calées sur le nouveau dispositif "Besson". Le
Sénat avait souhaité réactiver un régime
créé à l'initiative du président Alain Lambert, et
en vigueur en 1995 et 1996. L'Assemblée n'a pas suivi le Sénat
sur ce point, mais le gouvernement a déclaré récemment
réfléchir à un allégement des droits de mutation,
ce qui apparaît nécessaire si on souhaite réellement
créer une nouvelle génération de bailleurs.
Il en est de même de l'
article 16
septemdecies
,
relatif à l'européanisation du code général des
impôts en ce qui concerne les OPCVM investis en actions. Il s'agit d'un
sujet transversal, les régimes fiscaux touchant la détention
d'actions privilégiant souvent les actions françaises au
détriment des actions émises dans d'autres pays de l'Union
européenne. Le gouvernement souhaite disposer d'un peu de recul sur un
thème sur lequel la Commission de l'Union demande à la France de
supprimer ses règles discriminatoires.
Il en est ainsi, enfin, de l'
article 19
bis
, sur lequel
votre commission a tendu à réduire la compensation au
département de l'Essonne des pertes de son fonds départemental de
péréquation de la taxe professionnelle. Ni votre commission, ni
le Sénat, n'entendaient pénaliser l'Essonne, mais seulement
s'assurer que le gouvernement ne pénaliserait pas d'autres
collectivités par un prélèvement supplémentaire sur
le fonds national de péréquation. L'Assemblée nationale a
rétabli cet article, assorti d'un amendement rédactionnel.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté deux articles
nouveaux dont le Sénat n'a pas eu à connaître.
Après l'article 16
, elle a adopté un article
additionnel tendant à la suspension des poursuites des rapatriés
surendettés (
article 16
bis
A
nouveau
).
Et pour finir, après l'
article 26
, l'Assemblée
nationale a adopté, à l'initiative du gouvernement, un article
additionnel portant garantie de l'Etat aux opérations de la Banque de
France dans le cadre du plan de sauvetage financier du Brésil. Cette
garantie porte sur 1,25 milliard de dollars. Votre commission a
été informée très récemment de cette
opération par lettre du ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie. Toutefois, elle se doit de remarquer le caractère tardif
de cet amendement, voté après l'échec de la commission
mixte paritaire (
article 27
nouveau
).
*
* *
Réunie le 22 décembre 1998, votre commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative pour 1998, adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.
1 "Assurons l'avenir de l'assurance" - Alain Lambert, Sénat n° 45, 1998/1999, page 83