Projet de loi autorisant l'approbation d'un accord avec l'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation
GOULET (Daniel)
RAPPORT 28 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
- I. L'ACCORD DU 14 JANVIER 1997 A UN LARGE CHAMP D'APPLICATION
- II. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L'ACCORD
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE
ÉTUDE D'IMPACT33 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
N° 28
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 octobre 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation ,
Par M.
Daniel GOULET,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Serge Vinçon, Guy Penne, André Dulait,
Charles-Henri de Cossé-Brissac, André Boyer, Mme Danielle
Bidard-Reydet,
vice-présidents
; MM. Michel Caldaguès,
Daniel Goulet, Bertrand Delanoë, Pierre Biarnès,
secrétaires
; Bertrand Auban, Michel Barnier, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Daniel Bernardet, Didier Borotra, Jean-Guy
Branger, Mme Paulette Brisepierre, M. Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Hubert
Durand-Chastel, Mme Josette Durrieu, MM. Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Emmanuel Hamel,
Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène,
Philippe Madrelle, René Marquès, Paul Masson, Serge Mathieu,
Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon, Aymeri de Montesquiou, Paul d'Ornano,
Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Xavier Pintat, Bernard
Plasait, Jean-Marie Poirier, Jean Puech, Yves Rispat, Gérard Roujas,
André Rouvière.
Voir le numéro :
Sénat
:
559
(1997-1998).
Traités et conventions. - Azerbaïdjan. |
Mesdames, Messieurs,
Nous sommes invités à examiner un projet de loi tendant à
autoriser l'approbation d'un accord conclu le 14 janvier 1997 avec
l'Azerbaïdjan, sur la liberté de circulation des ressortissants
français et azerbaïdjanais respectivement sur les territoires de
l'Azerbaïdjan et de France.
Le traité soumis à notre appréciation ne comporte pas de
complexités juridiques. Il reprend par ailleurs assez exactement les
dispositions d'un accord similaire, passé dès 1994 avec le
gouvernement de l'Ouzbékistan.
S'agissant de la situation politique et économique de
l'Azerbaïdjan, votre rapporteur s'en remettra à l'analyse fort
complète développée récemment par notre
collègue, le sénateur André Dulait dans son rapport
relatif au traité d'entente d'amitié et de coopération
conclu par la France avec ce même pays
1(
*
)
.
Votre rapporteur se limitera donc aux aspects les plus significatifs du pays
avec lequel nous avons conclu ce nouvel accord.
Indépendant depuis 1991, l'Azerbaïdjan, après deux ans de
forte instabilité politique, connaît depuis l'accession à
la tête de l'Etat, en 1993, de M. Heïdar Aliev, une situation
relativement apaisée qui s'appuie sur une lente construction de l'Etat
de droit (abolition de la censure officielle et de la peine de mort).
Toutefois, les conditions dans lesquelles les élections
présidentielles du 11 octobre dernier se sont déroulées,si
l'on en croit les observateurs de l'OSCE, viennent jeter une ombre sur les
engagements du président réélu d'asseoir la
démocratie.
L'Azerbaïdjan présente dans cette région du Caucase la
singularité d'être le principal bénéficiaire des
investissements étrangers à l'Est de l'Europe compte tenu de ses
richesses pétrolières considérables.
Le pays est confronté à deux difficultés importantes : la
première concerne le conflit du Haut-Karabagh entre les autorités
de Bakou et les indépendantistes arméniens. Aujourd'hui,
l'enlisement du processus diplomatique initié par l'OSCE et le "groupe
de Minsk" se traduit pour l'Azerbaïdjan par l'occupation de 20 % de
son territoire par les séparatistes arméniens du Karabagh et la
présence sur son sol d'un million de réfugiés.
La seconde difficulté provient de l'isolement régional dont
souffre le pays : pour des raisons différentes et à des
degrés divers, les relations de l'Azerbaïdjan sont difficiles avec
la Russie, l'Iran et même la Turquie. L'ouverture du pays aux Etats-Unis
et à l'Europe relève donc d'une volonté de contrebalancer
ce relatif ostracisme diplomatique.
Depuis 1996, les contacts politiques entre nos deux pays se sont bien
développés : le Président Aliev compte notamment sur le
rôle de notre diplomatie dans le conflit qui oppose Bakou à
l'Arménie. Parallèlement à un dialogue politique accru,
notre implication économique se développe, notamment en
rattrapant quelque peu notre retard initial dans le secteur pétrolier.
Le traité dont votre rapporteur se propose de préciser les
brèves dispositions constitue une étape supplémentaire
dans l'élaboration de rapports bilatéraux plus
substantiels.
