III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
A. L'ÉLECTION DES CONSEILLERS RÉGIONAUX
Il
apparaît certes opportun de réviser le mode de scrutin pour les
élections régionales.
Encore faut-il bien mesurer les conséquences des solutions
proposées.
Tout d'abord,
votre commission des Lois n'aperçoit pas les raisons
d'une réduction de la durée du mandat du conseiller
régional,
qui se placerait dans la perspective de la fixation d'une
durée uniforme de cinq ans pour tous les mandats électifs, ce qui
demande, à son avis, et le cas échéant un débat
d'ensemble.
Il n'est pas démontré qu'un mandat électif de cinq ans
convienne mieux à la démocratie locale qu'un mandat de six ans.
En revanche, l'allongement de la durée des contrats de plan et les
délais d'obtention des subventions et autorisations administratives ne
permettent la mise en oeuvre effective des objectifs des nouveaux conseils
régionaux que la troisième année d'exercice.
Votre commission des Lois confirme son attachement à l'organisation
des élections régionales dans des circonscriptions
départementales.
Elle observe que l'élection dans un cadre régional ne serait pas
de nature à rapprocher l'élu de l'électeur.
Chaque liste comporterait,
dans la région la plus peuplée
(Ile-de-France) pas moins de
209 candidats, alors que,
dans le
cadre départemental,
le département ayant le plus de
sièges à pourvoir
(Nord)
en comporte 72.
Le scrutin serait nécessairement
anonyme
. Il en
résulterait une
politisation accrue de l'élection, dont les
enjeux locaux seraient occultés
.
Le fort taux d'
abstention
aux élections régionales
(42 % en 1998) risquerait de progresser d'une manière
préoccupante.
L'élection dans le cadre régional soulève aussi la
question de la
représentation des conseils régionaux dans les
collèges électoraux sénatoriaux
constitués dans
chaque département. La solution proposée par le projet, semblable
à celle appliquée pour l'Assemblée de Corse (celle-ci
désigne ses représentants dans les collèges des deux
départements corses) serait sensiblement plus lourde dans une
région composée, par exemple, de 8 départements.
Les délégués du conseil régional dans chaque
département ne seraient pas obligatoirement élus dans le
département dans lequel ils participeraient à l'élection
des sénateurs.
Votre rapporteur exposera, lors du commentaire de l'article 3 du projet de
loi, que des formules s'efforçant de garantir une représentation
minimale des départements dans le cadre d'un scrutin organisé au
niveau régional, seraient nécessairement complexes et peu
lisibles pour l'électeur.
L'élection dans le cadre de la région risquerait en outre de
conduire à une
sous représentation des départements les
moins peuplés
.
A l'inverse, la circonscription départementale garantit de la
manière la plus simple la représentation de chaque
département.
Un des mécanismes de la
représentation du territoire
consiste dans
l'élection des membres des assemblées
délibérantes dans une circonscription située en amont de
la collectivité concernée
, qu'il s'agisse de la région
(élection dans chaque département) ou du département
(canton).
Il n'est fait exception à ce principe que pour les élections
municipales (sauf à Paris, Lyon et Marseille) car, dans une commune, le
lien entre l'élu et l'électeur demeure assez étroit.
S'agissant du
mode de scrutin
, aucune des personnalités entendues
par le groupe de travail sur le mode de scrutin régional n'avait
proposé d'abandonner le
scrutin de liste
au profit d'un scrutin
purement majoritaire.
L'instauration d'un
correctif majoritaire
au mode de scrutin
proportionnel apparaît cependant indispensable pour assurer une
majorité plus stable aux régions.
Le groupe de travail avait envisagé l'attribution, à la liste
arrivée en tête, d'une "
prime majoritaire
modérée
".
Le projet de loi fixerait celle-ci à 25 % des sièges, alors
que pour les élections municipales la " prime majoritaire "
est de 50 % des sièges.
Selon une étude du ministère de l'intérieur portant sur
les élections municipales, la prime ainsi fixée garantirait
"
une certitude mathématique quasi absolue
" de
permettre à la liste arrivée en tête de disposer d'une
majorité stable, dès lors qu'elle aurait recueilli au moins le
tiers des suffrages exprimés.
Si le scrutin était organisé dans des circonscriptions
départementales, comme le propose votre commission des Lois, on
objectera que les " primes majoritaires " attribuées dans les
départements pourraient s'annuler.
Toutefois, les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille,
organisées dans le cadre de l'arrondissement ou du secteur, n'ont pas
empêché les conseils de ces villes de disposer d'une
majorité stable.
Néanmoins, pour réduire au maximum le risque de compensation
entre départements, votre commission des Lois
vous proposera de fixer
la prime majoritaire au tiers des sièges
, le risque apparaissant
alors limité, compte tenu de la répartition inégale des
sièges entre les départements d'une même région.
Considérant qu'il serait choquant d'adopter un mécanisme
garantissant la majorité des sièges à une liste
minoritaire au premier tour, votre commission des Lois a approuvé
l'organisation du scrutin sur
deux tours
.
Enfin, votre commission des Lois ne peut que constater
l'inconstitutionnalité manifeste de la proposition d'assurer une
parité entre les femmes et les hommes dans les listes de candidats aux
élections régionales.
Le texte proposé préjuge de l'adoption par le Parlement du projet
de loi constitutionnelle relatif à l'égalité entre les
femmes et les hommes.
Il ne serait pas de bonne méthode de voter en premier lieu une
disposition législative dont le Conseil constitutionnel ne pourrait que
constater l'inconstitutionnalité.
Cette question devra être examinée sur un plan
général à l'occasion de la révision
constitutionnelle, en instance de première lecture à
l'Assemblée nationale.