I. L'ACCORD DU 14 JANVIER 1997 A UN LARGE CHAMP D'APPLICATION
Le
préambule du traité démontre que son objectif prioritaire
est d'assurer, dans chaque Etat, la liberté de déplacement des
personnels diplomatiques de l'autre Etat. En témoigne notamment la
référence faite à la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques du 18 avril 1961. Cela dit ce champ d'application
initial est vite étendu à l'ensemble des nationaux de chaque Etat
résidant sur le territoire de l'autre. C'est le sens du renvoi
(préambule, avant dernier alinéa) aux engagements pris par les
deux pays dans le cadre de l'OSCE relatif à la liberté de
déplacement. On rappellera les termes de ces engagements souscrits en
1990 dans le "Document de Copenhague" :
"
Les Etats participants affirment qu'une plus grande liberté de
mouvement et de contacts entre les citoyens est importante dans le contexte de
la protection et de la promotion des droits de l'homme et des libertés
fondamentales. Ils veilleront à ce que leurs politiques concernant
l'entrée sur leur territoire soient parfaitement compatibles avec les
objectifs fixés dans les dispositions pertinentes de l'Acte final et de
Documents de clôture de la Réunion de Madrid et de la
Réunion de Vienne. Tout en affirmant leur détermination à
ne pas revenir sur les engagements qui figurent dans les documents de la CSCE,
ils s'engagent à appliquer intégralement et à
améliorer les procédures actuelles dans le domaine des contacts
entre les personnes, y compris sur une base bilatérale et
multilatérale. Dans ce contexte :
- Ils s'efforceront d'appliquer les procédures d'entrée sur le
territoire, y compris en ce qui concerne la délivrance des visas ainsi
que le contrôle des passeports et le contrôle douanier, de bonne
foi et sans retard injustifié. Si besoin est, ils raccourciront le
délai d'attente pour les décisions concernant les visas et ils
simplifieront les pratiques et réduiront les formalités
administratives des demandes de visa ;
- Ils veilleront, en examinant les demandes de visa, à ce que celles-ci
soient traitées avec diligence afin, enter autres, que les
considérations familiales, personnelles ou professionnelles importantes
puissent être dûment prises en considération, surtout dans
les cas urgents à caractère humanitaire ;
- Ils s'efforceront, si nécessaire, d'abaisser les droits
afférents à la délivrance des visas pour les ramener au
niveau le plus bas possible.
Les Etats participants intéressés se consulteront et, le cas
échéant, coopéreront à la recherche de solutions
aux problèmes qui pourraient se poser à la suite d'une
augmentation du mouvement des personnes".
Nos compatriotes qui, à la date de rédaction du présent
rapport, seront concernés par les dispositions du traité, ne sont
pas nombreux : 40 français résident en Azerbaïdjan, y
compris les 14 personnels de la mission diplomatique -dont 11
bénéficient du statut diplomatique. Les personnes
immatriculées au Consulat sont presque toutes détachées
-en majorité des hommes- pour la moitié directeurs ou cadres de
société, principalement dans le secteur pétrolier ou
para-pétrolier.
On notera réciproquement qu'en 1997, la France a délivré
un total de 1 649 visas à des ressortissants azéris dont
1 222 visas de court séjour.
II. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L'ACCORD
Aux
termes de l'article premier, la France et l'Azerbaïdjan garantissent aux
diplomates de l'autre Etat
"la liberté de déplacement et de
circulation sur son territoire".
Aucune information sur leurs
déplacements ou autorisation préalable n'est requise de la part
des diplomates
(article 1).
L'article 3
étend les garanties octroyées aux diplomates par
l'article ler aux autres citoyens français et azerbaïdjanais,
notamment "
aux représentants des organisations politiques, sociales
et syndicales, aux hommes d'affaires et aux journalistes résidant ou
séjournant sur le territoire de l'autre Partie."
L'article 2
encadre les garanties ainsi offertes en précisant que la
France et l'Azerbaïdjan pourront limiter l'accès à certaines
zones pour des raisons de défense nationale et de
sécurité. Par ailleurs,
l'article 4
maintient le droit
pour chaque partie de limiter, pour les ressortissants non diplomates de
l'autre partie, la liberté de déplacement -à titre
exceptionnel et pour un motif d'ordre public-.
CONCLUSION
Concrètement, le présent traité aura surtout une incidence sur nos compatriotes français qui seront désormais dispensés de la formalité du passeport intérieur, plus que sur les ressortissants azerbaïdjanais résidant sur notre territoire et qui s'y déplacent déjà librement. L'accord constitue donc un encouragement et un cadre plus efficace pour une présence accrue dans un pays qui constitue un enjeu essentiel pour l'avenir.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées a procédé à l'examen du
présent rapport au cours de sa séance du mercredi 21 octobre
1998.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Aymeri de Montesquiou s'est
étonné du faible nombre de résidents français
présents en Azerbaïdjan, compte tenu des potentialités
industrielles et pétrolières de ce pays.
M. André Dulait, avec le rapporteur, a alors précisé que
la France, à travers Elf et Total, était en train de rattraper
son retard initial dans ce secteur, notamment à l'égard de nos
concurrents britanniques et américains.
M. André Dulait a également dénoncé le frein que
constituent les délais nécessaires à l'obtention d'un
passeport Schengen pour les ressortissants de pays tels que l'Azerbaïdjan
lorsque des entreprises françaises, désireuses de contracter, les
invitent sur leurs sites de production.
M. Hubert Durand-Chastel a rappelé le difficile dossier du Haut-Karabagh
qui pèse sur la situation de l'Azerbaïdjan. La France, a-t-il
rappelé, s'efforce, dans le cadre du groupe de Minsk, de parvenir
à une solution équitable.
M. Daniel Goulet a alors souligné l'intérêt que
représente la conclusion du présent accord comme cadre à
une présence accrue de nos compatriotes en Azerbaïdjan.
M. Xavier de Villepin, président, a estimé que l'évolution
récente du marché pétrolier et la baisse du prix du baril
incitent de nombreux opérateurs -notamment américains- à
la prudence, en particulier pour l'établissement des oléoducs
dans la région. Il a suggéré à cet égard que
la commission ait l'occasion de rencontrer les présidents des
sociétés Elf et Total pour débattre de ce thème.
La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte
propoposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur la liberté de circulation, signé à Paris le 14 janvier 1997 et dont le texte est annexé à la présente loi 2( * ) .
ANNEXE
ÉTUDE D'IMPACT3(
*
)
I -
Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances
Le ressortissant azerbaïdjanais, comme tout ressortissant d'un Etat issu
de l'ancienne URSS, légalement entré en France est libre de ses
mouvements, tandis que la réglementation en vigueur dans ces Etats,
survivance du passé, contient des restrictions à la circulation
des étrangers, diplomates ou non. Même lorsque de telles mesures
ont été supprimées compte tenu de l'adhésion de ces
Etats à l'Organisation pour la Sécurité et la
Coopération en Europe (OSCE), la tendance des autorités locales
est de donner aux notions de défense et de sécurité
nationales une interprétation extensive qui limite en fait leur
liberté de mouvement. Il en va ainsi en Azerbaïdjan.
Cette situation constitue un frein à la mission dont es membres de notre
Ambassade sont investis, particulièrement importante dans un contexte de
relations diplomatiques récentes, une entrave à l'activité
des journalistes appelés à informer l'opinion publique
française une gêne au souci de prospection extensive de nos hommes
d'affaires, un obstacle à la découverte du pays par les touristes
et, somme toutes, au développement et à l'harmonie des rapports
entre le deux pays.
II - Bénéfices escomptés en termes de :
- emploi : sans être directs et immédiats, aussi bien
qu'évaluables, il est bien évident que des hommes d'affaires
à la recherche de nouveaux marchés et bénéficiant
d'une totale liberté e mouvement pourront contribuer à la
croissance des exportations et, par delà, à la stimulation de
l'emploi.
- intérêt général : la liberté de circulation
dont nos compatriotes jouiront en Azerbaïdjan ne pourra que contribuer
à une meilleure connaissance de notre pays, politiquement,
économiquement et socialement, en termes culturel et linguistique, ainsi
qu'à la diffusion des idéaux et des valeurs auxquels nous sommes
attachés et que nous défendons.
- financière : à la perspective d'un développement de nos
exportations dans le cadre d'une multiplication des échanges et d'une
présence française en Azerbaïdjan sont liées des
retombées financières positives, même si elles sont
difficilement quantifiables.
- simplification des formalités administratives : si l'accord n'a aucune
incidence sur la présence des ressortissants d'Azerbaïdjan en
France, le séjour des Français dans ce pays sera grandement
facilité.
- complexité de l'ordonnancement juridique : pour la France, l'accord
sera sans incidence sur l'Ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée,
relative aux conditions d'entrée et de séjour des
étrangers. En revanche ce texte, particulièrement sobre, devrait
offrir des garanties à nos concitoyens dans un pays avec lequel nous
n'avons, pour l'heure, conclu que très peu d'accords.
1
Rapport Sénat n° 420, 97-98,
annexé au procès-verbal de la séance du 6 mai 1998.
2
Voir le texte annexé au document Sénat n° 559.
3
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires.